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L’étude quantitative de devoir de mémoire dans les discours médiatiques s’est effectuée grâce à des corpus provenant de la radio, de la télévision et de la presse écrite383.

1. Le corpus de l’INA

Le corpus numérisé de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui concerne la radio et la télévision fonctionne avec le logiciel de logométrie Hyperbase, conçu par Étienne Brunet et produit par le laboratoire « Bases, Corpus, Langage », de l’Université de Nice-Sophia- Antipolis384.

Pour la radio, il existe deux bases d’archives : l’une, « archives INA radio », qui rassemble des documents sonores de 1933 à nos jours sur Radio France, et l’autre, « DL radio » (Dépôt légal Radio), qui recense vingt chaines de radio publiques et privées depuis le 1er janvier 1995.

Le même procédé existe pour la télévision : une base « Archives INA TV » qui stocke les programmes produits par les chaines publiques nationales de 1949 à nos jours, et une autre, « Dépôt légal des chaines de télévision hertziennes » (DLTV), qui recense les programmes diffusés par les 7 chaines hertziennes (TF1, France 2, France 3, La Cinq, Canal Plus, M6, Arte) depuis le 1er janvier 1995. Une base « Archives INA Régions TV » a également pris en compte les stations régionales de l’ORTF puis de FR3.

Ce corpus a pu être complété grâce à une troisième base d’archives de l’INA qui se trouve sur le site inamediapro réservé aux professionnels de la presse audiovisuelle et radiophonique385. Cette base numérisée a l’avantage de contenir des archives provenant de différents fonds :

- Presse filmée et fonds cinématographique

382 S. Moirand, « L’impossible clôture des corpus médiatiques. La mise au jour des observables entre

catégorisation et contextualisation », op.cit., p. 72.

383 On se reportera à l’article d’Emilie Née : « Les outils lexicométriques à l’épreuve d’un corpus médiatique »,

Michel Ballard et Carmen Pineira (dir), Les corpus en linguistique et en traductologie, Arras, Artois Presses Université, 2007, p.71-88.

384

Sur le logiciel Hyperbase, voir D. Mayaffre, Le Discours présidentiel, op.cit., p. 17-20.

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L’INA possède environ 1800 heures d’actualités cinématographiques issues de plusieurs fonds tournés par des cameramen dans le monde entier entre 1914 et 1969, qui étaient à l’origine projetées dans les salles de cinéma et de spectacle.

- Le fonds télévisuel

Il s’agit du fonds alimenté par les chaines publiques françaises de télévision comprenant émissions nationales et régionales (535.000 heures de programme).

- Le fonds de production

Ce fonds regroupe tous les genres télévisuels : téléfilms, séries, feuilletons, documentaires, émissions de divertissement, jeux, dessins animés, magazines de société et culturels, entretiens, théâtre, concerts, etc.

Il provient de :

- la production nationale de la RTF et de l’ORTF de 1950 à 1974

- la production des diffuseurs nationaux depuis 1975 : TF1 jusqu’en 1982, Antenne 2 et FR3 jusqu’en 1992, France 2 et France 3 jusqu’à nos jours

- d’une partie du fonds de La Cinq de 1987 à 1992

- des émissions produites ou coproduites par l’INA depuis 1975 avec la Direction des programmes de création et de recherche et Ina Entreprise.

- Les fonds régionaux

Les six délégations régionales de l’Ina assurent la conservation et l’exploitation des journaux, magazines régionaux et productions régionales produits par la RTF, l’ORTF puis FR3 et France 3. Sur l’ensemble des images conservées par l’INA, deux sur cinq le sont en région. La répartition géographique des archives régionales s’effectue ainsi : Ina Atlantique (régions Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Limousin), Ina Centre Est (régions Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne et Franche-Comté), Ina Grand Est (régions Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne), Ina Méditerranée (régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse), Ina Nord (régions Nord, Haute et Basse Normandie, Pas-de-Calais et Picardie).

