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Aisance à l'oral en langue première, mémoire de travail et mémoire phonologique dans le développement de l'aisance à l'oral en langue seconde chez de jeunes francophones en contexte d'apprentissage intensif de la langue seconde

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Texte intégral

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Aisance à l’oral en langue première, mémoire de travail et

mémoire phonologique dans le développement de l’aisance à

l’oral en langue seconde chez de jeunes francophones en

contexte d’apprentissage intensif de la langue seconde

Thèse

Nancy Gagné

Doctorat en linguistique — Didactique des langues

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

(2)

Aisance à l’oral en langue première, mémoire de travail et

mémoire phonologique dans le développement de l’aisance à

l’oral en langue seconde chez de jeunes francophones en

contexte d’apprentissage intensif de la langue seconde

Thèse

Nancy Gagné

Sous la direction de :

Kirsten Hummel, directrice de recherche

Leif French, codirecteur de recherche

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iii Résumé

Les modèles actuels d’aisance à l’oral (AO) en langue seconde (L2) (Segalowitz, 2010; Skehan, Foster, & Shum, 2016) suggèrent que les différences individuelles comme la mémoire de travail (MdT) et la mémoire phonologique (MP) pourraient sous-tendre le développement de l’AO en L2. Bien que la recherche ait généralement démontré que la MdT et la MP jouent un rôle important dans différents aspects de l’acquisition de la L2, incluant l’AO (Linck, Osthus, Koeth, & Bunting, 2014; O'Brien, Segalowitz, Freed, & Collentine, 2007), peu de recherches ont à ce jour tenté d’examiner la contribution relative de la MdT et de la MP dans un contexte d’enseignement intensif de la L2. En plus du rôle de la mémoire, la recherche récente (Segalowitz, 2016) a identifié la potentielle importance de l’AO en langue première (L1) dans le développement de l’AO en L2. Cependant, à notre connaissance, il n’y pas eu d’investigation formelle de l’impact de l’AO en L1 sur l’AO en L2, ni de comment l’AO en L1 interagit avec la capacité de la MdT et de la MP dans le développement de la L2. La présente étude se penche sur l’influence combinée et interdépendante de la L1, de la MdT et de la MP sur le développement de l’AO en L2 chez des préadolescents de 6e

année (n = 47, âge moyen : 11 ans) inscrits dans un programme d’enseignement intensif de la L2 de 10 mois dans une région du Québec, au Canada.

La MdT (capacité à traiter et à emmagasiner simultanément le matériel verbal) a été mesurée à l’aide d’une tâche d’empan de chiffre en ordre inverse (Wechsler, 2003). La MP (capacité à traiter et à emmagasiner les nouvelles traces phonologiques en mémoire à court terme) a été mesurée à l’aide de deux tâches : i) une tâche de répétition de non-mots (Poncelet & Van der Linden, 2003) et ii) une tâche de reconnaissance de séries de non-mots (Abdallah, 2010). Les tests de MdT et de MP ont été administrés à deux moments distincts, soit au début du programme (nommé temps 1 ou T1), soit vers la fin du programme après 9 mois (T2). Les mesures temporelles d’AO en L1 et en L2 (dans le présent contexte le débit de parole (DP), le temps de phonation (TP) et la longueur moyenne de l’énoncé (LME)) ont été prises à l’aide de deux tâches : i) une tâche monologique à

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iv

partir d’images (Derwing, Rossiter, Munro, & Thomson, 2004) et ii) une tâche dialogique, c’est-à-dire une entrevue semi-dirigée basée sur l’Oral Proficiency Interview (Breiner-Sanders, Lowe, Miles, & Swender, 2000). L’AO en L2 a été mesurée au T1 et au T2. L’AO en L1 a été mesurée au T1.

Les analyses de corrélation montrent que la L1, la MdT et la MP sont significativement reliées à l’AO en L2 à la fois au T1 et au T2. Une série d’analyses de régression révèlent que les mesures d’AO en L2 (tâches monologique et dialogique) au T1 expliquent le plus grand pourcentage de variance dans les tâches au T2, expliquant de 14,5 % à 34,8 % de la variation dans le développement de l’AO en L2. Cependant, seul le DP en L1 au T1 en tâche dialogique (entrevue) explique de manière significative 15 % de la variation dans le développement du DP en L2 entre le T1 et le T2 en entrevue. La MdT et la MP semblent expliquer une partie de la variation dans les deux tâches, mais leur contribution n’est pas significative. Au final, ces résultats suggèrent que l’AO en L1, la MdT et la MP ne jouent qu’un rôle mineur dans le développement de l’AO en L2, alors que le niveau initial en L2 constitue un facteur important dans le développement de l’AO en L2, et ce, peu importe la tâche utilisée pour mesurer l’AO.

Résumé : À l’aide d’une tâche monologique et d’une tâche dialogique, cette étude s’intéresse à la contribution de la L2 au début d’un programme, de la L1, de la MdT et de la MP au développement de l’AO en L2 chez de jeunes apprenants de l’anglais L2 (n = 47) dans le cadre d’un programme intensif de 10 mois. Les résultats montrent que seul le débit de parole en entrevue en L1 et l’AO en L2 au T1 prédisent une partie significative du développement de l’AO en L2. Les contributions varient en fonction de la tâche et de la mesure temporelle.

Mots clés: Aisance langagière, aisance à l’oral, langue première, langue seconde, acquisition d’une langue seconde, mémoire de travail, mémoire

phonologique, tâche monologique, tâche dialogique, contexte

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v Abstract

Current models of second language (L2) fluency (Segalowitz, 2010; Skehan, Foster, & Shum, 2016) increasingly suggest that individual differences such as working memory (WM) and phonological memory (PM) may underlie successful L2 fluency development. Although research has generally shown that both WM and PM play an important role in different aspects of L2 acquisition including fluency (Linck, Osthus, Koeth, & Bunting, 2014; O'Brien, Segalowitz, Freed, & Collentine, 2007), little research has thus far attempted to examine the relative contributions of WM and PM to L2 fluency development in a formal intensive learning context. Moreover, recent research (Segalowitz, 2016) has also identified the potential importance of first language (L1) fluency for L2 fluency outcomes; however, to our knowledge, there has been no systematic investigation of the extent to which L1 fluency impacts overall L2 fluency, nor how it might interact with WM and PM capacity during the development of L2 fluency. The present study therefore looked at the independent and combined influence of L1 fluency, WM and PM on the development of adolescent French speakers’ L2 (English) fluency during an intensive 9-month study period.

French-speaking Grade 6 learners (n = 47; age: 11) were enrolled in a 10- month intensive English program in Quebec, Canada. Measured at the beginning (Time 1) and after a 9-month study period (Time 2), WM (the ability to process and store verbal material simultaneously) was assessed using a Backward Digit Span (Wechsler, 2003), and PM (ability to process and store novel phonological traces in short-term memory) was assessed via a nonword repetiton task (Poncelet & Van der Linden, 2003) and a serial nonword recognition task (Abdallah, 2010). L1 and L2 utterance fluency, evaluated through temporal characteristics of speech (identified in the present context as speech rate, phonation time and mean length of run) was assessed using a picture-cue monologic task based on The Suitcase Story (Derwing et al., 2004) and a semi-structured dialogic task based on the Oral Proficiency Interview (OPI) (Breiner-Sanders, Lowe, Miles, & Swender, 2000). L2 fluency was measured at Time 1 and Time 2; L1 fluency was measured at Time 1.

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vi

Correlation analyses showed that L1, WM and PM were significantly linked to L2 fluency at both Time 1 and Time 2. A series of multiple regression analyses revealed that L2 temporal measures for both oral tasks (Time 1) accounted for the greatest amount of variance on these tasks at Time 2, explaining from 14.5% to 34.8% of the variation in fluency improvement. However, only L1 speech rate (Time 1) significantly predicted improvement in learners’ L2 speech rate on the dialogic task (Time 2), accounting for 15% of the variation. WM and PM also explained a percentage of the variation for both tasks; however, the contribution was not significant. Overall, these results suggest that L1 fluency, WM and PM played only a minor role in learners’ L2 fluency outcomes, whereas learners’ pre-program levels of L2 fluency constituted an important factor in L2 fluency development regardless of the speech task used to index fluency.

