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Chapitre 2 : ÉVOLUTION DES CONDUITES ALIMENTAIRES DU JEUNE ENFANT LORS

IV. Discussion

Les résultats obtenus dans cette étude ont permis d’examiner l’évolution des pratiques alimentaires du jeune enfant en effectuant une emphase sur la période d’introduction des aliments complémentaires. Ces résultats ont mis en évidence un changement du type d’alimentation ainsi qu’une diversification des textures consommées en fonction de l’âge sur lequel nous allons à présent revenir.

IV.1 Caractéristiques de l’échantillon

Pour rappel, les résultats de cette étude sont issus des réponses recueillies dans un questionnaire parental anonyme en ligne diffusé à l’échelle nationale par l’intermédiaire de canaux variés (e.g. halte- garderies, relais d’assistantes maternelles, pages Facebook). De ce fait, même si les critères d’inclusion et d’exclusion étaient précisés dans l’annonce, les caractéristiques de l’échantillon n’ont pas pu être contrôlées en amont de la collecte de données et explique pourquoi un nombre important de réponses a été exclu lors des analyses (n= 273). En effet, cette étude ayant pour objectif de décrire l’évolution des comportements alimentaires de l’enfant au développement typique de 0 à 24 mois, les réponses obtenues pour les enfants présentant des antécédents médicaux et/ou prématurés et/ou d’un âge supérieur à 24 mois ont été retirés de l’échantillon. De la même façon, l’analyse de la répartition de l’échantillon en fonction du sexe, de l’âge, du type de naissance et des caractéristiques sociodémographiques n’ont également pu être effectuées qu’après la collecte des données. Ainsi, les résultats obtenus mettent en évidence une répartition relativement équilibrée de l’échantillon en fonction du sexe et du rang dans la fratrie tandis que l’accouchement par voie basse constitue le type de naissance prédominant. En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon, l’âge moyen des mères (31 ans) se situe dans la moyenne nationale (30,4 ans) (Insee, 2016). De plus, la majorité des parents possède un diplôme supérieur ou égal au niveau Bac + 3 (mères : 77,4 % ; pères : 48,9 %) et représentent une proportion largement supérieure à la moyenne nationale puisque selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee, 2016) 33,4 % des femmes et 26,7 % des hommes français âgés de 25-34 ans ont un diplôme supérieur au niveau Bac +2. Bien que présentées de manière descriptive, ces différentes données socio-économiques sont néanmoins à considérer pour l’interprétation ultérieure des données. En effet, la durée

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d’allaitement étant plus longue et l’âge d’introduction des aliments plus tardive pour les familles au niveau socio-économique élevé (Betoko et al., 2013; Betoko, 2013; Bournez et al., 2017; Wagner et al., 2015), la forte proportion de parents ayant un haut niveau d’éducation au sein de notre échantillon pourrait constituer une limite à la généralisation des résultats à l’échelle nationale.

IV.2 De l’alimentation lactée vers l’alimentation complémentaire

Les résultats obtenus mettent en évidence deux étapes dans le développement des comportements alimentaires du jeune enfant : une première, caractérisée par une alimentation exclusivement lactée suivie d’une seconde période au cours de laquelle l’alimentation complémentaire est introduite. En effet, entre 0 et 3 mois, l’alimentation exclusivement lactée constitue le type d’alimentation consommé pour plus de 90 % de l’échantillon puis à partir de 4 mois, celle-ci est rapidement remplacée par l’alimentation complémentaire qui reste ensuite le mode d’alimentation prédominant jusqu’à 24 mois. Selon les résultats de notre étude, cette phase de transition alimentaire serait effectuée entre 4 mois (33,3 %) et 5 mois (81,5 %) et non 6 mois contrairement aux recommandations du PNNS (2004). Ces résultats sont en accord avec les données de la littérature qui décrivent, chez le jeune enfant français, un âge médian d’introduction des aliments complémentaires compris entre 4,5 (A Betoko et al., 2013) et 5,2 mois (Bournez et al., 2017). Néanmoins, au début de cette période de transition et ce jusqu’à l’âge de 8 mois, le nombre quotidien de repas lactés (i.e. biberon et allaitement maternel) reste supérieur au nombre quotidien de repas diversifiés. Ces données suggèrent que, bien qu’introduite dès 4-5 mois, l’alimentation complémentaire est intégrée progressivement dans l’alimentation de l’enfant et ne constitue le type d’alimentation principal qu’à partir de 8 mois. En outre, ces données montrent également que les parents de l’échantillon respectent les recommandations du PNNS en ce qui concerne l’âge d’introduction de l’alimentation complémentaire. Cependant, le suivi de ces recommandations est nuancé lorsqu’on observe de manière détaillée le type d’alimentation lacté consommé par l’échantillon au cours de la période exclusivement lactée.

