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Chapitre V : Pertes et non-linéarités des récupérateurs d’énergie piézoélectriques

V.2. Pertes linéaires

V.2.1. Coefficient visqueux d’amortissement

a. Coefficient d’amortissement visqueux appliqué à un modèle à 1DDL

La méthode la plus pratique pour considérer les pertes dans un récupérateur d’énergie vibratoire est de les modéliser par un coefficient d’amortissement visqueux 𝜁𝑚. Ce coefficient

14 Réservée originellement à la description du comportement d’hystérésis des matériaux magnétiques, la loi de

Rayleigh permet également de décrire le comportement de matériau piézoélectrique [184]. Le terme « loi de Rayleigh » diffère de l’« amortissement de Rayleigh », de la « méthode de Rayleigh » et de la « théorie des poutres de Rayleigh » qui sont quatre notions différentes.

déduit de mesures sur le récupérateur complet permet de considérer les pertes mécaniques dans les matériaux, dans l’assemblage ainsi que les pertes dues à l’amortissement de l’air. Ce coefficient d’amortissement 𝜁𝑚 est pris en compte par le biais du terme d’amortissement 𝐶 dans

l’équation de mouvement du système à 1DDL qui est rappelé dans l’équation (V-1) où 𝑀, 𝐾 Θ, 𝐶𝑝 et 𝑓 sont respectivement la masse équivalente, la raideur équivalente, le terme de couplage, la capacité équivalente et le terme de force. 𝑤𝐵, 𝑟, 𝑣 et 𝑖 sont respectivement le déplacement de la base, le déplacement relatif en bout de poutre, la tension aux bornes des électrodes et le courant sortant du récupérateur.

{𝑀𝑟̈ + 𝐶𝑟̇ + 𝐾𝑟 − Θ𝑣 = − Θ𝑟̇ + 𝐶 𝑓𝑤𝐵̈

𝑝𝑣̇ + 𝑖 + 𝑝𝑣 = 0 (V-1)

Le terme d’amortissement 𝐶, exprimé en (V-2), permet d’induire une force non-conservative proportionnelle à la vitesse. Les pertes électriques, quant à elles, sont considérées par l’effet Joule d’une résistance de perte 𝑅𝑝 placée en parallèle de la capacité équivalente du matériau piézoélectrique tel que détaillé par Badel and Lefeuvre [27]. La conductance 𝑝 dans l’équation (V-1) correspond à l’inverse de 𝑅𝑝. Le coefficient d’amortissement électrique 𝜁𝑒 équivalent

peut être obtenu à partir de l’expression de la conductance 𝑝 en (V-3).

𝐶 = 2𝜁𝑚ω1𝑠𝑐𝑀 (V-2) 𝑝 = 2𝜁𝑒𝐶𝑝ω1𝑠𝑐 (V-3)

Pour une accélération d’excitation sinusoïdale 𝑤𝐵̈ de pulsation 𝜔, la tension, le déplacement

et le courant peuvent être décrits dans un espace complexe (équation (V-4)) avec 𝑗 = √−1.

𝑤𝐵̈ = 𝒜𝐵𝑒𝑗𝜔𝑡 (V-4)

On propose dans cette section d’analyser le comportement de la puissance de sortie du récupérateur et du déplacement en bout de poutre en fonction de la fréquence lorsqu’une charge d’impédance complexe 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑 est placée en sortie du récupérateur. Ainsi, pour une impédance

de charge 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑, le courant 𝑖 en sortie du récupérateur et la puissance récupérée 𝑃 sont donnés par (V-5) et (V-6) où la fonction Real() correspond à la partie réelle d’un nombre complexe et la fonction conj() correspond au complexe conjugué d’un nombre.

𝑣 = 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑𝑖 (V-5) 𝑃 = Real (1

2𝑣 conj(𝑖)) (V-6)

A partir des équations de mouvement et de courant en (V-1), on détermine les expressions du déplacement 𝑟 et de la tension 𝑣 dans l’espace complexe exprimées en (V-7) et (V-8). Les coefficients normalisés 𝑘𝑒2, ω1𝑠𝑐, Ω et 𝓏 sont donnés en (V-9) à (V-12).

