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PARTIE III : ANALYSES, RESULTATS ET DISCUSSIONS

1. Q UESTION DE RECHERCHE N °1

1.3. Discussions

L’analyse de ces résultats va s’articuler autour de trois axes : la participation, l’influence et la difficulté à entrer dans l’activité. Ces catégories sont indiquées dans les tableaux de synthèse et permettent un meilleur aperçu des résultats. De plus, nous avons abordé ces différents thèmes dans la partie théorique de ce travail.

1.3.1. La participation

Penchons-nous tout d’abord sur les propositions faites au début de cette première séance qui entrent dans la catégorie de la participation. Cohen (1994) explique que les propositions exprimées durant la tâche constituent des éléments clés pour identifier les statuts des élèves. Nous pouvons, selon Cohen (1994), remarquer quel élève est de statut haut et quel élève est de statut bas en nous fondant sur les propositions faites. Lors de la première séance, nous avons relevé que, dans la classe n°2, les élèves ayant émis le plus de propositions sont les deux élèves considérés comme étant de statut haut, alors que leurs camarades de statut bas n’ont formulé aucune proposition. Cette constatation confirmerait donc ce qu’avance Cohen (1994) en disant que « ceux qui ont un statut élevé auront plus d’interactions, … » (p.36), bien que le fait de formuler des propositions ne soit qu’une des interactions possibles. Nous remarquons dans la classe n°1 un phénomène différent pour une dyade d’élèves (élèves A et B), par ailleurs nous ne relevons pas de proposition de la part de l’élève C (de haut statut) alors que son camarade, l’élève D, a énoncé cinq propositions en rapport avec la tâche durant cette activité. Dans ce cas, sans avoir connaissance des résultats, nous nous attendrions à voir une plus forte participation de l’élève C par rapport à l’élève D. C’est ce que Cohen (1994) appelle les attentes liées aux statuts. Cette auteure indique les limites de ses propres théories sur les prophéties des attentes en écrivant : « la mise en branle d’attentes basées sur le statut ne signifie pas que les élèves de haut statut vont dominer tous les groupes de la classe. » (1994, p.34). Cela signifie que même si l’on considère que les élèves de haut statut devraient être plus influents ou participer davantage aux interactions de groupe, il arrive parfois que des élèves de bas statut participent davantage que leurs pairs (Cohen, 1994). Nous pouvons donc expliquer ce phénomène en nous référant aux théories de Cohen (1994).

Cependant, en analysant cette première séance pour la classe n°1, nous avons remarqué que l’élève C qui n’a donné aucune proposition avait le rôle de secrétaire durant cette première activité de groupe (se référer à l’annexe n° 12 pour les détails des analyses). De ce fait, il était constamment en train d’écrire sans forcément demander tout le temps leur avis aux autres membres du groupe. Il écrit sans même leur dire ce qu’il note. Ce comportement a été observé dans d’autres groupes des deux classes d’analyses : les élèves de statut haut qui se retrouvent secrétaires pour leur groupe ne prennent pas la peine de demander l’avis des autres.

Ils écrivent leurs idées et parfois donnent leurs réponses. Ce comportement est très présent durant la séance n°1. Nous supposons, sans avoir les apports théoriques nécessaires pour l’affirmer, que ce rôle est l’un des plus importants pour les élèves. En effet, ce rôle sert à

« coordonner la présentation finale du travail effectué par l’équipe lorsque la tâche l’exige » (Gaudet et al., 1998, p. 197). C’est souvent à l’achèvement du travail d’équipe, lors de la production finale que les élèves de statut haut sont plus actifs et influents, selon Cohen (1994). C’est dans ces moments que leurs pairs pensent que leur façon de faire est meilleure ou tout simplement qu’ils sont plus compétents dans cette tâche. De plus, nous estimons qu’étant donné qu’il s’agit de la première séance, les compétences coopératives ne sont pas encore en place, même si par la suite elles ne seront pas enseignées. Les élèves ne perçoivent peut-être pas la nécessité d’allier leurs forces et comme ils n’ont pas l’habitude de travailler dans des groupes formés selon nos critères, ils n’ont probablement pas intégré le fait que la tâche doit être accomplie à quatre et non chacun dans son coin. Nous pouvons aussi tenter d’expliquer la discrétion de l’élève A dans la classe n°1 lors de cette séance. Cette élève de haut statut exerce la fonction de porte-parole et de demandeur d’aide auprès de l’adulte, c’est pourquoi elle considère peut-être que son rôle n’est pas utile durant le travail de groupe, mais le deviendra par la suite devant la classe entière.