Summary : Using monologic and dialogic oral tasks, this study tracked the relative contributions that English learners’ (n = 47) L1 and initial L2 fluency skill, as well as WM and PM made to L2 fluency development over a nine-month study period. Results showed that L1 speech rate in the dialogic task and L2 fluency at T1 predicted improvement in L2 fluency, but contributions varied as a function of task type and speech measure.

Keywords : L1 fluency, L2 fluency, oral fluency, second language acquisition, working memory, phonological memory, dialogic task, monologic task, intensive learning settings, formal instruction, intensive English

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vii Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xii

Liste des abréviations ... xiii

Remerciements ... xiv

CHAPITRE 1 ... 1

1. Introduction ... 1

1.1 Problématique ... 5

1.2 Les différences individuelles en AO en L1 ... 5

1.3 Les différences individuelles cognitives (MdT et MP) ... 8

1.4 Objectifs ... 9 CHAPITRE 2 ... 11 2. Cadre théorique ... 11 2.1 L’aisance à l’oral ... 11 2.1.1 L’aisance cognitive ... 13 2.1.2 L’aisance perçue... 13 2.1.3 L’aisance d’énonciation ... 14

2.2 Mémoire de travail et mémoire phonologique ... 16

2.3 Choix des tâches ... 18

2.3.1 Mesure de la mémoire de travail ... 19

2.3.2 Mesures de la mémoire phonologique ... 20

2.3.3 Langue des tests de mémoire de travail et de mémoire phonologique ... 23

2.4 Synthèse ... 25

CHAPITRE 3 ... 26

3. Revue de la littérature ... 26

3.1 Différences individuelles cognitives liées à la mémoire de travail (MdT), à la mémoire phonologique (MP) et l’aisance à l’oral (AO) ... 26

3.2 Le lien entre l'AO en L1 et l'AO en L2... 34

3.3 Effet du contexte d’apprentissage sur le développement de l’AO ... 39

(8)

viii

3.5 Questions de recherche et hypothèses ... 46

3.5.1 Questions de recherche ... 46

3.5.2 Hypothèses générales et spécifiques ... 47

3.5.2.1 Hypothèses générales... 47 3.5.2.2 Hypothèses spécifiques ... 48 CHAPITRE 4 ... 51 4. Méthodologie ... 51 4.1 Participants ... 51 4.2 Contexte d’apprentissage ... 53 4.3 Instruments et passation ... 54 4.3.1 Questionnaire sociodémographique ... 55 4.3.2 Mesures de l’AO ... 55 4.3.2.1 La narration ... 58 4.3.2.2 L’entretien semi-dirigé ... 59

4.3.2.3 Mesure composite de l’aisance à l’oral en L2 ... 60

4.3.3 Les tâches pour les mesures de mémoire (MdT et MP) ... 61

4.3.3.1 Mémoire de travail ... 62

4.3.3.2 Mémoire phonologique ... 63

4.4 Instruments et passation ... 66

4.5 Dépouillement et codification des données ... 68

4.5.1 Questionnaire sociodémographique ... 68

4.5.2 Analyse des données de l’AO ... 69

4.5.3 Analyse des données de l’empan de chiffres en ordre inverse ... 72

4.5.4 Analyse des données de la répétition de non-mots ... 73

4.5.5 Analyse des données de la reconnaissance de séries de non-mots ... 74

4.6 Préparation des analyses et synthèse ... 74

CHAPITRE 5 ... 76

5. Résultats ... 76

5.1 Statistiques descriptives des variables d’AO en L1 et en L2 au T1 et des tests de mémoire ... 77

5.1.1 AO en L1 au T1 et développement de l’AO en L2 au T1 et au T2 ... 78

5.1.2 Mémoire de travail et mémoire phonologique au T1 et au T2 ... 84

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ix

5.2.1 Corrélations entre les différentes variables ... 88

5.2.1.2 Analyse de corrélation : Tests de mémoire de travail et de mémoire phonologique et l’AO en L1 et en L2 ... 93

5.2.2 Analyses de régression standard ... 96

5.2.3 Analyses complémentaires ... 107

5.3 Synthèse des résultats ... 107

CHAPITRE 6 ... 109

6. Discussion ... 109

6.1 Réponse aux questions de recherche ... 109

6.1.1 Réponse à la première question de recherche: le lien entre l’AO en L1 et en L2 ... 111

6.1.1.1 Discussion relative à la première question de recherche sur le lien entre l’AO en L1 et en L2 ... 111

6.1.2 Réponse à la deuxième question de recherche : le lien entre la MdT et la MP et l’AO en L2 ... 116

6.1.2.1 Discussion relative à la deuxième question de recherche sur le lien entre la MdT, la MP et l’AO en L2 ... 118

6.1.3 Réponse à la troisième question de recherche : le rôle de l’AO en L1, de la MdT et de la MP dans le développement de l’AO en L2 ... 125

6.1.3.1 Discussion relative à la troisième question de recherche sur le rôle de l’AO en L1, de la MdT et de la MP dans le développement de l’AO en L2 ... 126

6.1.4 Discussion des résultats liés au contexte d’apprentissage intensif ... 138

6.1.5 Synthèse ... 139

6.2 Implications pour la recherche ... 141

6.3 Limites et pistes de recherche futures ... 143

CHAPITRE 7 ... 153

7. Conclusion ... 153

8. Références ... 156

9. Annexe 1 : Questionnaire sociodémographique ... 169

10. Annexe 2 : Tâche de narration ... 175

11. Annexe 3a : Entretien semi-dirigé (anglais) ... 176

12. Annexe 3b : Entretien semi-dirigé (français) ... 177

13. Annexe 4 : Test d’empan de chiffres en ordre inverse ... 178

14. Annexe 5 : Répétition de non-mots (français) ... 179

(10)

x

16. Annexe 7 : Liste des modifications acceptées dans le test de répétition de non-mots ... 182 17. Annexe 8 : Conventions de codage pour les transcriptions ... 183 18. Annexe 9a : Nuage de distribution des données d’AO en L1 et en L2 au T1 . 184 19. Annexe 9b : Nuage de distribution des données d’AO en L1 et en L2 au T2 . 190 20. Annexe 10 : Données descriptives des tests de mémoire des participants

présents au T1 et au T2 et des participants présents au T1 seulement ... 196 21. Annexe 11 : Corrélations entre les 3 mesures d’aisance à l’oral (débit de

parole (DP), temps de phonation (TP) et longueur moyenne de l’énoncé (LME) prises au T1 et au T2 pour la langue seconde seconde (L2) ... 197

(11)

xi Liste des tableaux

Tableau 1 : Données descriptives de l’AO en L1 ... 79 Tableau 2 : Données descriptives de l’AO en L2 au T1 et au T2 ... 80 Tableau 3 : Données descriptives des tests de RSNM, d’ECOI et de RNM au T1 et au T2 ... 86 Tableau 4 : Intercorrélations simples entre toutes les variables au T1 pour

toutes les données d’AO et des tests de mémoire ... 90 Tableau 5 : Intercorrélations simples entre toutes les variables au T2 pour

toutes les données d’AO et des tests de mémoire ... 91 Tableau 6 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du DP

en narration au T2 ... 98 Tableau 7 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du TP en

narration au T2 ... 99 Tableau 8 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante de la LME

en narration au T2 ... 100 Tableau 9 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du DP

en entrevue au T2 ... 101 Tableau 10 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du TP

en entrevue au T2 ... 102 Tableau 11 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante de la LME en entrevue au T2 ... 103 Tableau 12 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du DP

en composite au T2 ... 104 Tableau 13 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante du

en composite au T2 ... 105 Tableau 14 : Modèle détaillé de régression : variable dépendante de la LME

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xii Liste des figures

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xiii Liste des abréviations

AC Administrateur central

ALS Acquisition des langues secondes

AO Aisance à l’oral

CO Compétence à l’oral

CompL1 Composite en langue première CompL2 Composite en langue seconde

DP Débit de parole

ECOI Empan de chiffres en ordre inverse EnL1 Entrevue en langue première EnL2 Entrevue en langue seconde

L1 Langue première

L2 Langue seconde

LME Longueur moyenne de l’énoncé

MELS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport MdT Mémoire de travail

MP Mémoire phonologique

NaL1 Narration en langue première NaL2 Narration en langue seconde RNM Répétition de non-mots

RSNM Reconnaissance de séries de non-mots

T1 Temps 1

T2 Temps 2

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xiv Remerciements

Faire un doctorat est une longue aventure. Une aventure qui vient avec son lot de joies et de moments difficiles. Néanmoins, au terme de ce périple, j’aimerais remercier ceux qui ont été avec moi depuis le début, mais aussi ceux qui m’ont appuyé à un moment ou à un autre même.

