• Aucun résultat trouvé

Relations entre niveaux de formation, certifications et diplômes Françoise Dauty

2. Diversification des certifications et niveau

Compte tenu de la définition précédente, la diversité des niveaux de formation au regard des certifications prend trois dimensions :

• diversité en termes de références de classement (d'obtention du diplôme) ;

• diversité en termes de titres, diplômes au sein d'un même niveau ;

• diversité en termes de référence aux emplois.

Ces dimensions renvoient à la construction des niveaux et à leur dynamique.

¾ La première, que l'on peut qualifier de « technique », tient au fait que la définition des niveaux en termes de certification obtenue est hétérogène. En effet, au regard de la certification, cette nomenclature (du plan) repose sur des définitions hybrides (Join Lambert 1994). Pour les niveaux supérieurs (correspondant aux formations de l'enseignement supérieur) c'est la possession du diplôme qui sert de critère. Pour les autres (jusqu'au niveau IV) c'est la dernière année d'études, la formation suivie que le diplôme (la certification) soit obtenu ou non (par contre à partir du niveau III, il y a concordance entre niveau de formation et de certification). Cette différence entre niveau de formation et niveau de diplôme est très sensible lorsque l'on s'intéresse aux niveaux IV et moins. Elle est source de confusion notamment lorsque l'on traite des populations « sans qualification » ou de bas niveau de qualification.

Quelques exemples de divergence :

• les élèves ayant échoué au CAP sont classés dans un cas au niveau V, dans l'autre « sans diplôme » ; un jeune qui après un BEP poursuit vers un bac techno et échoue sera classé une fois, en « niveau de formation », niveau IV, l'autre en diplôme de niveau V.

De même le niveau IV composé largement de diplômés et de non-diplômés et de formés non diplômés du supérieur pose problème. Ainsi, coexistent au sein du niveau IV :

• des sortants après obtention du baccalauréat, technologique ou professionnel,

• des jeunes qui ont un BEP mais ont échoué au bac,

• des jeunes sans aucun diplôme qui ont échoué au bac,

• des bacheliers ayant effectué une année ou deux dans l’enseignement supérieur (IVsup pour la nomenclature Céreq) notamment des jeunes qui ont échoué à leur BTS.

Les deux autres facteurs d'hétérogénéité sont directement liés aux usages de cette nomenclature.

¾ Les niveaux de formation ont été, sont, des organisateurs du système éducatif initial. Conçue donc au départ dans le cadre de la planification, la nomenclature a été un instrument permettant de répondre à une demande liée à l'extension de la scolarisation engendrée par l'allongement de la scolarité obligatoire, à la volonté d'élever le niveau de formation. Elle va contribuer également à favoriser l'aboutissement de l'intégration des enseignements technologiques et professionnels au sein de l'Éducation nationale.

L'organisation par niveau, la présentation de l'ensemble de la formation selon cette architecture favorise la lisibilité des nouveaux diplômes mis en place nécessaires à cet accueil de publics beaucoup plus nombreux.

Dans ce système où la formation professionnelle fait partie intégrante de l'éducation, la notion de niveau de formation est à la base de son développement par la construction des différentes filières générale, technologique et professionnelle, appréciées selon une même hiérarchie de niveaux au sein de l’Éducation nationale. (cf. système éducatif unifié, Béduwé et Planas 2002 ; Beduwé et Germe 2003).

Dans cet usage « interne » au système éducatif, le niveau pousse à une double construction des formations : repères pour le développement des filières dans un système unifié et diversité des niveaux.

La croissance du système repose sur le maniement de ces deux composantes entraînant une certaine ambiguïté sur les objectifs poursuivis (la poursuite d'objectifs ambivalents).

L'élévation des niveaux de formation dans un tel système nécessite en effet un mouvement permanent de diversification et d'unification des formations professionnelles comme des formations générales. La diversification répond à un double besoin, accueillir des jeunes dont les qualités et les attentes sont diversifiées et accroître le nombre des spécialités de formation pour préparer à une large gamme d'emplois.

Après la diversification du niveau IV, bac technologique puis professionnel, c'est maintenant dans l'enseignement supérieur que la diversification des filières se développe (dont les licences professionnelles sont un parfait exemple). Cette diversification et notamment la poussée des filières professionnelles se répercutent donc sur tous les niveaux de formation et marquent de forts changements de composition à l'intérieur des niveaux.