2. Méthodologie

Ces différentes bases d’archives ont permis d’obtenir une indication sur l’émergence et les usages de devoir de mémoire à la télévision et à la radio. Cependant, cette recherche chronologique s’est trouvée contrariée par des occurrences trompeuses que donnait le moteur de recherche, lors de la recherche par mot-clé de « devoir de mémoire »386. Les résultats donnaient bien les occurrences de l’ « expression exacte » devoir de mémoire, mais celles-ci

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provenaient des notices réalisées par les documentalistes de l’INA pour chaque document audiovisuel. Ces notices présentent le titre, les auteurs du document, des descripteurs caractérisant celui-ci, et y intègrent parfois des verbatim du document concerné. Or, il est rapidement apparu, après vérification des documents, que l’expression devoir de mémoire pouvait être présente dans la notice – et donc intégré au corpus constitué par le moteur de recherche Hyperbase – mais absente du document en question. Le mode d’archivage des sources radio-télévisuelles s’était donc parfois effectué par un emploi rétroactif du terme de la part des documentalistes de l’INA. En effet, les notices sur lesquelles se trouvait le terme devoir de mémoire avaient été rédigées au cours des années 2000, dans une démarche nommée « reprise d’antériorité ». Cette démarche s’opère lors des campagnes de numérisation des sources pendant lesquelles les notices sont susceptibles d’être réécrites387.

Ainsi, la première occurrence de devoir de mémoire à la radio, signalée par la base« archives INA radio », date du 18 janvier 1950. Il s’agit d’un entretien d’Irène de Lipkowski, présidente très active de l’ « Association nationale des familles de Résistants et d’otages morts pour la France », dans lequel elle évoque en ces termes les buts de son association : « entretenir le souvenir et le culte de nos martyrs ». La documentaliste de l’INA qui a écrit la notice d’accompagnement du document en janvier 2010, à l’occasion d’une campagne de numérisation prise en charge par l’IAS (Institut des Archives Sonores), a retraduit cette phrase par « devoir de mémoire »388.

Le même procédé a eu lieu pour les sources télévisuelles. La première occurrence de l’expression indiquée par le moteur de recherche d’ « Archives INA TV » et d’Inamediapro concerne une émission diffusée sur TF1, le 16 novembre 1975, et intitulée « Une télévision locale : télé Tallin, une recherche de dialogue389 ». Lors du reportage sur cette chaine de télévision estonienne, son responsable évoque dans un entretien ses 313 films documentaires réalisés sur la Seconde Guerre mondiale, dont certains qui reviennent sur des lieux de combats comme à Stalingrad. Il conclut ainsi :

« D’abord j’ai répété dans mes 313 films qu’avant tout, il faut réfléchir sur la guerre, sur le prix de la victoire. Puis, j’ai parlé de la responsabilité de l’homme ; parce que tout dépend de nous, tout, et toujours. Il y a 25 ans tout comme aujourd’hui et demain. Non

387 Je remercie Corinne Gauthier pour ces informations.

388 Archives INA radio, « Association nationale des familles de résistants », émission diffusée le 18 janvier 1950

sur Paris Inter, notice PHD86024940.

389

Archives INA TV, « Une télévision locale: télé-Tallin, une recherche de dialogue », TF1, 16 novembre 1975, notice CPA75056200.

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pas seulement devant son téléviseur mais aujourd’hui, demain, pour que de tels drames ne se répètent pas, pour qu’il y ait plus de bonheur390 ».

Le documentaliste de l’INA indique dans une nouvelle notice datée du 18 novembre 2007 : « Les autres axes développés dans ce documentaire : […], la lutte contre l’oubli du fascisme, le devoir de mémoire (exemple avec la reconstitution de la bataille de Stalingrad) ». La deuxième occurrence chronologique, signalée par la base « Archives INA Régions TV » et par celle d’Inamediapro, date de 1985. Elle concerne le film Le temps des

assassins391, diffusé le 6 mai 1985, à l’occasion du quarantième anniversaire de la fin de la

Seconde Guerre mondiale, sur FR3 région Nancy. Le document est répertorié dans le moteur de recherche car sa notice de présentation indique : « Images de survivants. Images de résurgences d’antisémitisme, et manifestations haineuses. Le devoir de mémoire et de lutte contre toutes les formes de haine raciale doit être maintenu392 ». Cet extrait résume la fin du film dans lequel Vercors évoque la nécessité de se souvenir de ce fait historique devant la résurgence du nazisme et la possibilité d’une répétition de l’histoire :

