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cite des disquaires spécialisés à Paris (l’Œil du silence –également libraire-, Rough Trade –

2 Les débuts a) Le déclic

Prince 2 cite des disquaires spécialisés à Paris (l’Œil du silence –également libraire-, Rough Trade –

qui est également un label anglais de rock- et Boulinier), des grandes surfaces culturelles parisiennes (Fnac et Joseph Gibert), des revues spécialisées (Rock & Folk, Rock Sound, les Inrocks), de la presse généraliste (Libération) et France Inter. Il a par ailleurs fait de la percussion dans une école de musique et pris des cours particuliers de batterie.

Tania, elle, mentionne une médiathèque de prêt dans la ville où elle a passé son adolescence

(Pithiviers), les Fnac d’Orléans et de Paris, Virgin Megastore à Paris, les radios Fun et NRJ, des revues musicales anglophones (New Musical Express et Rolling Stone) , une revue pour jeunes (Star Club), le magazine Rock & Folk, des partitions et des tablatures. Elle a également fréquenté une école de musique.

Notations et enseignements

Si l’on observe la cartographie n°4, on s’aperçoit que les deux entités les plus valorisées par le logiciel sont les tablatures et les cours d’instruments de musique populaire. Tout de suite après, viennent les écoles de musique (classique) dont je reparlerai bientôt. Toutefois, il faut se méfier des effets d’optique et noter que si les magasins de disques et les médias avaient été regroupés sous une seule catégorie, ils occuperaient également une surface très significative sur la carte. Dans le mesure où la localisation des magasins de disque intéressaient l’enquête j’ai en effet préféré ne pas les regrouper dans une seule entité. D’autre part, il semblait également souhaitable que les différents médias puissent être distingués les uns des autres. Enfin, la cartographie ne répertorie pas toutes les personnes qui fournissent des répertoires (par exemple

celle qui prêtent des cassettes ou des CD ou conseillent) mais seulement ceux qui sont présentés comme des “prescripteurs-déclics“ par les membres du panel.

Il n’en reste pas moins qu’il est intéressant de constater que, déjouant les clichés, la notation musicale (les tablatures) et l’enseignement (les cours d’instruments) se taillent une part conséquente. Contre toute attente, les apprenti-e-s pop lisent la musique et prennent des cours ! Qu’en déduire ?

La place attribuée aux tablatures sur la carte montre d‘abord que la plupart des membres du panel ont fait leurs premiers pas avec une guitare (acoustique ou électrique). Conséquemment, la présence de ces deux objets vient confirmer que le rock (où, justement, la guitare règne sans partage) est le principal style d’élection des apprenti-e-s de ce panel 112. De fait, à l’exception de trois des rappeurs et de Diop, la guitare et le rock apparaissent comme les premiers médiateurs vers une pratique musicale intense113.

Par ailleurs, la présence de cours d’instruments (principalement de guitare et de batterie) et d’écoles montre que l’idée (courante) de l’autodidaxie en matière de musique populaire est fortement problématique : de nombreux protagonistes du panel ont, à un moment ou un autre, travaillé avec un-e enseignant-e, soit parce qu’ils l’ont explicitement demandé, soit parce que leurs parents ont souhaité qu’ils (elles) reçoivent un enseignement musical114. Les enseignant-e-s de musique pop, dont on m’a parlé, professent plutôt seuls et négocient souvent avec leurs élèves le contenu des cours. Cela ne signifie pas que ceux-ci n’apprennent pas des “fondamentaux“ (comme des accords de guitare, ou des enchaînements harmoniques types) ou des exercices techniques. Simplement, la place accordée aux répertoires enregistrés est, dès les débuts de l’apprentissage, plus importante que dans les conservatoires où l’on s’initie, en préalable, au solfège pendant un, voire deux ans. Voici un exemple qui permet de bien saisir les modalités de cette négociation

« FR C’étaient quoi ces cours ?

Félix Cours de guitare moderne, entre guillemets, cours de guitare électrique FR Vous avez commencé avec une guitare électrique ?

Félix Non, j’ai commencé avec la folk (guitare acoustique à cordes en métal) de mon

frère qui devait faire de la guitare et qui n’en a jamais fait parce que je lui ai piqué tout de suite. Mais quand j’allais en cours, souvent, le prof me prêtait sa guitare électrique.

FR Quelle fréquence ?

Félix Une fois par semaine et j’ai fait ça quatre ans. Mon truc à moi c‘était pas

vraiment la théorie et la méthode de ce prof c’était plutôt de commencer à jouer beaucoup de choses (c’est moi qui souligne) et ensuite de creuser ce que l’on joue, étudier ce

112 On a d’ailleurs vu précédemment que la culture des parents favorisait cette “domination“ du rock et

des guitares.

113 Comme on le verra dans le paragraphe consacré à la “sociabilité de pâté de maisons“, c’est seulement

dans un deuxième temps que l’on choisit son instrument et le(s) style(s) que l’on pratiquera.

114Au passage, on notera que cette implication des parents (lorsqu’ils en ont les moyens financiers)

relativise l’impression de “transmission passive“ qui émanait du paragraphe consacré aux répertoires des débuts.

que l’on a joué. Donc, on jouait des morceaux sans toujours savoir ce que l’on jouait et après, au fur et à mesure des années, on apprenait à disséquer les accords.

FR Qu’est ce que vous jouiez comme morceaux ?

Félix C’est un peu ce qu’il me proposait à la base. Soit des classiques, des blues,

on commence beaucoup par le blues. Le tout premier je m’en souviens c’était un blues : mi, la mi si.

FR Douze mesures ?

Félix Oui exactement, c’est vraiment le tout premier truc que j’ai fait. Et puis

après, selon un peu les époques, c’était l’époque Nirvana et selon les élèves

FR Vous veniez avec des disques en cours en lui demandant de les travailler ? Félix C’était un mélange des deux en fait. Lui était habitué à jouer les morceaux

un peu dans le vent de l’époque et d’un autre côté moi je lui demandais de temps en temps des morceaux. Parfois on venait avec les disques et on relevait directement avec les disques

FR Comment est ce qu’il vous apprenait ? Il vous montrait des plans ou il vous

faisait écouter des disques ?

Félix Un peu des deux en fait. Au début c’était surtout des rythmiques, donc

après les accords je savais les jouer. Quand c’était plus des plans solo ou chorus, là il jouait le truc au ralenti et il le montrait, moi je faisais la rythmique. »

Avec le récit de Félix, on voit à quel point les répertoires enregistrés sont intégrés à chaque phase de l’apprentissage. Les disques sont véritablement les messagers de la musique populaire et en particulier du rock, c’est par eux que se transmettent les rudiments du style. On a vu également qu’il est possible à l’élève d’apprendre à jouer de la guitare électrique avec un instrument non entièrement adéquat.

En termes de figuration des sons, le recours aux enregistrements signifie qu’en plus d’utiliser des supports papiers, les apprenti-e-s pop se représentent la musique (notamment sa durée et son débit) sur des surfaces magnétiques et des appareils de mesure : boutons de volume et de tonalité des appareils et des guitares électriques, vu- mètres des magnétophones et des consoles etc.… Ici aussi la différence avec l’école de musique est palpable puisque, comme on l’a vu dans la première partie de ce travail, les classiques manipulent surtout des entités (les notes) constituées à partir de la moyenne entre la hauteur et la durée. L’extrait d’un autre entretien permet de prendre la mesure de ce pragmatisme pédagogique

« FR Comment apprenais-tu avec ton prof ? Tu lui amenais des disques ?