Dans un tel système, les diplômes notamment professionnels et les formations qui y préparent ont donc nécessairement une double finalité, ils sont bifaces : c’est-à-dire un moyen de poursuite d’études et un

« moyen » d’accéder à une profession. Toute création d’un diplôme professionnel se donne pour but de préparer les jeunes concernés à l’exercice d’un métier ou d’une activité professionnelle. Mais la logique institutionnelle décrite ci-dessus entraîne à un moment ou un autre une évolution du diplôme et de la formation qui lui est associée pour qu’ils permettent une poursuite d’études. À l’inverse, toute création d’un diplôme général implique à un moment ou un autre une réflexion sur sa professionnalisation.

Progresser en éducation = atteindre un niveau de formation supérieur, se fait aussi bien par la voie générale que par la voie professionnelle. Le niveau de formation donne dans l’ensemble les mêmes droits en termes de poursuite d’études, que l’on ait suivi une filière générale ou professionnelle, et en principe les mêmes espoirs en termes d’accès à un niveau donné au sein de l’emploi.

Or, sur ce principe de rapprochement, des positions ambiguës apparaissent fortement : le système éducatif qui définit ces équivalences de niveau entre filières, dans le même temps les dément en les hiérarchisant, de la plus haute (filière générale) à la moins haute (filière professionnelle). Cette hiérarchie informelle mais vivace est fondée sur des processus de sélection et d'orientation des élèves, sur des critères de qualité de la formation acquise et non sur des critères de durée de formation. Elle produit des effets en termes d’accès aux formations et de certifications ultérieures : les critères de sélection mis en œuvre lorsque la réglementation le permet, jouent largement selon cette hiérarchie informelle qui constitue un signal de « pré-requis » différencié et l'entretiennent. Dit autrement, il existe une hiérarchie à l'intérieur des niveaux, les différents titres et diplômes n'auraient (n'ont) pas la même valeur, ni en ce qui concerne l'accès à d'autres formations ni sur le marché du travail (cf. point 4).

De plus, les diplômes sont jugés notamment sur leur capacité à faciliter l'accès au niveau de l'emploi pour lequel ils sont censés préparer. Si l'on comprend bien le lien entre formation et emploi avec une professionnalité bien spécifiée, il est plus difficile lorsque la formation/le diplôme est général et donne des compétences de base pour acquérir des compétences utilisées dans une très grande gamme d'emplois. Les principes de mise en équivalence deviennent multiples. Ce processus fait perdre à la relation beaucoup de son sens. Or dans le même temps, ce sont bien ces préoccupations d'adaptation aux demandes du marché du travail qui ont contribué à la multiplication des filières et des diplômes mais aussi à l'empilement des formations et des titres dans un même niveau avec des mentions complémentaires, des FCIL entraînant une année supplémentaire éventuellement un titre supplémentaire au sein du même niveau. Ajouté à cela que contrairement aux objectifs affichés, un certain nombre de diplômes « anciens » se sont maintenus (BT, BP) et le paysage des certifications d'un niveau de formation apparaît largement complexifié au regard des certifications qu'il regroupe.

L'exemple de la composition du niveau IV illustre bien cette diversité d'un niveau de formation au regard des certifications. Pour l'évolution de l'ensemble des spécialités et diplômes professionnels les tableaux et graphiques en annexe résument cette évolution.

La composition de ce niveau a connu de grands changements depuis la création de la NNF en termes de structure des diplômes avec la disparition des diplômes antérieurs à la réforme de 1959, le développement du brevet de technicien (BT) et du baccalauréat technologique, la création du baccalauréat professionnel puis celle, en 1992, du brevet des métiers d’art. Il était prévu que l’apparition du bac pro entraîne la disparition du BT avec sa transformation progressive soit en baccalauréat technologique, soit en baccalauréat professionnel. La disparition du BT n’est pas achevée, certaines professions restant très attachées à ce diplôme.

Mais le développement du niveau IV repose sur les baccalauréats, qu’il s’agisse de l’augmentation du nombre de spécialités de formation à la suite de la création du bac professionnel ou des effectifs scolarisés.

Le niveau IV constitue une particularité. C'est avant tout le niveau du bac symbole de l'enseignement général. Historiquement les relations formation-emploi sont ancrées essentiellement sur les deux niveaux V (CAP/BEP) et III (bac+2). Le niveau IV n’a jamais été vraiment considéré comme niveau de sortie bien ciblé en termes de catégories professionnelles. Il correspondrait plus à un niveau de « promotion ». Ce constat est-il toujours d’actualité ? Le bac pro est sans doute en train d'arriver à transformer cette spécificité. Mais le bac reste synonyme avant tout d'accès à l'enseignement supérieur.

