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Données comportementales chez les rats naïfs et privés de sommeil

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Figure 55. CRITERES DE VALIDATION DUN MODELE ANIMAL CAS DU MODELE DE PRIVATION DE SOMMEIL.

Les lignes en bleu représentent les données issues de ce travail de thèse. Références : 1Benedetti et al. (2008) ; 2Frau et al. (2008) ; 3Steiner et Ellman (1972), Andersen et al. (2009b) ; 4Cunha et al. (2006), de Oliveira et al. (2009) ; 5Guzman-Marin et al. (2006) ; 6Linkowski et al. (1994), Cervantes et al. (2001), Schmider et al. (1995), Rybakowski et Twardowska (1999) ; 7Steckert et al. (2010) ;

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Ramanathan et al. (2002) ; 9Breunis et al. (2003), O’Brien et al. (2006), Kim et al. (2007) ; 10Yehuda et al. (2009).

II- Implication de la PKC dans la manie

1. Données comportementales chez les rats naïfs et privés de

sommeil

1.1. Chez les rats naïfs

En accord avec des études précédentes (Einat et al., 2007; Sabioni et al., 2008), nous avons montré que l’administration aiguë du tamoxifène, un inhibiteur non sélectif de la PKC, réduit l’hyperlocomotion induite par l’amphétamine. De façon similaire, cette réponse comportementale est également diminuée par une injection de chélérythrine, un inhibiteur

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puissant et sélectif de la PKC (Herbert et al., 1990). Nos données soutiennent que l’inhibition de la PKC pourrait avoir un effet antimaniaque.

Outre l’hyperactivité, la manie est caractérisée par un jugement erroné et de l’impulsivité, conduisant à des comportements de prise de risque. Nous avons donc cherché à savoir si l’inhibition de la PKC pourrait modifier ce comportement. Nos données montrent que les rats traités au tamoxifène ou à la chélérythrine évitent la zone anxiogène (le centre) et préfèrent les endroits plus sûrs (les coins) d’un open field fortement éclairé, ce qui indique que l’inhibition de la PKC atténue aussi le comportement de prise de risque. En accord avec nos résultats, Kataoka et al. (2011) ont démontré que le « knock-in » du site de phosphorylation par la PKC de SNAP-25, un substrat majeur, induit des comportements anxieux, un résultat qui peut être interprété comme une diminution de la prise de risque. De plus, l’injection des inhibiteurs de la PKC Gö 6976 et Gö 7874 dans l’hippocampe réduit le nombre d’entrées dans le labyrinthe en croix surélevé (Vianna et al., 2000).

De façon intéressante, notre étude a montré qu’à l’inverse des inhibiteurs de la PKC, une injection dans l’hippocampe d’un activateur de la PKC, le PMA, accroît le comportement de prise de risque dans le labyrinthe en croix surélevé. Ces résultats sont en accord avec une étude montrant que les souris KO pour la PKCI/HINT (un inhibiteur endogène de la PKC) visitent plus longtemps le compartiment éclairé de la boîte clair/obscur (Barbier et Wang, 2009), renforçant l’hypothèse selon laquelle la PKC interviendrait dans le comportement de prise de risque. Les expériences réalisées avec le DCP-LA, un activateur de la PKC capable de traverser la barrière hémato-encéphalique, ne nous ont toutefois pas permis de conforter les résultats ci-dessus. Bien qu’une étude ait montré que le DCP-LA, aux mêmes doses et temps d’injection, récupère les déficits d’acquisition dans la piscine de Morris induits par le peptide -amyloïde (Nagata et al., 2010), il est possible que cette dose ne soit pas adaptée pour modifier les comportements de prise de risque. Il serait nécessaire de réaliser une courbe dose-réponse pour vérifier cette éventualité. D’autre part, l’absence d’effet du DCP-LA par rapport au PMA pourrait être liée à la différence de sélectivité de chacun de ces activateurs vis-à-vis des isozymes de la PKC. En effet, le PMA active les familles conventionnelle et nouvelle de la PKC, alors que le DCP-LA active plus sélectivement la PKC (Kanno et al., 2006; Nelson et al., 2009).