Leif, tu as été le premier à m’inviter à plonger dans cette aventure. Je me souviens de notre première rencontre. Notre vision de la didactique était tellement similaire que je me souviens avoir pensé que ce n’était pas possible de pouvoir enfin échanger avec quelqu’un comme toi. Les mots sont insuffisants pour exprimer ma gratitude, mais aussi tout le respect et l’admiration que j’ai pour toi. Tu m’as fait confiance et j’ai apprécié travailler avec toi depuis le premier jour. Même si tu es parti aux États-Unis, j’espère avoir la chance de travailler avec toi à de nombreux autres projets et pour de nombreuses années encore.

Madame Hummel, je ne sais pas comment vous remercier d’avoir été si patiente et d’avoir pu me diriger, me conseiller et suivre mon cheminement à distance. Votre œil de lynx m’a permis de peaufiner ma pensée à un niveau que je ne croyais pas possible. Merci de m’avoir permis de mener une étude si vaste en contexte régional et d’avoir cru en moi. Quel honneur d’avoir pu travailler avec vous.

Je remercie également chaleureusement les membres du jury pour leurs précieux commentaires. Suzie Beaulieu, Philippa Bell et Marc Lafontaine, chacun d’entre vous a apporté un éclairage nécessaire et enrichissant à cette étude. Je vous en remercie du fond du cœur.

Merci à tous les beaux élèves de 6e année qui ont accepté de participer à l’étude, mais aussi à leurs enseignants, Dominique Harvey et Julie Sirois d’avoir accepté de me « prêter les élèves », et ce, malgré un horaire chargé. Un gros merci à la Commission scolaire de la Jonquière d’avoir accepté le projet, mais particulièrement à Jacynthe Bond et Isabelle Girard d’avoir soutenu mon projet.

Je ne pourrais passer sous silence le travail des assistants de recherche qui ont contribué à différents stades de ce projet. Jean-Daniel Guay, qui avait pourtant juré ne plus travailler avec l’histoire de la valise. Merci de l’avoir écouté des milliers de fois supplémentaires à cause de moi, mais aussi pour tes conseils statistiques et pour nos longs débats sur les mesures idéales. Longue vie à notre collaboration! Caroline Bellemare, Annie Laberge, je vous remercie pour vos transcriptions et pour votre soutien à la correction. J’ai une pensée toute spéciale pour Amélie

(15)

xv

Coutu, qui voulait en savoir plus sur les mesures de la mémoire. Après m’avoir aidée avec ces tests, je pense que tu les comprends très bien maintenant. Finalement, Julie Macquart, alliée inébranlable des bons et des mauvais jours, je ne peux passer sous silence ton écoute, ton aide à compiler et ton soutien infaillible 24/7. Je garde un précieux souvenir de tous les fous rires statistiques, les jours où trop d’analyses ont été réalisées et où tous les croisements ont été imaginés.

Merci à mes parents et à mon frère qui ont toujours soutenu mes projets d’études et qui ont été d’un soutien inébranlable aux cours des années. Par les gestes quotidiens et les coups de main avec les enfants, vous avez rendu cette réalisation possible.

Finalement, un gros merci à Sheldon et Maxime qui ont laissé maman travailler beaucoup trop souvent les soirs et les fins de semaine. Merci de ne jamais utiliser l’ordinateur quand la clé USB est branchée et de comprendre même à 11 et 8 ans que ce projet de doctorat était un rêve pour moi et de m’encourager. Je n’oublierai jamais vos belles petites bouilles qui me disent : « Comment ça va ton doctorat? Tu vas réussir ». J’espère vous poser la même question dans quelques années mes beaux garçons.

(16)

1

CHAPITRE 1

1. Introduction

L’acquisition d’une langue seconde (L2) en milieu scolaire est un défi de taille pour les apprenants. Pour les décideurs en matière de programmes de formation en éducation, le défi repose sur les choix relatifs à faire quant à l’implantation de programmes qui permettent cette acquisition. La plupart des gens s’accorde quant à l’importance de connaître une L2 et le rôle de l’école est de permettre l’apprentissage d’une L2 dans un contexte d’instruction formel. En éducation au Québec, les attentes quant à l’acquisition de l’anglais (L2) en contexte scolaire sont que « les élèves devraient, à la fin du secondaire, être capables de se faire comprendre facilement par un interlocuteur anglophone en s’exprimant avec aisance et de le comprendre (l’anglais) sans difficulté » (MELS, 2013). Bien que les apprenants d’une L2 dans le contexte scolaire québécois soient soumis aux mêmes programmes de formation, avec des attentes similaires quant à la performance à l’oral attendue, force est de constater que le développement de l’aisance à l’oral (AO), cette capacité à s’exprimer de manière fluide et sans effort, s’avère être, sur le plan cognitif, un défi de taille pour beaucoup d’apprenants (Birdsong, 2005; DeKeyser & Larson-Hall, 2005). C’est donc avec l’objectif de mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent le développement de l’AO en L2 que nous avons entrepris ce travail de recherche doctorale.

On constate dans la communauté de recherche en L2 que les apprenants acquièrent rarement le même niveau de compétence en L2 qu’en langue première (L1) (Clark & Fox Tree, 2002; de Jong, Groenhout, Schoonen, & Hulstijn, 2015; Derwing, Munro, Thomson, & Rossiter, 2009; Hilton, 2008a, 2008b; Hulstijn & Bossers, 1992). Certains argumenteront même qu’un apprentissage débuté au-delà d’un certain âge (généralement la puberté) ne mène que peu d’apprenants adultes à obtenir une compétence langagière identique sur tous les points (linguistiques) à celle d’un locuteur natif (p. ex. Hyltenstam & Abrahamsson, 2000). De ce fait, de nombreux chercheurs ont investigué le résultat ultime en

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2

apprentissage de la L2 relativement aux différents facteurs pour l’expliquer, comme l’âge du début de l’apprentissage ou l’aptitude (voir Muñoz & Singleton (2011) pour une revue).

Si l’on s’intéresse de plus près à la performance à l’oral, on remarque que les apprenants d’une L2 atteignent rarement le même niveau d’AO en L2 qu’en L1 (Segalowitz, 2010). On peut supposer que l’atteinte d’un niveau fonctionnel en L2, mais surtout que de s’exprimer avec aisance en L2, peut dépendre, en plus de l’expérience d’apprentissage, de plusieurs facteurs cognitifs et sociaux. Ces facteurs pourraient en effet s’avérer importants pour expliquer le fait observé que le développement de l’AO en L2 varie de manière aussi considérable d’un individu à l’autre. On pourrait plus spécifiquement évoquer la possibilité qu’une partie importante de la variation de l’AO en L2 soit potentiellement issue d’une combinaison de différences individuelles reliées à l’AO en L1, par exemple le fait que certaines personne peuvent s’exprimer en faisant beaucoup de pauses ou avec un débit plus ou moins rapide, ou encore s’expliquer par d’autres différences cognitives, telles que le fonctionnement de la mémoire de travail (MdT) ou de la mémoire phonologique (MP).

