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Nous avons vu que le risque a été, pendant longtemps, peu étudié en Sociologie par rapport à d'autres disciplines (notamment les sciences et techniques de l'ingénieur, l'Economie et la Psychologie). Sans plaider pour un retournement complet de la situation, avec ce qui aurait été une hégémonie des sociologues dans le domaine de l'analyse du risque, James F. Short, alors Président de l'American Sociological Association et s'adressant à ses pairs, mettait l‟accent, à la fin d'un discours prononcé en 1984, sur le risque que prennent les

sociologues à ne pas s‟engager plus avant dans les recherches portant sur le risque1

. Selon lui, la Sociologie risquait d‟apparaître comme inutile pour des sociétés et des institutions où le domaine de l‟analyse des risques est, justement, très important pour tout un chacun dans sa vie quotidienne : "Perhaps the chief risk for sociology, if we do not make a major effort to engage the discipline more fully in this area, is that we will increasingly be seen as irrelevant to an area of extreme importance to all of human kind – an area in which all the major institutions, all societies, and all nations are daily affected by analysis and decisions which remain largely uninformed by sociological theory and analysis."2. Son appel a été suivi puisque, à partir du milieu des années 1980, à la suite des chercheurs des autres sciences humaines et sociales, des sociologues ont commencé à s’intéresser à la notion de risque. Les sociologues allemands Ulrich Beck et Niklas Luhmann3, tous deux spécialisés dans la recherche sur les institutions et en particulier des changements qu'elles ont connus,

ont écrit des textes d'une grande importance sur le thème du risque, en le plaçant au cœur de réflexions

théoriques sur les sociétés actuelles. Comme Luhmann l'écrivait en 1993 dans Risk: a sociological theory4 : "sociology has finally also turned its attention to the problem of risk ; or it has at least laid claim to the term risk"5. "it now finds, poursuivait Luhmann, a new opportunity to fill its old role with new content, namely to warn society"6. Le fait de mettre en garde la société correspond, précisait Luhmann, au courant de la pensée anticapitaliste, aujourd‟hui sur le déclin. Au-delà de cette conjoncture, la Sociologie ne s‟est-elle pas toujours donné ce rôle, depuis sa création à la fin du 19ème siècle, de mettre en lumière les aspects problématiques (au sens de problème social), se demandait Luhmann en penchant sa réponse vers l‟affirmative. Effectivement, dans un tel contexte, il n‟est pas étonnant que les sociologues se soient, à partir du moment où ils ont pris conscience des aspects problématiques touchant de plein fouet les sociétés actuelles, en priorité intéressés aux

thèmes des mouvements protestataires, des dangers de la technologie moderne et des dommages

1

James F. Short, The social fabric at risk : toward the social transformation of risk analysis, American Sociological Review, vol. 49, 1984, p. 711-725.

2

Short, ibid., p.720. Nous proposons la traduction suivante: "Peut-être que le risque le plus important pour la sociologie, si nous ne faisons pas de gros efforts pour engager notre discipline plus complètement dans ce domaine est que nous allons être considérés comme étant plus inutiles à un domaine d'une très grande importance pour toute l'humanité – un domaine dans lequel toutes les institutions importantes, toutes les sociétés, toutes les nations sont quotidiennement concernées par des analyses et des décisions qui restent largement non informées par les théories et les analyses sociologique".

3

Devenu Professeur de Sociologie en 1968 à l‟Université de Bielefeld en Allemagne, il publia des ouvrages en Sociologie du Droit et en Sociologie où il ré élaborait le structuro-fonctionalisme de Talcott Parsons. Dans ses analyses historiques, épistémologiques et sociologiques, il avait pour but de comprendre les changements de la compréhension de la société moderne. Son œuvre (travail de synthèse, sommes théoriques, plusieurs monographies sur des pans différents de la vie en société) est encore aujourd‟hui presque inconnue des universitaires français, tout au moins en Sociologie. Luhmann est décédé en 1998. Pour une première approche de l'œuvre de Luhmann, voir Estelle Ferrarese, Niklas Luhmann : une introduction, Pocket, Paris, 2007. Pour un résumé en français et une bibliographie complète de l‟œuvre de Luhmann, voir la présentation et les textes de l‟auteur réunis par Salvaggio et Barbesino : Salvino A. Salvaggio et Paolo Barbesino, Niklas Luhmann en

perspective, Recherches sociologiques, numéro spécial, 212 p. Disponible sur :

http://www.salvaggio.net/download/Rech_Soc.pdf. Consulté le 3 juillet 2007.

