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5 LA CONTRIBUTION DE L’ANALYSE DE L’ACTIVITÉ DE PRISE DE DÉCISION

5.1 L’ ANALYSE DE L ' ACTIVITÉ DE DÉCISION DES DIRECTEURS DES SOINS

5.1.1 Le dispositif d’analyse de l'activité

Une partie de la population d’élèves devait être retenue parmi les différentes filières et promotions de l’ENSP pour conduire l’étude. Or, les contraintes pratiques de sélection de la population étaient nombreuses : il était très difficile d’identifier chaque individu au sein d’un groupe de 700 personnes et, a contrario, il était plus facile de sélectionner des groupes d’individus, une promotion par exemple. Un échantillonnage par grappes, ou à plusieurs degrés de tirage, répondait aux nécessités de la constitution de l’échantillon. Les unités sélectionnées renferment

chacune un certain nombre de participants et tous les éléments d’une grappe font partie d’office de l’échantillon.

Ainsi, la promotion des directeurs des soins 2007 a été choisie et non un ensemble d’élèves dans toutes les filières parce que, en plus de l’accès facilité à cette filière, il s’agissait d’une des plus grosses promotions à l’ENSP avec un nombre conséquent d’élèves, ce qui est nécessaire pour sélectionner les individus selon leur niveau d’auto-efficacité.

Bien entendu, le mode de sélection par grappes augmente le risque d’erreur, d’autant que la population de directeurs des soins est une population hétérogène selon des critères d’âge, de niveaux de qualification académique, de types de postes occupés et de missions selon qu’ils sont issus de la filière infirmière, médico-technique, rééducateur, de parcours en soin général ou en responsabilité de formations paramédicales.

L’objectif est ici de mesurer la progression du niveau d’auto-efficacité après une phase d’analyse de l'activité et non pas seulement les niveaux initiaux et finaux de référence. La progression compte plus que le niveau finalement atteint. De ce point de vue, une grappe en valait donc une autre et si les directeurs des soins présentaient un niveau élevé d’auto-efficacité, il restait possible d’escompter une progression possible. En effet, les DS 2007 en début de formation ont quasiment le score moyen le plus faible (30,68 points) de tous les directeurs des soins, à l’exception des directeurs des soins 2005 en début de formation également. De plus, leur score est proche du score moyen obtenu pour la filière des directeurs des soins, soit 30,61 points.

Par ailleurs, au vu du choix de l’activité à analyser, activité de décision volontairement retenue comme étant significative de fonctions de management que tous les élèves de l’école partagent, les directeurs des soins disposent d’une expérience professionnelle de managers, cadre de proximité ou de cadre supérieur de santé, pendant laquelle ils ont déjà pris des décisions. La prise de décision étant déjà une activité connue, l’analyse de l'activité devait pouvoir se déployer sans obstacles préalables. Ce n’était pas le cas avec, par exemple, des filières du type ingénieurs de génie sanitaire ou directeur d’hôpital qui recrutent beaucoup de jeunes par le biais du concours externe.

Après sélection des élèves directeurs des soins sur le critère de leur score initial d’auto-efficacité, l’observation des caractéristiques de l’échantillon sélectionné

montrent qu’elles restent proches de l’ensemble de la promotion. C’est le cas pour deux critères au moins : l’orientation « Gestion » (affectation dans une direction des soins d’un hôpital) ou « Formation » (prise d’une direction d’un institut ou d’une école de formation paramédicale) et le critère de sexe.

Tableau 22 Présentation de l’échantillon rapporté à l’ensemble de la promotion DS 2007

Échantillon Promotion DS 2007 Gestion de soins généraux 12 25% 48 100% Option pendant la formation DS Formation 6 27% 22 100% Hommes 5 24% 21 100% Sexe Femmes 13 27% 49 100% TOTAL 18 26% 70 100%

Si la promotion de directeurs des soins 2007 comprend 70 élèves, le score d’auto-efficacité initial et final n’a pu être mesuré que pour 66 d’entre eux, 4 étaient absents lors de la deuxième mesure d’auto-efficacité. Nos analyses ne porteront donc que sur ces 66 élèves.

La mesure initiale d’auto-efficacité permet de les classer par niveau, faible, intermédiaire ou élevé, puis de les répartir dans les groupes test et contrôle. Le tableau suivant compare les groupes test et contrôle.