Notre étude se penche sur le contexte d’anglais intensif, contexte d’apprentissage dans lequel on peut s’attendre à observer un développement langagier à l’oral significatif en peu de temps. Ce développement, variable d’un individu à l’autre nous a permis de nous pencher sur l’étude des variables individuelles cognitives, à savoir l’AO en L1, la MdT et la MP dans le développement de l’AO en L2. Plus précisément, nous avons examiné le degré auquel les différences individuelles associées à l’AO en L1 (surtout les caractéristiques temporelles) et à la capacité mémorielle (MdT et MP) jouent un rôle dans le développement de l’AO en L2 chez les préadolescents lorsque ces derniers sont inscrits dans un programme d’anglais intensif de 10 mois. La recension de la littérature existante (Allen, 2010; Collins, Lightbown, Halter, & Spada, 1999; Collins & White, 2011, 2012; Germain, Lightbown, Netten, & Spada, 2004; Kormos & Sáfár, 2008; Lightbown & Spada, 1991, 1994, 1997; O'Brien, Segalowitz, Freed, & Collentine, 2007) nous a laissé

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3

croire que ces variables individuelles cognitives pouvaient être impliquées dans le développement de l’AO en L2 et la présente recherche nous a permis de le vérifier empiriquement.

Cette thèse est divisée en six chapitres. Le premier présente la problématique liée à l’étude des variables individuelles cognitives sur le développement de l’AO en L2 chez une population de préadolescents lorsqu’ils sont inscrits dans un programme intensif d’apprentissage de la L2. Ce chapitre expose la pertinence de l’étude à tenir compte de la L1, de la MdT et de la MP lorsqu’il est question d’étudier le développement de la L2. Ce chapitre se termine avec la formulation de nos objectifs de recherche.

Le deuxième chapitre, qui porte sur le cadre théorique, est divisé en deux parties principales. Afin de pouvoir définir l’AO en L2, nous présentons d’abord une revue détaillée de l’évolution de la conception du construit d’AO. Puis, nous enchaînons avec les différents aspects de l’AO, qui sont étudiés en acquisition des langues secondes (ALS). Finalement, nous rattachons l’AO au modèle dynamique d’AO en L2 Segalowitz (2010) : la définition de ce modèle actuel permet de comprendre comment l’AO se déploie sur le plan de la performance en rendant possible le plus de comparaisons avec la recherche actuelle sur le développement de l’AO en L2. Par la suite, nous poursuivons en exposant le second construit de notre étude, soit le modèle de mémoire (MdT et MP). Nous présentons dans cette partie la conception générale du modèle afin de définir précisément les sous-systèmes qui ont ici été étudiés, soit l’administrateur central (AC) et la boucle phonologique ou MP selon le modèle le plus utilisé dans la recherche en L2. Ce chapitre nous permet donc d’établir de manière précise les conceptions utilisées dans notre étude.

Le troisième chapitre, pour sa part, nous permet d’analyser les liens entre les différentes variables, soient l’AO en L1 et en L2, la MdT et l’AO en L2 et la MP et l’AO en L2. Nous passons d’abord en revue les études empiriques qui ont trouvé des liens directs entre les variables à l’étude et le développement de l’AO en L2.

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4

Pour ce faire, nous présentons celles qui ont mis en relation les différentes constructions et qui les ont mesurées. Nous détaillons les études qui ont porté sur le lien entre l’AO en L1 et l’AO en L2 et les études qui ont porté sur la MdT et la MP sur l’AO en L2. Nous concluons enfin ce chapitre en expliquant comment l’ensemble des résultats obtenus à ce jour nous permettent de croire que l’AO en L1 et les différentes variables cognitives (MdT et MP) peuvent être mis en lien avec le développement de l’AO en L2.

Le quatrième chapitre expose la méthodologie utilisée dans la présente étude afin de répondre aux questions de recherche. Nous présentons d’abord la population à l’étude et les instruments de mesure pour les différentes variables. Par la suite, nous enchaînons avec les détails de la collecte de données, le dépouillement et le codage des données. Pour terminer ce chapitre, nous justifions le choix des analyses pour le traitement des données recueillies.

Le cinquième chapitre est consacré à la présentation des résultats de nos travaux. La première partie porte sur les statistiques descriptives des différentes variables à l’étude, soit l’AO en L1 et en L2 et les résultats des tests de mémoire (MdT et MP). Par la suite, des analyses corrélationnelles sont abordées et nous exposent les liens entre les différentes variables à l’étude. Finalement, le chapitre se clôt sur les analyses de régression qui nous présentent le pourcentage de variation expliquée par les différentes variables à l’étude et le développement de l’AO en L2. Cette présentation des résultats permet, dans le chapitre qui suit, de répondre aux différentes questions de recherche proposées dans le cadre de la présente étude.

Le dernier chapitre, soit la discussion, permet de répondre dans un premier temps aux questions de recherche à la base de notre étude. Par la suite, pour chaque question de recherche la littérature existante est mise en relation avec nos résultats. Ce chapitre fait état des limites de notre étude, puis des implications de nos résultats ainsi que de pistes pour la recherche future. Enfin, la conclusion reprend les grands éléments de la thèse afin de clore cette dernière.

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5 1.1 Problématique

En ALS, certains facteurs cognitifs sont connus pour être d’importants prédicteurs de succès en apprentissage des langues. On peut mentionner l’intelligence (Skehan, 1986), l’aptitude à l’apprentissage des langues (Abrahamsson & Hyltenstam, 2008; Carroll, 1981; Carroll & Sapon, 1959; Robinson, 2005) et la capacité de la MdT (Linck, Osthus, Koeth, & Bunting, 2014; Martin & Ellis, 2012; Sawyer & Ranta, 2001). Lorsque l’on s’intéresse au rôle des différences individuelles sur le développement de l’AO en L2, cette capacité à livrer un message de manière fluide et sans effort, on constate que du point de vue de la psycholinguistique, le développement de l’AO se veut le reflet des processus cognitifs sous-jacents à l’apprentissage de la langue (Segalowitz, 2010, 2016). Par ailleurs, on peut se demander dans quelle mesure les différences individuelles liées à l’AO en L1 et les différences individuelles cognitives peuvent être liées au développement de l’AO en L2. Ce questionnement est d’autant plus pertinent dans le contexte scolaire dans lequel la L2 est enseignée de manière obligatoire puisque dans ce cadre d’apprentissage formel, les élèves ont tous une exposition similaire à la L2.

1.2 Les différences individuelles en AO en L1

Dans cet ordre d’idées, lorsqu’il est question de différences individuelles quant à l’AO, on peut d’abord penser à ce qui distingue les locuteurs entre eux en production orale au niveau même de leur langue première. D’un point de vue psycholinguistique, le concept d’AO en L1 est étudié depuis les années 1950, à partir des aspects temporels de la production comme les phénomènes de pauses (nombre, durée et emplacement des pauses dans la production), le taux d’articulation ou la longueur moyenne de l’énoncé (LME) (Deese, 1980; Goldman-Eisler, 1958a, 1958b; Good & Butterworth, 1980; Hilton, 2008a, 2008b; Maclay & Osgood, 1959; Raupach, 1980). Au cours des 50 dernières années, la recherche sur l’AO en L1 a permis de mettre en lumière des différences chez les locuteurs natifs d’une langue. Par exemple, on estime que la production des locuteurs natifs est de 130 à 200 mots par minute, à raison d’environ 2 à 3 mots par seconde et

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que le phénomène de pausologie (les pauses silencieuses ou les pauses remplies) occupe environ le tiers du temps de production (Hilton, 2008a). On souligne également que la production des locuteurs natifs varie d’un individu à l’autre, mais également en fonction de la tâche (Hilton, 2008a, 2008b).

À la lumière de ces résultats, on pourrait faire l’hypothèse qu’une première différence à souligner pourrait être celle liée aux caractéristiques temporelles individuelles dans l’AO en L1. En effet, certaines personnes parlent vite, d’autres moins, alors que d’autres font plus de pauses (Clark & Fox Tree, 2002; de Jong et al., 2015; de Jong, Steinel, Florijn, Schoonen, & Hulstijn, 2012; Goldman Eisler, 1968; Shriberg, 1994). Certains chercheurs (de Jong et al., 2015; Derwing et al., 2009) se sont interrogés à savoir si l’on peut attribuer l’AO (définie par des mesures temporelles comme le DP ou la LME) à un trait individuel (donc que certaines caractéristiques sont spécifiques à l’individu). Dans cette éventualité, la production langagière en L1 et en L2 et les mesures temporelles pourraient être liées. Ainsi, ce qui s’avère central d’investiguer, c’est le lien que peuvent potentiellement entretenir l’AO en L1 et le développement de l’AO en L2.

