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Les données PEDT ont permis de résoudre la structure des composés ABi7Nb5O24 (A = Ca, Sr, Pb et Ba) et nous avons pu affiner les structures des composés Ba, Sr et Pb en utilisant des données DNP. En analysant les clichés de diffraction en sélection d’aire, les images haute résolution ainsi que la projection de la structure, il est possible de remarquer des similarités avec les structures dites en escalier (ou effondrée, ou en terrasse) dérivées des composés supraconducteurs HTc en feuillets [124]. Les composés de la série ABi7Nb5O24 étant constitués des mêmes unités structurales que les phases

d’Aurivilius, nous proposons de les nommer « phases d’Aurivillius en escalier » (« stair-like Aurivillius ») pour les distinguer des phases d’Aurivillius avec des couches continues. En considérant une séquence d’empilement hypothétique |p=1|p=2|p=2| le long de l’axe c avec des couches continues de [Bi2O2] et de blocs d’octaèdres, la structure des composés ABi7Nb5O24 peut être générée par l’introduction de plan de cisaillement {100} où la séquence d’empilement est translatée par 5c/2 donnant ainsi, des couches discontinues de [Bi2O2] et d’octaèdres (Figure 2.18). Le modèle cristallographiques (Tableau 2.6) ne traduit pas directement une telle description. Concrètement, la composante γ du vecteur de modulation contrôle la séquence d’empilement des couches le long de c (relatif à sa parenté avec les phases d’Aurivillius). Il semble faiblement dépendant de la nature des cations A2+ dans la mesure des incertitudes. En fixant α = 0, le modèle génère une inter-croissance à longue période de type Aurivillius avec des couches continues de [Bi2O2] et de blocs perovskite avec une séquence d’empilement |p=1|p=2|p=2|. La composante α du vecteur de modulation contrôle la longueur des escaliers le long de a (nature cisaillée) et augmente de façon significative avec le rayon ionique de A2+.

En se basant sur les résultats PEDT à 400C et les mesures diélectriques effectuées (A = Sr et Ba), ces composés subissent une apparente transition de phase au dessus de la température ambiante qui s’accompagne d’une modification du groupe de superespace en allant de X21/a(α0γ)00 (PE) à X21(α0γ)0 (FE). Ce changement, bien que faible, semble impacter les affinements Rietveld DNP à température ambiante où de meilleurs résultats sont obtenus pour le SSG non centro symétrique, en particulier pour le composé A = Pb. Du point de vue de la structure, la transition d’un composé non centrosymétrique vers un composé centrosymétrique est reliée à l’apparition d’un degré de liberté supplémen-taire dans le système de rotation des octaèdres NO6 des blocs perovskite. Dans le SSG X21/a(α0γ)00 (CS), les rotations d’octaèdres sont permises autour des directions a et c, tandis que dans le groupe X21(α0γ)0 (NCS), une rotation supplémentaire est possible autour de le direction b. Tout comme dans le cas des phases d’Aurivillius [96, 125] ainsi que d’autres systèmes en couches [126], ce type de transition impliquant la combinaison de plusieurs rotations d’octaèdres peut induire une polarisation suivant le mécanisme dit « ferroélectrique impropre ». Dans ce cas, la transition FE-PE est régit par les couplages des distorsions du réseau non polaire plutôt que par l’apparition, ou le renversement d’une polarisation décrite par un seul vecteur d’onde comme dans les ferroélectriques classiques.

