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PARTIE 2 LE CONTEXTE HISTORIQUE, ECONOMIQUE, CULTUREL ET SOCIAL DES CENTRES D'ESSAIS DE LA DGA CULTUREL ET SOCIAL DES CENTRES D'ESSAIS DE LA DGA

2. Comment les armements sont-ils produits ?

Comment les armements sont-ils produits ? C'est la deuxième question qui selon nous sous-tend les recherches qui sont effectuées en sciences humaines et sociales en ce qui concerne l'armement. Il ressort de ces travaux que les structures de production des armements sont différentes selon les traditions nationales : il peut être question d‟entreprises privées, d‟arsenaux d‟Etat, de firmes industrielles nationales, de holdings publics et de participations minoritaires de l‟Etat qui permettent un droit de regard et d‟intervention sur ce dernier.

En ce qui concerne l’industrie française d’armement, elle est composée de trois types de structures

de production : des entreprises publiques, des entreprises privées et des établissements placés sous la responsabilité directe de l’administration publique, parfois depuis un passé lointain (ils portaient souvent à l'origine l‟appellation générique d‟arsenaux ou de manufactures), et gérées par des agents de l‟Etat1

. Depuis les années 1990, le tissu industriel de la défense se compose de quelques grands groupes industriels liés par contrats au Ministère de la Défense et de 5000 à 6000 entreprises de différentes tailles qui font de la sous-traitance pour

ces grands groupes.L‟industrie française d‟armement est aujourd'hui composée d‟entreprises, soit publiques

(comme la SNECMA jusqu‟en 2000) soit privées (comme Thales, Dassault Aviation et EADS), qui n‟ont jamais eu le statut d‟arsenal en régie directe de l‟Etat. L'armement assure aujourd'hui 166 000 emplois directs dans ces entreprises, pour un chiffre d'affaires global représentant une valeur de quelques douze milliards d'euros2.

Dans la plupart des pays occidentaux, la fabrication des armements en grande série pour les armées,

appelée en France "la conduite des programmes d’armement", est un échange entre trois catégories

d’acteurs : une agence gouvernementale des armements, les Etats-majors concernés et les industries3

. C‟est ce que nous allons voir plus en détails ci-dessous.

2.1. Les trois acteurs de la conduite des grands programmes d’armement

Une agence gouvernementale des armements dépend d‟un ministère de la Défense, sa direction centrale en est géographiquement proche ou y est intégrée. Dans le cas de la France, l‟agence gouvernementale des armements, la DGA (Délégation Générale pour l'Armement), est l‟une des directions du Ministère de la

1

Pour comprendre pourquoi l‟Etat fut amené à jouer le rôle d‟industriel de l‟armement, on peut se référer à un rapport public particulier de la Cour des Comptes, qui s‟intitule Les industries d’armement de l’Etat, où des éléments de réponses sont apportés : Les industries d’armement de l’Etat. Rapport public particulier, n°4423, Cour des Comptes. Direction des journaux officiels, Les éditions des journaux officiels, Paris, octobre 2001, 127 p.

2

Ces chiffres sont issus de : Paul-Henri Garcia (dir.), 99 questions sur la défense, Ouvrage collectif conçu et rédigé dans le cadre du Trinôme académique de Montpellier associant des personnels du Ministère de l'Education Nationale, du Ministère de la Défense et des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale, CRDP Académie de Montpellier, Montpellier, 2007, 232 p. Les données fournies datent de l'année 2000.

3

La "conduite des programmes d‟armement" recouvre la définition des besoins, la conception, le développement et la production en série.

Défense dont les locaux sont situés au centre de Paris, tout comme ceux des autres directions centrales de ce

ministère, dans le quinzième arrondissement1. Les missions des agences gouvernementales des armements

consistent à assurer les besoins en équipements des armées à court, moyen et long terme, à faire des achats, à passer des commandes, à contrôler la qualité des productions militaires réalisées par les firmes industrielles, à contrôler le potentiel productif et à intervenir sur les accords internationaux et les exportations2. Elles ont un rôle économique, industriel et technologique et sont au cœur de la connexion entre pouvoirs publics et secteur privé en ce qui concerne l‟armement.