4

Niklas Luhmann, Risk: a sociological theory, Walter de Gruyter & Co., Berlin, New York, 1993, XIII-236 p.

5

Luhmann, ibid., p.5. Nous proposons la traduction suivante : "la Sociologie a finalement tourné son attention vers le problème du risque, ou du moins a-t-elle montré des prétentions à s‟intéresser au terme".

6

Luhmann, ibid., p.5. Nous proposons la traduction suivante : "elle y trouve une nouvelle chance de remplir le rôle qu‟elle s‟était assigné de longue date : mettre en garde la société".

irréparables causés à l’environnement. Ce sont des réflexions sur ces thèmes que développait Beck en 1986

dans son très célèbre ouvrage Die Risikogesellschaft publié en langue française (seulement) quinze ans plus

tard, en 2001, sous le titre La Société du risque1. "Qu‟on l‟envisage comme objet de calcul ou comme expression des grandes peurs sociales, le risque est typiquement un problème que se posent les acteurs. Ainsi le "problème social" s‟inscrit-il dans une évolution du questionnement sociologique, auquel il contribue."2

écrit Bourdin. Avant de présenter les théories générales à propos du risque et de sa prise en compte dans la vie sociale d‟aujourd‟hui proposées par Luhmann et Beck, voyons comment le risque a été étudié en Sociologie, en France, à partir des années 1980, dans quelques domaines qui sont les suivants : la Sociologie du Travail, la Sociologie des Organisations, la Sociologie de l‟Environnement et la Sociologie du Risque.

3.1. Le risque dans quelques domaines de la Sociologie

Dans les domaines de la Sociologie que sont celui du travail, des entreprises, des organisations et de l‟environnement, des enquêtes empiriques, partielles, sur le risque ont été réalisées depuis une vingtaine d‟années. Bien que cet objet d‟étude souffre (encore) d‟un manque de légitimité dans notre discipline, des travaux ont été réalisés, dont nous allons donner un bref aperçu selon les domaines dont ils sont issus.

3.1.1. Dans les domaines de la Sociologie du Travail, des Entreprises et des Organisations

Aujourd‟hui, il est possible de se référer à quelques travaux réalisés en Sociologie du Travail et en Sociologie des Organisations sur les relations entre les employés au sujet des thèmes des dangers et des risques3. Ils ont surtout été réalisés dans le cadre de la Sociologie de l‟action et de la Sociologie des Organisations (parmi les auteurs, on peut citer Mathilde Bourrier4, Gilbert De Terssac5 et Emmanuel Plot6). Au sujet des situations dites à risque, il apparaît que ces travaux concernent le plus souvent les secteurs du nucléaire

et de la chimie7. Cependant, il semble que l'intérêt des sociologues français pour ce thème soit relativement

nouveau, et il se trouve que, dans les années 1990 encore, des sociologues travaillant sur le thème des risques et des dangers dans les entreprises et les organisations exprimaient souvent les manques auxquels ils étaient confrontés pour interpréter théoriquement leurs observations. Donnons un exemple. Dans une interview, la sociologue Mathilde Bourrier, spécialiste des dangers dans les organisations dits à hauts risques (nucléaire) racontait qu‟elle n‟avait pas trouvé, dans les travaux sociologiques, suffisamment de substance pour répondre aux interrogations majeures qu‟elle se posait dans les années 1990 sur la question des pratiques des employés

1

Ulrich Beck, Die Risikogesellschaft : Auf dem Weg in eine andere Moderne, Suhrkamp Verlag, Frankfurt am Main, 1986. Traduction française : Ulrich Beck, La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Alto Aubier, Paris, 2001, 521 p.

2 Alain Bourdin, La modernité du risque, Cahiers internationaux de sociologie, P.U.F., Paris, 2003, vol. 114, p.5-26, p.9.

