• Aucun résultat trouvé

Chapitre V : Pertes et non-linéarités des récupérateurs d’énergie piézoélectriques

V.3. Discussion sur l’angle de phase piézoélectrique

a. Influence de l’angle de phase piézoélectrique sur la puissance et le déplacement Les discussions précédentes ne concernaient pas l’angle de phase piézoélectrique 𝜃𝑒 car son influence est difficilement distinguable de celle de pertes diélectriques sur des mesures réalisées entre les fréquences 𝑓𝑎 et 𝑓𝑏. Comme il le sera discuté dans cette section, les pertes qui ont été imputées à des pertes diélectriques dans [187] et pour les mesures à 0,2 m/s² du récupérateurs PMN-PT N sont vraisemblablement dues à une combinaison de l’angle de phase diélectrique 𝛿𝑒 et de l’angle de phase piézoélectrique 𝜃𝑒. Il serait possible, grâce à des mesures

d’impédances hors résonance et à la résonance, de distinguer l’influence de chacun des angles de phases diélectrique et piézoélectrique linéaires [195] et de déduire des angles de phases équivalents 𝜃𝑒 et 𝛿𝑒. Cependant, cette méthode ne semble pas applicable dans le cas de comportements non-linéaires mécaniques assouplissants tels que ceux observés sur nos récupérateurs. Une bonne connaissance des angles de phases piézoélectrique 𝜃𝑒 et diélectrique 𝛿𝑒 est surtout nécessaire aux actionneurs linéaires qui peuvent agir à la résonance et hors résonance [180]. Nous montrons dans cette section que la considération de l’angle de phase piézoélectrique 𝜃𝑒 peut être inclue dans la valeur de l’angle de phase diélectrique 𝛿𝑒 pour des mesures effectuées entre les fréquences 𝑓𝑎 et 𝑓𝑏. Cette étude nous permet ensuite de nous affranchir de l’utilisation d’un angle de phase piézoélectrique non-linéaire dans la section V.4 et de proposer un modèle simple ajustable aux mesures.

La Figure V.5 représente la puissance normalisée en fonction de la fréquence à des charges résistives optimales pour différentes valeurs de tan 𝜃𝑒 et une valeur tan 𝛿𝑒 constante égale à

0,01 . La valeur de tan 𝜑𝑒𝑞 est égale à 0,01. On remarque que l’angle de phase piézoélectrique

𝜃𝑒 influence la puissance 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥 et le déplacement obtenus pour le couple 𝑓𝑏 et 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡. Ce dernier

influence dans une moindre mesure le comportement à la fréquence 𝑓𝑎 et la résistance 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡. La

puissance 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥 diminue lorsque tan 𝜃

𝑒 est positif et elle augmente lorsque tan 𝜃𝑒 est négatif.

Ainsi, lorsqu’il est négatif, le coefficient tan 𝜃𝑒 s’oppose à l’effet de l’angle de phase

diélectrique 𝛿𝑒 qui tend à diminuer 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥 comme observé dans la Figure V.4. Lorsque tan 𝜃𝑒

est positif, son influence sur la puissance et le déplacement est similaire à celle de tan 𝛿𝑒 en amplifiant les pertes au pic de puissance en 𝑓𝑏.

Figure V.5 : Puissance normalisée de sortie en fonction de la fréquence sur charges résistives optimales pour le récupérateur PMN-PT N modélisé par le modèle 2DDL-PM1 associé à différents angles de phase piézoélectrique 𝜃𝑒. Les valeurs tan 𝛿𝑒 et tan 𝜑𝑒𝑞 sont égales à 0,015 et 0,01.

b. Analyse des expressions du déplacement et de la tension

Nous proposons par la suite d’analyser plus en détails les expressions du déplacement et de la tension afin de comparer l’influence de l’angle de phase diélectrique 𝛿𝑒 et celle de l’angle de

phase piézoélectrique 𝜃𝑒. Déduites directement des équations (V-32) et (V-33), les équations

(V-39) et (V-40) expriment le déplacement et la tension en mettant en valeur les angles de phases de chaque coefficient où 𝔻 est le dénominateur exprimé en (V-41). Les coefficients 𝑘̆𝑒2,

ω̆ , Ω̆ et 𝓏̆ sont exprimés dans les équations (V-42) à (V-45). 1𝑠𝑐

𝑟 𝑓𝑤𝐵̈ = − 1 𝐾̆ 1 + 𝓏̆𝑗Ω̆(1 − 𝑗 tan 𝛿𝑒𝑞) 𝔻 (V-39) 𝑣 𝑓𝑤𝐵̈ = − 𝑗 Θ̆ 𝓏̆𝑘̆²Ω̆(1 + 𝑗 tan 𝜃𝑒 𝑒) 𝔻 (V-40) 𝔻 = [1 − Ω̆2 − (tan 𝜑 𝑒𝑞+ 2𝑘̆ tan 𝜃𝑒2 𝑒− tan 𝛿𝑒(1 − Ω̆2)) 𝓏̆Ω̆]