« Serait-ce que la haine et la violence sont toujours prêtes à renaître de leurs cendres ? Qu’elles survivent toujours et brûlent dans le cœur de certains hommes ? Et que ces hommes ne rêvent que de recommencer ? Puisqu’ils inscrivent encore en signes furtifs sur les murs leur nostalgie du temps des assassins [image d’un homme qui écrit « juif » sur un mur, puis une croix gammée]. Ils n’ont pas pu encore retrouver leur Hitler. Mais il est si facile de trouver un tribun pour ameuter les foules contre ceux qui osent prétendre, malgré leur nez ou leur couleur, qu’ils sont des hommes comme les autres. Car ce n’est pas Hitler, ni ses ministres, ni cet Eichmann [image d’Eichmann lors de son procès], avec sa brochette de médiocres bourreaux qui auraient pu suffire à commettre le crime immense, si les préjugés criminellement entretenus, des préjugés de millions d’autres hommes, ne les avaient approuvés et soutenus. Et cette espèce d’homme-là n’est pas éteinte. Elle n’attend qu’une occasion393 ».

Ces occurrences trompeuses ne se sont pas limitées à la question de la date d’apparition du terme dans les discours télévisuels et radiophoniques. Elles se sont rencontrées régulièrement pour les années 1990-2000.

390 Ibid., retranscrit par l’auteur. 391

Réalisé par Ado Kyrou et Jean Vigne, Le temps des assassins (1964) est un court métrage de 15 minutes présentant un montage images d’archives commentées par un texte de Vercors et lu par Michel Piccoli. Le film retrace l’aspect criminel de la Seconde Guerre mondiale, de la montée du nazisme jusqu’au procès de Nuremberg.

392

Notice SXC02026290, source Inamediapro

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Entre autres exemples, le discours de Bill Clinton, le 6 juin 1994, diffusé en direct à la télévision de la pointe du Hoc. Le président des États-Unis s’adresse aux vétérans de l’armée américaine venus pour célébrer le 50e anniversaire du débarquement :

« Vous avez accompli votre tâche, nous devons à présent accomplir la nôtre. Commençons par enseigner à nos jeunes l’aspect haineux qui a provoqué ce conflit. Les étincelles de liberté que vous avez lancées sur ces plages n’ont jamais été éteintes394 ». Ce document est signalé par le moteur de recherche car le documentaliste a écrit dans sa notice :

« Le président américain rend hommage à tous ceux qui ont contribué au combat, aux rangers. Il rappelle l’importance d’enseigner aux jeunes le devoir de mémoire et la nécessité de renforcer la paix et la démocratie395 ».

Une autre occurrence datant de 1994 concerne le procès filmé de Paul Touvier. La notice de l’INA détaille la journée du 8 mars 1994 pendant laquelle plusieurs témoins sont auditionnés. Pour l’un d’entre eux, André Laroche, il est écrit :

« André Laroche fait le récit de son arrestation, la détention, les interrogatoires et tortures subies, la déportation vers Buchenwald, son affectation dans le camp de Dora ; son évacuation vers Ravensbrück, la “marche de la mortˮet la libération par l’armée soviétique, l’intervention de Mgr Duquaire pour la grâce. Il insiste sur le devoir de mémoire396 ».

Le document visuel présenté est une production du Ministère de la justice soumise à la juridiction concernant le droit de diffusion des procès filmés. Une vérification pour attester ou non de l’emploi du terme a néanmoins pu se faire grâce à la numérisation par l’INA de larges extraits du procès diffusés sur la chaine Histoire, en octobre 2006. A la fin de son audition, A. Laroche ajoute :

« Je voudrais dire ; j’entends, à la télévision ou à la radio, des jeunes et des moins jeunes dire que 50 ans après, il faut oublier. Evidemment, les gens qui n’ont rien à oublier ont beaucoup de facilité pour oublier. Mais les victimes elles, elles n’oublieront jamais397 ».

Ce qui est résumé sous la plume du documentaliste par cette phrase : « Il insiste sur le devoir de mémoire ».

Cet usage de devoir de mémoire par des documentalistes, lors de la numérisation d’archives de l’INA, apportait deux éléments d’information. D’un point de vue

394 « Pointe du hoc + cérémonie Bill Clinton », diffusé en direct, en traduction simultanée, le 6 juin 1994 sur

France 3, INA.