3

Nous ne donnons ici que quelques éléments de description de ces recherches puisque nous reviendrons plus longuement sur le contexte de leur développement, leur problématique et leurs principaux résultats dans le prochain chapitre.

4

Mathilde Bourrier a obtenu un doctorat en Sociologie de l‟Institut d‟Etudes Politiques de Paris et de l‟Institute of Governmental Studies de Berkeley (Californie). Son terrain de recherche empirique se situe à l‟intersection de deux champs de recherche sociologique : l‟analyse des organisations (unités administratives étatiques, établissements publics ou encore organisations internationales) et la sociologie des risques dont nous parlerons ultérieurement. Elle est aujourd'hui Professeure ordinaire à la Faculté des Sciences Economiques et Sociales de l'Université de Genève.

5 Gilbert de Terssac est sociologue, Directeur de recherches au CNRS et docteur d'État. Il travaille actuellement à l'Université Toulouse-Le Mirail (URA 9M du CNRS) et au Laboratoire d'Automatique et d'Analyse des Systèmes (LP 8001).

6

Emmanuel Plot a obtenu un doctorat en Sociologie en 2003 à l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) après des études de Philosophie. Il travaille aujourd'hui pour l'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS).

7

Les textes publiés dans le cadre du colloque Risques industriels majeurs, Sciences Humaines et Sociales témoignent de l'intérêt pour ce type d'études. Voir les textes des communications publiés dans Colloque Risques industriels majeurs, Sciences Humaines et Sociales, Toulouse, 6 et 7 décembre 2007, organisé par le Laboratoires d'Etudes et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales (LERASS), Université Paul Sabatier Toulouse III, 397 p.

dans les entreprises et les organisations où les dangers sont grands1. Elle ajoutait qu‟elle n‟avait pu que peu faire référence aux travaux ethnographiques, puisque les ethnologues ne s‟intéressaient pas non plus aux usines dites dangereuses et qu‟elle avait dû se tourner vers les travaux réalisés en Ergonomie, qui désigne l‟ensemble des études et des recherches qui ont pour but l'organisation méthodique du travail.

3.1.2. Dans le domaine de la Sociologie de l’Environnement

Comme nous en avons déjà parlé, l‟étude du risque, quand elle fait l‟objet de travaux en Sociologie, l‟est souvent dans le cadre de la Sociologie de l‟Environnement, tout en précisant que le domaine de l‟environnement ne fait pas uniquement référence à la protection de la nature, de la faune et de la flore mais qu‟il s‟agit aussi d‟aborder les questions relatives aux risques industriels, technologiques, alimentaires, etc.2

. Parmi les thèmes d‟étude, on peut notamment distinguer la recherche sur les attitudes, les opinions et le comportement des individus vis à vis de l'environnement, les mouvements et les organisations écologistes, leurs stratégies et leur impact et sur le développement, et l'application des politiques dites environnementales. Notons que l‟on peut repérer une filiation plus ancienne, aux Etats-Unis comme en France, de la Sociologie de l‟Environnement : la Sociologie rurale. La Sociologie de l‟Environnement est liée, de manière historique et institutionnelle, à la Sociologie rurale, tout en faisant remarquer que le développement du thème de l'environnement a été fortement influencé par les chercheurs en Géographie humaine. C‟est pour cette raison que l‟on peut dire que, dans la sociologie universitaire, les domaines du risque et de l‟environnement sont

souvent traités ensemble, ou, pour être plus exacte, le risque n’est pas réellement traité comme un thème de

recherche à part entière mais plutôt comme un sous-ensemble du domaine, considéré comme plus large, de l’environnement. Cela peut facilement s‟observer dans les bibliothèques universitaires, où il est très rare de voir le mot risque comme repère sur les étiquettes des rayonnages des étagères dans lesquels les ouvrages sont en général classés sous l‟étiquette "Sociologie de l‟environnement"3

