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PARTIE 2 LE CONTEXTE HISTORIQUE, ECONOMIQUE, CULTUREL ET SOCIAL DES CENTRES D'ESSAIS DE LA DGA CULTUREL ET SOCIAL DES CENTRES D'ESSAIS DE LA DGA

1. Pourquoi se doter d’armements ?

Tenter de répondre à la question "pourquoi se doter d‟armements ?" implique souvent, pour les chercheurs, de se poser la question de l'existence d'un "complexe militaro-industriel". Avant de commencer à travailler sur ce sujet, le premier élément nous venant à l‟esprit était d‟ailleurs l‟expression "complexe militaro-industriel", concept se proposant de résumer en quelque sorte les raisons qui amènent à se doter

d‟armements. Lors de nos recherches bibliographiques, ce thème est revenu à plusieurs reprises, le concept de

complexe militaro-industriel ayant été très fréquemment utilisé ces dernières décennies, d‟abord aux

Etats-Unis puis en Europe et dans le reste du monde pour décrire, expliquer, et/ou pour dénoncer un phénomène

de liens très forts entre les militaires et les industriels de l’armement dans le contexte des guerres modernes. Nous allons donner ci-dessous les principaux éléments pour comprendre de quoi il s‟agit, avant de décrire quelques unes des principales limites, mises en exergue par les chercheurs, de la portée heuristique de ce concept.

1

Collet, ibid., p.4.

2

Voir par exemple Jean Klein, Thierry De Montbrial (dir.), Dictionnaire de stratégie, P.U.F., Paris, 2000, 604 p.

3

Comprendre la défense, Economica, Paris, 1999, 258 p. Voir le Thème IV-04 intitulé "Les armements" dans le quatrième chapitre de cet ouvrage.

1.1. Les théories du complexe militaro-industriel

Dans son discours d'adieu prononcé en 1961, le Président des Etats-Unis Dwight D. Eisenhower "inventa" le concept de complexe militaro-industriel (military industrial complex)1. Revenons quelques instants sur les raisons qui amenèrent le Président Eisenhower à parler en ces termes. Dans un premier temps, Eisenhower exprima la volonté de promouvoir l‟application des avancées scientifiques et technologiques aux productions militaires mais il envisagea par la suite ces liens comme étant porteurs de menaces, craignant que des décisions majeures dans les domaines de la vie sociale et économique de son pays ne soient prises en dehors du milieu politique. Notons que les théories du complexe militaro-industriel forment aujourd‟hui un ensemble de réflexions, de théories et de débats parfois idéologiquement marqués. En effet, le contexte de l‟apparition de cette notion est particulier, et correspond notamment à l‟importance des débats politiques sur l‟avenir de la démocratie aux Etats-Unis. Les analyses dans ce domaine ont ainsi été particulièrement nombreuses à la fin des années 1960 et au début des années 1970, en particulier au moment des manifestations contre la guerre du Vietnam. Il est possible de repérer trois variantes principales des théories du complexe militaro-industriel, que nous allons décrire brièvement2.

1.1.1. Les trois principales variantes des théories du complexe militaro-industriel

Dans un premier corps de réflexions, le complexe militaro-industriel est considéré comme étant le

fait d’une élite dirigeante, d’une classe sociale supérieure. Il s‟agit alors de montrer que le recrutement se fait dans un même milieu social et que les intérêts économiques sont identiques. Cette élite se composerait des "seigneurs de la guerre", des "dirigeants d‟entreprises" et de responsables politiques3

. Par exemple, dès la

première phrase du chapitre consacré aux armements dans l‟ouvrage La défense nationale, Jean-Luc Mathieu