395 Notice CAC94081310, INA. 396

Notice MIJ01000015, INA

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méthodologique, il était ainsi nécessaire de procéder à une vérification des occurrences répertoriées par l’INA pour établir une chronologie fiable, surtout à ses débuts, indiquant l’énonciation effective de l’expression. Ce travail de vérification a demandé un temps considérable puisqu’il était nécessaire d’écouter le document audiovisuel indiqué par le moteur de recherche. Il s’est effectué jusqu’en 1995 pour le corpus des « archives INA radio », et jusqu’en 2000 pour le corpus des « archives INA TV » et Inamediapro. Ce travail de vérification qui a croisé les différentes bases d’archives et comprenant au total 106 documents radio et télévisuels, diffusés entre 1950 et 2000, a permis de voir que le corpus le plus fiable était celui proposé par le site Inamediapro (différentiel de 10% maximum par année entre les documents signalés et les usages effectifs de devoir de mémoire).

D’autre part, l’emploi par les documentalistes de l’INA de devoir de mémoire dans les années 2000, pour rapporter ou résumer des propos dans leur travail d’écriture de notices, témoignait de l’importance de l’imprégnation de l’expression dans l’esprit des contemporains et la grande polysémie qu’elle avait pu acquérir. Lutte contre l’oubli, enseignement de l’histoire, vigilance face au racisme et à l’antisémitisme, projet d’une société pacifique à partir des « leçons du passé », hommage aux morts, généalogie, patrimoine, etc…Devoir de mémoire était donc susceptible de traduire ces diverses notions, les documentalistes employant l’expression à la fois comme un « lieu de mémoire discursive et un organisateur socio-cognitif 398».

3. Télévision

Le graphique suivant présente les occurrences de devoir de mémoire signalées par l’INA sur les chaines publiques nationales et régionales entre 1949 et 2009399.

398 M.-A. Paveau, « Le toponyme, désignateur souple et organisateur mémoriel. L’exemple du nom de bataille »,

op.cit., p. 23.

399

La base professionnelle « Archives Ina TV » ne propose pas de notices documentaires correspondant aux programmes postérieurs à mai 2010. Sa mise à jour s'est arrêtée à cette date.

107 Graphique n°1 « Archives INA TV », INA

Après vérification, les deux premiers documents télévisuels, qui signalent un usage effectif de devoir de mémoire, datent du 2 septembre 1992 et du 15 octobre 1992. Signalons exceptionnellement l’identité du locuteur, car l’emploi du terme est effectué par le même les deux fois, en la personne de Michel Noir, alors maire de Lyon, et concerne le même fait : l’ouverture de Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD) dans cette ville.

A partir de cette année-là, les usages du terme sont continus et augmentent nettement en 1997. On assiste à une diminution pendant les années qui suivent, puis une augmentation constante à partir de 2002 jusqu’en 2005, année qui connaît le nombre d’occurrences le plus élevé sur toute la période étudiée. 2006 et 2007 sont des années de reflux du terme qui voit ses usages augmenter de nouveau fortement en 2008 pour diminuer l’année d’après et se stabiliser jusqu’en 2012.

L’INA a étendu son corpus à d’autres chaines à partir de 1995, en identifiant l’intégralité du flux. Il s’agit du Dépôt légal des chaines de télévision hertziennes (DLTV) qui concerne les chaines nationales suivantes : TF1, France 2, France 3, La 5ème, Canal Plus, M6 et Arte. Il était donc nécessaire d’intégrer ce corpus dans la base d’archives télévisées pour prendre en compte les occurrences du terme dans les chaines privées.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1949 1951 1953 1955 1957 1959 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2 2 4 7 3 16 11 7 10 9 15 23 26 43 23 13 33 10

Télévision publique nationale et régionale

1949-2009

108 Graphique n°2

« Archives Dépôt légal des chaines hertziennes (DLTV) », INA

L’intégration des autres chaines ne changent pas profondément la chronologie présentée par les « archives INA TV » : les usages du terme connaissent une forte augmentation sur l’année 1997, puis une diminution jusqu’en 2002. Une nouvelle augmentation se produit jusqu’en 2005, avant une baisse sur les années 2006 et 2007. La différence avec les archives « INA TV » concerne principalement l’année 2008 pour laquelle le nombre d’occurrences atteint son niveau le plus élevé. Celui-ci décroît ensuite pour connaître une relative stabilité jusqu’en 2012.

Inamediapro

La base archives du site Inamediapro rassemble à la fois des sources audiovisuelles sur une très longue durée (depuis 1914), les chaines publiques nationales et régionales, ainsi que les chaines privées. Un onglet « expression exacte » favorise le signalement des occurrences devoir de mémoire par le moteur de recherche. Comme pour la base « Archives INA TV », un travail de vérification a été nécessaire concernant surtout les premières occurrences signalées qui étaient parfois indiquées par le documentaliste dans sa notice, sans pour autant qu’il en soit fait usage dans le document indiqué, comme celle déjà évoquée en 1985.