. Un autre fait, dans une certaine mesure plus anecdotique, peut être relaté ici. Lors de l‟organisation de son congrès en septembre 2007, l‟Association Française de Sociologie (AFS) avait mis en ligne sur son site Internet, quelques mois auparavant, les domaines de la Sociologie sous lesquelles les diverses communications allaient être chapotées. En ce qui concerne les communications sur les risques et l‟environnement, elles l'étaient sous un même ensemble appelé "Sociologie de l‟Environnement" ; ce n‟est que plus tard, quelques semaines avant ledit congrès que cet ensemble est devenu "Sociologie de l‟environnement et du risque" (AFS Réseau Thématique en formation n°38)4 ; et, de fait, les communications effectuées relevaient soit de l‟un ou de l‟autre de ces deux domaines de

la Sociologie, quoique plus souvent de l‟environnement (trois quarts des communications)5. Ces divers indices

montrent tout de même la reconnaissance en France, à travers le nom donné à ce réseau thématique, d'une "Sociologie du Risque" dont nous allons parler ci-dessous.

1

Jacques Theureau, Entretien avec Mathilde Bourrier, Rencontres avec l‟ergonomie, Bulletin de la SELF, 125, janvier 2002, 9 p. Disponible sur : http://www.coursdaction.net/07-Debats-Interviews/2002-JT-R37.pdf.

2

Nous donnerons des détails sur cet aspect des choses dans le chapitre suivant, au moment de présenter les réglementations en matière de prévention des risques qui sont prises dans le cadre des législations dites de protection de l‟environnement.

3 Plus rarement, les ouvrages portant sur les risques sont classés sous une étiquette du type "Sociologie des conflits. guerre. violence collective. Terrorisme" comme c‟est le cas à la bibliothèque de l‟Université de Nanterre.

4

Nous développerons, dans la suite du texte, ce à quoi correspond la Sociologie du Risque.

5

Voir les résumés des textes des communications dans Deuxième congrès de l'Association Française de Sociologie. Dire le monde social. Les sociologues face aux discours politiques, économiques et médiatiques, 5-8 septembre 2006, Université Victor Segalen Bordeaux II, AFS Editions, juillet 2006, 396 p. La trentaine de communications dans la RTF n°38 étaient classées dans trois ateliers : "L'environnement et le risque : concepts, objets et théories" ; "Pratiques, représentations, opinions, valeurs" ; "Approches thématiques".

3.1.3. Dans le domaine de la Sociologie du Risque ou des Risques1

A partir du début des années 1980 (milieu des années 1980 en France), plusieurs chercheurs en Sociologie ont commencé à revendiquer la nécessité de créer une Sociologie du Risque et, depuis quelques années, des chercheurs et des laboratoiresinscrivent certains de leurs travaux dans le cadre de la Sociologie du

Risque comme c‟est le cas du Centre de Sociologie des Organisations (CSO)2

. Afin de présenter ce domaine, reprenons la définition qu‟en donne Alain Bourdin dans un dossier consacré à la Sociologie du Risque publié en 2003 dans les Cahiers Internationaux de Sociologie:

"La sociologie du risque associe une théorie générale, une interrogation de phénomènes sociaux

contemporains à travers la catégorie de risque, une description de ce qui est reconnu comme risque par les autorités politiques, les organisations sociales ou les individus et des conséquences qu’entraîne cette reconnaissance."3.

Le succès de la Sociologie du Risque étant très récent, et les amalgames étant nombreux sur ce que cela signifie réellement et concrètement, nous nous proposons de faire un bref état des lieux des travaux qui se revendiquent de l‟appartenance à la Sociologie du Risque, en commençant par une question qui taraude la plupart des sociologues qui travaillent sur le risque – et ceux qui refusent de considérer le risque comme objet d‟étude légitime pour notre discipline – : Faut-il une Sociologie du Risque ?

Faut-il une Sociologie du Risque ?

"Faut-il une Sociologie du Risque ?" La question fut posée telle quelle comme titre d‟un numéro de la

revue Cahiers Internationaux de Sociologie paru en 2003, rassemblant plusieurs contributions sur le thème de

la place du risque comme objet de recherche en Sociologie4. Alain Bourdin, coordonnateur de ce numéro,

apporte à cette question plusieurs éléments de réponses, lui donnant l‟occasion d‟affirmer l‟intérêt de la

constitution de ce nouveau domaine de recherche en Sociologie. Notamment, il écrit que la Sociologie du