décrivait le complexe militaro-industriel français comme un système de relations très fermé formant une "communauté de corps d‟origine, de formation de pensée et d‟intérêts des ingénieurs qui occupent aussi bien les postes dirigeants de la DGA que des principales industries d‟armement, passant parfois, au cours de leur carrière, des services de l‟Etat (conception, contrôle du secteur) à celui des entreprises de fabrication ou à des sociétés écrans destinées à effectuer des opérations d‟exportation de façon à ce que nul ne puisse en percevoir les conditions"4. Il est ainsi souligné que certaines catégories sociales joueraient un rôle déterminant dans l‟organisation de ce complexe militaro-industriel. "Le creuset, expliquait le géographe Laurent Carroue, en est le système de formation avec un rôle spécifique joué par les Grandes Ecoles, et plus particulièrement en France (X, Sup Aéro, Centrale Paris, Arts et Métiers, ENSTA, ENSMA…) et au Royaume-Uni. Les ingénieurs de l‟Armement et les polytechniciens français en sont dans la CEE l‟exemple le plus achevé."5. Prenons l‟exemple de l‟Ecole Polytechnique, établissement d‟enseignement supérieur qui dépend soit dit en passant de la DGA. Située à Palaiseau dans le Sud Ouest parisien, elle est une des Grandes Ecoles françaises les plus prestigieuses de par son histoire, sa notoriété, son influence et son équipement scientifique. Les "X" se retrouvent ensuite

1

Si ce discours apparaît souvent comme un point de départ des théories du complexe militaro-industriel, des réflexions sur des réalités proches de celles décrites par Eisenhower sont cependant plus anciennes, comme la notion d‟ "Etat-caserne" d‟Harold Lasswell à la fin des années 1930, ou les travaux sur les élites au pouvoir (dont les élites militaires) du sociologue C. Wright Mills dans les années 1950.

2

A propos des théories du complexe militaro-industriel, voir en particulier les articles et ouvrages suivants :

Jean-Louis Thiébault, Complexe militaro-industriel : notion critique ou théorique ? Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. LXXV, 1993, p.215-237 ; Sam Sarkesian (dir.), The Military-Industrial Complex. A Reassessment, Sage, Beverly Hills, 1972 ; Steven Rosen (dir.), Testing the Theory of the Military-Industrial Complex, Lexington, Ma., Heath, 1973.

3

C. Wright Mills, L’élite au pouvoir [1956], Maspero, Paris, 1969, 380 p.

4

Jean-Luc Mathieu, La défense nationale, P.U.F., Paris, 1996, 127 p., p.109.

5

dans toutes les sphères de décisions les plus essentielles, en particulier au Ministère de la Défense. Notamment,

l‟Ecole Polytechnique forme – pour partie – le corps des ingénieurs de l‟Armement de la DGA1

. Par ailleurs, certains auteurs considèrent que les militaires ont un rôle prépondérant pour imposer leurs vues au

gouvernement civil2. Le passage des officiers vers les industries d‟armement est alors vu comme un indice de

la force très importante du complexe militaro-industriel, et le pantouflage, faisant passer d‟un poste militaire élevé à un poste dans les firmes privées, y aurait un rôle prépondérant.

En suivant les théories du complexe militaro-industriel, d‟autres travaux en sciences humaines et sociales se concentrent sur les aspects bureaucratiques et étatiques et mettent l‟accent sur les efforts menés par l’organisation bureaucratique et hiérarchique pour croître et augmenter son influence. Sont alors mis à l‟index les discours qui, sous les atours du bon sens, encouragent les efforts dans l‟armement au nom du principe que "l‟assurance ne paraît chère qu‟avant l‟accident". Dans ce type d'études est aussi dénoncé le fait qu‟il n‟y a "pas de contre-pouvoir ayant suffisamment de moyens pour percevoir ce qui, dans les positions du complexe militaro-industriel, relève d‟une vision de l‟intérêt général et ce qui traduit des intérêts corporatistes"3. En particulier, il est parfois énoncé que les personnels des industries d‟armement et leurs syndicats feraient pression pour le maintien des effectifs dans ces industries.

Une autre façon de mener des investigations dans la perspective du complexe militaro-industriel est de

considérer que les valeurs prônées par ses membres sont acceptées par la société dans son ensemble.

Notamment, il est affirmé que la production d‟armement ne pourrait s‟accommoder des transformations dues au désarmement puisqu‟elles entraînent, notamment, chômage et désertification de territoires. Il est dit aussi que l‟industrie de défense, qui emploie autour de 175 000 personnes en France, et contribuant pour 2% au PIB marchand, est une activité qu‟il serait impossible de stopper4

.