Ici, pour tenter d’y apporter un éclairage nouveau, certaines pistes nous permettent de croire qu’il est possible de mettre en lien l’AO en L1 et en L2. Des séries d’études ont indiqué que les niveaux de littératie en L1 servent de fondation à l’apprentissage de la L2 (Sparks & Ganschow, 1991, 2001). Il est alors légitime de se demander si les caractéristiques de l’AO en L1 peuvent être mises en lien avec les caractéristiques de l’AO atteintes en L2. De ce fait, les mesures temporelles (p. ex. le DP ou la LME) observées dans le développement de l’AO en L2 et que l’on observe dans la recherche (p. ex. de Jong et al., 2015; Derwing et al., 2009) sont-elles le reflet unique d’une progression sur le plan de l’AO en L2 ou la résultante de différences individuelles de la parole déjà présentes en L1 (vitesse du débit, fréquence des pauses, par exemple) et d’une augmentation de la capacité langagière en L2?

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À cet égard, il faut souligner le manque important d’information sur l’influence de la L1 dans la recherche actuelle sur le développement de l’AO en L2 soulevé par Segalowitz (2010). Le chercheur propose, si l’on veut bien comprendre l’AO, de ne pas uniquement tenir compte de la production en L2. De ce fait, il soulève l’importance de mieux comprendre le développement de l’AO en L2 en ne la comparant pas uniquement à la production orale entre deux points chronologiques (avant et après l’apprentissage par exemple), mais plutôt de tenter de comprendre l’AO en L2 à partir des éléments de l’AO qui sont propres à la L2 en se servant de la L1 comme base de référence.

D’un autre côté, lorsque l’on se penche sur la question du développement de l’AO en L2, on remarque que c’est la différence entre l’AO en L2 et en L1 qui constitue une différence d’un apprenant à l’autre (Segalowitz, 2010). Cela signifie que le développement de l’AO en L2 d’une personne est la différence entre ce qui est fait en L2 et la capacité en L1 (vitesse de production, longueur des énoncés par exemple). La notion de niveau à atteindre en L2 n’est donc pas une norme quantifiable exacte qui permettrait par exemple de produire un nombre de mots par minute qui serait le même pour tous les locuteurs, mais plutôt une capacité qui est similaire à celle produite par le locuteur dans sa L1.

En plus de la L1, la variation observée dans l’AO en L2 d’un apprenant à l’autre pourrait être attribuée à différents facteurs, comme le contexte d’apprentissage (le type de contexte, la durée de l’apprentissage ou l’intensité de l’exposition à la L2) (Ellis & Ferreira, 2009; Segalowitz & Hulstijn, 2005). L’écart pourrait également être expliqué par des différences individuelles cognitives telles que la vitesse de l’accès lexical et l’attention (p. ex. Segalowitz & Freed, 2004), les connaissances linguistiques et la capacité de traitement (p. ex. de Jong et al., 2012) ou encore la MdT ou la MP (p. ex. de Jong et al., 2012; Linck et al., 2014; Segalowitz & Freed, 2004; Watanabe & Bergsleithner, 2006).

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1.3 Les différences individuelles cognitives (MdT et MP)

En plus de l’influence potentielle de la L1 sur le plan de l’AO, on pense que la MdT en général, y compris la MP (sous-composante de la MdT) pourrait jouer un rôle dans la production à l’oral en L2 (Linck et al., 2014; Towell & Dewaele, 2005). La MdT pourrait être définie comme un système interactif complexe capable de fournir une interface entre la cognition et l’action, à savoir une interface capable de manipuler l’information de différentes modalités (sons, images) et à différents stades de traitement de l’information (Baddeley, 2012; Gathercole & Baddeley, 2014). Le plus souvent mesurée à l’aide de tâches d’empan, la MdT pourrait être mise en lien avec l’AO puisque dans le cas de la production orale, l’apprenant doit emmagasiner des parties de message en mémoire pendant la planification ou l’encodage des segments subséquents de l’énoncé (Kormos, 2006). À cet égard, la recherche suggère que même de petites variations dans la capacité de la MdT dans des groupes de jeunes apprenants semblent pouvoir contribuer à différents niveaux de succès en apprentissage de la L2 (Kormos & Sáfár, 2008). Ces auteurs ont en effet montré que la MdT était hautement corrélée avec différentes habiletés langagières (compréhension orale et écrite et production orale). On a également souligné dans la recherche un lien entre la performance de la MdT et l’AO en L2 sur les plans articulatoire et discursif (Fortkamp, 1999) et un lien entre la MdT et l’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire (Martin & Ellis, 2012).

D’un autre côté, comme la plupart du matériel traité par la MdT est d’origine verbale, la capacité de traitement à ce niveau dépend donc fortement des opérations de la MP (Baddeley, 2000; Baddeley & Hitch, 1974). De ce fait, la MP, une sous-composante de la MdT qui est responsable du stockage du matériel verbal (Baddeley, 2000, 2003, 2012; Baddeley, Gathercole, & Papagno, 1998; Baddeley & Hitch, 1974; Gathercole & Baddeley, 2014; Vallar & Baddeley, 1984a, 1984b) pourrait également être mise en lien avec l’AO en L2. Par ailleurs, la recherche a démontré à plusieurs reprises que la MP, le plus souvent indexée par la capacité chez l’apprenant de répéter des non-mots (RNM) ou bien à reconnaitre des séries de non-mots, pouvait être mise en lien avec le développement de la

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compétence en L2. Ce constat a été fait à la fois chez les enfants et les adultes (Abdallah, 2010; French & O'Brien, 2008; Hummel, 2009; Hummel & French, 2016; Lord, 2006; O'Brien, Segalowitz, Collentine, & Freed, 2006; Vulchanova, Foyn, Nilsen, & Sigmundsson, 2014). À ce jour, une seule étude (O'Brien et al., 2007) a tenté d’explorer le lien entre la MP et le développement de l’AO en L2 en se basant sur des mesures temporelles de l’énoncé dans une population adulte. Finalement, à notre connaissance, aucune étude n’a encore cherché à examiner simultanément les contributions relatives des deux aspects de mémoire (la MdT et la MP) au développement de l’AO en L2 chez des jeunes en contexte d’apprentissage formel de la L2 en milieu scolaire.

1.4 Objectifs

L’originalité de la présente étude repose sur le fait que l’influence combinée de l’AO en L1 et de deux aspects de la mémoire (la MDT et la MP) n’a pas été étudiée sur le développement de l’AO en L2 chez cette population. L’objectif spécifique est donc d’examiner dans quelle mesure les différences individuelles associées à l’AO en L1 (caractéristiques temporelles spécifiques de l’énoncé définies par le débit de parole (DP), le temps de phonation (TP) et la longueur moyenne de l’énoncé (LME)) et la MdT (réalisée par une tâche d’empan de chiffres en ordre inverse (ECOI) (backward digit span) et deux tâches de MP (réalisées par une tâche de répétition de non-mots (RNM) en L1 et une tâche de reconnaissance de séries de non-mots (RSNM) en L1) sont associées au développement de l’AO en L2 (caractéristiques temporelles spécifiques de l’énoncé définies par le DP, le TP et la LME) chez des élèves préadolescents francophones inscrits dans un programme d’étude de l’anglais intensif de 9 mois.

Plus spécifiquement, les objectifs de la présente étude sont :

1) D’explorer la relation entre l’AO en L1 et en L2 en contexte développemental;

2) D’explorer la relation entre la MdT et la MP et l’AO en L2 en contexte développemental;

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3) D’examiner la contribution de la mémoire (ECOI, RSNM, RNM) et de la L1 dans le développement de l’AO en L2.

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CHAPITRE 2

2. Cadre théorique

Le présent chapitre porte sur la description des différentes variables (AO, mémoire) afin de définir le cadre théorique de la présente étude. Il se divise en trois sections principales : une première partie qui porte sur l’AO (2.1), une seconde, sur la mémoire (MdT et MP) (2.2) et une troisième, sur le choix des tests (2.3). Ce chapitre se termine par une synthèse des différents cadres théoriques (2.4).

