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Chapitre IV : Caractérisation électrochimique des TiC-CDC dans

IV. Discussion

Ces résultats montrent que le mécanisme de stockage des charges dans lequel la couche de solvatation est partiellement supprimée et les ions plus confinés entraîne une augmentation non négligeable de la capacité de double couche. Le gain en capacité est de près de 50 % par comparaison aux charbons actifs usuels [12]. La capacité (en F.g-1) de double couche électrochimique est donnée par l'équation 29 :

C = εrε0A/d (37)

avec :

- εr la constante diélectrique relative de l'électrolyte

- ε0 la permittivité du vide (F.m-1)

- A la surface spécifique de l'électrode (m2.g-1) - d la distance qui sépare le carbone des ions (m).

Lorsque la taille des pores diminue, pour que l'adsorption puisse avoir lieu, la couche de solvatation de l'ion doit être au moins partiellement retirée, comme le montre la figure IV.16. La distance d diminue donc lorsque l'ion est confiné dans un pore dont le diamètre est voisin du diamètre de l'ion. La plus grande proximité des deux parois du pore par rapport aux ions sans que les molécules de solvant ne puisse masquer la charge, pourrait conduire à un excès de densité de charges du côté de l'électrode. De plus, la diminution de la taille des pores permettrait à un plus grand nombre d'ions d'entrer dans le même volume de carbone. Ces phénomènes entraîneraient une augmentation de la capacité.

Et4N+ Electrode en carbone Electrode en carbone Et4N+ Electrode en carbone Electrode en carbone

Figure IV. 16 : Schéma du confinement des ions dans les pores de la matière active à des

tailles de pore de l’ordre du nanomètre.

L'augmentation de capacité observée en utilisant des carbones nanoporeux pourrait également être expliquée pour des raisons autres que purement électrostatiques. Certaines études théoriques, dont une partie a été publiée à la suite de ces travaux [147], proposent des éléments d'explication ou de modélisation de cette augmentation de la capacité en présence de pores nanoporeux ; elles sont cependant encore peu nombreuses et les modélisations existantes ne concernent généralement pas les supercondensateurs. Ces derniers ont été modélisés par des modèles de transmission de ligne ou en proposant des modifications au modèle proposé par Helmholtz.

La désolvatation des ions nécessite de grandes énergies, c'est pourquoi on a toujours pensé que les ions adsorbés devaient être solvatés. Cependant, des travaux récents montrent que, dans des espaces confinés ou des nanopores, les ions peuvent être désolvatés à grande vitesse et ce sans que cela ne nécessite un grand apport d'énergie. Tout d’abord, de nouveaux travaux de modélisation et expérimentaux suggèrent que la structure de l'eau et de la couche de solvatation des ions est différente dans les nanopores et en solution [151, 152]. En biologie, des travaux menés sur les canaux ioniques apportent un éclairage nouveau sur les phénomènes de désolvatation des ions dans des espaces confinés. Les canaux ioniques sont des complexes protéiques situés dans les membranes des cellules et qui permettent à certains

ions de traverser la membrane des cellules. Ces canaux ioniques sont spécifiques à un ion donné (K+, Na+…) et permettent le passage des ions soit vers l’intérieur soit vers l’extérieur des cellules. Morais-Cabral et al [153] ont étudié des canaux ioniques potassium. Ils montrent que les ions potassium ont des vitesses de diffusion de l'ordre de 108 ions.s-1 dans ces canaux. Les canaux ioniques sont donc des filtres qui doivent permettent la déshydratation des ions potassium et leur passage dans le filtre sélectif en environ 10 ns. La désolvatation des ions existe donc dans les systèmes biologiques et se produit à très grande vitesse. Afin de comprendre le fonctionnement de ces canaux ioniques certains auteurs modélisent le passage d’ions en solution aqueuse dans des espaces confinés, généralement un nanotube. Ainsi, Park et al. [154] montrent, par simulation moléculaire dynamique, que l'on peut séparer des ions en solution aqueuse (K+ et Cl-) en leur faisant traverser des nanotubes de diamètre inférieur à 0,50 nm lorsque ces derniers ont une densité de charge d'environ 10 µF.cm-2 (à 1 V). Ces ions dans les nanotubes sont alors désolvatés. Les densités de charge présentées sont faibles et donc facilement atteignables expérimentalement. Les différentes formes de carbone utilisées dans les supercondensateurs ont, en effet, typiquement des capacités de double couche électrochimique de l'ordre de 20 µF.cm-2 [12].

