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6. Discussion

6.1 Réponse aux questions de recherche

6.1.4 Discussion des résultats liés au contexte d’apprentissage intensif

Nous avons pu constater que le contexte d’anglais intensif dans le système scolaire québécois a fait l’objet de plusieurs études au fil des années et les principaux résultats sur le développement de la L2 à l’oral indiquent, rappelons- le, que les élèves ayant complété un programme d’anglais intensif atteignent un niveau d’anglais du point de vue de l’aisance (Lightbown & Spada, 1991) et des habiletés communicatives (Collins et al., 1999) qui surpasse le niveau atteint par leurs collègues qui font le parcours régulier (à raison de 120 minutes par semaine) (Lightbown, 2001, 2003). Également, nous avons pu relever que les élèves passent en général du niveau de faux débutant à celui d’intermédiaire avec une confiance en eux du point de vue communicatif (Collins & White, 2011; Lightbown & Spada, 1994, 1997; Spada & Lightbown, 1989) à la suite du programme d’enseignement intensif de la L2 (anglais) dans le système scolaire.

Une seule étude à notre connaissance s’est penchée sur l’AO, mais dans une perspective de maintien des gains à long terme, à savoir celle de Lightbown et Spada (1991). Les principaux résultats de cette étude sont, rappelons-le, que les élèves du secondaire ayant bénéficié d’un programme intensif au primaire ressortent comme supérieurs du point de vue de l’aisance (fluency) et de la précision (accuracy) à leurs collègues au secondaire n’ayant pas fait le programme intensif. Dans l’étude de Lightbown et Spada (1991), le concept d’AO semble en grande partie être lié à un concept de volume de parole produite et est attesté en ce qui a trait à la loquacité. L’AO dans cette étude semblerait plus liée à une capacité lexicale chez l’apprenant. Les résultats des participants montrent qu’ils parlent plus que leurs collègues n’ayant pas fait le programme, 5 ans après (plus grande proportion de prises de parole prolongées).

De ce survol, on constate qu’aucune étude à ce jour n’avait tenté de mesurer le développement de l’AO en L2 entre le début et la fin du programme sur la base de l’aisance d’énonciation selon des valeurs temporelles telles que le DP, le TP et la LME, ni en lien avec la L1, la MdT et la MP. Notre étude a permis de démontrer que le contexte d’anglais intensif tel que vécu dans le système

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scolaire québécois permet un progrès significatif de l’AO en L2 pour toutes les mesures temporelles, à savoir le DP, le TP et la LME entre le début et la fin du programme.

Nos résultats démontrent aussi que l’AO développée en L2 au cours d’un programme d’anglais intensif semble être explicable par une procéduralisation de connaissances existantes présentes au T1 et que le principal facteur expliquant ce développement est l’AO en L2 au T1. Comme la procéduralisation est basée sur les connaissances déclaratives, on pourrait supposer que l’existence d’un certain niveau au départ (un niveau seuil qui reste à déterminer) permettrait à certains participants de bénéficier davantage des occasions de pratique du contexte, leur donnant ainsi un certain avantage. Cela expliquerait pourquoi le niveau initial est le meilleur prédicteur dans notre étude. Il faut néanmoins chercher à comprendre les autres facteurs qui sous-tendent le développement de l’AO dans ce contexte d’apprentissage puisque nous avons pu voir dans notre étude qu’outre le DP en L1 en entrevue et l’AO en L2 au T1, qu’aucune mesure de l’AO en L1, de la MdT et de la MP ne jouait un rôle significatif dans le développement de l’AO en L2 laissant une grande proportion du développement inexpliquée.

6.1.5 Synthèse

L’AO en L1 est liée à l’AO en L2 au T1 et au T2. Il est intéressant de constater que les résultats varient en fonction de la tâche (monologique ou dialogique). Le DP en L1 au T1 est en lien avec le DP en L2 au T2 seulement dans la tâche dialogique. Des corrélations entre la tâche monologique en L1 et en L2 n’apparaissent qu’au T2. Ces résultats apportent un éclairage sur la contrainte cognitive imposée par la tâche et semblent nous montrer que le contexte dialogique permet peut-être de mieux comprendre le développement langagier chez le débutant compte tenu des mesures que nous avons utilisées. Il est intéressant que notre étude présente cette particularité d’avoir tenté différents types de tâches chez des débutants en contexte développemental. Cela nous a permis d’entrevoir que les mesures et la manière d’éliciter l’oral ont un impact sur

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les résultats, à savoir qu’une tâche monologique chez le débutant semble donner peu de résultats alors qu’un lien est visible en tâche dialogique entre les variables d’AO des deux langues. Le contexte dialogique semble imposer des contraintes cognitives moins importantes que le contexte monologique et cela rend peut-être plus facile l’étude du développement langagier en permettant une production de langage plus importante.

Toujours en résumant les réponses apportées par notre étude, on retrouve des liens entre la MdT et la MP et l’AO en L2 au T1 et au T2. La MdT, mesurée par l’ECOI, s’est retrouvée liée à toutes les mesures temporelles de toutes les tâches, nous montrant que l’empan de mémoire était en lien avec toutes les mesures temporelles de l’étude. La MP, par la RNM (syllabes) a également permis de faire un lien entre la LME dans toutes les tâches au T2, nous montrant une augmentation des liens entre le T1 et le T2.

Notre étude a ceci d’intéressant qu’elle corrobore les résultats de la recherche antérieure sur le lien entre la MdT et l’AO (Kormos & Sáfár, 2008) et enrichit la littérature existante sur le fait que le lien entre la MP et l’AO est présent chez les débutants (Abdallah, 2010; Cheung, 1996; Gathercole et al., 2005; Speciale et al., 2004). D’un autre côté, le lien entre la MP et l’AO, qui tend à s’amenuiser comme évoqué dans la recherche antérieure (Abdallah, 2010; Cheung, 1996; Gathercole et al., 2005; Speciale et al., 2004), ne semble pas trouver écho dans notre étude, laissant croire que l’attrition du lien MP et AO s’effectue peut-être dans des niveaux plus élevés que ceux des participants de notre étude.

Finalement, nous avons pu constater que les variables de mémoire et de L1 à l’étude apportent une contribution, une fois que l’on contrôle pour la contribution de la L2 (qui explique la plus grande variation dans le développement de l’AO entre le T1 et le T2). Notre étude a permis de faire ressortir l’importance de la L1 comme mentionné par Segalowitz (2010) lorsqu’il est question de comprendre le développement de l’AO en L2, mais plus précisément le rôle du DP en L1.

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Nos analyses ont également permis de découvrir que bien que des liens existent entre les variables, la contribution de ces variables au développement de l’AO n’est pas significative, laissant une proportion importante du développement inexpliquée par ces facteurs cognitifs. Aussi, le fait que le développement de l’AO ne se justifie pas par les variables à l’étude pourrait s’expliquer par les choix méthodologiques qui ne permettent pas de bien saisir les liens entre les constructions. À cet égard, mentionnons que notre étude fait ressortir l’importance du type de tâche qui semble affecter la demande cognitive si l’on veut interpréter avec plus de justesse le rôle des variables individuelles cognitives dans le développement de l’AO en L2. À la lumière de ces constats, des implications pour la recherche futures seront proposées dans la section suivante.