Laurent Carroue, qui consacrait la deuxième partie son ouvrage aux complexes militaro-industriels européens, reprenait l‟expression de complexe militaro-industriel parce qu'elle permettait affirmait-il d‟identifier certains modes de fonctionnement des espaces de pouvoir en Europe. "Le rôle du pouvoir politique, écrivait-il, est central : définition des besoins militaires, des budgets et de la politique industrielle (information des firmes, fixation des prix, exportations), financement de la recherche, sélection des approvisionnements et des contractants lors de l‟attribution des marchés"5. Il décrivait le rôle, central, de l‟Etat dans le domaine des commandes publiques et des exportations. La préférence nationale dont jouissent les firmes constitue expliquait-il un avantage considérable par rapport à d‟autres industries, même si celle-ci tend à baisser. Cette préférence nationale s'incarne dans le fait que la puissance publique participe à la promotion des exportations nationales, soit directement, lors de démarchage pendant les voyages officiels, soit indirectement en apportant un soutien technique ou en accordant des facilités financières6.

1

Les Ingénieurs de l'Armement sont recrutés en majorité parmi les élèves de l'Ecole polytechnique sur classement de sortie et sur concours sur épreuves ou sur concours sur titre parmi les élèves de dernière année ou les diplômés des écoles telles que l‟Ecole Nationale Supérieure de Techniques Avancées (ENSTA) ou l‟Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Les carrières des ingénieurs de l'armement se déroulent généralement en deux temps : une première partie de carrière au cours de laquelle ils occupent des postes de haute responsabilité technique dans le cadre notamment de la conduite des programmes d'armement et une deuxième partie de carrière au cours de laquelle ils sont orientés vers des postes de management et de direction au sein de la DGA, d'autres administrations publiques ou d'organismes internationaux. La hiérarchie du corps des ingénieurs de l'armement est la suivante : Ingénieur (1er au 8ème échelon), Ingénieur Principal, Ingénieur en Chef, Ingénieur Général (de deuxième classe, puis de première classe puis hors classe puis de classe exceptionnelle).

2 Adam Yarmolinsky, The Military Establishment, Harper & Row, New York, 1970.

3

Jean-Luc Mathieu, La défense nationale, P.U.F., Paris, 1996, 127 p., p.109.

4

Le nombre de personnes travaillant au sein de l‟industrie de défense est cependant en baisse depuis ces dernières années. En 1996, elle employait 184 500 personnes : 20 135 à la DGA, 41 000 dans l‟aérospatial, 41 974 dans l‟électronique, 31 000 dans la mécanique, 25 500 dans les chantiers navals, 6991 dans le nucléaire, 17 900 dans la chimie et d‟autres domaines (Quid 2000).

5

Laurent Carroue, Les industries européennes d’armements, Masson, Paris, 1993, 237 p., p.77.

6

1.1.2. Les limites des théories du complexe militaro-industriel

Après ce bref récapitulatif des principaux résultats des études effectuées dans une perspective de mise en exergue du complexe militaro-industriel, il faut signaler que ce concept soulève toutefois des critiques et des controverses. D'abord, l‟idée de complexe militaro-industriel a souvent été utilisée sans en préciser les contours

exacts, de sorte que, comme l‟écrivait le sociologue Anthony Giddens, elle reste vague1

. Si un tel système est supposé dominer l‟économie moderne il faut, poursuivait-il, que deux conditions soient réunies : de larges pans de l‟activité économique doivent dépendre des productions militaires pour leur prospérité et que ceux qui occupent les fonctions gouvernementales soient enclins à répondre à toutes les exigences des dirigeants militaires et des entreprises d‟armements2. Or, si, dans certains pays occidentaux, les entreprises qui ont des contrats d‟armement sont de très grosses entreprises et que les liens entre leurs dirigeants et ceux des Etats-majors des Armées sont forts et nombreux, il n'en reste pas moins que ces contrats ne sont pas toujours absolument vitaux pour la prospérité économique de ces firmes. De plus, comme l‟écrivait Giddens en ce qui concerne le cas des Etats-Unis – cette situation, précisait-il, pouvant s‟appliquer à la plupart des pays industrialisés – , les commandes d‟armement semblent plutôt répondre aux besoins et aux pressions exprimées par le milieu politique, et non l‟inverse3

. Ainsi, en concluait-il, il n‟y a pas de complexe militaro-industriel qui manipulerait les manières de mener la politique. Cependant, poursuivait-il, la production de produits et de services dans le domaine militaire peut constituer une part majeure de l‟économie, même dans les périodes où il n‟y a pas de guerre, et les dirigeants des firmes et des Armées exercent des influences, directes et indirectes, sur les décisions politiques. A l‟instar de Giddens, le politologue Pascal Vennesson se montra lui-aussi très critique vis-à-vis des théories du complexe militaro-industriel car selon lui "les débats poussiéreux sur le "complexe militaro-industriel" n‟ont débouché sur aucune étude de cas rigoureuse de la conception à la mise en service de programmes d‟armements"4