Dans les écrits relatifs à l‟armement en France, la dotation en matériels est souvent présentée comme étant organisée autour des trois acteurs précédemment cités : l'Etat-Major concerné (Armée de Terre, Armée de l‟Air et Marine) représenté par l‟officier de programme, la DGA avec son directeur de programme et les industriels. De manière quelque peu schématique, on peut dire que les Etats-majors concernés et la DGA définissent les besoins capacitaires dont découle la définition des besoins en matériels militaires, la DGA contractualise leur production et effectue les essais techniques sur ces matériels, les industriels (sociétés privées et sociétés nationalisées) les fabriquent. L‟articulation des rôles de chacun et leur responsabilité est définie par des règles et des instructions qui découlent notamment du Code du Marché Public. Les industriels qui sont retenus pour réaliser les équipements d‟armements sont titulaires d‟un Marché Public passé par un service de la DGA "au nom et pour le compte de l‟Etat" selon la terminologie couramment employée dans les documents qui s‟y rapportent. En ce concerne la France, les types de relations entre ces trois acteurs sont tantôt décrites comme étant de l‟ordre du partenariat, tantôt décrites comme étant compliquées, voire conflictuelles. Dans un

article publié dans La tribune du Collège interarmées de défense, l‟Ingénieur Principal de l'Armement (IPA)

Frédéric Benatre décrivait le type de relations entre ces trois protagonistes permettant selon lui la réussite d‟un programme d‟armement, c‟est-à-dire dans son esprit le fait d‟acquérir les armements nécessaires au meilleur prix3. Il écrivait que l‟Etat-Major et la DGA doivent former un "couple" où chacun reconnaît les responsabilités de son partenaire. C‟est aussi cette volonté d‟harmonie de couple qui est décrite dans les documents internes des centres d‟expertise et d‟essais de la DGA où il est possible de lire des expressions telles que : "Activités conjointes ou avec interfaces DGA - Forces armées - industriels". Ensemble, est-il écrit, ils doivent travailler à la définition technique des systèmes d‟arme, pour ensuite établir des relations contractuelles avec les industriels4.

2.2. La recherche militaire

Parlons de la recherche dite militaire, qui a elle aussi un rôle dans la production des armements. Dans son

ouvrage Les industries européennes d’armements, Laurent Carroue donnait des chiffres sur la place accordée à

la recherche militaire selon les pays5. "Les grands contrats civils et militaires étatiques représentent en France 30% de la dépense de recherche nationale dont 2/3 vont au militaire." écrivait-il en 19936. La militarisation de

1

Une partie de ces locaux ont été transférés à Bagneux, en attendant la construction prochaine du "pentagone français" qui devrait s‟installer dans le quinzième arrondissement de Paris.

2

Au Royaume-Uni, il s‟agit du Defence Procurement Department, en Allemagne, du Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung (BWB) et en Espagne du DGAM.

3

Frédéric Benatre, Etat-Major – DGA – industriels : partenariat ou trio infernal ? La tribune du CID, Collège interarmées de défense, n°9, janvier 1997, p. 53-57.

4

On peut noter qu'il existe des différences importantes dans les modalités de cet échange à trois selon les pays. Les cas de la France et de l‟Allemagne sont à ce titre très différents. L‟industrie militaire allemande est totalement privée, et il n‟y a pas de notion de tutelle comme en France. Le BWB en Allemagne ne possède pas d‟arsenaux et de capacité de recherche et de développement en propre. Il possède seulement quelques centres d‟essais et de contrôle dans les autres pays d‟Europe et utilise les instituts de recherche, les écoles technologiques et les laboratoires de l‟industrie privée.

5

Laurent Carroue, Les industries européennes d’armements, Masson, Paris, 1993, 237 p. Voir le sixième chapitre.

6

la recherche, affirmait-il, est le plus poussé aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France. Les secteurs qui captent le plus de financements sont en France l‟électronique, le nucléaire, et l‟aéronautique. Voici le résumé qu'il donnait sur la recherche militaire française :

"En France, la recherche militaire publique regroupe 20 000 salariés. La DRET/DGA gère 10 000 personnes, dont 2500 personnes, dans une vingtaine de laboratoires, d‟établissements sous tutelle et de centres d‟essais. Ce dispositif est complété par le CEA nucléaire (6 centres/ 6000 salariés.). En 1991 les établissements du Ministère captaient 32% des crédits de recherche de défense contre 8,7 aux universités et 59% à l‟industrie (Air et cosmos, n°1333, juin 1991)."1.