Tableau 23 Présentation des groupes selon leur niveau initial d’auto-efficacité Groupes Nombre de sujets Score mini Score maxi

Mode Médiane Score moyen Écart-type Groupe test 18 24 38 27 33,5 31,67 5,43 Groupe contrôle 48 24 35 30 30 30,33 2,45 Ensemble DS 2007 66 24 38 30 30 30,68 3,48

Plus précisément, sur les dix-huit élèves, soit un peu plus du quart de la promotion, retenus pour constituer le groupe test : neuf présentent un niveau d’auto-efficacité élevé (de 35 à 38 points, score moyen égal à 36,67 avec un écart-type de 1,12), neuf un niveau bas (de 24 à 27 points, score moyen égal à 25,67 avec un écart-type de 1,22). Le groupe test est donc formé de deux sous-groupes : niveau initial d’auto-efficacité élevé et niveau initial d’auto-d’auto-efficacité faible.

Le groupe contrôle, presque les trois-quarts de la promotion, soit 48 personnes, peut être décrit sur les mêmes critères : quinze personnes obtiennent un niveau d’auto-efficacité élevé (de 35 à 38 points, score moyen de 33,33 points avec un écart-type de 0,98), onze personnes présentent un niveau d’auto-efficacité faible (de 24 à 28 points, score moyen de 27,18 points avec un écart-type de 1,17). De plus, entre ces deux sous-groupes contrôle, émerge un sous-groupe de niveau d’auto-efficacité intermédiaire (vingt-deux personnes de 29 à 31 points, score moyen de 29,92 points avec un écart-type de 0,72). Le groupe contrôle est donc constitué de trois sous-groupes : niveau élevé, niveau intermédiaire et niveau faible.

Chacun de ces sous-groupes, test et contrôle, est donc assez homogène, l’écart-type portant sur les scores restant faible.

Nous avons ensuite procédé à une comparaison entre les groupes test et contrôle du point de vue des variables socioculturelles : sexe, niveau d’étude, âge, durée de l’expérience professionnelle. Un test exact de Fisher appliqué à ces variables montre qu’il n’y a pas de différence entre le groupe test et le groupe contrôle. En définitive

pour l’interprétation des résultats, la seule différence résidera dans le suivi ou non d’une démarche d’analyse d’activité.

Le dispositif d’analyse de l'activité se présente comme une démarche de « co-explicitation […] c'est-à-dire une confrontation dans la conceptualisation d'une même situation entre un dialogue de soi avec soi et de soi avec autrui » (VINATIER I., 2006). Les différentes phases sont les suivantes :

• Auto-analyse en appui sur des traces de l’activité de décision, quelle que soit la nature de ces traces. La phase d’auto-analyse fait l’objet d’un écrit descriptif du contexte professionnel de l’action, de la décision prise, du but poursuivi, des paramètres situationnels pris en compte pour décider, des savoirs de type académique et des savoirs de type pragmatique, des résultats souhaités et des phases d’élaboration de la décision. Le premier temps du dispositif, l’écriture du texte sur la décision, est un temps d’ « auto-analyse » (OLRY P., 2004; SIX-TOUCHARD B., 1998; SIX-TOUCHARD B. & CARLIN N., 2003), l’auto-analyse du travail consistant à matérialiser une trace des conceptualisations produites lors de l’activité39

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• Répartition des directeurs des soins du groupe test en neuf binômes : trois binômes d’élèves de niveau élevé d’auto-efficacité, trois binômes de niveau bas, trois binômes mixant un élève de niveau élevé et un élève de niveau bas. La répartition dans les binômes est décidée par un tiers sans que les scores d’auto-efficacité ne soient communiqués pendant le temps de l’expérimentation, ni au chercheur ni aux intéressés.

• Autoconfrontations croisées au sein de chaque binôme d’une durée moyenne chacune de quarante-cinq minutes. Le matériel support est celui de la première phase : traces de l’activité et écrit préalable du sujet. L’analyse se déroule entre les deux élèves en présence du chercheur. Il s’agit de recueillir les éléments constitutifs du modèle cognitif et du modèle opératif du sujet, les savoirs et les concepts organisateurs.

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Du moins c’est l’objectif visé, il ne peut être atteint que partiellement puisque ces auto-analyses contiennent aussi des discours argumentatifs portant sur soi en situation. Faire produire des conceptualisations relève de la suite du processus, processus guidé par le chercheur.

• Rencontre entre tous les binômes organisée et animée par le chercheur pour présenter et discuter des buts poursuivis dans l’activité, des concepts organisateurs et des savoirs utilisés en situation de décision.

Le niveau d’auto-efficacité des individus du groupe test et du groupe contrôle est ensuite testé pour la deuxième fois. Le deuxième test se situe avant le départ en stage qui conclue la première période de formation de neuf semaines complètes à l’ENSP.

Puisque ce dispositif repose sur trois caractéristiques essentielles : autoconfrontations, debriefing et reconstitution de l’intrigue, il est nécessaire de préciser ces notions dans les pages qui suivent.