𝑟 𝑓𝑤𝐵̈ = −1 𝐾 1 + 𝓏2𝜁𝑒+ 𝓏𝑖𝛺 [1 + 𝓏2𝜁𝑒− 𝛺2(𝓏2𝜁𝑒+ 𝓏2𝜁𝑚+ 1)] + 𝑗[(1 − 𝛺2+ 𝑘𝑒2)(𝓏𝛺) + 2𝜁𝑚𝛺(1 + 𝓏2𝜁𝑒)] (V-7) 𝑣 𝑓𝑤𝐵̈ = − 𝑖 Θ 𝓏𝛺𝑘𝑒2 [1 + 𝓏2𝜁𝑒− 𝛺2(𝓏2𝜁 𝑒+ 𝓏2𝜁𝑚+ 1)] + 𝑗[(1 − 𝛺2+ 𝑘𝑒2)(𝓏𝛺) + 2𝜁𝑚𝛺(1 + 𝓏2𝜁𝑒)] (V-8) 𝑘𝑒2 = Θ2 𝐾𝐶𝑝 (V-9) ω1𝑠𝑐= √ 𝐾 𝑀 (V-10) Ω = ω ω1𝑠𝑐 (V-11) 𝓏 = 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑ω1𝑠𝑐𝐶𝑝 (V-12)

Par ailleurs à chaque fréquence d’excitation et quel que soit le modèle de perte linéaire considéré [176], la puissance de sortie du récupérateur est maximale si l’impédance de charge 𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑 est le complexe conjugué de l’impédance interne du récupérateur 𝒵𝑝 comme exprimé en (V-13). Ainsi, à partir de l’expression de 𝒵𝑝 donnée en (V-14) à partir de l’exploitation du système d’équation (V-1), nous pouvons déterminer à chaque fréquence l’impédance complexe de la charge qui permet de maximiser la puissance de sortie.

𝑍𝑙𝑜𝑎𝑑 = conj (𝒵𝑝) (V-13) 𝒵𝑝 = − 𝑣 𝑖 = 1 𝑗𝐶𝑝ω 1 1 + 𝑘𝑒2 1 − 𝛺2+ 𝑗2𝜁 𝑚𝛺 −2𝑗𝜁𝑒 𝛺 (V-14)

Pour les coefficients du récupérateur PMN-PT N donnés par le modèle 2DDL-PM1 (disponibles dans le Tableau V.3 de la section V.5.b), la Figure V.2 représente la puissance normalisée 𝑃𝑛𝑜𝑟𝑚 exprimée en (V-15) et le déplacement normalisé 𝑟𝑛𝑜𝑟𝑚 exprimé en (V-16) en fonction de la fréquence pour des charges d’impédances complexes optimales ainsi que pour des charges résistives optimales. 𝑅 dans l’expression de 𝑟𝑛𝑜𝑟𝑚 correspond à l’amplitude de 𝑟. Pour la Figure V.2, un amortissement visqueux 𝜁𝑚 de 0,005 est considéré dans les calculs et

l’amortissement électrique 𝜁𝑒 a pour valeur 0 et 0,005. 𝑃𝑛𝑜𝑟𝑚= 𝑃

8𝑀𝜔1𝑠𝑐

𝑓2𝒜𝐵2 (V-15)

𝑟𝑛𝑜𝑟𝑚 = 𝑅 2𝐾

𝑓𝒜𝐵 (V-16)

Figure V.2 : Puissance normalisée de sortie 𝑃𝑛𝑜𝑟𝑚 et déplacement normalisé 𝑟𝑛𝑜𝑟𝑚 en fonction de la fréquence pour le récupérateur PMN-PT N modélisé par le modèle 2DDL-PM1 associé à un amortissement mécanique visqueux 𝜁𝑚 et un amortissement électrique 𝜁𝑒

Sur la Figure V.2, on retrouve les deux pics de puissance observés sur nos mesures (voir section IV.4.2.b) pour des charges résistives optimales. Si l’amortissement mécanique est

R-L tuning R-L tuning R-C tuning

linéaire et visqueux et qu’il n’y a pas de pertes électriques, les deux pics permettent de récupérer la même valeur de puissance 𝑃𝑚𝑎𝑥 donnée par l’équation (V-17).

𝑃𝑚𝑎𝑥 = 𝑓2

𝑀 𝑄𝑚

8𝜔1𝑠𝑐𝒜𝐵2 = 𝑃𝑛𝑜𝑟𝑚𝑄𝑚 (V-17)

L’utilisation de charges d’impédances complexes permet théoriquement de récupérer la puissance 𝑃𝑚𝑎𝑥 à chaque fréquence si aucune perte électrique n’est considérée. Des combinaisons optimales de condensateurs et résistances permettent de récupérer la puissance 𝑃𝑚𝑎𝑥 entre 𝑓

𝑎 et 𝑓𝑏 (bande R-C tuning sur la Figure V.2). Des combinaisons optimales

d’inductances et résistances permettent de récupérer 𝑃𝑚𝑎𝑥 pour les bandes de fréquences

situées en dehors deux pics de puissance (bande R-L tuning sur la Figure V.2). En pratique, pour la bande de fréquence de R-C tuning, une banque de condensateurs peut être intégrée dans un circuit [55]. D’autre part, le comportement capacitif peut être émulé grâce aux techniques non-linéaires d’ajustement de fréquence de résonance [102]. En revanche, les valeurs des inductances pour la bande de fréquence R-L tuning sont trop importantes pour être intégrées dans un circuit. De plus, une banque d’inductance est difficile à émuler dans le domaine de la récupération d’énergie [27]. Les techniques FT-SECE [59] et SC-SECE [62], notamment, ne permettent de travailler que partiellement sur la zone R-L tuning.