+ 𝑗 [((1 + tan 𝛿𝑒𝑞tan 𝜑𝑒𝑞− Ω̆2) + (1 − tan2𝜃𝑒)𝑘̆) (𝓏̆Ω̆)𝑒2

+ tan 𝜑𝑒𝑞] (V-41) 𝑘𝑒 ̆2 = Θ̆ 2 𝐾̆𝐶̆ ≈ 𝑘𝑝 𝑒2 (V-42) ω̆ = √1𝑠𝑐 𝐾̆ 𝑀≈ ω1𝑠𝑐 (V-43) Ω̆ = ω ω̆ ≈ Ω 1𝑠𝑐 (V-44) 𝓏̆ = 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑ω̆ 𝐶1𝑠𝑐̆ ≈ 𝓏 𝑝 (V-45)

Nous remarquons à partir des équations (V-39) à (V-41) que les tangentes tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 n’ont pas les mêmes implications dans les équations. L’angle de phase piézoélectrique ne peut donc pas être réduit à un simple angle de phase diélectrique. Cependant, nous pouvons montrer par l’analyse du dénominateur 𝔻 (non démontré dans le détail ici) que les influences de chacune des tangentes tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 au pic de puissance à la fréquence 𝑓𝑏 et à la résistance optimale 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡 peuvent être assimilées à un unique terme de pertes.

Pour des valeurs de tan 𝜃𝑒 et de tan 𝛿𝑒 raisonnablement faibles (<10%), nous pouvons simplifier l’expression du déplacement aux fréquences en court-circuit 𝑓𝑠𝑐 et en circuit ouvert 𝑓𝑜𝑐 respectivement lorsque les électrodes en court-circuit (𝓏̆ = 0) et en circuit ouvert (𝓏̆ → ∞). Comme, pour nos récupérateurs, 𝑘𝑒2 est grand et les pertes mécaniques sont faibles (𝑘𝑒2/ tan 𝜑

𝑒𝑞> 2), on peut considérer que les pertes aux pics 𝑃𝑎𝑚𝑎𝑥 et 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥 sont respectivement

équivalentes aux pertes du récupérateur à la résonance en court-circuit et à la résonance en circuit-ouvert [102]. Ainsi, à partir de l’analyse d’expression 𝔻 donnée par (V-41) à la résonance en court-circuit et à la résonance en circuit ouvert, nous pouvons déterminer les termes qui ont le plus d’influence sur les pertes aux pics obtenus en 𝑓𝑎 et 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡 ainsi qu’en 𝑓𝑏 et 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡. Ces termes de pertes sont fournis dans le Tableau V.1. tan 𝜃𝑒 et tan 𝛿𝑒 n’ont donc qu’une

faible influence sur la tension et le déplacement à la fréquence 𝑓𝑎 et la résistance optimale 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡.

L’influence de tan 𝜑𝑒𝑞 est par conséquent prépondérante sur le comportement du récupérateur

en 𝑓𝑎 et 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡. A la fréquence 𝑓𝑏 et à la résistance optimale 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡, c’est le terme tan 𝜑𝑒𝑞+

𝑘̆(2 tan 𝜃𝑒2

𝑒− tan 𝛿𝑒) qui a une influence prépondérante sur le comportement du récupérateur.

Ainsi, la différence entre le déplacement à la fréquence 𝑓𝑎 et à la fréquence 𝑓𝑏 est majoritairement déterminée par le terme 𝑘̆(2 tan 𝜃𝑒2 𝑒− tan 𝛿𝑒).

Tableau V.1 : Termes ayant des influences prépondérantes sur les pertes selon la fréquence et la charge de sortie Fréquence considérée Impédance de charge considérée

Terme d’influence prépondérante sur les pertes

Ω̆ = 1 𝓏̆ = 0 tan 𝜑𝑒𝑞 (V-46) Ω̆ = √1 + 𝑘̆ 𝑒2 𝓏̆ → ∞ tan 𝜑𝑒𝑞+ 2𝑘𝑒 2 ̆ tan 𝜃𝑒− tan 𝛿𝑒(1 − Ω̆2) = tan 𝜑𝑒𝑞+ 𝑘̆(2 tan 𝜃𝑒2 𝑒− tan 𝛿𝑒) (V-47)

Par conséquent, si le terme 𝐭𝐚𝐧 𝜹𝒆− 𝟐 𝐭𝐚𝐧 𝜽𝒆 est gardé constant tout en faisant varier les

valeurs de tan 𝛿𝑒 et de tan 𝜃𝑒, alors le rapport entre 𝑃𝑎𝑚𝑎𝑥 et 𝑃

𝑏𝑚𝑎𝑥 est quasiment inchangé. Ceci

est observé sur la puissance normalisée et le déplacement normalisé tracés sur la Figure V.6. Sur cette figure, nous faisons varier les valeurs tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 en gardant le terme tan 𝛿𝑒− 2 tan 𝜃𝑒 constant et égal à 0,03.

