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Chapitre 2 : ÉVOLUTION DES CONDUITES ALIMENTAIRES DU JEUNE ENFANT LORS

I. Introduction

I.2 Évolution physiologique permettant le passage de l’alimentation lactée vers

I.2.4 Développement moteur

I.2.4.1 Développement des compétences oro-motrices alimentaires

Le développement des compétences oro-motrices alimentaires constitue un processus qui évolue progressivement en conséquence de la maturation neurologique, de la réorganisation anatomique des structures orales et de l’introduction des aliments complémentaires (Nicklaus, Demonteil & Tournier, 2015). Pendant les deux premiers mois, l’enfant s’alimente grâce à une séquence automatico-réflexe de succion-déglutition (i.e. « suckling »). Celle-ci est caractérisée par une action des lèvres associée à des mouvements antéro-postérieurs de la langue qui permet d’aspirer le lait hors du mamelon ou de la tétine et de le transporter vers l’arrière de la cavité buccale pour déclencher le réflexe de déglutition (Gaspard, 2001). Vers l’âge de 5 mois, l’agrandissement de la cavité buccale favorise l’émergence de mouvements linguaux verticaux accompagnés de petits mouvements verticaux mandibulaires (i.e. « sucking ») (Arvedson & Brodsky, 2002). Selon Delaney & Arvedson (2008), l’apparition de ces mouvements linguaux permettrait d’identifier qu’un enfant est prêt à débuter l’alimentation complémentaire. Ainsi, au début de la période de transition alimentaire, l’enfant effectue ce pattern de mouvements de « sucking » pour manipuler les premiers aliments complémentaires introduits (Stevenson & Allaire, 1991). Cependant, ce schème moteur, bien qu’optimal pour une alimentation lactée, est

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adapté à une variété limitée de textures (i.e. purées et semi-solides) (Nicklaus, Demonteil & Tournier, 2015). De ce fait, avec la diversification des textures proposées à l’enfant, les prémisses des mouvements masticatoires (i.e. mâchonnements, « munching ») apparaissent et remplacent progressivement les mouvements de « sucking ». Cette stratégie motrice, caractérisée par des mouvements verticaux d’abaissement et d’élévation de la mandibule, coexiste ainsi avec le « sucking » (Gisel, 1991) jusqu’à 10-12 mois, période au cours de laquelle celle-ci devient prédominante (Demonteil et al., 2018; Stolovitz & Gisel, 1991). Grâce à une exposition répétée à différents types d’aliments et de textures, les compétences masticatoires s’affinent ensuite graduellement jusqu’à l’âge de 3 ans. Cette maturation motrice se traduit par l’émergence de mouvements latéraux puis rotatoires mandibulaires à partir de 12 mois et par l’apparition de mouvements linguaux latéraux ainsi qu’un contrôle indépendant des lèvres (Stevenson & Allaire, 1991) (Figure 3). Ces modifications motrices vont alors permettre un meilleur maintien du bol alimentaire dans la cavité buccale ainsi qu’un transfert plus efficace vers les zones réflexes de déglutition. D’un point de vue expérimental, l’amélioration de ces compétences masticatoires se traduirait par la diminution de la durée et du nombre de cycles masticatoires nécessaires pour ingérer un aliment (Gisel, 1991) ainsi que d’une augmentation de la vitesse d’oscillation mandibulaire (voir Chapitre 3.I.3).

I.2.4.2 Développement posturo-moteur global

Parallèlement au développement de ses fonctions oro-motrices, l’enfant développe également ses compétences posturo-motrices globales. Bien qu’aucune relation directe n’ait encore été établie, l’augmentation des compétences orales pourrait être liée au développement moteur global (Delaney & Arvedson, 2008). En effet, avec l’âge, le tonus musculaire de l’enfant se modifie et induit une amélioration progressive de la stabilité de son tronc, de son cou et de la musculature de ses épaules. Ces modifications vont d’abord lui permettre de maintenir sa tête sans support puis de se maintenir dans une position assise sans support vers 5-6 mois en moyenne (Carruth & Skinner, 2002). Cette verticalisation va ainsi contribuer à la descente progressive du larynx qui participe à la réorganisation des structures orales observées vers l’âge de 6 mois (Nicklaus, Demonteil & Tournier, 2015). De plus, l’amélioration de la stabilité de la tête et du tronc augmente également la stabilité des parties distales du corps. Le fait que l’enfant soit capable de se tenir assis sans support lui permet alors de laisser ses mains libres pour manipuler les objets qui l’entourent et les mettre à la bouche (Carruth, Ziegler, Gordon, & Hendricks, 2004; Rochat & Goubet, 1995). Dans le cadre des activités alimentaires, l’augmentation de ces compétences en préhension va lui permettre d’une part de manipuler et

