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Discussion sur l’endommagement de la loi second gradient

Le choix retenu jusqu’ici pour la loi second gradient a été celui d’une loi découplée élastique linéaire à un paramètre. Ce type de loi agit comme un terme de pénalisation sur les gradients de déformation, mais il n’est pas le seul possible pour traiter de la localisation. Dans le cadre de la mécanique de l’endommagement il parait a priori naturel d’introduire l’effet de celui-ci, d’une manière ou d’une autre, dans la loi second gradient. Ce choix a en effet été appliqué par plusieurs auteurs sous différentes formes que nous mentionnerons ici.

6.4.1 Lois premier et second gradient à rapport constant

Kotronis [7] introduit ainsi un paramètre d’endommagement, qui est le même pour la loi 1er et second gradient, et dont l’évolution est telle que les rapports des différents modules des deux lois de comportements restent constants :

Gsec

B =C1 ; −Gtg

B =C2 ; Gsec

Gtg =C3 (6.15)

La taille de la bande de localisation dans le problème 1D étant une fonction de ces rapports ce choix permet d’obtenir a priori une longueur de localisation constante lors du chargement.

Les lois de comportement en 1 dimension sont ainsi données par :

σ= (1−D)E (6.16)

Σ = (1−D)B0 (6.17)

D= 1−κδ+1i

κδ+1 (6.18)

Il n’existe a priori pas de solution analytique pour le problème de la barre 1D avec ces lois à rapport constant. On effectue ici un calcul numérique dans le cas de la barre de1met pour les paramètres matériaux donnés dans le tableau 6.3. On donne figure 6.13 l’évolution des efforts N,σ et−Σ0 au point d’endommagement maximum de la barre au cours du chargement.

Lois de comportement

Paramètres élastiques Module de Young E 30 GPa Loi d’endommagement Endommagement D 1κκδ+1iδ+1

-Déformation initiale κi 0.1 % Forme de la courbe δ 0.5 -Loi second gradient Module élastique B 0.12 GN

Table6.3 – Essai 1D avec rapports constants : Paramètres

L’ajout d’un terme d’endommagement sur le terme second gradient permet également de diminuer les doubles contraintes qui se développent dans la barre, mais la dérivée de celles-ci qui intervient dans l’effort de traction n’est pas directement contrôlée. On remarque en effet que le terme de tractionN de la courbe globale force déplacement (figure 6.13) semble tendre asymptotiquement vers une valeur non nulle pour des déplacements imposés élevés. Cet effort résiduel est dû à la dérivée de la double contrainte (−Σ0) puisqu’à ce stade les contraintes classiquesσ sont faibles.

Chapitre 6. Application à un problème de traction unidimensionnel 75

Figure 6.13 – Barre 1D : Contraintes en bout de barre

On obtient des résultats similaires pour différents jeux de paramètres matériaux. Ce type de loi permet donc de contrôler la taille de la zone de localisation mais ne résout pas le problème des contraintes résiduelles importantes lié au terme de second gradient.

6.4.2 Loi d’endommagement classique

Yang et Misra [49] font eux le choix d’utiliser une loi d’endommagement du type (3.11).

L’endommagement est appliqué de la même manière aux modules des lois premier et second gradient.

σ= (1−D)E (6.19)

Σ = (1−D)B0 (6.20)

D= κc κ

κ−κi

κc−κi (6.21)

Ce choix conduit aux mêmes problèmes que précédemment, sans contrôle a priori sur la lon-gueur de localisation (celle-ci n’est pas gardée constante).

6.4.3 Loi d’endommagement de Li el al. obtenue par homogénéisation Li et al. [47], [48] établissent une loi d’endommagement macroscopique pour les milieux à second gradient en partant d’un volume élémentaire représentatif contenant des micro-fissures.

Les lois obtenues sont de la forme (en dimension 1) :

σ = (1−D1)E (6.22)

Σ =D2B0 (6.23)

D=

( Dc

κ2 κ2c

κ≤κc

1 κ > κc (6.24)

avec :

Chapitre 6. Application à un problème de traction unidimensionnel 76

D1 =D2=Dc D≤Dc

D2 = 0 D1 = 1 D > Dc (6.25) où Dc < 1 et κc sont des paramètres matériaux. Cette loi conduit à une rupture brutale lorsque la déformation limite κc est atteinte. Elle n’est donc pas utilisable dans les cas que nous souhaitons traiter ici.

6.4.4 Discussion

Comme nous l’avons vu précédemment (voir sections 4.3 et 6.1) dans le cas unidimensionnel de la barre en traction, l’effortN dans cette barre, n’est pas seulement liés aux contraintes de Cauchyσ mais également à la double contrainte, et plus précisément sa dérivée :

N =σ(x)−Σ0(x) (6.26)

Pour comprendre l’effet d’un éventuel ajout de l’endommagement sur la partie second gradient, on s’intéresse à la distribution des champs (x),σ(x) et Σ(x) dans la barre pour le cas de la solution analytique (sans endommagement sur la partie second gradient donc) de la section 4.3. La loi est bilinéaire pour la partie premier gradient et élastique pour la partie second gradient. En particulier on considère le cas d’une localisation se faisant au centre de la barre. On donne les champs (x), σ(x) et Σ(x) pour différentes valeurs de déplacement imposé dans les figures 6.14, 6.15 et 6.16 et pour les paramètres donnés dans le tableau 6.4.