0 10 20 30 40 50 60 70 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 5 5 32 18 14 9 10 13 25 29 55 26 14 62 22 13 19 12

Télévision

"Archives DLTV"

1995-2012

devoir de mémoire

109 Graphique n°3 Source : Inamediapro

Le graphique présente les 385 occurrences de devoir de mémoire signalées dans la base d’archives entre 1914 et 2010. Toutes ces occurrences sont exclusivement regroupées dans les deux dernières décennies (1990-2000).

Le graphique suivant présente les occurrences signalées par Inamediapro année par année. 0 50 100 150 200 250 300 350 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 69 316

Audiovisuel

années 1910-2000

devoir de mémoire

110 Graphique n°4 Source : Inamediapro

En se focalisant sur ces deux décennies, on arrive à peu près au même résultat que pour les deux autres bases d’archives concernant la télévision : une apparition de l’expression en 1992 pour ne plus cesser ensuite. L’évolution n’est pas forcément linéaire, puisqu’après une présence limitée, le nombre des usages s’accroît nettement en 1997 (23 occurrences), lié à une actualité politique, artistique ou judiciaire (commémorations de la rafle du Vel’d’Hiv’ en juillet, puis de l’armistice de la Première Guerre mondiale en novembre, procès Papon, exposition « Devoir de mémoire » lors des rencontres photographiques d’Arles, sortie du film Lucie Aubrac). Le nombre d’occurrences diminue les deux années suivantes. Les années 2000 voient le terme employé de façon croissante jusqu’en 2005, année record avec 57 occurrences, dont 20 occurrences pour le 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz en janvier. On assiste à une baisse pour les deux années suivantes. L’année 2008 connaît une augmentation brutale avec 43 occurrences, dont 28 (2/3) pour le seul mois de février, directement corrélées à la proposition du président Nicolas Sarkozy de confier la mémoire des enfants juifs exterminés pendant la Seconde Guerre mondiale aux élèves de CM2, et à la controverse qui s’en est suivie. Les usages de devoir de mémoire ont diminué dès 2009 et se sont ensuite stabilisés. 0 10 20 30 40 50 60 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 0 0 2 2 4 7 3 24 19 9 21 20 27 34 42 57 27 26 43 15 11 14 14

Télévision 1990-2012

devoir de mémoire

111

4. Radio

Le graphique ci-dessous a été établi à partir des « archives INA radio ». Il présente les occurrences de devoir de mémoire signalées par les chaines de radio publiques de 1933 à 2012. Les occurrences de ce corpus ont été vérifiées jusqu’en 1995 afin de pouvoir attester de l’apparition exacte de l’expression à la radio.

Graphique n°5 « Archives INA radio », INA

Le graphique suivant provient du corpus constitué à partir de la base archive « DL radio » (Dépôt légal radio) de l’INA qui a numérisé les programmes diffusés sur vingt chaines de radio publiques et privées depuis le 1er janvier 1995 : les cinq chaines nationales de Radio France (France Inter, France Culture, France Info, France Musique(s), Radio Bleue/France Bleu). A partir du 1er janvier 2002, et par phases successives, le dépôt s’est étendu aux chaines périphériques nationales (Europe 1, RMC, RTL), aux chaines thématiques (Chérie FM, Europe 2 devenant Virgin Radio à partir du 1er janvier 2008, Fun Radio, Nostalgie, NRJ, RFM, RTL2, Skyrock, BFM, Radio Classique, Rire et chansons) et à RFI, chaine publique internationale. 0 10 20 30 40 50 60 70 1933 - 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 6 8 6 22 14 17 23 17 13 18 41 39 24 61 18 34 35 29 27

Radio

1933-2012

devoir de mémoire

112 Graphique n°6

« Archive Dépôt Légal Radio », INA

En dehors d’une occurrence relativement isolée en 1988, les usages de devoir de mémoire à la radio suivent à peu près la chronologie de ceux signalés à la télévision : une émergence au début des années 1990 - ici 1993-, une forte augmentation en 1997, puis une stabilisation jusqu’en 2005 qui voit son emploi croître considérablement, puis de nouveau en 2008, avant de décroître l’année d’après, pour se stabiliser ensuite. Les différences avec la télévision se trouvent dans l’importance du nombre d’occurrences en 2008, jamais atteint