A partir des affinements DNP, le composé A = Pb montre de plus fortes rotations des octaèdres NO6 (Figure 2.21) comparé aux composés A = Sr ou Ba. Par analogie avec le comportement des phases d’Aurivillius classiques [127], cette plus forte amplitude des rotations nous laisse penser qu’une transition est attendue à plus haute température pour ce composés (A = Pb) que pour les deux autres composés (A = Sr, Ba). De la même façon, la structure du composé au Ca affinée à partir des données PEDT présente de plus fortes amplitudes de rotations des octaèdres que pour les trois autres composés de la série. Bien que nous n’ayons pas de données DNP pour A = Ca, cette constatation semble cohérente avec la présence de réflexions de type h = 2n + 1 sur le plan (h0lm)* plus intenses que pour les trois autres composés. En terme de propriétés, bien que les mesures n’aient pas permis de prouver l’existence ou non d’une transition FE-PE au dessous de 600C, par analogie avec les autres composés, nous ne pouvons exclure l’existence d’une transition attendue à une température qui serait bien plus élevée que celles des composés Ba et Sr.

Pour les composés A = Ba et Sr, la transition FE-PE est accompagnée par un com-portement de type relaxeur qui peut être étudié par analogie avec les relations structure-propriétés observées dans les phases d’Aurivillius [129–131].Tout d’abord, le fait que les changements structuraux impliqués dans la transtion FE-PE soient très subtils est une observation courante dans les composés relaxeurs de type Aurivillius où le mécanisme de mise en place d’une structure polaire présentant un ordre à grande distance n’est pas clair et peut varier d’une cristallite à l’autre. D’autre part, la présence de cations A2+ dans les couches [Bi2O2] doit être prise en compte puisque l’existence de désordre statistique de position dans ces couches est une des caractéristiques souvent retrouvées dans les com-posés relaxeurs de type Aurivillius. Dans notre description de la structure, tous les sites A/Bi sont décrits comme une unique position atomique Bi alors que 12,5% de l’occupation devrait être attribuée au cations A2+. Une des possibilités pour étudier la répartition de ces cations sur les sites Bi est d’exploiter la différence entre leurs pouvoirs de diffusion respectifs en regardant l’évolution des paramètres de déplacement atomique (ADP) du site Bi en fonction du paramètre interne t. Une variation des paramètres de déplacement atomiques pourrait bien sûr être attribuée à d’autres facteurs qu’une simple différence de pouvoir de diffusion et de la substitution des site Bi par A, cependant, elle peut nous donner quelques indications. En ajoutant et en affinant une fonction de modulation pour le paramètre de déplacement atomique du site Bi dans le cas des composés ABi7Nb5O24

Figure 2.24 – Liaisons M-O pour les atomes M = A/Bi des couches [Bi2O2] pour a) PbBi2Nb2O9 [128], b) BaBi7Nb5O24 et c) PbBi7Nb5O24˙a) Dans un ferroélectrique clas-sique, tous les atomes Bi possèdent une coordination 4+2 avec 4 distances courtes Bi-O inférieures à 2,5 Å et 2 comprises entre 2,5 et 2,8 Å. En b) et c) la coordination du Bi évo-lue de 4(atomes entourés) vers 4+1 et 4+2 à cause de la nature modulée incommensurable de ces composés en escaliers.

(A = Sr, Pb et Ba), les résultats mènent à un maximum large à t = 0 correspondant aux sites A/Bi localisés au centre des blocs perovskite p=2 de la structure (couches BiO) (Fi-gure 2.25 et 2.26). Le fait que les cations A semblent préférer ces positions plutôt que celles des couches [Bi2O2] n’est pas très surprenant mais cela n’exclut pas totalement l’autre possibilité. Nous sommes ici dans la limite de la description du modèle possible à partir des données DNP. Une étude HAADF aurait pu apporter plus d’information sur la répar-tition des cations A mais en raison de la grande fragilité des composés sous le faisceaux, il n’a pas été possible d’obtenir des images assez résolues. Une troisième signature que l’on

Figure 2.25 – Évolution du paramètre de déplacement atomique équivalent du Bi en fonction du paramètre t pour les composés ABi7Nb5O24A = Sr, Pb et Ba. Une modulation sur le paramètre U du bismuth a été ajoutée et affinée à partir des données DNP. Le centre du domaine atomique attribué au Bi (t = 0) correspond aux Bi situés au sein des blocs perovskite p=2. Les autres Bi forment les couches [Bi2O2].