. Le fait de considérer l‟existence d‟une élite d‟individus du monde de la politique, de l‟économie et de militaires (avec souvent une importance exagérée de la place des militaires) se heurte selon lui à la réalité, qui laisse apparaître entre eux leurs différences, leurs divergences d‟intérêts et parfois des

compétitions lors notamment du vote des lois de programmation militaire5. De plus, il apparaît que, comme

l‟expliquent d'autres chercheurs, les acteurs idéologiques et la perception des menaces jouent, en tout cas aux Etats-Unis, un plus grand rôle que les intérêts économiques de l‟industrie d‟armement. Enfin, il faut prendre en compte la répartition des ressources budgétaires : les crédits ne sont pas alloués de façon illimitée à la production d‟armement, et parfois des oppositions se font durement sentir face aux dépenses en matière d‟armement. Par exemple, la Cour des Comptes épingle régulièrement les augmentations des dépenses dans le

domaine de l‟armement6

.

1.2. Le dilemme de la sécurité

Il existe d‟autres théories que celles qui tournent autour du complexe militaro-industriel pour expliquer le fait, pour des Etats, de chercher à se doter d‟armements. Quand un Etat se procure des armes pour assurer sa

1

Anthony Giddens, The military, politics and society, Sociology, Polity Press in association with Blackwell Publishers, 1993, 819 p., p.370-378.

2 Giddens, ibid.

3

Giddens, ibid.

4

Pascal Vennesson (dir.), Politiques de défense : institutions, innovations, européanisation, L‟Harmattan, Paris, 2000, 346 p., p.338.

5

La loi de programmation militaire (LPM) est un engagement financier pluriannuel qui détermine les effectifs et les crédits d‟équipement et de recherche affectés au Ministère de la Défense.

6 Les industries d’armement de l’Etat. Rapport public particulier, n°4423. Cour des comptes. Direction des journaux officiels, les éditions des journaux officiels, Paris, octobre 2001, 127 p.

sécurité, il diminue celle des autres Etats : c'est ce qui est appelé le "dilemme de la sécurité" (security dilemma)

dont la course aux armements est une des manifestations les plus évidentes1. La politique de désarmement

sélectif peut être présentée comme l‟une des contributions susceptibles d‟éliminer ce dilemme. Les chercheurs qui ont travaillé sur ce thème exposent deux raisons. Dans le cas où il existe une différenciation des armes qui sont à usage défensif (armes défensives) de celles qui sont utilisés pour l‟attaque (armes offensives), il peut être considéré par les autres Etats que les armes que se procure un Etat ne servent qu‟à sa protection. De plus, en bannissant certaines armes offensives, les Etats signalent leurs intentions de se montrer moins offensifs. Il faut

toutefois noter que, comme l‟écrivaient Caplow et Vennesson dans leur ouvrage Sociologie militaire. Armée,

guerre et paix : "Quasiment tous les systèmes d‟armes peuvent servir à la fois à l‟offensive et à la défensive"2. De plus, si l‟adversaire se considère moins sûr de ses capacités à se défendre, il peut décider de se procurer de nouvelles armes.