2.1 L’aisance à l’oral

La première section, qui porte sur l’AO, nous permet de définir ce construit qui est parfois interprété différemment selon le contexte (dans un sens plus large ou dans un sens plus étroit ou spécifique). Dans le cadre de la présente étude, l’AO réfèrera au terme anglais « fluency ». On peut interpréter l’AO dans le sens large (compétence générale à l’oral) ou dans un sens plus étroit (Lennon, 1990), en tant que composante phonologique (Housen, Kuiken, & Vedder, 2012). Dans le sens étroit, l’AO est plutôt considérée comme une composante de la compétence à l’oral (CO) et elle est liée à l’aspect de la performance à l’oral que l’on associe à la fluidité de la production.

Par AO, dans la présente étude, nous entendons la capacité à livrer une production langagière fluide, relativement sans effort (Chambers, 1997; Cucchiarini, Strik, & Boves, 2000, 2002; Lennon, 1990; Riggenbach, 1991; Towell & Dewaele, 2005; Towell, Hawkins, & Bazergui, 1996). On distingue ici l’AO de la CO qui est plutôt en lien avec les connaissances associées à la pragmatique, à la phonologie, à la précision et à la complexité lexicale et grammaticale (Housen et al., 2012). Du point de vue de la psycholinguistique, les dernières années ont vu de plus en plus de consensus autour du modèle complexité, précision et aisance (CPA) pour décrire la CO et les caractéristiques relativement à la performance et à la compétence chez les apprenants de L2. On peut concevoir le modèle CPA comme un modèle permettant de décrire les mécanismes qui sous-tendent

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l’acquisition, la représentation et le traitement des systèmes de la L2, à savoir «the primary epiphenomena of the psycholinguistic processes and mechanisms underlying the acquisition, representation and processing of L2 systems» (Housen et al., 2012, p. 2).

D’un point de vue empirique, depuis les années 1990, les trois composantes du modèle CPA, dont l’aisance est une composante, sont considérées comme des facteurs distincts de la performance et de la compétence en L2. Ces trois aspects nous renseignent sur les phénomènes qui sous-tendent l’acquisition, la représentation et l’articulation des systèmes de la L2. Dans le développement de la L2, les trois axes touchent trois grands aspects dans le système sous-jacent de la L2. D’abord, l’internalisation des connaissances en L2 (complexité), par une modification du système de la L2 qui se complexifie, mais qui devient également plus précis (précision), puis la consolidation et la procéduralisation du savoir en L2 (aisance).

Bien que la CO et l’AO ne soient pas deux concepts totalement distincts l’un de l’autre, il faut considérer qu’un apprenant peut avoir un bon niveau de CO sans pour autant arriver à produire un message avec AO (Derwing et al., 2009). On pourrait aussi supposer qu’un locuteur pourrait présenter un bon niveau d’AO sans avoir un haut niveau de précision ou de complexité, ce qui ferait en sorte que son AO serait plus importante que sa CO. C’est pourquoi il est important de pouvoir concevoir l’AO comme un concept qui ne pourrait être qu’un synonyme de la compétence. Du point de vue de la recherche en L2, les mesures d’AO seraient donc des mesures d’efficacité des processus cognitifs liés au traitement langagier (language processing) (Linck et al., 2014).

D’un autre côté, lorsque l’on s’intéresse à l’opérationnalisation de l’AO, on constate que ce n’est que tout récemment, avec le modèle proposé par Segalowitz (2010) qu’un cadre pour la recherche sur l’AO a réellement pu être établi. Dans ce modèle cognitiviste, Segalowitz décrit l’AO comme un système dynamique dans lequel le contexte social (sociolinguistique), le système neurocognitif lié à la parole

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(psycholinguistique) et la motivation (psychologie) sont tous des facteurs qui sont interreliés et dont l’AO est la résultante. L’AO dans ce modèle y est décrite comme « how efficiently the speaker is able to mobilize and temporarily integrate, in a nearly simultaneous way, the underlying processes of planning and assembling an utterance in order to perform a communicatively acceptable speech act » (Segalowitz, 2010, p. 47). Le modèle tient compte de la complexité de l’AO en la divisant en trois concepts, à savoir l’aisance d’énonciation (utterance fluency), l’aisance cognitive (cognitive fluency) et l’aisance perçue (perceived fluency).

2.1.1 L’aisance cognitive

La première des trois composantes de l’AO selon le modèle de Segalowitz est l’aisance cognitive. Dans le modèle de Segalowitz (2010), l’aisance cognitive est associée à la fluidité mentale nécessaire à la production du message verbal ou à comment l’individu mobilise ses ressources cognitives pour parler comme le ferait un locuteur natif. Dans la mesure où le locuteur doit produire des énoncés avec aisance, cela met en branle des processus cognitifs complexes qui doivent être coordonnés de façon cohérente. L’aisance cognitive du modèle de Segalowitz (2010) est associée au modèle du Blueprint (Levelt, 1999), un modèle psycholinguistique de production de la parole comportant deux systèmes de traitement bipartites (système sémantique/syntaxique et système phonologique/phonétique) permettant d'illustrer la production langagière de la conceptualisation jusqu'à l'articulation.

L’aisance cognitive est donc plutôt le reflet du système cognitif de l’individu qu’une caractéristique de l’énoncé produit et est par le fait même difficilement mesurable et doit être associé à des éléments observables.

2.1.2 L’aisance perçue

Un autre volet du modèle de Segalowitz (2010) est l’aisance perçue. Ce concept est plus subjectif puisqu’il se réalise à l’aide de la perception que l’auditeur a du locuteur. C’est en fait la perception que les gens auront d’un discours en inférant à partir de leurs propres intuitions ou jugements de ce que devrait avoir l’air (à l’oral)

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un locuteur s’exprimant avec aisance. La perception se base sur l’aisance d’énonciation du locuteur.

2.1.3 L’aisance d’énonciation

Finalement, la dernière composante du modèle de Segalowitz (2010) est l’aisance d’énonciation. L’aisance d’énonciation réfère aux caractéristiques mesurables de l’aisance en des termes plus objectifs. Ces caractéristiques liées à l’AO se mesurent temporellement sur des aspects tels que, par exemple, le débit de parole (DP) ou la longueur moyenne de l’énoncé (LME). Les mesures liées à l’aisance d’énonciation peuvent être divisées en trois grandes catégories (Tavakoli & Skehan, 2005). D’abord, les mesures liées aux ruptures (breakdown fluency), c’est-à-dire les ruptures dans un discours continu, puis les mesures liées à la vitesse (speed fluency), c’est-à-dire le débit et la densité du discours et finalement les réparations (repair fluency) qui sont les reformulations ou les répétitions dans le discours. Une caractéristique importante de l’aisance d’énonciation est qu’elle peut être mesurée de manière objective.

L’AO sera opérationnalisée dans cette étude comme étant l’aisance d’énonciation (Segalowitz, 2010), c’est-à-dire la parole produite (échantillons de parole) et analysée à l’aide de mesures temporelles. À cet effet, Kormos (2006) souligne que la comparaison entre les études sur l’AO est difficile puisque plusieurs mesures différentes sont utilisées par les chercheurs (p. ex. le DP, le taux d’articulation, le temps de phonation, la LME, le nombre de pauses silencieuses par minute ou le nombre de pauses remplies par minute).

Lorsqu’il est question du choix des mesures temporelles d’AO, plusieurs études ont cherché à déterminer les mesures temporelles les plus robustes pour cerner le degré d’AO en L2 (Cucchiarini et al., 2000, 2002; Derwing, Rossiter, Munro, & Thomson, 2004; Ejzenberg, 2000; Freed, 1995a, 1995b, 2000; Kormos & Dénes, 2004; Lennon, 1990; Riggenbach, 1991; Towell et al., 1996). Issues du résultat de ces travaux, certaines mesures temporelles tendent à ressortir comme étant celles permettant le mieux d’attester l’AO en L2, comme le DP (c.-à-d. le nombre de mots

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ou de syllabes articulés par seconde ou minute) et la LME (c.-à-d. le nombre moyen de mots ou de syllabes articulés entre deux pauses) (Cucchiarini et al., 2000, 2002; de Jong et al., 2015; de Jong & Wempe, 2009; Derwing et al., 2004; Ejzenberg, 2000; Freed, 1995b, 2000; Ginther, Slobadanka, & Yang, 2010; Iwashita, Brown, McNamara, & O’Hagan, 2008; Kormos & Dénes, 2004; Lennon, 1990; Riggenbach, 1991; Towell et al., 1996). Également, le temps de phonation (c.-à-d. le pourcentage du temps pendant lequel le locuteur produit de la parole et n’est pas en hésitation) est reconnu comme étant un bon indicateur de l’AO en L2 (Cucchiarini et al., 2002; Hilton, 2008a, 2008b; Lennon, 1990; Segalowitz, French, Guay, & Callahan, 2014; Towell et al., 1996).