1.3.2. L’influence

Cohen (1994) rappelle ensuite que « les membres qui commencent à parler dès le début de la session sont susceptibles de devenir plus influents, quel que soit leur statut » (p.35). Nous avons mis en évidence la participation différente des élèves durant cette première séance. De ce fait, des inégalités au sein du groupe vont se produire et certains élèves se montreront plus influents. Nous considérons, ainsi que le suggère Cohen (1994), que les propositions acceptées, les questions reçues et les réponses données constituent des signes de l’influence exercée par certains élèves. En effet, si les propositions faites sont toujours admises par les mêmes élèves, cela montre qu’ils ont plus d’influence que leurs pairs. Selon

Cohen (1994) il en va de même pour les propositions acceptées par les élèves. Ces interactions dépendent des statuts des élèves. Certains élèves énoncent beaucoup d’idées, d’autres moins. De plus, ce ne sont pas forcément ceux qui en proposent le plus qui verront leurs idées acceptées et transcrites. L’élève de statut haut pourra proposer des idées qui seront facilement reçues par le reste du groupe alors que l’élève de bas statut, même en faisant beaucoup d’efforts, n’obtiendra pas la même approbation par ses pairs. En outre, un élève de statut bas qui s’opposera à un élève de statut haut, même si ce dernier a tort, ne verra pas toujours son avis pris en considération (Cohen, 1994). Lors de la première séance, ce ne sont pas uniquement des élèves de haut statut qui ont accepté ces propositions. Dans la classe n°1, l’élève C, de haut statut, en accepte une, c’est d’ailleurs la seule. Rappelons, comme nous l’avons spécifié plus haut, que c’est lui qui est secrétaire. Par contre, nous relevons que dans la classe n°2 l’élève D, de bas statut, a accepté trois propositions faites par ses camarades.

Elle assume le rôle de secrétaire. Ces constatations semblent confirmer, ainsi que Cohen (1994) le relève, que ce ne sont pas toujours les élèves de haut statut qui gèrent ou influencent les interactions de groupe. Par ailleurs, nous observons que l’élève C de la classe n°1 accepte la proposition de l’élève D de son groupe, qui lui est de bas statut, alors que dans la classe n°2, l’élève D de bas statut accepte la proposition faite par son camarade, l’élève C de haut statut. Nous ne disposons pas d’explications basées sur des expériences antérieures ou des arguments qui puissent expliquer cette situation.

Nous constatons aussi que ce sont, dans la majorité des cas, les élèves de haut statut qui acceptent des questions de leurs pairs. 66% des questions reçues le sont par des élèves de statut haut dans la classe n°2, et 44% pour la classe n°1. Le fait de se voir adressées des questions montre que les élèves cherchent l’approbation des élèves ayant un statut plus élevé que le leur (Cohen, 1994).

Pour ce qui est des réponses données aux membres du groupe, il n’y a pas d’écart significatif entre les élèves de bas statut et ceux de haut statut. Tous ne donnent qu’un petit nombre de réponses soit à leurs camarades soit à l’enseignant. Nous remarquons cependant que les réponses formulées ne correspondent pas au nombre de questions posées, ce qui signifierait que plus de la moitié des questions énoncées ne sont pas prises en compte par les pairs puisque ils n’y ont pas répondu. Il faut savoir que ces réponses sont aussi adressées à l’enseignant. Pourtant un seul élève a répondu à deux questions posées par l’adulte de référence durant cette leçon. Il s’agit de l’élève B de la classe n°1.

1.3.3. La difficulté à entrer dans la tâche

Enfin, l’entrée dans la tâche se fait de manière différente selon les élèves. Nous avons sélectionné deux éléments pouvant être comptabilisés en analysant les enregistrements vidéos : les situations ou discussions hors tâche et les formes de recadrage. Nous proposons divers détails observés lors des activités, mais ils ne peuvent être comptabilisés pour exemplifier ces interactions.

Les discussions hors tâche sont présentes durant cette première séance, mais à des degrés variés. Cohen (1994), de même que Sinagra (1996) ou encore Abrami et al. (1996), expliquent que certains facteurs de participation à la tâche, notamment l’investissement et l’implication dépendent du fait d’avoir ou non des discussions hors tâche. En nous basant sur leurs travaux, nous avons mis en évidence ces comportements durant nos analyses des enregistrements vidéos. Selon les auteurs, les élèves de bas statut seraient portés à être plus souvent hors tâche que leurs camarades de haut statut qui s’investissent davantage dans l’activité. Nous avons donc mis en évidence ces discussions hors tâche. Pourtant il est nécessaire de savoir que bien souvent deux élèves commençaient à avoir une discussion hors tâche pour finir par entraîner tout le groupe. Mettons en lumière ces résultats notés dans le tableau de synthèse. Tout d’abord, nous remarquons encore un décalage entre la classe n°1 et la classe n°2. La première indique que ce sont les élèves de bas statut qui sont plus souvent hors tâche que leurs pairs de haut statut. Cependant le degré de discussions hors tâche n’est pas si élevé : au maximum trois fois pour sept minutes pour l’élève D. Lors de cette première séance, nous avons relevé que cet élève avait un comportement très agité : il faisait de grands gestes avec ses bras, se retournait sur sa chaise pour finir par tomber de celle-ci à la fin de la séance filmée. Nous constatons aussi que son rôle était celui de « gestion du temps » qui consistait à informer ses camarades sur le temps à leur disposition pour continuer le travail demandé. Premièrement, ce rôle peut sembler ennuyeux pour les élèves, c’est d’ailleurs ce que nous a dit l’élève C de la classe n°2. Deuxièmement, étant donné qu’il s’agit du début de la séquence, les élèves n’ont pas encore saisi toutes les subtilités qui y sont rattachées, comme par exemple le fait que même si l’on n’a pas le rôle de secrétaire ou de donneur de parole, on doit aussi prendre part au travail de groupe. Voici donc quelques éléments de réponses face aux attitudes déplacées de cet élève dont le comportement est le plus marquant dans cette classe.