En complément de notre approche pharmacologique, nous avons cherché à étudier les effets comportementaux de l’inhibition de l’activité de la PKC provoquée par la phosphoprotéine du Bornavirus. L’injection lentivirale de la phosphoprotéine à différents sites de l’hippocampe produit, deux mois plus tard, une expression uniforme de cette protéine sur la totalité de l’hippocampe (Bétourné et al., 2011). Nous avons montré que, dans ces mêmes

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conditions expérimentales, les rats présentent un comportement de prise de risque équivalent aux rats contrôles dans le labyrinthe en croix surélevé et dans l’open field. Ces résultats semblent être en apparente contradiction avec ceux obtenus avec le tamoxifène et la chélérythrine. Cependant, ces derniers sont des inhibiteurs de la PKC « à spectre large », c’est-à-dire qu’ils inhibent un grand nombre d’isozymes (Saraiva et al., 2003), tandis que la phosphoprotéine du Bornavirus serait préférentiellement phosphorylée par la PKC , par rapport aux isoformes , et (Schwemmle et al., 1997). Ainsi, nos résultats rejoindraient les données obtenues suite à l’injection de DCP-LA, et suggéreraient que l’isoforme ne serait pas impliquée dans le comportement de prise de risque.

1.2. Chez les rats privés de sommeil

Si l’inhibition de la PKC provoque des effets antimaniaques chez les rats naïfs, il est envisageable que celle-ci soit suractivée durant la manie. Nous avons ainsi examiné si l’activité de la PKC est altérée dans le modèle de privation de sommeil. Pour cela, nous avons mesuré la phosphorylation de l’un de ses substrats, la protéine SNAP-25, impliquée dans les processus de fusion des vésicules présynaptiques (Ravichandran et al., 1996). Une augmentation de la phosphorylation de SNAP-25 a été observée dans l’hippocampe et de façon plus marquée dans le CPF des rats PS, indiquant une suractivation de la PKC dans ce modèle de manie. Cette suractivation pourrait survenir assez rapidement. En effet, une étude récente a rapporté qu’une privation de sommeil de 4h induit, dans le cortex frontal, une augmentation de la phosphorylation de MARCKS, de la neurogranine, et des récepteurs AMPA et NMDA, sur leur(s) site(s) de phosphorylation par la PKC (Szabo et al., 2009). Nos résultats rejoignent les données obtenues à partir des plaquettes sanguines de patients bipolaires, qui révèlent une hyperactivité de la voie de la PKC durant la phase maniaque (Friedman et al., 1993; Wang et al., 1999; Hahn et al., 2005). L’augmentation de l’activité de la PKC dans l’hippocampe et le CPF pourrait provoquer des dysfonctionnements cognitifs associés à ces régions, comme des perturbations des processus de prise de décison, pouvant conduire à des prises de risques inconsidérées, ou des altérations de la mémoire. En effet, l’activation excessive de la PKC dans le CPF par des esters de phorbol entraîne des déficits de la mémoire de travail chez les rongeurs et les singes (Birnbaum et al., 2004). Inversement, il a été montré que l’inhibition de la PKC est capable de prévenir les déficits cognitifs induits par le stress (Hains et al., 2009).

Dans le modèle de privation de sommeil, la suractivation de la PKC pourrait découler d’une élevation de la stimulation des récepteurs adrénergiques 1,qui est couplée à une

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protéine Gq et à la voie de la PKC (Arnsten, 2009). En effet, le stress provoque une forte libération de noradrénaline dans plusieurs régions cérébrales, y compris dans l’hippocampe et dans le CPF (Tanaka et al., 1983; Finlay et al., 1995). Les glucocorticoïdes secrétés lors du stress pourraient également activer la PKC et potentialiser l’effet de la noradrénaline par un mécanisme non génomique via des récepteurs aux glucocorticoïdes membranaires (Zhang et al., 2012).

De façon similaire au comportement d’hyperlocomotion induite par l’amphétamine, notre étude montre qu’une injection de tamoxifène ou de chélérythrine atténue l’hyperlocomotion induite par une privation de sommeil. Ces résultats viennent confirmer le potentiel antimaniaque des inhibiteurs de la PKC. Fait intéressant, une étude récente a montré qu’un traitement chronique de tamoxifène prévient l’aggravation de l’hyperlocomotion chez des souris soumises à des privations de sommeil répétées (Armani et al., 2012). Ces données sont en accord avec les essais cliniques montrant l’efficacité thérapeutique du tamoxifène dans la manie (Zarate et al., 2007; Yildiz et al., 2008; Amrollahi et al., 2010).