De surcroît, lorsque l’on s’intéresse au développement de l’AO en L2, on semble de plus en plus cerner que ce sont la LME (comme mesure de la densité de parole produite), le temps de phonation (comme mesure de volume de parole produite) et le DP (comme mesure de vitesse du traitement de l’information) qui sont le plus fortement associés au développement de l’AO (Derwing et al., 2004; Freed, 2000; Ginther et al., 2010; Hilton, 2008b, 2011; Kormos & Dénes, 2004; Mora & Valls-Ferrer, 2012; Segalowitz, 2010; Segalowitz et al., 2014; Towell et al., 1996). À la lumière des données récentes relatives à l’étude de l’AO, dont le modèle de Segalowitz et les études subséquentes sur le développement de l’AO en L2, ces trois mesures seront celles utilisées pour mesurer l’AO dans le cadre de la présente l’étude.

En résumé, nous avons pu voir que l’AO peut être interprétée de différentes manières, à savoir comme synonyme de la CO, mais également dans le sens étroit (liée aux aspects temporels de la production). L’AO, dans le cadre de la présente étude sera, rappelons-le, définie dans son sens étroit et liée aux mesures temporelles. Également, bien que l’AO puisse être liée aux processus cognitifs, à la perception ou à l’énonciation, ce sont les mesures temporelles liées à l’énonciation les plus fortement liées à l’observation de l’AO et à son développement en L2 qui seront utilisées dans notre modèle théorique, à savoir le DP, le TP et la LME.

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16 2.2 Mémoire de travail et mémoire phonologique

La prochaine section traite des variables liées à la mémoire. Dans le cadre de notre étude, les différences individuelles cognitives ciblées sont, rappelons-le, la mémoire de travail (MdT) et la mémoire phonologique (MP). Nous examinerons dans cette section, le modèle théorique associé à la mémoire.

Une différence individuelle importante sur le plan cognitif est la capacité de la MdT. Un consensus semble se créer autour de l’hypothèse de Ellis (2001), qui suggère que la MdT serait l’une des meilleures variables pour prédire le succès peu importe la situation d’apprentissage (Brooks, Kempe, & Sionov, 2006; Ellis, 2001; Erlam, 2005; Robinson, 2005).

Lorsque l’on s’intéresse à la conception de la MdT, on doit noter que la conception actuelle est le fruit d’une évolution du concept. Le modèle de mémoire proposé par Baddeley et Hitch (1974) a été parmi les premiers à remplacer la notion de mémoire à court terme par celui de MdT. Dans ce modèle, la MdT serait plutôt un système distinct de la mémoire à long terme en ce qui a trait à la durée de maintien de l’information. Bien que le terme de MdT soit inspiré des sciences computationnelles (Newell & Simon, 1972), on n’avait pas tenté de décrire la MdT pour la cognition humaine à l’intérieur de ces modèles. Les modèles cognitivistes ont donc subséquemment décrit la MdT comme l’entité liées aux fonctions associées au lobe frontal (Miller, Galanter, & Pribram, 1960) dans laquelle l’information est retenue temporairement, formée, transformée ou exécutée. Baddeley (1986) décrit donc la MdT comme étant un système «for the temporary holding and manipulation of information, during the performance of a range of cognitive tasks such as comprehension, learning and reasoning» (Baddeley, 1986, p. 34).

Le modèle de MdT de Baddeley et Hitch (1974) a été révisé à de nombreuses reprises. Selon la conception actuelle du modèle (Baddeley, 2003) (voir figure 1), la MdT est définie comme un système actif d’entreposage et de manipulation temporaire de l’information qui est nécessaire à l’exécution des tâches cognitives

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complexes comme la compréhension du matériel verbal (Baddeley, 2003). La MdT agirait donc comme un système interactif complexe capable de fournir une interface entre la cognition et l’action, à savoir une interface capable de manipuler l’information de différentes modalités (sons, images) et à différents stades de traitement de l’information (Baddeley, 2012; Gathercole & Baddeley, 2014). À l’origine, les trois composantes du modèle de Baddeley et Hitch (1974) étaient la boucle phonologique (ou MP), une composante capable de retenir et de manipuler l’information sous forme verbale, le calepin visuo-spatial responsable pour sa part de l’information visuelle et l’administrateur central (AC), responsable de l’attention, du contrôle et de la coordination de deux autres composantes (systèmes-esclaves) afin de les mettre en relation avec la mémoire à long terme. Dans une révision du modèle (Baddeley, 2000, 2003), une quatrième composante a été ajoutée. Nommée tampon épisodique (ou buffer épisodique) (TE), la composante est décrite comme étant un système limité de stockage d’information multimodal, ce qui correspond à une partie de l’AC du modèle précédent proposé par Baddeley.

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Dans ce modèle, la MP est responsable du stockage du matériel verbal. Comme la plupart du matériel traité par la MdT est d’origine verbale, la capacité de traitement à ce niveau dépend donc fortement des opérations de la mémoire phonologique (MP) (Baddeley, 2000; Baddeley & Hitch, 1974). Cette dernière est composée du registre phonologique, une unité passive de stockage qui contient des informations verbales et de la boucle articulatoire, un processus actif de contrôle qui repose sur le langage intérieur. L’information contenue dans le registre phonologique a une durée de vie très courte (moins de deux secondes). La boucle articulatoire peut, de son côté, grâce au processus de répétition subvocale, rafraîchir l’information pour la renvoyer dans l’unité de stockage. La MP peut également transcoder de l’information écrite en code phonologique pour le stockage.

Puisque dans cette étude l’AO se veut le reflet des processus cognitifs et qu’elle est donc liée à l’aisance cognitive, cela signifie que la capacité de traitement de la MdT, responsable du traitement verbal et de la MP sont par conséquent à mettre en lien, du moins partiellement avec la production orale.

En résumé, dans le cadre de cette étude, le modèle utilisé pour la mémoire sera le modèle de MdT de Baddeley (2003). D’abord parce que c’est celui le plus communément utilisé dans la recherche développementale actuelle en L2 et ensuite parce qu’il nous permet de mettre en lien les variables liées à la MdT et la MP à l’AO en L2.

2.3 Choix des tâches

La présente section se penche sur le choix des mesures pour opérationnaliser les variables d’AO et de mémoire définies dans les sections précédentes de ce chapitre. Dans un premier temps, mentionnons que la recherche a démontré que l’AO est influencée par la tâche demandée, à savoir qu’en fonction de la nature de la tâche (monologique ou dialogique), l’AO peut être plus ou moins grande (Prefontaine & Kormos, 2015). En effet, lors de la production langagière et en fonction de la tâche communicative demandée, on retrouve différents points de vulnérabilité dans le processus cognitif (Segalowitz, 2010), soit dans différentes

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phases de l’encodage de la production, allant de l’intention à l’articulation. Dans le cadre de cette étude, deux tâches différentes, à savoir une tâche monologique dans laquelle les participants ont à raconter une histoire à partir d’images et une tâche dialogique sous forme d’entretien semi-dirigé ont été utilisées afin de permettre, d’une perspective psycholinguistique, d’obtenir un portrait plus complet de la production langagière.