peut attribuer au comportement relaxeur des phases d’Aurivillius est lié à la modification des forces de liaisons existantes entre les couches [Bi2O2] et les couches perovskite où la coordination du Bi3+ classique «4+2» présente dans les phases d’Aurivillius devient «4» dans les relaxeurs [131]. Pour les composés ABi7Nb5O24(A = Ba et Sr), dans le plan (a,b), des zones avec peu ou pas de rotations sont alternées par des zones présentant de fortes rotations localisées dans les blocs perovskite p=1 et aux jonctions des «marches» plutôt que dans les blocs p=2 (Figure 2.21). Dans nos composés en escalier, les longueurs et la force des liaisons A/Bi-O varient avec le paramètre interne t et sont très affectées par la modulation (Figure 2.24 et 2.26). L’évolution des environnements A/Bi dans les couches Bi2O2 est mieux visualisée sur les schémas de structures représentés sur la Figure 2.24. Comme dans les phases d’Aurivillius, 4 courtes distances Bi-O (<2,5 Å) relient les bis-muth avec l’oxygène au sein des couches Bi2O2 (liaisons fines sur la Figure 2.24). Ces atomes Bi sont également liés avec l’oxygène des blocs perovskite et c’est la force de cette liaison qui peut être un bon indicateur de la nature de la transition FE-PE [129–132].

Figure 2.26 – Évolution des distances Nb-O et Bi-O dans les structures de a) BaBi7Nb5O24, b) PbBi7Nb5O24 et c) SrBi7Nb5O24 affinés à partir des données DNP. Les lignes vertes, rouges et bleues correspondent respectivement aux distances cation-O1-1, cation-O1-2 et cation-O2. d) Analyse des forces de liaisons donnant l’évolution de la va-lence de Nb (gauche) et de Bi (droite) pour les composés A = Ba, Sr et Pb.

deux de ces distances sont comprises entre 2,5 et 2,8 Å (liaisons épaisses sur la Figure 2.24) impliquant ainsi que les Bi sont en coordination «4+2». Concernant les phases d’Aurivil-lius en escalier, la coordination varie localement de «4+0», à «4+1» et «4+2». La longueur des distances reliant Bi à l’oxygène des blocs perovskite est globalement plus grande avec

une inhomogénéité. Nous pensons que c’est l’existence de cette inhomogénéité des liaisons entre les couches Bi2O2 et les blocs perovskite qui affecte la nature de la transition FE-PE en relation avec le comportement ferro-relaxeur observé.

Si nous pouvons mettre en évidence à l’aide des données structurales les similitudes avec le comportement relaxeur observé dans les phases d’Aurivillius classiques, il reste à discuter du comportement diélectrique singulier des composés A = Sr et Ba ainsi que la différence observée entre les deux composés. Au moins pour l’échantillon Sr, l’état pa-raélectrique se caractérise par une simple loi de Curie-Weiss (CW) avec aucune preuve d’une température de Burns. Ceci n’est pas conventionnel pour un relaxeur où la pré-sence de NDP au dessus de Tm est responsable d’un écart au comportement de CW. En outre, d’un point de vue structural, les relaxeurs ne présentent pas de transition de phase structurale lors du franchissement de Tm, alors que nous montrons que nos phases subissent un petit, mais détectable changement de symétrie. Nous pensons plutôt que notre système tend vers un état FE mais le désordre très particulier (couches cisaillées et désordre cationique) fait obstacle à un ordre à longue distance des NDP et mène à une interaction dipolaire coopérative comme celle observée dans les verres de spin [122]. La différence de comportement entre Ba et Sr ne peut provenir que de la nature de la substitution des sites Bi qui se traduit d’un point de vue structural par une variation de la longueur des escaliers. Cependant, une explication plus poussée est difficile à partir de ces deux mesures.