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Chapitre 5. Vélocimétrie IRM des gaz hyperpolarisés

5.3. Comparaison avec l’écoulement simulé dans l’arbre bronchique

5.3.3. Discussion

5.3.3.1. Choix du modèle

Le gaz était considéré incompressible car les vitesses étudiées étaient de l’ordre de 1 m·s-1 et les nombres de Reynolds inférieurs à 1000. La simulation correspond à une situation d’inspiration au repos, ceci justifie le régime stationnaire laminaire retenu pour la simulation.

Les conditions aux limites en sortie de l’arbre ont été choisies « libres » par défaut, en effet, il est difficile de connaître de façon précise ces conditions in vivo. On notera également que la résistance des voies aériennes est maximale dans les premières générations bronchiques [102 - Grippi 1996] (résistance maximale vers la cinquième génération). Les branches terminales du modèle étaient comprises entre les générations 5 et 7, l’étude prend donc a priori en compte les zones les plus résistantes.

Comme dans la plupart des précédentes études, le cas traité correspond à l’écoulement dans une géométrie rigide dont la surface est sèche. Le cas réel est évidemment plus complexe puisque l’arbre bronchique est légèrement déformable en terme d’orientation des branches (voir partie 4.3.2.5) et les diamètres bronchiques dépendent de l’inflation pulmonaire. Les variations de diamètre sont plus faibles pour les premières générations bronchiques que pour les dernières, donc de ce point de vue l’approximation rigide est tolérable pour le cas étudié. Enfin, en réalité les parois de l’arbre bronchique sont recouvertes de mucus, ce qui réduit la lumière efficace, et a une influence sur le gaz en termes d’humidification.

Le modèle utilisé peut néanmoins être considéré comme réaliste dans l’état actuel des méthodes disponibles pour obtenir la géométrie de l’arbre. Il a été reconstruit à partir de données anatomiques d’imagerie tomographique à rayon X, qui ont leurs limitations (mouvement, volume pulmonaire, résolution) et qui correspondent donc à un état donné de la géométrie. Un algorithme constitué d’une étape de segmentation des images et ensuite une reconstruction 3D suivi par une étape de lissage a conduit à la géométrie tridimensionnelle de l’arbre bronchique, donné par conséquent avec des détails de la taille des voxels d’imagerie (~0,5 mm). Par conséquent, ce modèle prend en compte les embranchements tridimensionnels, les courbures et longueurs des bronches, les variations des sections de chaque bronche et enfin l’asymétrie de l’arbre pour un patient donné avec ces limitations. Il est à noter également que les diamètres bronchiques chez ce patient, pourtant considéré comme normal, sont plus importants que dans les descriptions anatomiques disponibles dans la littérature [104 - Weibel 1977,105 - Horsfield 1971]. Par exemple, le diamètre moyen de la trachée est de 3,2 cm, soit environ 2 fois plus important que les valeurs rapportées dans ces études.

5.3.3.2. Eléments de la comparaison

Pour matérialiser l’arbre, une technique classique de prototypage rapide par stéréolithographie a été utilisée. Cette technique possède une résolution standard de l’ordre de 0,1 mm et on a considéré que la géométrie reconstruite correspondait bien au fichier numérique fourni, bien que cela n’ait pas été spécifiquement vérifié (en imageant la géométrie par tomographie à rayon X par exemple). En raison de la surface irrégulière du modèle et de son manque de transparence, l’utilisation de techniques

optiques de mesure de vitesse serait quasiment impossible [189 - de Zelicourt 2005]. On aurait pu utiliser des mesures de vélocimétrie IRM avec de l’eau, moyennant la mise en place d’un système adapté pour collecter l’eau en sortie de chaque bronche (58 sorties) et l’utilisation de lois de similitude pour se placer dans des conditions comparables à l’inspiration (conservation du nombre de Reynolds). La mesure sur du gaz, plus proche de la réalité, apparaît comme une technique réalisable ne nécessitant pas une transparence du modèle et sans la complexité d’un protocole utilisant de l’eau. La séquence utilisée ne permettait pas d’effectuer des mesures dans des plans obliques, bien que cela soit évidemment possible avec l’IRM. Pour prendre en compte cette limitation pratique, l’arbre a été fixé horizontalement sur une plaque qui était posée à plat sur le lit de l’imageur et, pour chaque plan, la zone étudiée a été placée au centre de l’aimant avec l’orientation désirée, limitant les éventuels artéfacts des termes de Maxwell [60 - Norris 1990]. On estime à environ 1 mm la précision de ce positionnement. Puisqu’on déplaçait le fantôme pour chaque plan, le profil d’entrée n’était pas forcément le même pour tous les plans, introduisant un biais supplémentaire. Cet inconvénient avait des conséquences limitées grâce à l’ajout du filtre en entrée. Ce filtre réduisait les effets d’éventuelles courbures amont et rendait le profil d’entrée relativement plat. En effet, l’entrée mesurée avait une courbure amont de 90° et ne montre pas clairement d’influence de la courbure. Le débit d’entrée mesuré à l’aide du débitmètre avait les limitations exposées dans la partie 3.2.6, résultant en une incertitude élevée sur le débit total injecté (7,5% pour ces expériences sur l’arbre). Pour prendre en compte ce biais et tenter d’en compenser une partie, le profil des vitesses à l’entrée a été augmenté de 3% pour la simulation. Cette opération a, en fin de compte, joué en défaveur de la simulation qui, de manière générale, surestime les vitesses dans l’arbre par rapport aux mesures. De plus, la quantité d’hélium-3 ajoutée, qui possède une influence prépondérante sur la masse volumique (voir partie 3.2.5), variait de quelques pourcents pour les différentes expériences résultant en une incertitude importante sur le nombre de Reynolds. En résumé, la simulation correspond à un cas moyen estimé pour les différentes expériences et est valable à environ 10%.

