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6 Discussion sur l’origine de la déformation des piliers en compression in-situ

Nous avons vu dans la partie bibliographique (chapitre I) que les phases MAX se déforment en général par une combinaison de « Kink Bands », de bandes de cisaillement et de délaminations dans les grains individuels, lorsque l’axe de chargement est parallèle au plan de base [72].[3]. Plusieurs modèles se basant sur le caractère polycristallin des phases MAX massives expliquent leur comportement hystérétique sous chargement cyclé. Or ici, nous traitons le cas de la déformation du monocristal, sous la forme d’un pilier d’orientation

Chapitre IV : MICRO-COMPRESSION IN-SITU COUPLÉE À LA DIFFRACTION LAUE

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cristallographique unique. Seul le modèle des « Incipients Kink Bands (IKBs) » [3] peut alors être évoqué. Nous allons donc confronter nos résultats de déformation in-situ à ce modèle.

Résumé des résultats du pilier A4 : déformation plastique

Dans ce pilier, le plan de base (PB) se trouve dans une configuration intermédiaire par rapport à l’axe de compression (AC) (angle entre AC et PB est 34°) avec un facteur de Schmid quasiment nul pour le système �1 (001) ≡ 1/3[2-1-10](0001), 0,42 pour �2 (001) ≡ 1/3[-12-

10](0001) et 0,36 pour 3 (001) ≡ 1/3[-1-120](0001).

Les pop-ins apparus, sur la courbe contrainte-déformation obtenue par compression monotone de ce pilier, supposent l’apparition de cisaillements marqués. Les observations du pilier au MEB après déformation confirment, après analyse, l’activation de deux systèmes de glissement (combinés ou non) et des cisaillements localisés. L’analyse des clichés de diffraction Laue est conforme à ces observations.

Ces constats permettent de conclure que la déformation plastique du pilier « A4 » de Ti2AlN provient de mécanismes classiques (i.e. de l’activation des systèmes basaux), avec activation de quelques sources de dislocations (en surface ou non), incompatibles avec le concept d’IKBs.

Résumé des résultats des piliers E3 et F3 : déformation élastique

Le pilier « F3 » a été sollicité mécaniquement selon une série de 10 cycles charge-décharge. C’est un pilier où le plan de base (PB) est presque perpendiculaire à l’axe de compression (AC) (angle entre AC et PB est 75°) avec un facteur de Schmid de 0,25 pour 1(001) ≡ 1/3[2-1- 10](0001), 0,11 pour 2 (001) ≡ 1/3[-12-10](0001) et 0,13 pour �3 (001) ≡ 1/3[-1-120](0001).

Les dix courbes mécaniques obtenues ne montrent pas d’ouverture de cycle : il est cependant difficile de trancher sur cette absence d’hystérèse en raison du bruit important apparaissant sur ces courbes. Les taches de diffraction montrent toutes l’apparition d’un spot satellite qui effectue un mouvement réversible durant les cycles charge-décharge appliqués mais la rotation associée ne correspond jamais un système de glissement unique et bien défini. Ceci n’est pas compatible avec la présence d’une IKB constituée de boucles de dislocations ayant un même vecteur de Burgers. Nous pouvons donc conclure que le déplacement des taches est quelconque et plutôt lié au flambage élastique du pilier pendant chaque cycle charge-décharge.

Dans le cas du pilier E3, une configuration supposée très favorable aux IKBs a été étudiée. En effet, l’axe de compression (AC) et le plan de base sont parallèles (angle entre AC et PB = 0,03°), ce qui entraine un facteur de Schmid nul pour chacun des trois systèmes de glissement basaux. La très haute limite d’élasticité qui en résulte est alors supposée favorable au cisaillement élastique des plans de base, nécessaire à la nucléation des IKBs. La Figure IV- 22 illustre cette hypothèse appliquée au cas du pilier E3.

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Figure IV- 22 : a) Schématisation de la configuration des plans de base à l’intérieur du pilier E3 avec une IKB nucléée sous l’influence du champ de contrainte uni-axial. b) état final qu’adopterait le pilier si la contrainte devrait augmenter jusqu’à atteindre une valeur critique qui, elle, entrainerait la séparation de l’IKB en deux murs de dislocations séparés.

Dans les faits, la déformation imposée au pilier E3 est uniquement élastique, malgré les contraintes élevées imposées et en accord avec les facteurs de Schmid nuls pour les 3 systèmes de glissement possibles. Comme dans le cas du pilier F3, les taches de diffraction d’un même cliché se déplacent suivant des directions différentes au cours de l’essai de compression. Ceci est à nouveau incompatible avec l’apparition des boucles de dislocations qui sont supposées composer une IKB. Donc, encore une fois, le flambage élastique du pilier pourrait expliquer ce phénomène.