La Figure V.2 montre que, lorsqu’un amortissement visqueux est considéré, l’amplitude du déplacement relatif en bout de poutre 𝑅 diminue avec la fréquence d’excitation. On peut également noter que les pertes électriques ont peu d’influence sur la puissance 𝑃𝑎𝑚𝑎𝑥 mais

qu’elles réduisent significativement la puissance 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥. En effet, les pertes induisent une

énergie dissipée par cycle proportionnelle au carré de la tension. La tension est plus importante en 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥 qu’en 𝑃𝑎𝑚𝑎𝑥 car la résistance optimale 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡 est plus importante que la résistance 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡.

En d’autres termes, on peut considérer que la résistance de perte équivalente 𝑅𝑝 est du même ordre de grandeur que la résistance de charge 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡 à la puissance 𝑃𝑏𝑚𝑎𝑥. 𝑅

𝑝 induit donc plus de

perte avec 𝑅𝑏𝑜𝑝𝑡 qu’avec 𝑅𝑎𝑜𝑝𝑡car elle est placée en parallèle de la résistance de charge. Les pertes électriques permettent finalement d’expliquer la différence d’amplitude entre les deux pics de puissances observée sur la mesure à 0,2m/s² du récupérateur PMN-PT N (Figure V.1). On notera aussi que lorsque des pertes électriques sont prises en compte, la courbe de puissance récupérée pour des charges d’impédances complexes optimales ne représente pas une droite horizontale. De plus, la puissance récupérée se rapproche de 𝑃𝑚𝑎𝑥 lorsque la fréquence d’excitation s’approche de 𝑓𝑎. En effet, lorsque des charges complexes optimales sont

considérées, l’amplitude de tension augmente quand la fréquence d’excitation s’éloigne de 𝑓𝑎

[27]. Cette augmentation de la tension induit une augmentation des pertes électriques et une baisse de la puissance.

b. Amortissement de Rayleigh

La présence de plusieurs modes de résonance dans le récupérateur influence le comportement de la courbe de puissance et de la courbe du déplacement autour de la première fréquence de résonance, notamment si les fréquences de résonance sont proches. Pour l’étude d’un récupérateur sur plusieurs degrés de liberté, l’amortissement de Rayleigh est couramment utilisé et permet d’estimer la valeur d’un amortissement visqueux 𝜁𝑖 à chaque fréquence de résonance [188], [189]. Si l’amortissement de Rayleigh est considéré, la matrice 𝑪 d’amortissement du système à plusieurs degrés de liberté est donnée par une combinaison

linaire de la matrice de raideur 𝑲 et de la matrice de masse 𝑴 tel qu’exprimé en (V-18). De cette façon, le coefficient d’amortissement 𝜁𝑖 pour un mode de vibration dépend de la pulsation de résonance 𝜔𝑖 et est exprimé à partir des coefficients 𝛼𝑅𝑎𝑦 et 𝛽𝑅𝑎𝑦 par (V-19). Les coefficients 𝛼𝑅𝑎𝑦 et 𝛽𝑅𝑎𝑦 doivent être déterminés expérimentalement à partir de la mesure du coefficient d’amortissement sur deux modes de résonance.

𝑪 = 𝛼𝑅𝑎𝑦𝑴 + 𝛽𝑅𝑎𝑦𝑲 (V-18) 𝜁𝑖 =

𝛼𝑅𝑎𝑦 2𝜔𝑖 +

𝛽𝑅𝑎𝑦𝜔𝑖

2 (V-19)

Même s’il ne se base pas sur l’étude des phénomènes physiques de la structure résonante, l’amortissement de Rayleigh permet généralement de fournir une modélisation cohérente des pertes par rapport à l’expérience. Malgré tout, Lim et Soh [181] ont montré que la modélisation des pertes de leur système piézoélectrique était plus précise en utilisant des pertes par hystérésis plutôt qu’un amortissement de Rayleigh. Par ailleurs, pour les récupérateurs que nous avons fabriqués, la fréquence de résonance en court-circuit du deuxième mode de flexion est environ 10 fois supérieure à celle du premier mode de flexion. Le second mode de vibration ne semble donc pas influencer de façon importante la puissance récupérée par nos récupérateurs sur des résistances optimales. Par la suite, nous ne considérons pas l’amortissement de Rayleigh et nous analysons comment les pertes par hystérésis peuvent être prises en compte dans la modélisation.