Yang et al. [152] ont utilisé également des simulations moléculaires dynamiques afin de comprendre l’adsorption d’ions à la surface de carbone nanoporeux pour le stockage de l’énergie. Leur modèle est composé d'un nanotube de carbone, qui modélise un pore cylindrique de diamètre 0,67 nm, une solution aqueuse uniquement composée de cations et de molécules d'eau. Dans ce modèle, le nanotube est chargé négativement pour assurer l'électroneutralité. Ils montrent que lorsque les cations traversent le pore leur couche de solvatation ne peut contenir que deux molécules d'eau alors que leur couche de solvatation est constituée de 5 à 8 molécules d’eau en solution selon l’ion considéré. Ils expliquent, en calculant les potentiels chimiques d'hydratation des ions, que la déshydratation des cations peut avoir lieu car les interactions de la paroi du pore avec les cations y sont favorables. Ces travaux confirment que les ions peuvent traverser des pores de diamètre correspondant à leur taille de façon rapide (de l’ordre de la nanoseconde) et que les interactions entre les parois du pore et les ions rendent favorable la déshydratation des ions. Kalugin et al [155] étudient par des simulations moléculaires dynamiques le comportement de l'acétonitrile confiné dans des nanotubes de carbone. Ils montrent que le coefficient de diffusion et le temps de relaxation de l'acétonitrile dépendent de la taille des nanotubes de carbone : ils augmentent lorsque la taille

l'acétonitrile peut être négligé lorsqu'on se situe à plus de 0,7 nm de la paroi du nanotube. Il existe donc bien un effet de confinement pour les TiC-CDC que l'on a testés.

Les différentes simulations moléculaires dynamiques montrent donc que pour des électrolytes aqueux, les ions placés dans des nanopores perdent leur couche d'hydratation. Le même phénomène semble avoir lieu avec des électrolytes organiques comme le montrent nos résultats, à savoir que la capacité maximale est obtenue lorsque la taille des pores correspond à la taille des ions au moins partiellement désolvatés.

Taminura et al. [156] tentent de comprendre plus particulièrement les phénomènes à l’origine de la capacité dans les carbones nanoporeux en utilisant la méthode de « réplique RISM » (the replica Reference Interaction Site Model) pour étudier les mécanismes à l'origine de la capacité. Ils utilisent ce modèle pour deux matériaux : un charbon actif dont la porosité n'est pas monodisperse et dans les domaines nano- et microporeux et un carbone issu de la carbonisation de polychlorure de vinylidène qui a une porosité homogène dans le domaine nanoporeux. Ils montrent que la capacité dans les nanopores est essentiellement due à la variation des potentiels chimiques des ions de l'électrolyte et non pas seulement à la formation de la double couche de Helmholtz, ce qui rejoint les résultats de Yang et al. Ces potentiels chimiques sont influencés par les interactions des champs électriques microscopiques, de la structure nanoporeuse des électrodes et de la couche de solvatation des ions.

Les propriétés de conductivité des carbones ont conduit de nombreux chercheurs à assumer une capacité de charge d'espace du côté de l’électrolyte au niveau de l’électrode, mais cette théorie ne peut pas s'appliquer dans le cas des TiC-CDC car il n'y a pas de structure graphitique. Le modèle traditionnel de calcul de la capacité (équation 37) ne prend pas en compte le rayon de courbure des pores et néglige l’interaction entre les deux parois du pore. L’équation 37 ne reflète donc pas ce qu’il se passe dans les mésopores et les micropores mais reste valable pour les macropores. Pour calculer la capacité dans les micropores, Huang et al. [157, 158] proposent de nouvelles équations en prenant en compte la courbure du pore. La figure IV.17 illustre la formation de la double couche dans des pores cylindriques de tailles différentes.