Les conclusions restent cependant générales.

Géométrie et paramètres matériaux Grandeurs Valeur Unité

Dimension Longueur L 1.0 m

Loi premier gradient Module élastique Gel 150 Pa Module tangent Gtg -75 Pa Déformation limite κi 0.01

-Loi second gradient Module élastique B 0.8 N

Table6.4 – Essai de traction 1D : Paramètres

La déformation se localise dans une bande de largeur constante. Aux limites de cette bande la contrainte σ est égale à la contrainte maximale avant adoucissement (ici1.5P a). La double contrainte qui est proportionnelle à la dérivée de la déformation s’annule dans les zones de déformation homogène loin de la bande de localisation (les conditions limites supplémentaires imposent des doubles efforts nuls sur les bords). Elle s’annule également au centre de la bande, la déformation atteignant alors un maximum. La double contrainte change de signe en ce point et sa dérivée est non nulle.

Chapitre 6. Application à un problème de traction unidimensionnel 77

Figure 6.14 – Barre 1D : Déformation le long de la barre

Figure 6.15 – Barre 1D : Contrainteσ le long de la barre

Figure 6.16 – Barre 1D : Double contrainteΣle long de la barre

Considérons maintenant ce qui peut se passer lorsque l’on introduit un endommagement sur la loi second gradient : le module de cette loi diminue, le gradient de déformation est moins pénalisé et la bande de localisation aura tendance à rétrécir pour un module Gtg de la loi premier gradient gardé constant. La forme générale de la distribution des champs (x),σ(x) etΣ(x)n’est néanmoins pas changée. En particulier la dérivée de la double contrainte ne peut s’annuler que lorsque la taille de la zone de localisation a atteint la largeur de la barre.

Chapitre 6. Application à un problème de traction unidimensionnel 78

Conclusions

L’étude de l’essai de traction unidimensionnel avec des lois d’endommagement a permis d’établir des résultats analytiques sur l’énergie de fissuration et d’éclairer le comportement du modèle. L’énergie de fissuration calculée ici pour une loi premier gradient bilinéaire et une loi second gradient élastique linéaire ne peut cependant pas être utilisée telle qu’elle puisqu’elle ne correspond pas à la rupture de la barre. En fait pour une loi second gradient élastique linéaire, la rupture totale (absence d’efforts transmis) ne peut être atteinte que lorsque la barre est complètement endommagée.

Le modèle de second gradient permet cependant d’obtenir une régularisation correcte de la localisation des déformations pour des chargements limités. Pour des cas amenant à des ni-veaux d’endommagement important, l’élargissement non limité de la bande de localisation et la présence d’efforts second gradient ne peuvent être ignorés. L’introduction d’un endommage-ment sur la loi second gradient, du moins sous les formes présentées précédemendommage-ment, ne permet pas non plus d’obtenir une régularisation satisfaisante jusqu’à la rupture complète. La taille de la zone de localisation peut être contrôlée, mais les efforts liés à la partie second gradient ne disparaissent pas. D’autres pistes doivent donc être explorées.

On peut s’attendre dans des cas plus complexes (2D) à retrouver le même type de résultats concernant notamment l’évolution de la bande de localisation et les efforts dus aux termes second gradient. Les cas de localisation en bande de cisaillement et de problèmes typiques de structures en béton seront examinés dans les chapitres suivants.

Chapitre 7

Application à des essais sur des structures en béton

Introduction

On présente ici l’application du modèle de second gradient et de l’élément quadrangulaire à 9 noeuds à quelques cas d’essais sur des structures en béton (armé ou non). Les résul-tats numériques sont comparés aux données expérimentales quand elles existent mais l’objet est de montrer de manière générale les avantages et limitations du modèle sur des exemples classiques d’essais en béton armé. La loi d’endommagement de Mazars utilisée ici présente l’avantage d’avoir déjà été largement utilisée pour le béton, néanmoins il parait difficile d’ex-trapoler les paramètres matériaux issus de la littérature pour les essais modélisés ici puisque le comportement du modèle est modifié par la méthode de régularisation et en particulier par l’utilisation du modèle de second gradient (cf. chapitre 4). De plus, la détermination précise de paramètres matériaux adéquats pour différentes classes de béton est en dehors du cadre de notre étude. On montrera ici et dans les chapitres suivants, les limitations du modèle utilisé en l’état.

7.1 Poutre en béton armé en flexion 3 points

7.1.1 Dispositif expérimental

Cet essai est issu du cahier des charges du benchmark du projet national CEOS.fr. Il s’agit d’un essai de flexion 3 points sur une poutre en béton armé dont les caractéristiques géométriques sont : épaisseur b = 200mm, hauteur h = 500mm et portée de 5000mm. La géométrie de la poutre ainsi que la position des armatures sont résumées dans la figure 7.1.