Bilan du chapitre IV

Nous venons de présenter dans ce chapitre IV, les expériences de compression in-situ de micropiliers de la phase Ti2AlN couplées à la diffraction de Laue. Quinze piliers (dont la hauteur varie de 6 à 12 µm et le diamètre de 1 à 3,5 µm) ont été usinés dans des grains dont les orientations cristallographiques ont été déterminées préalablement. Nous avons souligné la complexité des expériences et les problématiques d’exploitation des résultats, en particulier, l’indexation des clichés de diffraction. Pour cela, deux programmes d’indexation (xrdPSI, écrit au PSI, Suisse, et LaueTools, écrit à l’ESRF, France) ont été mis à profit afin d’indexer nos clichés de diffraction. Parmi les piliers exploités, nous avons présenté trois cas : un cas d’un pilier déformé plastiquement et deux autres dont le régime sondé est élastique.

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Ces expériences ont été effectuées dans le même objectif que celles du chapitre III : l’étude des mécanismes de déformation de la phase MAX Ti2AlN en configuration monocristalline. Nous avons vu qu’en compression in-situ les courbes contrainte-déformation cyclées n’ont pas permis d’observer l’hystérèse, probablement, à cause des vibrations et des variations thermiques. Cependant, le cyclage mécanique se traduit par des mouvements des taches de diffraction que nous avons comparés aux directions théoriques de rotations.

Pour le pilier A4, qui a été déformé plastiquement selon des directions de cisaillement bien définies, l’analyse post-mortem du pilier et l’analyse in-situ des clichés convergent et expliquent la déformation plastique de ce pilier selon l’activation de deux systèmes de glissement basaux (couplés ou non). Il s’agit donc d’un comportement plastique classique. Dans les piliers F3 et E3, où seul un comportement élastique est observé (macroscopiquement mais aussi via la réversibilité totale des mouvements des taches de diffraction), aucun élément ne vient confirmer l’apparition d’IKBs, même dans un cas aussi favorable que celui du pilier E3 avec les plans de base parallèles à l’axe de compression.

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Chapitre V

TRANSITION FRAGILE-

DUCTILE : ANALYSE DE

MICROSTRUCTURES DE

DÉFORMATION À HAUTE

TEMPÉRATURE

Chapitre V : TRANSITION FRAGILE-DUCTILE : ANALYSE DE MICROSTRUCTURES DE DÉFORMATION À HAUTE TEMPÉRATURE

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1.- Introduction

À haute température, comme nous l’avons vu dans le chapitre I, les phases MAX montrent une transition fragile-ductile aux alentours de 850°-1100° [2], [6]. Comme mentionné dans la partie bibliographique, des études microstructurales par MET ont déjà été effectuées sur des échantillons polycristallins de phases MAX Ti2AlN [6] ou Ti3AlC2 [71] déformés à haute température par des essais de compression macroscopiques. Les résultats obtenus ont montré que dans ces conditions, contrairement à ce qui est observé à température ambiante, le glissement de dislocations hors plan de base peut être activé. Afin de comprendre ce phénomène de transition fragile-ductile en terme de mécanismes élémentaires de déformation, des essais de nanoindentation en température et à des forces relativement élevées sont mis en œuvre dans le cadre de ce travail de thèse. Ces essais micromécaniques sont couplés aux techniques de microscopie optique (MO), de microscopie à force atomique (AFM) pour la caractérisation microstructurale en surface des empreintes résiduelles et celles de microscopie électronique en transmission (MET et ASTAR) pour la caractérisation de microstructures et des désorientations cristallographiques sous l’empreinte. En travaillant à l’échelle du monocristal, ce chapitre s’inscrit donc dans la lignée des chapitres III et IV.

Les expériences de ce chapitre ont été réalisées dans le cadre de deux collaborations. La nanoindentation en température et la préparation des lames MET par FIB ont été effectuées dans le cadre d’un programme PHC PROCOPE avec le laboratoire « Institut fur Metallkunde und Metallphysik (IMM), RWTH Aachen University », en Allemagne dirigé par Sandra KORTE avec les aides précieuses des doctorants Christoffer ZEHNDER et Sebastian SCHRÖDERS. Les analyses ASTAR ont été réalisées, en collaboration avec le laboratoire SIMaP, Université de Grenoble avec les aides de Patricia DONNADIEU et Gilles RENOU. Dans le cadre de la thèse, nous présentons quelques premiers résultats montrant la faisabilité de la démarche.