Enfin, pour les mesures effectuées, les débits en sortie étaient inconnus, ce qui justifie l’utilisation par défaut de sorties libres pour la simulation.

5.3.3.3. Principales conclusions sur l’écoulement inspiratoire au repos dans les voies proximales

La répartition des débits simulés correspond à l’expérience pour les premières générations bronchiques explorées. Conformément aux résultats de précédentes études dans des géométries similaires basées sur le modèle d’Horsfield [105 - Horsfield 1971,126 - Chang 1982] (voir Tableau 5-7) et comme attendu dans un poumon normal, la répartition des débits est asymétrique en faveur du poumon droit (~55%). Au niveau de la deuxième bifurcation bronchique dans le poumon droit, l’asymétrie est également observée avec une répartition de ~15% dans le lobe supérieur droit et ~40% qui alimentent les lobes moyen et inférieur droits. La répartition observée par Horsfield [105 - Horsfield 1971] était plutôt de l’ordre de 22%-33% au niveau de cette division bronchique. Une proportion importante du gaz s’écoule dans la bronche inférieure droite à la 4ième génération (~23%) qui alimente la base du poumon droit. Une valeur proche (16%) a été obtenue par Horsfield à cet endroit [105 - Horsfield 1971]. La valeur observée ici dépend également de la proportion de gaz plus importante qui alimente les lobes moyen et inférieurs droits. Cette valeur, qui peut paraître élevée, est explicable par la continuité géométrique de la bronche inférieure droite avec la bronche intermédiaire.

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Etude Poumon droit Lobe sup. droit Partie basale

[105 - Horsfield 1971] 55% 22% 16%

[126 - Chang 1982] 55% 20% -

Travail présenté 55% 15% 23%

Tableau 5-7 Récapitulatif de la répartition des débits pour différentes études. Les débits d’entrée dans ces études étaient plus importants mais ne changeaient pas significativement la répartition pour les sections étudiées.

De manière générale, les profils de vitesse simulés présentent des pics de vitesse plus localisés et des asymétries plus prononcées. Les conditions expérimentales décrites précédemment peuvent expliquer ces différences (profil d’entrée, débit d’entrée, masse volumique). Pour tous les plans comparés, les profils axiaux ont la même forme avec les mêmes tendances asymétriques. De plus, les zones caractéristiques (centres de vortex, minima et maxima de la vitesse) sont quasiment situées aux mêmes endroits sur les sections droites étudiées. Les écoulements secondaires, attestant de la présence de tourbillons, sont similaires en termes d’ordre de grandeur, de sens et de position. La simulation et l’expérience sont donc capables de quantifier ces phénomènes et d’observer correctement la forme de l’écoulement dans une géométrie complexe, au moins jusqu’à la deuxième génération, et jusqu’à la 4ième pour ce qui concerne les ordres de grandeur des vitesses.

L’investigation par deux méthodes complémentaires, la simulation et l’expérience, de la forme de l’écoulement dans l’arbre bronchique a permis de mettre en évidence des aspects mécaniques importants. Leurs influences sur la résistance des voies aériennes proximales, sur le dépôt de particules et sur le mélange gazeux dans les poumons restent à évaluer.

Dans les bronches principales, la vitesse est maximale vers la paroi intérieure de la première bifurcation bronchique ce qui induit la formation de vortex (Plans 3 et 5). Ce résultat, précédemment observé [126 - Chang 1982,127 - Isabey 1982], correspond à la forme classique de l’écoulement dans une bifurcation. D’après les résultats obtenus ici, l’intensité des écoulements secondaires est supérieure dans une géométrie qui possède une section non circulaire et des courbures locales qui viennent s’ajouter à la complexité, ce qui suggère que le mélange gazeux est facilité par ces aspects anatomiques locaux.