Dans l’essai expérimental, un chargement vertical est appliqué sur la partie supérieure de la poutre tandis que celle-ci repose sur des appuis simples.

7.1.2 Modélisation éléments finis

L’essai de flexion 3 points est modélisé par un problème bidimensionnel en état plan de déformation (l’élément second gradient en contrainte plane étant en cours de développement).

La partie béton est modélisée par les éléments finis second gradient à 9 noeuds [46], tandis que les armatures sont représentées par des éléments barres, lesquelles sont supposées en adhé-rence parfaite avec le béton. Deux densités de maillage différentes sont utilisées, la première étant constituée de 5180 éléments (4148 éléments second gradient et 1032 éléments barre), et la seconde de 13949 éléments (10806 éléments second gradient et 2688 éléments barre). Les

Chapitre 7. Application à des essais sur des structures en béton 80

Figure 7.1 – Essai de flexion 3 points : dimensions de la poutre et position des armatures, [116],[117].

dimensions des éléments second gradient sont en moyenne de 0.02×0.035m pour le premier maillage et de 0.01×0.017m pour le second. Pour représenter les appuis, les déplacements verticaux des deux nœuds situés aux extrémités inférieures de la poutre sont bloqués, le dépla-cement horizontal étant également bloqué sur le nœud de droite. Le chargement est appliqué en imposant un déplacement dont la valeur augmente de façon monotone au cours du calcul.

Afin d’éviter un endommagement numérique artificiel, le déplacement est appliqué sur la partie supérieure sur des éléments parfaitement élastiques (zones oranges dans la figure 7.2) tandis qu’une zone non endommageable est également définie au niveau des appuis (zones roses dans la figure 7.2). Les paramètres matériaux utilisés sont donnés dans les tableaux 7.1 et 7.2.

Figure 7.2 – Essai de flexion 3 points : Maillages éléments finis

Paramètres matériaux Grandeurs Valeur Unité Paramètres élastiques Module de Young E 37.2 GPa

Coefficient de Poisson ν 0.20 -Loi Mazars Déformation initiale κi 0.09 %

Traction At 0.99

-Bt 6800

-Compression Ac 0.42

-Bc 780 -Loi second gradient Module élastique B 1.5 MN

Table7.1 – Essai de flexion 3 points : Paramètres des lois de comportement du béton

Chapitre 7. Application à des essais sur des structures en béton 81

Armatures Grandeurs Valeur Unité

Nappe inférieure Module de Young E 195 GPa Limite élastique σe 466 MPa

Section S 16.085 cm2

Nappe supérieure Module de Young E 195 GPa Limite élastique σe 466

-Section S 1.0053 cm2

Table7.2 – Essai de flexion 3 points : Paramètres des armatures 7.1.3 Résultats

La figure 7.3 donne la courbe force - flèche (mesurée au centre de la poutre) du modèle numérique comparée aux résultats expérimentaux (remarque : dans l’essai expérimental, le chargement était en réalité non-monotone avec un certain nombre de cycles charge-décharge, tandis que le chargement du modèle numérique est un déplacement imposé augmenté de ma-nière monotone). Les résultats des deux maillages sont ici identiques.

La courbe force déplacement présente le comportement classique d’une poutre en béton armé avec une réponse en 3 étapes : dans la première partie de la courbe le béton n’endom-mage pas et aucune plasticité n’apparait dans les armatures, la réponse est donc quasi-linéaire élastique ; dans un deuxième temps, le béton commence à s’endommager ce qui entraine un changement de pente dans la réponse globale ; enfin les aciers se plastifient ce qui entraine un second changement de pente. Il apparait que les résultats numériques donnent une réponse sensiblement plus raides dans cette troisième phase.

Figure 7.3 – Essai de flexion 3 points : courbe force déplacement

On donne à la figure 7.4 la carte de l’endommagement dans la poutre pour différentes valeurs de la flèche. On peut constater ici que l’endommagement est initialement diffus puis se localise en bande. Le nombre de bandes n’est pas constant mais augmente au cours du chargement.

En même temps la largeur des bandes augmente aussi. Le calcul cesse de converger pour un déplacement imposé trop important. Pour un même déplacement imposé le nombre de bandes de localisation de l’endommagement diffère pour les 2 maillages, en revanche les courbes globales force-déplacement sont superposées. Il est à noter que le nombre de bandes différent n’indique pas forcément une dépendance pathologique au maillage puisqu’à l’apparition de la localisation l’unicité de la solution du problème est perdue [57] [56]. On peut alors supposer qu’un maillage puisse favoriser une solution plutôt qu’une autre.

Chapitre 7. Application à des essais sur des structures en béton 82

Figure 7.4 – Essai de flexion 3 points : évolution du champs d’endommagement pour les 2 maillages