Parler de recherche militaire nous amène à présenter ce qui est appelé la "recherche amont" dans divers écrits produits au sein de la DGA. En amont, les essais sur les matériels sont réalisés dans des centres d‟essais sur des terrains militaires et dans des laboratoires qui sont fortement concentrés en Île-de-France (Hauts-de-Seine, Yvelines, Essone) et dans quelques sites situés dans le Sud, notamment en Aquitaine et dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur2. Les laboratoires des grandes firmes contractantes ont des unités spécialisées dans la recherche fondamentale ou appliquée, la conception, le développement, l‟industrialisation des technologies et des produits. Il existe aussi des sociétés de recherche sous contrats. Notons aussi que les recherches sont également menées dans des laboratoires universitaires, notamment grâce aux thèses de

Doctorat financées chaque année par la DGA3.

2.3. Les transformations des modes de production d’armement

Dans les recherches récentes portant sur l‟armement et ses modes de production sont régulièrement mises en exergue les transformations dont ils ont été l'objet ces dernières décennies, et surtout ces dernières années4. Souvent mises en avant dans les recherches antérieures, "les particularités de l‟industrie de défense"5 sont ainsi présentées comme étant en train de s'amenuiser, voire de disparaître. Dans ces études, il est en premier lieu question de décrire les changements dans la répartition des emplois et du chiffre d‟affaire selon les secteurs industriels6. Ce sont les questions de la diminution des effectifs et de la baisse du chiffre d’affaire qui sont prioritairement traitées. Au cours de ces cinq dernières années, l'industrie de défense a connu une réduction de 25% de ses effectifs et de 30% de son chiffre d'affaire7. Des études ont aussi pour but de signaler que les firmes de l‟armement doivent faire face à de nouveaux défis et enjeux, causés au premier chef par les baisses des budgets de défense, la contraction des marchés et le coût croissant des technologies. Pour entrer ou se maintenir sur le marché de l‟armement, il a été montré que les firmes doivent en effet avoir des capacités technologiques de plus en plus grandes, qui coûtent de plus en plus cher à acquérir, alors que les ressources sont de plus en plus limitées. Les changements de l‟environnement technologique constituent,

expliquait Didier Danet dans un texte intitulé Production d’armement en Europe : vers la fin d’une exception

industrielle, l‟un des plus grands bouleversements pour les industries de défense. Dans les années 1980-1990,

1

Carroue, ibid., p.97.

2

Nous verrons cela plus en détails dans le troisième chapitre.

3

Le nombre actuel de bourses doctorales financées par la DGA est de 135 nouvelles thèses chaque année dont 120 en sciences dures ou exactes (physique, mathématique, etc.). Il existe aussi des bourses cofinancées par la DGA et le CNRS et d‟autres types de cofinancements avec le CNES, le CEA ou les régions.

4 Voir par exemple les écrits de Jean-Paul Hébert, notamment 1991-2001 : Dix ans de mutation du système français de production d‟armement, Le débat stratégique, n°55, mars 2001.

5

Jean Burnichon, Hugues Merijeau, Jacques Sueur, Christophe Tamisier, EMS2 - CYCLE 25. L‟industrie de défense en France. Les Cahiers du CHEAr, CHEAR, Paris, décembre 2005, 4 p.

6

J.-P. Gillybœuf, L‟évolution du paysage industriel français de l‟armement, Défense nationale, mars 1995.

7

Paul-Henri Garcia (dir.), 99 questions sur la défense, Ouvrage collectif conçu et rédigé dans le cadre du Trinôme académique de Montpellier associant des personnels du Ministère de l'Education nationale, du Ministère de la Défense et des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense nationale, CRDP académie de Montpellier, Montpellier, 2007, 232 p.