Les résultats au niveau de la deuxième génération bronchique dans le poumon droit sont plus originaux (Plans 7 et 9). Comme dans les études de Chang et al. et Isabey et al., le nombre de Reynolds dans la bronche supérieure droite (Plan 9) a une valeur diminuée d’environ 50% par rapport à la deuxième bronche issue de la division (68% pour Chang et al.) (Plan 7). Cette diminution, bien plus prononcée dans notre cas que pour les études précédentes, s’explique en partie par les différentes orientations de la bronche dans les modèles utilisés. D’autre part, contrairement à ces études [126 - Chang 1982], les profils de vitesse ne sont pas déterminés par la bifurcation amont la plus proche. Pour les deux bronches filles de cette deuxième bifurcation (Plans 7 et 9), les vitesses sont maximales vers la paroi extérieure de la bifurcation amont. Dans la continuité de la bronche principale droite (Plan 7), on peut comprendre que les effets d’inertie imposent un maximum vers l’extérieur indiquant l’influence prépondérante de la première génération bronchique. En effet, on peut supposer que la distance entre les bifurcations (la longueur de la bronche souche droite) n’est pas suffisante pour homogénéiser l’écoulement. En revanche, l’observation d’un maximum de vitesse vers la paroi extérieure de la bronche supérieure droite est plus étonnante (Plan 9). Elle souligne l’influence des

écoulements secondaires non-négligeables dans cette configuration. Les vortex ont tendance à alimenter les bords provoquant l’asymétrie du profil de vitesse avec un minimum au centre avec un anneau de vitesses d’intensité plus importante sur les bords (Plan 6) (formation d’un profil en M ou U).

Les effets des tourbillons dans la bronche intermédiaire sont également intéressants (Plan 7 et 8). Le profil est similaire pour ces deux plans et plus homogène pour le plan 8 situé en aval dans la bronche. L’asymétrie des tourbillons, avec des intensités et une étendue plus importantes du tourbillon postérieur (Plan 7), a pour effet de déplacer le maximum des vitesses axiales (Plan 8) dans le sens de ce tourbillon en postérieur.

Enfin, contrairement au modèle simple de Weibel dans lequel les vitesses diminuent en fonction de la génération bronchique, on observe au niveau de la 4ième génération bronchique, dans la continuité de la bronche principale droite, une augmentation importante des vitesses locales jusqu’à des valeurs de l’ordre de 0,95 m·s-1. Cela peut être dû au fait que l’on arrive près de la sortie qui est libre de toute impédance, ou simplement à cause de la configuration de la bronche.

5.3.4. Conclusions

La vélocimétrie IRM des gaz hyperpolarisés a permis de valider expérimentalement la simulation numérique des écoulements dans une géométrie d’arbre bronchique reconstruite à partir de données d’un patient issues d’imagerie médicale anatomique (tomographie par rayon X) dans les premières générations bronchiques. La mesure des écoulements sur la même géométrie dans des conditions proches a permis de valider les motifs d’écoulement simulés dans l’arbre. Les motifs observés dans cette géométrie, plus réalistes que dans les précédentes études sont relativement standards au niveau de la première bifurcation bronchique. En revanche, des phénomènes non attendus ont été observés plus bas dans l’arbre, notamment au niveau de la bronche supérieure droite, confirmant la complexité de l’écoulement dans les voies aériennes conductrices, écoulement basé sur des effets convectifs et inertiels importants.

En résumé, cette approche montre que l’écoulement dans des géométries réalistes est complexe. Il est difficile de généraliser les comportements observés dans cette étude compte tenu du fait qu’il s’agit d’une géométrie spécifique. Cela justifie l’approche qui consiste à étudier la géométrie spécifique du malade pour y déterminer les écoulements qui lui sont propres et les impacts qu’ils peuvent avoir sur la maladie. Enfin, seule une étude sur cohorte pourrait permettre de détacher des comportements généralisables.

Une limitation de la simulation réside sur les aspects discutables des conditions aux limites in vivo. Le profil de vitesse d’entrée dans la trachée a peu de chance d’être plat en pratique car le larynx en amont possède une géométrie complexe et déformable, on apporte un élément de réponse à ce point dans la partie suivante. Le problème des conditions de sortie est plus complexe et on renverra le lecteur à la thèse de Laurence Vial [161 - Vial 2005] pour obtenir les différentes références sur ce point. Imposer le débit au niveau de chaque bronche de sortie serait plus réaliste, mais il semble qu’aucune technique de mesure ne puisse fournir ce type d’information à l’heure actuelle.

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