1.3. Le rôle des groupes d’intérêts et des bureaucraties

Se doter d‟armements peut aussi se comprendre en faisant appel aux théories mettant en lumière le rôle des groupes d‟intérêts et des bureaucraties. Les travaux qui se concentrent sur ces thèmes sont en général influencés par les travaux portant sur la politique bureaucratique (dans la suite des idées de Graham Allison), ceux qui suivent la théorie de la construction sociale et ceux qui sont réalisés dans le cadre de la Sociologie des organisations. Dans cet autre ensemble de travaux, les armements sont vus comme l‟ "expression de facteurs culturels et normatifs"3. Dans la perspective de la Sociologie des organisations, il s‟agit de faire ressortir les rivalités et les conflits entre services administratifs, l‟existence de logiques professionnelles différentes (par exemple, les scientifiques ont d‟abord des considérations scientifiques), les contraintes (le coût trop élevé de l‟abandon d‟une filière4), les effets qui ne sont pas attendus et les résultats qui ne sont pas voulus. Aussi, il s‟agit de montrer que ce n‟est jamais un groupe unique qui prend la décision de produire, par exemple, un système d‟armes. Au contraire il faut la mobilisation d‟un ensemble de personnes et d'organisations engagées dans un tissu de relations sociales complexe. Il existe aussi des applications du "nouvel institutionnalisme" en Sociologie, qui consiste à considérer que les institutions modernes se ressemblent de plus en plus parce qu‟elles s‟imitent les unes les autres. Les armements apparaîtraient ainsi comme des symboles de modernité : ce qu‟il faut posséder. Dans le même temps, les normes (internationales) font changer les comportements, faisant évoluer les comportements qui sont considérés comme appropriés, et ceux qui ne le sont pas.

Même si, en général dans ces travaux, l‟opinion publique n‟est pas considérée comme ayant un rôle dans les transformations de la production d‟armements, elle a selon certains chercheurs une certaine influence. Il s‟agit alors de considérer l‟importance des interactions entre les acteurs, en se servant en particulier d‟une problématique en terme de réseau5.

1

Voir Robert Jervis, Cooperation Under the Security Dilemma, World Politics, 30 (2), janvier 1978, p.167-214 ; Barry R. Posen, The Security Dilemma and Ethnic Conflict, Survival, 35 (1), printemps 1993, p.27-47 ; Charles L. Glaser, The Security Dilemma Revisited, World Politics, 50, octobre 1997, p.171-201 ;

Pascal Vennesson, Le dilemme de la sécurité : anciens et nouveaux usages, Espaces-Temps (71-72-73), 1999, p.47-58.

2

Caplow et Vennesson, Theodore Caplow et Pascal Vennesson, Sociologie militaire. Armée, guerre et paix, HER/ Armand Colin, Paris, 2000, 280 p., p.66.

3

Caplow et Vennesson, ibid., p.70.

4

James R. Kurth, Why We Buy the Weapons We Do, Foreigh Policy, 11, 1973, p.33-56.

5

John Law et Michel Callon, Engineering and Sociology in a Military Aircraft Project : A Network Analysis of Technological Change, Social Problems, 35 (3), June 1988, p. 284-297.

1.4. Les politiques de l’armement

Pour tenter de répondre à la question "pourquoi se doter d‟armements ?", les travaux menés dans le cadre de la perspective des politiques de l‟armement ont été nombreux en Sciences Politiques aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne. Depuis les années 1960 aux Etats-Unis, l‟étude des programmes d‟armement, et en particulier les processus de décision constituent même un objet classique dans cette discipline où les études sont diverses, concernant par exemple la production d‟avions militaires ou de missiles. Pendant les années 1960 et 1970 aux Etats-Unis, un grand engouement pour les études de programmes d‟armement fit naître un nombre élevé de monographies. Par la suite, ce mouvement s‟estompa puis reprit au cours des années 1980 avec un renouvellement des questionnements, relatifs notamment aux systèmes d‟armes et, depuis les années 1990, les chercheurs américains formulent de nouvelles problématiques pour comprendre les logiques politiques. Ainsi, aux Etats-Unis, tous les programmes d‟armement d‟importance ont fait l‟objet d‟études approfondies et de recherches pour comprendre comment ils sont conçus et mis en service, ce qui n‟est pas du tout le cas en France. Parmi les thèmes qui ont été traités, celui de l‟origine des systèmes d‟armes a été au cœur de multiples recherches (impacts des transformations technologiques, course aux armements, etc.).

En ce qui concerne les recherches sur les politiques de l‟armement en France, le nom de Pascal Vennesson revient souvent. Professeur de Science Politique à l‟Université François Rabelais de Tours et ancien Directeur du Centre d‟Etudes en Sciences Sociales de la Défense, il est l‟auteur de nombreuses publications sur les politiques de défense. Il fit la remarque que, en France, peu de chercheurs en Science Politique réfléchissent aux politiques de défense, malgré l‟importance des réalités politiques concernées par les armées et la défense. Ceci peut s‟expliquer, écrivait-il, par le fait que la délimitation du champ de la politique de défense peut poser des problèmes compte tenu des liens de cette perspective avec l‟économie politique et le fait que la sécurité ne