Risque permet d'offrir un cadre d’analyse pour penser certaines questions (risque industriel5, risque alimentaire6, risque sanitaire7, etc.) – autrefois délaissées par les sociologues – et en renouveler d’autres, telles que celles de l’action collective, la notion d’insécurité, l’action publique, la connaissance, les représentations, les comportements individuels, le rôle des sciences humaines et la guerre8. Aussi, poursuit-il, "Souvent, le concept de risque paraît fonctionner comme un point de départ ou un prétexte à faire autre chose."9. Le risque apparaît donc utile pour servir de point de départ afin d‟interroger les contextes sociaux contemporains, à travers par exemple la problématique de la décision et de la gestion, la problématique de la confiance, les rapports des individus à la science et à la nature, la question de l‟expertise, les formes de la relation entre science et société, etc., autant de thèmes que nous aborderons dans le prochain chapitre. Se faisant,

1

Si la dénomination "Sociologie du Risque" est celle qui est le plus employée dans la littérature disponible, nous lui préférons celle de "Sociologie des risques", pour des raisons que nous expliciterons ultérieurement. L‟expression Sociologie des risques est par exemple utilisée dans certains laboratoires tels que le Centre de Sociologie des Organisations (CSO).

2

Le Centre de Sociologie des Organisations (CSO), Laboratoire de Sciences-Politiques, présente deux axes dans la Sociologie des risques : "la gouvernance des activités à risque" et les "risques émergents et territoires en recomposition".

3

Alain Bourdin, La modernité du risque, Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. 114, P.U.F., Paris, 2003, p.5-26, p.6.

4

Faut-il une sociologie du risque ? Cahiers internationaux de sociologie, vol. 114, P.U.F., Paris, janvier-juillet 2003.

5 Voir en particulier les travaux de Denis Duclos.

6

Voir en particulier les travaux de Jean-Pierre Poulain et notamment De la sociologie du risque à l‟étude des modèles alimentaires, Manger pour vivre, Encyclopédie Diderot, P.U.F., 2002, p.85-116.

7

Par exemple, une thèse de doctorat en Sociologie soutenue en 2001 porte sur le risque sanitaire : Séverin Muller, Sociologie du risque sanitaire dans les abattoirs. Des établissements municipaux aux sites industriels de 1869 à 2000, Thèse : Sociologie : Paris : 2001.

8

Alain Bourdin, La modernité du risque, Cahiers internationaux de Sociologie, vol. 114, P.U.F., Paris, 2003, p.5-26.

9

la Sociologie du Risque donne la possibilité de se servir des apports des autres domaines de la Sociologie, et des autres disciplines des sciences humaines et sociales, selon les besoins exprimés par l‟observateur. De plus, selon

les chercheurs qui inscrivent leurs travaux dans le cadre de la Sociologie du Risque, travailler sur le risque

peut apparaître comme une manière d’échapper à l’usure des schémas explicatifs habituels et des découpages habituels de la Sociologie. De manière générale, les travaux réalisés dans le cadre de la Sociologie du Risque ont pour but de constituer une aide pour comprendre les enjeux se nouant entre les individus et les institutions autour du traitement de la question des risques tout en se plaçant au-delà des manières habituelles de faire de la Sociologie. Par exemple, des chercheurs ont mis en évidence les conflits qui existent entre certains segments de la société (profanes/experts, etc.), autour notamment des mesures à adopter pour faire face aux incertitudes révélées. Le renouvellement des questionnements touche ici aux études sur les conflits sociaux. "Récemment, écrit Bourdin, la sociologie du risque et la théorie de la modernisation réflexive, qui lui est étroitement associée, ont connu un succès remarquable. Demain, l‟analyse des risques remplacera peut-être celle des conflits sociaux."1.

Deux types de Sociologie du Risque ?

Nous avons repéré deux types de Sociologie du Risque. Il apparaît qu‟ils se sont développés, à peu près simultanément, de manière à prendre en compte les deux connotations, négative et positive, du risque.

Il y a d‟un côté une Sociologie du Risque qui a pour but d’identifier et d’analyser des points de

vulnérabilité sociale, les comportements et les manières que les individus ont et expriment par rapport à leur perception du risque (alors quasi synonyme du terme danger) ainsi que les dispositifs de prévention