des interrogations commencèrent à émerger quant aux "retombées" réelles de la recherche militaire sur la recherche civile et sur l‟ensemble de la société. "La déconnexion des applications militaires et civiles de la recherche semble consommée, et les programmes militaires dépendent dans une mesure toujours plus prononcée du développement de certaines branches critiques de l‟industrie civile (composants électroniques,

matériaux composites, logiciels informatiques…)."1. Dans Les industries européennes d’armements, Carroue

affirmait que les retombées civiles de la recherche militaire sont de moins en moins évidentes malgré l‟abondance des crédits. Cela peut notamment s'expliquer par le fait qu'il existe des blocages structurels majeurs empêchant la diffusion des innovations du militaire vers le civil. De plus, le secret militaire et la lourdeur de la bureaucratie, affirment certains spécialistes, bloquent les échanges d‟informations et de technologies, les nouvelles technologies n'étant pas déclinées en diverses utilisations. Carroue écrivait ainsi : "Le développement de technologies et de systèmes militaires de plus en plus complexes "insécurise" la recherche militaire et freine, voire bloque, la diffusion des innovations comme le reconnaissent des rapports officiels britanniques et américains."2. Face à ces blocages, des stratégies de diversification ont été mises en place, et notamment la constitution de laboratoires mixtes, civils et militaires, et la mise en place de coopérations européennes. Carroue posait alors la question suivante : "N‟est-il pas temps de renverser les problématiques de la recherche militaire en intégrant la puissance et l‟efficacité de la recherche civile comme un facteur de la défense d‟un pays, défense se référant ici à une démarche globale qui intègre le devenir du statut économique, industriel, technologique et politique d‟un pays dans une arène internationale"3

.

Un autre grand bouleversement pour les industries d’armement a trait aux modes de production en vigueur dans les firmes. Pendant longtemps, expliquait Danet, les entreprises d‟armement furent le lieu privilégié de l‟application des modèles d‟organisation tayloriste. Pendant la Première Guerre Mondiale, écrivait-il, la généralisation du modèle taylorien se justifiait par les circonstances exceptionnelles de l‟"économie de guerre". Les modèles organisationnels évoluèrent ensuite beaucoup, avec notamment une adaptation par la demande. "Le système de management de l‟industrie de défense est devenu un antimodèle"4 au niveau des modes de production pour l‟industrie civile affirmait-il ensuite.

En ce qui concerne la production des armements, il n‟existe plus, de nos jours en France, d‟usines de fabrication des matériels appartenant au Ministère de la Défense, donc à l‟Etat, contrairement à ce qui se passait dans les décennies précédentes. Il s‟agissait d‟une culture dite "étatique" et protégée, où l‟Etat était à la fois client et fournisseur, c'est à dire qu‟il commandait les matériels pour ses forces armées et les fabriquait dans ses usines. Encore au début des années 1990 en France, onze des vingt premières sociétés de production d‟armement étaient sous contrôle étatique (52% des effectifs salariés). Les grands axes stratégiques de fabrication étaient alors, peut-on lire dans certaines études récentes, plus fonction des échéances électorales à venir que des lois du marché, les décisions apparaissaient donc souvent plus politiques qu'industrielles. Voici comment Didier Danet résumait la situation de l'industrie d'armement en 1998 : "Sous des formes diverses et à des degrés plus ou moins sensibles selon les pays, l‟environnement juridique de l‟industrie de défense s‟est transformé dans le sens d‟un rapprochement certain, sinon d‟un alignement complet, par rapport aux règles concurrentielles qui sont celles de l‟industrie exposée à la compétition internationale. Sauf exception, les structures d‟entreprises publiques tendent à se privatiser et les mécanismes de l‟offre et de la demande gagnent du terrain au travers de procédures d‟acquisition plus ouvertes et dans lesquelles les engagements pris sont moins facilement révisables que par le passé."5. Ces transformations, expliquent d‟autres spécialistes, sont de

1

Didier Danet, Production d‟armement en Europe : vers la fin d‟une exception industrielle, Les armées en Europe, Böene et Dandeker (dir.), La Découverte, 1998, Paris, 331 p., p. 109-136, p.126.

2

Laurent Carroue, Les industries européennes d’armements, Masson, Paris, 1993, 237 p., p.106.

3

Carroue, ibid., p.108.

4

Danet, op. cit., p.124.