Figure IV. 17 : a) Schéma d'un mésopore de rayon b chargé avec des cations à une distance d de la paroi du pore formant un « condensateur de double cylindre », b) schéma d'un micropore

de diamètre b avec des cations de rayon a0 alignés pour former un « condensateur fil »,

d’après Huang et al. [158].

Dans un mésopore, les ions peuvent former un cylindre à l’intérieur du pore, les auteurs parlent alors de « condensateur double cylindre ». Ils proposent de remplacer la capacité de double couche électrochimique donnée par l'équation 37 par la capacité électrique de double cylindre (équation 38) :

) ln( 0 d b b b A C r − = ε ε (38) avec : - b le rayon du pore (nm)

Cette équation est valable dans les mésopores permettant aux ions de former un cylindre dans le pore. Cependant, dans les micropores où l’espace est réduit, les contres ions entrent dans le pore et s'alignent, Huang et al. parlent alors de capacité électrique "fil dans un cylindre" et proposent l'équation 39 :

) ln( 0 0 a b b A C = εrε (39) avec :

- a0 est le rayon effectif des contre-ions (en nm)

- b le rayon du pore (en nm)

Cette dernière équation montre que lorsque le rayon des pores est voisin de la taille des ions la capacité augmente. Cette équation est en accord avec les résultats obtenus avec les TiC-CDC. Huang et al [157] utilisent ce calcul et nos résultats obtenus avec les TiC-CDC [147] pour calculer la constante diélectrique de l’électrolyte dans les nanopores des TiC-CDC. La constante diélectrique relative a une valeur d’environ 2 dans les nanopores contre 36 en solution. Cette valeur proche de celle du vide montre qu’il y a une très faible densité électronique entre les pores et les ions et confirme donc que les ions sont au moins partiellement désolvatés lorsqu’ils sont adsorbés dans les nanopores.

La figure IV.18 présente la comparaison entre les résultats expérimentaux et les calculs effectués par Huang et al. à partir de l’équation 39.

C a p a c it é n o rm a li s é e ( µ F .c m -²) BF4- Et4N+ Et4NBF4

Taille de pore moyenne (nm)

C a p a c it é n o rm a li s é e ( µ F .c m -²) BF4- Et4N+ Et4NBF4

Taille de pore moyenne (nm)

BF4- Et4N+ Et4NBF4

BF4- Et4N+ Et4NBF4

Taille de pore moyenne (nm)

Figure IV. 18 : Evolution de la capacité normalisée en fonction de la taille des pores, d’après

Huang et al. [157].

L’adéquation du calcul théorique et des résultats expérimentaux est bonne pour les tailles de pore comprises entre 0,68 nm et 0,80 nm. Pour les pores plus gros l’équation 39 n’est plus valable car les pores sont assez gros pour contenir plusieurs ions et former un double cylindre. Pour les pores les plus petits le calcul théorique prédit des capacités plus grandes que celles obtenues expérimentalement. Ceci est peut-être dû à la présence de pores dont la forme n’est pas cylindrique et qui sont donc moins accessibles ou à une conductivité plus faible des TiC-CDC synthétisés à 400°C. La relation proposée par Huang et al. pour le calcul de la capacité des micropores semble cependant être une très bonne approximation des phénomènes qui expliquent la capacité élevée observée dans les micropores.

Les capacités obtenues avec les TiC-CDC montrent que la taille idéale des pores doit être voisine de la taille des ions de l’électrolyte utilisés pour obtenir des capacités maximales. Nos résultats et les calculs effectués par l’équipe de Huang confirment que les ions adsorbés sont désolvatés et que le mode de stockage des ions dans les nanopores diffère du modèle de double couche électrochimique jusque là pris en compte. Les pores dont la taille est voisine de celles des ions de l’électrolyte sont, en effet, trop étroits pour permettre la formation de cette double couche. Lorsque la taille des pores est voisine de la taille des ions, la capacité est maximale. Ces résultats ont été publiés en 2008 dans la revue Angewandte Chemie [147].

V.