En effet, pour rappel le PNNS (2004) et l’OMS (2003), conseillent un allaitement maternel exclusif au cours des 4 à 6 premiers mois de vie. Or, les résultats obtenus montrent que la

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proportion d’enfants nourris exclusivement par allaitement maternel diminue considérablement entre la naissance (90 %) et 4 mois (29,2 %) et ne représente que 4,4 % de l’échantillon à 6 mois. Ces données sont inférieures aux résultats rapportés dans des études précédentes qui relatent un taux d’allaitement maternel de 42 % à 4 mois (Bonet et al., 2013) et compris entre 19 % (Wagner et al., 2015) et 23 % à 6 mois (Salavane et al., 2016). Selon Bonet et al. (2013), le retour au travail constituerait un prédicteur majeur de l’arrêt de l’allaitement maternel. La proportion de mères ayant un niveau d’études élevé étant importante au sein de l’échantillon, l’hypothèse d’un retour au travail avant les 6 mois de l’enfant pourrait expliquer le faible taux d’allaitement maternel exclusif observé à ce stade par rapport aux autres études. Notons néanmoins que lorsqu’il est associé à l’alimentation complémentaire, le taux d’allaitement maternel reste stable et relativement élevé entre 3 et 7 mois (46,7 %). Cette différence suggère que d’autres facteurs pourraient également influencer le faible taux d’allaitement maternel exclusif observé à 6 mois. En effet, « la sensation que l’enfant montre des signes de faim après un repas exclusivement lacté » et « l’intérêt pour les aliments solides » constituent les raisons principalement rapportées par les parents pour justifier l’introduction des aliments complémentaires (Clayton, Li, Perrine, & Scanlon, 2013; Scott et al., 2009).

Dans le cas présent, l’introduction des aliments complémentaires couplée à l’allaitement maternel pourrait être le reflet d’une volonté de la part des parents de combler les besoins énergétiques de leur enfant et de répondre à leur intérêt vis-à-vis de la nourriture familiale, tout en gardant les bénéfices associés à l’allaitement maternel (e.g. composition riche en nutriments, diversité des sensations olfactives et gustatives). Par ailleurs, à partir de 8 mois, la proportion d’enfants ayant cette double stratégie alimentaire diminue (i.e. allaitement maternel et alimentation complémentaire) tandis que celle pour laquelle l’alimentation complémentaire est couplée à l’alimentation au biberon reste stable jusqu’à 24 mois. Or, cette période constitue également l’âge pour lequel le nombre de repas donné quotidiennement à la cuillère devient supérieur au nombre de repas lactés (allaitement maternel et biberon).

Ces résultats suggèrent ainsi l’existence de deux phases pour l’introduction de l’alimentation complémentaire : une première, entre 4 et 8 mois, au cours de laquelle l’alimentation lactée (i.e. allaitement maternel et biberon) est prédominante par rapport à l’alimentation complémentaire et une seconde phase, à partir de 8 mois où l’alimentation complémentaire devient le type d’alimentation principal.

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IV.3 Des purées vers les morceaux : une diversification

alimentaire en 3 étapes

Pour rappel, les données obtenues ont permis d’examiner l’évolution de la fréquence de consommation des textures en fonction de l’âge ainsi que la proportion d’enfants consommant ces textures pour un âge donné. Ces résultats ont ainsi permis d’identifier trois périodes pour décrire l’introduction des textures au cours de l’alimentation complémentaire qui sont liées à des patrons oro-moteurs de complexité croissante. Les premières textures introduites correspondraient à celles qui nécessitent peu de processus oraux tandis que les dernières seraient celles qui sous-tendent l’acquisition des compétences masticatoires.

IV.3.1 4 à 7 mois : les textures mixées comme supports de la