La seconde cause d'hétérogénéité de ce niveau est la coexistence de diplômés et de non-diplômés. On trouve ainsi ceux qui ont échoué en classe de terminale aux différents bacs ou au brevet professionnel ou technologique comme les titulaires de bacs professionnels ou technologiques, de brevets professionnels ou technologiques, de brevets des métiers d’art (BMA) ou de diplômes de la santé ou social et autres diplômes professionnels de niveau bac ou bien encore bac et une année supplémentaire (comme les mentions complémentaires). Sont également classés à ce niveau IV, les bacheliers qui n'ont pas validé un diplôme de niveau bac+2 qui peuvent avoir abandonné après une première année d'enseignement supérieur ou avoir échoué à un BTS. Ainsi environ 4 % des jeunes de niveau IV n'ont aucun diplôme.

¾ Enfin la référence aux nivaux de formation dans la reconnaissance des titres et la multiplication de ces titres a contribué à donner une composition des niveaux très hétérogène. La nomenclature a en effet aussi joué un rôle dans le monde de la formation continue, qui a vu ses formations étalonnées à l’aune des

« niveaux de formation », par l’intervention de la Commission technique d’homologation. L'étude de la façon dont cette commission a interprété effectivement la nomenclature des niveaux de formation (Veneau, Maillard et Sulzer dans cet ouvrage) montre bien que la commission a utilisé conjointement mais avec des poids différents selon les époques les trois critères que sont la formation dans sa durée, son positionnement par rapport aux diplômes (voire l'exigence de pré-requis), sa cible professionnelle. Le fait que de nombreux titres s'ajoutent à un diplôme ou un niveau de formation déjà obtenu, renchérit l'inflation de titres pour un même niveau.

Cette diversité des objectifs et des certifications contribue à renforcer une présentation des certifications en niveaux mais au prix d'une grande hétérogénéité interne, horizontale.

D'autre part enfin la hiérarchie entre les niveaux est interrogée compte tenu de cette diversité : le principe de la durée n'est plus très strict et cette multiplicité des diplômes et sorties à chaque niveau se double d'un brouillage des sorties en continu qui pose le problème de la distance entre les niveaux.

Par exemple si l'on classe les sorties selon un axe « bac », on obtient ceci, en se limitant aux formations professionnelles et hors titres homologués.

• Bac-2 : les CAP (préparés en apprentissage ou non) et les BEP (moins spécialisés ?), CAPA et BEPA.

• Bac-1 : les CAP en trois ans, les mentions et années complémentaires.

• Bac : ici la panoplie est très importante : bacs technologiques, bacs professionnels, brevets professionnels, BMA, BT…

• Bac+1 : c’est le seul niveau ou il n’existe pas encore de diplôme officiel, mais on trouve ici aussi des mentions et formations complémentaires.

• Bac+2 : BTS et DUT, DMA, DSA formations santé.

• Bac+3 : années complémentaires des IUT, licences professionnelles et autres licences.

• Bac+4 : maîtrises professionnalisées, IUP.

• Bac+5 et plus : diplômes d'ingénieurs, DEA, DESS, magistères, masters, années complémentaires de recherche, doctorat, etc.

Au total, l'homogénéité d'un niveau de formation apparaît largement questionnée au regard des certifications. Actuellement (2005) sur 1 250 certifications 56 % relèvent de diplômes du MEN mais 83 % des certifiés le sont par un diplôme de l'Éducation nationale. Pour être exhaustif, il faut signaler qu'il existe des certifications, les CQP, qui se détachent des niveaux.

Par rapport à leur construction, on peut distinguer et ce au sein d'un même niveau, des certifications fondées sur une logique d'éducation/formation et d'autres qui sont construites dans une logique professionnelle d'objectif ciblé sur un/des types d'emploi. Les premières renvoient plutôt à une formation inscrite dans une hiérarchie de niveau d'éducation et les secondes renvoient plus directement à des compétences professionnelles. Le niveau de formation est/serait un compromis entre niveau d'éducation et niveau de « qualification » (formation professionnelle au sens large et/ou capacités équivalentes reconnues comme normalement nécessaires pour occuper une catégorie d'emploi).

Catégorie officielle (circulaire de 1967) de présentation des statistiques, le niveau de formation a largement été utilisé dans les travaux statistiques, notamment ceux portant sur les liens formation-emploi et les rendements de l'éducation. Si la diversité que recouvre la notion de niveau de formation est inhérente à toute catégorisation, elle doit être interrogée au regard des mesures qui en résultent et des travaux qui l'utilisent.