Nous avons également montré que l’inhibition de la PKC abolit l’augmentation du nombre d’érections induites par une privation de sommeil. Ce résultat pourrait être lié à un effet périphérique sur la vasoconstriction des muscles lisses péniens. En effet, le PMA potentialise la réponse contractile ex vivo du muscle caverneux à la phényléphrine, alors que la chélérythrine l’inhibe (Husain et al., 2004). Ainsi, si la PKC semble être impliquée dans la la contraction pénienne, il reste encore à établir si elle affecte la composante motivationnelle de la réponse sexuelle, qui serait une facette de la manie plus pertinente que l’évaluation de la fonction pénienne. Pour cela, il faudrait tester l’effet de l’administration centrale d’un inhibiteur de la PKC sur la facilitation du comportement sexuel des rats PS.

D’autre part, les rats exprimant la phosphoprotéine (PWT) du Bornavirus présentent un profil comportemental similaire à ceux traités avec les inhibiteurs pharmacologiques : ils sont moins hyperactifs que leurs contrôles ayant reçu la protéine mutée (PAA), non phosphorylable par la PKC. On peut envisager que l’inhibition soutenue de la fonction PKC par la phosphoprotéine préviendrait l’activation excessive de celle-ci lors de la privation de sommeil. Ainsi, les animaux PWT deviendraient en quelque sorte « résistants à la manie », ce qui se manifesterait par une locomotion moins élevée que les animaux PAA à la fin de la privation de sommeil. Des expériences montrant l’absence d’une suractivation de la PKC (par quantification de la phosphorylation de SNAP-25 par exemple) au cours de la privation de sommeil, chez les rats PWT par rapport aux PAA, permettraient de tester cette hypothèse.

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Cette « résistance à la manie » conférée par la phosphoprotéine ne semble pas concorder avec les altérations comportementales qui s’apparentent aux troubles bipolaires observées suite à l’infection par le Bornavirus. Il faut prendre en compte que notre évaluation comportementale a été réalisée entre 60 et 76 jours après l’administration de la phosphoprotéine. Or, chez le rat, les altérations comportementales similaires à la dépression (comportement passif, apathie), sont généralement observées après plus de 40 jours post-infection (Thakur et al., 2009), alors que les manifestations pseudomaniaques (hyperactivité, agressivité) sont décrites dans la phase aiguë de la maladie. Ces données suggèrent que, dans nos conditions expérimentales, les animaux PWT seraient déjà dans la phase chronique de l’infection, et donc présenteraient des comportements de pseudodépression, ce qui leur donnerait cette « résistance » à la manie. Il aurait, par conséquent, été nécessaire d’étudier le comportement des rats PWT dans des tests permettant d’évaluer des facettes de la dépression, comme le test de la nage forcée ou bien l’anhédonie à une solution sucrée. Il convient aussi de souligner que la phosphoprotéine n’est pas la seule protéine virale du Bornavirus. En effet, le génome du Bornavirus code pour six protéines, la nucléoprotéine (N), la phosphoprotéine (P), la protéine X (X), la protéine de matrice (M), la glycoprotéine (G) et la polymérase virale (L) (Jordan et Lipkin, 2001). La contribution de chacune de ces protéines aux perturbations comportementales provoquées par le Bornavirus n’ayant pas été étudiée, il est possible que l’effet de la phosphoprotéine sur le comportement pseudomaniaque soit « masqué » par des effets pseudodépresseurs et/ou pseudomaniaques d’autres protéines.

Une question importante soulevée par cette étude est de savoir comment le Bornavirus provoquerait ces altérations comportementales ressemblant à des maladies psychiatriques. Le Bornavirus a un tropisme préférentielpour les neurones du système limbique, y compris dans l’hippocampe (Gonzalez-Dunia et al., 1997), qui sont impliqués dans la régulation des émotions et de la mémoire. Il persiste dans les cellules sans destruction associée, ce qui signifie qu’une neurodégénérescence ne peut être mise en cause dans son mécanisme d’action. Il a cependant été montré que le Bornavirus interfère avec la fonction neuronale de l’hôte, en bloquant la LTP (Prat et al., 2009). Ces données suggèrent que ces altérations comportementales résulteraient peut-être de ces dysfonctionnements neuronaux. On ne connaît actuellement pas le rôle de chaque protéine virale dans ces perturbations de la plasticité synaptique. Néanmoins, la phosphoprotéine pourrait y contribuer : la mutation de son site de phosphorylation par la PKC sur le génome du Bornavirus restaure une activité synaptique « normale » (Prat et al., 2009).

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2. Effet prolifératif des inhibiteurs de la PKC dans le modèle de