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mettre à la bouche la nourriture et d’autre part d’atténuer le réflexe nauséeux (Carruth & Skinner, 2002; Chevalier & Garcia, 2012). En effet, ce réflexe, qui se déclenche au cours des premiers mois dès lors qu’un aliment différent du lait est introduit dans la bouche, disparait progressivement avec la mise en bouche spontanée d’objets ou d’aliments (Chevalier & Garcia, 2012). En outre, Butte et al. (2004) ont pris en compte ces étapes du développement posturo-moteur pour donner des repères concernant les compétences alimentaires et les aliments et textures appropriés à introduire (Tableau I). Bien que complet, ce tableau ne donne cependant pas d’âge permettant de situer chacune de ces étapes de développement et aucune information concernant les sources scientifiques et/ou cliniques à l’origine de sa création n’a été précisée par les auteurs (Butte et al., 2004). Ces données sont toutefois en accord avec les propos de Delaney & Arvedson (2008) qui suggèrent que les enfants sont prêts pour l’alimentation complémentaire dès lors qu’ils sont capables de maintenir une posture droite en position assise.

la tête support marche

Compétences physiques - La tête doit être maintenue - Émergence du contrôle de la tête lorsque l’enfant est en appui sur un support

- Tient assis avec de l’aide ou avec un support

- Sur le ventre, il appuie sur ses bras avec les coudes tendus

- Tient assis sans support - Peut prendre des petits objets dans la main - Se dirige vers les aliments ou la cuillère

- Apprend à marcher à 4 pattes

- Peut se mettre debout tout seul

- Se met debout tout seul

- Fait ses premiers pas - Marche seul - Court Compétences alimentaires - Séquence de succion-déglutition respiration pendant l’alimentation lactée -Mouvements antéro-postérieurs de la langue pour la succion - Le réflexe nauséeux diminue progressivement avec l’âge

- Fait passer les purées de l’avant vers l’arrière de la cavité buccale dans la bouche avec la langue pour déglutir - Reconnait la cuillère et ouvre la bouche lorsque celle-ci approche

- Apprend à garder les purées dans la bouche - Penche la tête vers le bas et presse avec la lèvre supérieure pour retirer la nourriture de la cuillère - Essaye de prendre la nourriture de façon autonome dans son poing - Peut transférer la nourriture d’une main à l’autre

- Peut boire dans un verre avec de l’aide

- Apprend à bouger la langue d’un côté à l’autre pour pousser la nourriture sur les côtés pour qu’elle puisse être mastiquée

- Commence à utiliser la mâchoire et la langue pour broyer la nourriture

- Joue avec la cuillère et peut l’apporter à la bouche, mais n’est pas encore capable de s’alimenter tout seul - Peut utiliser les doigts pour manger

- Porte une tasse de manière autonome

- Prend des petits aliments entre le pouce et l’index

- Se nourrit de manière autonome avec les doigts - Peut boire avec une paille - Peut porter un verre avec les deux mains et l’apporter à la bouche - Améliore ses compétences masticatoires - Demande à s’alimenter tout seul avec la cuillère - Mange une variété de textures

- Mastique et déglutit les aliments solides - Apprend à utiliser

une fourchette - Utilise la cuillère - Peut prendre une tasse à une main

Alimentation et textures appropriées - Allaitement maternel ou biberon (i.e. formules infantiles) - Allaitement maternel ou biberon - Allaitement maternel ou biberon - Céréales infantiles - Purées - Allaitement maternel ou biberon - Céréales infantiles - Purées plus épaisses - Aliments mous sans grumeaux

- Allaitement maternel ou biberon

- Céréales infantiles - Purées plus épaisses - Aliments mous avec petits grumeaux

- Solides qui se dissolvent rapidement

- Augmenter la variété de flaveurs proposées

- Allaitement maternel ou biberon - Aliments avec des morceaux

- Variété de textures - Lait

- Aliments avec des morceaux

- Devient efficace en mangeant des aliments aux textures variées et en contrôlant les bouchées pour les aliments mous, solides ou croquants à 2 ans

Tableau I. Synthèse des compétences posturo-motrices, des compétences alimentaires et des textures et aliments appropriés correspondants (issue de Butte et al., 2004)

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Le développement anatomique, neurophysiologique et moteur observés au cours des premiers mois suggèrent qu’à partir de 4 à 6 mois l’enfant est physiologiquement prêt pour l’introduction des aliments complémentaires. Dès lors, différentes ressources, basées sur l’évolution de ces facteurs physiologiques, sont proposées par les organisations de santé publique pour guider les parents lors de cette période de transition alimentaire.

Nous allons à présent comparer les informations disponibles dans les recommandations de santé publique avec les pratiques alimentaires réelles observées au cours de la période d’alimentation complémentaire.

I.3 Comparaison entre les recommandations de santé publique et

les pratiques alimentaires réelles au cours de la période

d’alimentation complémentaire