5

teneur à changer à terme le rôle de l‟Etat. Aussi, "ce processus modifiera le rôle et les moyens d‟action de l‟Etat qui se limiteront de plus en plus à celui de client. En effet, son rôle d‟actionnaire est de moins en moins important suite à l‟ouverture du capital des sociétés d‟Etat à des investisseurs privés et son rôle de régulateur est amené à diminuer, compte tenu de l‟importance croissante que prendront les organisations européennes."1

.

2.4. La "crise" de l’industrie d’armement

Ces dernières années, les recherches traitant des sujets relatifs à l‟industrie d‟armement ont mis en avant les difficultés croissantes de ce secteur dans les pays d‟Europe, en ayant recours à une formule désormais consacrée en France : "la crise de l‟industrie d‟armement". Ces recherches décrivent les principales difficultés de ce "mode de croissance militarisé"2 :

- l‟accroissement de la compétition mondiale ;

- une diversification de plus en plus poussée, ne permettant plus la fabrication en séries ;

- une sophistication de plus en plus grande, conduisant à une constante hausse des coûts ;

- une diminution des budgets alloués par l‟Etat ;

- l‟accumulation de sur-capacités productives dans les pays développés ;

- l‟insolvabilité des clients traditionnels dans le Tiers-Monde ; - la crise financière et industrielle mondiale.

Dans Les industries européennes d’armements, Carroue notait qu‟il y eut une accélération de la militarisation de l‟industrie entre 1975 et 1985. Les fabrications d‟armement ont pu alors servir de bouée de sauvetage pour certaines firmes (Belgique), d‟alternative au resserrement des marchés (France, Italie, Espagne),

de manière à endiguer le déclin technologique et d‟assurer un rayonnement international3

. Puis, ce secteur commença à connaître des difficultés, surtout à partir des années 1990. Dans son texte consacré à la production d‟armement en Europe, Didier Danet dégageait les principales dimensions de la crise et des bouleversements de l‟industrie de défense en Europe4. Selon lui, il est commun, mais réducteur, d‟adopter une analyse en termes de changements géostratégiques ayant eu lieu après 1989. "La chute du Mur de Berlin, écrivait-il, n‟est pas le seul élément à partir duquel se construit le destin de l‟industrie de défense des différents pays européens. Pour cette industrie, les années quatre-vingt/ quatre-vingt-dix se caractérisent avant tout par le déchirement brutal du cocon dans lequel les pouvoirs publics l‟avaient maintenue durant la guerre froide."5. L‟environnement macro-économique n‟est pas favorable affirmait-il à l‟industrie de défense puisqu‟il se traduit par une contraction des marchés nationaux, une baisse de la part du PIB consacrée aux dépenses de défense depuis le début des années cinquante, une disparition des menaces militaires traditionnelles, un repli des marchés offrant des débouchés externes et une plus grande agressivité commerciale de la part des industriels américains. Par ailleurs, l‟environnement idéologico-juridique commença à être marqué depuis les années 1980 par la critique du "keynésianisme kaki" où l‟industrie d‟armement se présentait comme l‟"un des fleurons de l‟économie administrée et du dirigisme technoscientifique"6. En Grande-Bretagne, de profonds bouleversements touchèrent également l‟organisation administrative du ministère de la Défense, avec la mise en application de nouveaux modes de management et la privatisation de nombreuses activités industrielles ou administratives

1 Jean Burnichon, Hugues Merijeau, Jacques Sueur, Christophe Tamisier, EMS2 - CYCLE 25. L‟industrie de défense en France. Les Cahiers du CHEAr, CHEAR, Paris, décembre 2005, 4 p.

2

Carroue, op. cit., p.2.

3

Carroue, op. cit., p.2.

4

Didier Danet, Production d‟armement en Europe : vers la fin d‟une exception industrielle, Les armées en Europe, Böene et Dandeker (dir.), La Découverte, Paris, 331 p., p. 109-136.

5

Danet, ibid., p.113.

6

(création d‟agences indépendantes, notamment dans le domaine de la recherche et des essais). En France, le mouvement fut, est-il écrit dans la littérature spécialisée, plus tardif, freiné, expliquait Danet dans La production d’armement : éléments d’économie institutionnelle, par une organisation bureaucratique héritée du colbertisme1. Les débuts de la privatisation de grandes firmes, la volonté politique de fusionner deux groupes aéronautiques ainsi que l‟application des principes de l‟analyse économique et managériale firent pourtant sortir