Pourtant, la deuxième classe obtient des résultats contraires : ce sont les élèves de haut statut qui ont plus de discussions hors tâche que leurs camarades de statut faible. Nous tenons à préciser que les discussions hors tâche concernent un tout autre sujet que les troubles du comportement alimentaire et plus précisément tout ce qui ne touche pas à la séance. Parler des

rôles, des élèves de la classe ou encore de l’activité que les élèves feront en éducation physique dans l’heure qui suit est, selon nous, hors tâche. S’exprimer sur les rôles pourrait faire partie de l’activité. Cependant, dans toutes les situations observées durant lesquelles les élèves discutaient de leur rôle, il ne s’agissait pas d’un problème de compréhension ; ils voulaient savoir quel serait le rôle de leur camarade lors de la prochaine activité. C’est pour cette raison que les élèves cibles de la classe n°2 ont comptabilisé plusieurs discussions hors tâche, surtout l’élève C, car ils ont parlé des rôles des activités suivantes ; or cela ne faisait pas partie de ce qui leur était demandé pour cette séance. Nous pouvons encore lier l’attitude de l’élève C à son rôle, car comme dans le cas de l’élève D de la classe n°1, cette élève avait le rôle de « gestion du temps » et elle nous a clairement fait comprendre que cela l’ennuyait.

Nous ne pouvons donc pas affirmer que le statut des élèves influencerait les comportements hors tâche des élèves. Il s’agirait plutôt du rôle imposé. En effet, plus ils ont l’impression d’avoir un rôle important à jouer dans le travail demandé, plus ils s’investiront et moins ils dérangeront. D’ailleurs nous pouvons dire que nous avons remarqué le même phénomène pour l’élève A de la classe n°2, qui comptabilise 27% de situations hors tâche, sa camarade l’élève C en totalisant 55%.

Pour finir, les formes de recadrage données durant cette première séance furent nombreuses pour la classe n°1 et presque inexistantes pour la classe n°2. Si nous nous basons sur les théories de Cohen (1994) et d’autres auteurs, comme Howden et Kopiec (2000) ou encore Huguet (2006), nous supposons que les élèves de statut haut, qui ont une plus grande influence dans le groupe et qui guident le groupe, seront ceux qui feront régner l’ordre au sein du groupe et lui permettront de travailler. Cependant, bien que deux élèves de statut haut de la classe n°1 aient émis des rappels à l’ordre à l’attention de leurs camarades, c’est l’élève B, de statut bas, qui en a prononcé le plus ; c’est-à-dire dix pendant la durée d’enregistrement. Ce chiffre peut paraître impressionnant, pourtant il est important de savoir que le rôle de cette élève était celui de donneur de parole, c’est-à-dire qu’elle choisissait qui parlait à quel moment dans le groupe, selon les demandes de ses camarades. En visualisant les enregistrements, nous remarquons que cette élève a fait sept remarques sur dix à l’élève D de son groupe. Si nous nous arrêtons un moment sur ces événements, nous pouvons établir une comparaison entre ces deux élèves de statut à peu près semblable. En effet, ils sont tous les deux considérés comme des élèves de statut faible, suite à leurs résultats au questionnaire d’identification de statut. Cependant, l’élève D n’a obtenu que 47% alors que sa camarade l’élève B en a obtenu 59%. De plus, l’élève D est un nouvel élève dans cette classe. Au commencement de la séquence, il n’était que depuis un mois dans cette classe. Cohen (1994) explique que « les nouveaux venus d’une classe, …, ont de bonnes chances d’avoir un bas

statut et d’être des participants peu actifs » (p.31). Nous supposons donc, sans aucun fondement pour l’affirmer, que sa camarade souligne cette différence de statut, ainsi que le fait qu’il soit nouveau dans les interactions de groupe qu’ils ont et lui montre ainsi qu’elle est plus influente que lui.