Conclusion

L'utilisation de TiC-CDC dont la porosité est monodisperse a mis en évidence un nouveau mécanisme de stockage des charges à la surface des électrodes. Les ions adsorbés à la surface de la matière active, que l'on pensait jusqu'à présent solvatés, sont au moins partiellement désolvatés. Les maxima de capacité, que ce soit pour la cellule ou les électrodes, sont effectivement obtenus pour des tailles de pore inférieures à la taille des ions solvatés. Des études théoriques menées par d'autres équipes montrent que la déshydratation des cations alcalins est possible à de faible densité de charges et à des vitesses élevées. Les mêmes phénomènes auraient également lieu dans des solvants organiques. La plus grande proximité des deux parois du pore, la diminution de l'écrantage des charges par les molécules de solvant, la plus grande quantité d'ions stockés dans un volume de carbone expliqueraient l'augmentation de la capacité observée.

En comparant les capacités obtenues pour chaque électrode, on constate également que la taille des pores de la matière active doit être choisie en fonction de la taille des ions de l'électrolyte. Lorsque la taille des pores n'est pas adaptée à la taille des ions de l'électrolyte, les capacités obtenues ne sont pas optimales. Cette constatation montre que les densités d'énergie actuellement atteintes pourront être augmentées en choisissant un électrolyte adapté à la matière active.

Plus de travail est nécessaire pour comprendre les phénomènes expliquant cette augmentation anormale de la capacité avec l'utilisation de matériaux carbonés dont la taille des pores est de l'ordre de la taille des ions. L'énergie nécessaire à la désolvatation des ions pendant la charge et à leur solvatation pendant la décharge permettrait un stockage réversible de l'énergie. La compréhension de ces phénomènes, l''influence de la concentration et de la composition de l'électrolyte ou des groupes fonctionnels à la surface des carbones sur la capacité dans les carbones nanoporeux nécessiteront de nombreuses autres études expérimentales et théoriques.

Les résultats obtenus ouvrent une nouvelle voie pour les supercondensateurs. La compréhension des phénomènes de stockage des charges dans des matériaux nanoporeux ainsi que le choix d'une matière active dont la porosité est adaptée à la taille des ions de l'électrolyte utilisés permettront sûrement de développer des supercondensateurs dont les densités d'énergie seront plus grandes.

Chapitre V : Caractérisation

électrochimique des TiC-CDC dans un

électrolyte liquide ionique

I.

Introduction

Les résultats précédents, obtenus avec un électrolyte composé d'un sel et d'un solvant, ont montré que lors du stockage des charges dans la porosité d’électrodes de supercondensateur à base de CDC, les ions étaient au minimum partiellement désolvatés. Cependant la présence de solvant dans l'électrolyte rend difficile la détermination de la taille des pores à utiliser et pour cette raison, on ne peut pas avoir accès à la taille effective des ions adsorbés. De plus, nous avons constaté, en observant l'évolution de la capacité de chaque électrode, que la taille des pores de la matière active devait être choisie en fonction de la taille des ions de l'électrolyte. En fonction de la taille de la sphère de solvatation considérée (première sphère, deuxième sphère….), nous n'avons pas les moyens de savoir si les ions sont totalement désolvatés ou si la couche de solvatation est toujours partiellement présente. Il est donc difficile de tirer des conclusions précises sur la taille réelle des ions dans les nanopores.

Nous avons donc choisi d'utiliser des liquides ioniques qui ont été décrits dans le chapitre I. Si les liquides ioniques ont été utilisés dans un premier temps dans ce travail pour augmenter la tension de cellule des supercondensateurs afin d'augmenter les densités d'énergie et de puissance, nous les avons également utilisés car ils ne contiennent aucun solvant. Cette propriété permet de connaître exactement la taille des ions et d'être affranchi du problème de la solvatation.

L'utilisation de liquide ionique avec les carbones dérivés de carbure de titane, dont la taille des pores est monodisperse et contrôlable nous a permis d'étudier précisément le rôle du couple taille des pores de la matière active/taille des ions de l'électrolyte sur la capacité d’un supercondensateur.