Figure V.6 : Puissance de sortie normalisée en fonction de la fréquence pour le récupérateur PMN- PT N modélisé par le modèle 2DDL-PM1 associé à différents angles de phase diélectriques 𝛿𝑒 et piézoélectriques 𝜃𝑒 et avec tan 𝛿𝑒− 2 tan 𝜃𝑒= 0,03

Les courbes obtenues sur la Figure V.6 pour des charges résistives optimales sont visuellement confondues. Cette analyse révèle la difficulté de distinguer l’influence de l’angle de phase piézoélectrique de celle de l’angle de phase diélectrique pour des mesures en vibrations utilisant uniquement des charges résistives et proches des fréquences𝑓𝑎 et 𝑓𝑏. Pour

une même courbe de mesure, plusieurs valeurs de tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 peuvent en effet être ajustées avec le modèle.

Une distinction entre tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 est davantage perceptible sur des charges d’impédances

complexes notamment lorsque la fréquence est inférieure à 𝑓𝑎 ou supérieure à 𝑓𝑏. Comme les puissances récupérées en hors de la bande de fréquences [𝑓𝑎; 𝑓𝑏] varient en fonction des configurations de tan 𝛿𝑒 et de tan 𝜃𝑒 sur la Figure V.6, une mauvaise modélisation de tan 𝛿𝑒 et tan 𝜃𝑒 peut provoquer des résultats incohérents pour ces bandes fréquences.

Or, dans la pratique, les récupérateurs sont principalement sollicités entre leur fréquences 𝑓𝑎

et 𝑓𝑏 car le R-L tuning est complexe à réaliser en récupération d’énergie (voir section V.2.1.a). Ainsi, considérer les effets des angles de phases diélectriques et piézoélectriques uniquement par la valeur tan 𝛿𝑒 non-nulle et en prenant tan 𝜃𝑒 nul n’induit pas d’erreur considérable dans le cadre de la récupération d’énergie vibratoire. On remarque notamment sur la Figure V.6 que la puissance récupérée sur charge d’impédance complexe entre les fréquences 𝑓𝑎 et 𝑓𝑏 ne varie

que très peu en fonction des valeurs de tan 𝛿𝑒 et de tan 𝜃𝑒. En conclusion, considérer uniquement un angle de phase diélectrique 𝛿𝑒 simplifie grandement les équations et permet de fournir des résultats cohérents.

Pour conclure, l’effet de l’angle de phase piézoélectrique n’est pas distinguable pour des mesures vibratoires réalisées proches des fréquences de résonance en court-circuit et en circuit ouvert. Pour des mesures de puissance et de déplacement, l’influence de l’angle de phase piézoélectrique revient soit à augmenter l’effet des pertes diélectrique (lorsque tan 𝜃𝑒 > 0) soit

à son inhibition (lorsque tan 𝜃𝑒 > 0). Dans le cadre de la modélisation des effets non-linéaires, nous faisons le choix de ne pas considérer l’angle de phase piézoélectrique. En effet, son influence sur les mesures n’est pas discernable et sa prise en compte a pour conséquence de

complexifier le modèle présenté dans la section suivante. De plus, à partir des équations (V-25) et (V-27), nous pouvons affirmer qu’il n’est mathématiquement pas possible de considérer un angle de phase piézoélectrique sans considérer des pertes diélectriques. Ainsi, le récupérateur PMN-PT N présente incontestablement des pertes diélectriques. Il est donc pertinent de ne considérer que des pertes diélectriques non-linéaires dans le modèle qui sera ajusté aux mesures. Le coefficient de pertes diélectriques non-linéaires qui sera déduit des mesures traduira en réalité les effets diélectriques et les effets piézoélectriques du matériau. Malgré tout, ce coefficient représentera les pertes par cycle qui augmentent de manière non-linéaire avec le niveau de tension comme nous l’avons constaté sur nos mesures. Dans la section V.5, il est notamment montré que la considération des pertes diélectriques non-linéaires est nécessaire et suffisante pour décrire le comportement des récupérateurs d’énergie fortement couplés.