2.3.1 Mesure de la mémoire de travail

Lorsqu’il est question d’évaluer la capacité de la MdT, plusieurs mesures ont été utilisées dans la recherche depuis les travaux précurseurs de Daneman et Carpenter (1980). Ces chercheurs ont démontré que les variations individuelles de la MdT pouvaient avoir de l’impact sur la performance à des tâches cognitives à l’aide d’une tâche d’empan (longueur maximale d’un nombre d’items pouvant être retenus) en lecture (Daneman & Carpenter, 1980). On peut mentionner d’autres mesures utilisées dans la recherche comme l’empan de parole (speaking span) ou l’empan d’écoute (listening span) (p. ex. Fortkamp, 1999; Harrington & Sawyer, 1992). Dans le cadre de cette étude, une tâche d’empan de chiffres en ordre inverse (ECOI) permettra de mesurer la capacité de la MdT. Cette mesure est utilisée pour couvrir davantage que l’activité de la MP et elle est reconnue pour inclure la capacité de l’ensemble plus complexe de la mémoire verbale en incluant l’administrateur central (AC), qui est responsable de l’attention (Gathercole, 1999; Hale, Hoeppner, & Fiorello, 2002).

Selon le modèle de Baddeley (Baddeley, 2000, 2003; Baddeley & Hitch, 1974), L’ECOI permet une représentation plus complète de la MdT et amène en effet des transformations sur les informations puisque la MdT n’est pas un simple système de stockage temporaire, mais un système de traitement et de manipulation de l’information. Dans le cas de la prise de parole, l’apprenant doit emmagasiner des parties de message en mémoire pendant la planification ou l’encodage des segments subséquents de l’énoncé (Kormos, 2006). Comme la prise de parole est une tâche qui demande beaucoup d’attention, cela mettrait en lumière le potentiel

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lien entre l’ECOI et la production orale qui pourrait s’expliquer par le fait que la MdT est responsable de la régulation de l’attention (Baddeley, 2003; Kormos & Sáfár, 2008).

Le test utilisé pour mesurer la MdT dans le cadre de notre étude est un sous-test du Weschler Intelligence Scale for Children (WISC-IV) (Wechsler, 2003) adapté en français et conçu pour les enfants de 6 à 16 ans. Le manuel du WISC rapporte un alpha de Cronbach de ,85 pour ce test, ce qui représente un taux élevé indiquant un bon indice de fiabilité du test. Le WISC est un test utilisé dans la recherche sur la population de 6 à 16 ans et permet ainsi une comparaison empirique (Kormos & Sáfár, 2008; Kudo & Lee Swanson, 2014). De plus, ce test permet de cerner le rôle de la MdT, mais plus spécifiquement le rôle de l’AC, responsable de l’attention, une capacité à mettre en lien avec la prise de parole.

2.3.2 Mesures de la mémoire phonologique

Lorsqu’il est question de mesurer la MP, une variété de mesures a été utilisée dans la recherche au fil des ans. On peut penser par exemple à la répétition de non-mots (RNM) (French & O'Brien, 2008; Kormos & Sáfár, 2008; Martin & Ellis, 2012), à l’empan de mots (Christofells, de Groot, & Kroll, 2006), à l’empan de non-mots (Cheung, 1996), à la RSNM (Abdallah, 2010; Hummel, 2009; O'Brien et al., 2007) ou encore l’empan de chiffres (Baddeley, 2003). Ces mesures permettent d’opérationnaliser la MP de différentes manières, tout en ayant le but commun de chercher à capturer le mécanisme de maintien de l’information qui garde cette dernière disponible pour une durée limitée de temps de manière à permettre un traitement subséquent de l’information (O'Brien et al., 2007).

Dans le cadre de la présente étude, qui porte spécifiquement sur l’AO en L2, le choix des mesures de MP doit permettre de mettre en lien la MP et l’AO. Afin de mesurer spécifiquement la MP, il faut tenir compte du rôle que joue le stock phonologique dans le développement du langage oral et donc, de s’assurer d’avoir une mesure qui permette d’évaluer spécifiquement son fonctionnement pour pouvoir le mettre en lien avec le développement de l’AO, puisque ce mécanisme

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est en charge du maintien du stock phonologique, nécessaire à la prise de parole. C’est pourquoi une mesure permettant de cibler son fonctionnement sera utilisée.

À cet effet, il est important de mentionner que dans plusieurs recherches, la tâche de RNM est largement validée (French & O'Brien, 2008; Gathercole, Pickering, Hall, & Peaker, 2001; Kormos & Sáfár, 2008; Martin & Ellis, 2012). La tâche de RNM utilisée dans le cadre de cette étude sera celle de Poncelet et Van der Linden (2003), qui a été utilisée chez une population similaire et dans un contexte d’apprentissage comparable au Québec (Fortier, Simard, & French, 2012). La RNM permet d’évaluer spécifiquement le fonctionnement du stock phonologique à l’exclusion d’autres composantes de la MP. Plus précisément, comme les items constituant les syllabes sont articulés en bloc comme un mot (de manière indissociable) et que les mots sont répétés immédiatement après l’écoute, la procédure laisse peu de place à la mise en œuvre et à l’exécution de la récapitulation articulatoire (Poncelet & Van der Linden, 2003). De plus, comme les non-mots qui sont utilisés dans ce test sont peu liés à des représentations lexicales dans la mémoire à long terme, la performance risque beaucoup moins d’être affectée par un effet de lexicalité, à savoir le recours à des connaissances existantes en mémoire à long terme (Gathercole, Frankish, Pickering, & Peaker, 1999; Gathercole et al., 2001; Gathercole, Willis, Emslie, & Baddeley, 1991; Hulme, Maughan, & Brown, 1991). Les non-mots utilisés dans la tâche de RNM ont été construits de manière à ressembler le moins possible à des mots de la langue française, tout en respectant une structure phonotactique légale et sont prononçables (Poncelet & Van der Linden, 2003).

Bref, cette tâche semble donc constituer une mesure plus pure du stock phonologique de la MP chez une population francophone que des épreuves basées sur de vrais mots. Cette mesure permettra de minimiser au maximum l’influence d’autres composantes de la MP comme la boucle articulatoire ou l’influence de la mémoire à long terme (représentations phonologiques).

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Parallèlement, bien que la RNM soit une tâche de MP fréquemment utilisée, la recherche récente a souligné le fait que la RNM pouvait apporter un biais lié à l’articulation, puisque la performance du locuteur est influencée par des mécanismes articulatoires (Gathercole et al., 2001; O'Brien et al., 2006). De ce fait, bien que cette mesure soit une mesure du stock phonologique largement utilisée dans la recherche, elle sera complétée par une autre mesure de MP afin de permettre une représentation plus juste et complète de la capacité de la MP des participants.

Une tâche de RSNM sera donc également utilisée afin de mesurer la capacité de la MP. Elle consiste en l’écoute de séries de paires de non-mots pour lesquelles le participant doit déterminer si les deux énoncés présentés sont pareils ou différents sans que le participant n’ait à répéter le contenu. La tâche de RSNM (Abdallah, 2010) a été élaborée en français et propose des mots dont les propriétés lexico-phonologiques ne permettent qu’une faible ressemblance à des mots existants en français, réduisant ainsi considérablement l’effet de lexicalité. Pour cette tâche, les mots de la liste ont été élaborés par des locuteurs natifs (français québécois). Par la suite, deux locuteurs natifs (français québécois) ont jugé, à l’aide d’une échelle de 1 à 5 (1 étant très peu ressemblant à un mot français et 5 étant très ressemblant à un mot français), le niveau de ressemblance (wordlikeness) des items à des mots de la langue française. L’évaluation moyenne de la ressemblance à des mots français a été établie à 2,3, signifiant ainsi que les propriétés lexico-phonologiques des mots utilisés ressemblaient peu à des mots existants (Abdallah, 2010). Cela permet d’éviter un effet de lexicalité, et ainsi donc d’isoler plus spécifiquement le fonctionnement de la MP (O'Brien et al., 2007).

Le choix d’administrer spécifiquement une tâche de RSNM permet de cibler l’habileté à retenir des éléments phonologiques dans leur ordre de présentation à court terme. Cette habileté a déjà été pointée comme potentiellement nécessaire au développement de l’AO en L2 (O'Brien et al., 2007). De plus, la tâche de RSNM permettra de diminuer la demande sur l’appareil articulatoire et certains chercheurs ont amené l’argument que cette mesure permettrait ainsi d’isoler plus

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