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Comment les discours d’accompagnement du changement du DMP tentent-ils de susciter l’acte de

II. LA CONSTRUCTION DES DISCOURS D’ACCOMPAGNEMENT OU COMMENT LA

3.3. L ES DISCOURS D ’ ACCOMPAGNEMENT DU DMP : UNE CONSTRUCTION STRATEGIQUE VISANT LA MISE EN

3.3.1. Comment les discours d’accompagnement du changement du DMP tentent-ils de susciter l’acte de

Comme nous l’avons vu tout au long de cette étude, le changement est un phénomène particulièrement complexe, qui ne peut pas se mettre en œuvre indépendamment de ses acteurs. Si ces derniers sont, comme nous l’avons évoqué précédemment, parfois réticents au changement technique, il n’en reste pas moins que c’est d’eux que dépend la réussite de ce changement. En tant qu’ils sont acteurs du changement, il est nécessaire de créer, par le discours, les conditions leur permettant de s’approprier l’objet du changement.

En nous appuyant sur les analyses de contenu menées lors du deuxième chapitre de cette étude, notre but sera ici de montrer comment les discours d’accompagnement du changement du DMP sont construits de manière à permettre aux acteurs de les mobiliser dans leurs interactions afin de fixer le changement. Nos analyses s’étant jusqu’ici limitées aux discours

écrits du GIP-DMP, nous continuerons ainsi, mais nous noterons tout de même que les conférences, réunions et autres concertations orales sur le sujet sont à considérer comme des métaconversations ayant servi à élaborer les discours écrits ici étudiés.

Nous l’avons vu, lors de notre analyse de contenu, les discours d’accompagnement du changement élaborés dans le cadre de la mise en place du DMP sont porteurs d’un certain nombre d’informations concernant divers aspects de l’objet technique : son fonctionnement, sa sécurité, les bénéfices qu’il engendrera, etc. En procédant ainsi, il semble que ces discours visent plusieurs objectifs. Le premier consisterait à diffuser suffisamment d’informations pour poser les bases du changement, susciter l’intérêt, et les éventuelles questions. Mais il semblerait que sans pour autant viser la conformation, la normalisation de comportement ou la convergence de représentations par rapport à une stratégie prédéfinie, ces discours axent tout de même leurs propos sur des aspects précis du DMP.

En effet, on remarque que ces discours sont loin d’aborder le DMP dans son ensemble. Dans les discours réservés aux patients par exemple, il est très peu question des bénéfices, et du fonctionnement général de l’outil. Le discours insiste ici plus sur les procédures, pour illustrer la simplicité de gestion, et la sécurité offerte par ce système. Le discours réservé aux professionnels de santé semble plus complet, mais laisse aussi quelques zones d’ombres. En effet, les discours dispensés ne concernent pas réellement l’outil en lui-même, mais plutôt les modalités selon lesquelles l’outil pourra être utilisé. L’objet technique en lui-même semble délaissé au profit des usages qui devront en être faits.

Cette diffusion de connaissances semble également trouver un sens dans le fait qu’en disposant de certaines informations les acteurs sont à même d’en discuter. Comment partager une conversation sur un sujet dont on ignore tout ? En effet, en expliquant brièvement les termes du changement, la discussion devient possible, et les termes du changement peuvent alors commencer à faire l’objet de négociations, amenant à sa fixation. Ainsi, ces discours suscitent un début d’appropriation de l’objet.

En commençant à révéler les manières dont il sera possible d’utiliser le DMP, ils placent les futurs utilisateurs dans une position d’attente. Si l’on prend l’exemple des patients, en leur expliquant certaines procédures d’accès, le discours les place dans l’attente de pouvoir expérimenter ces usages. En cela, ils constituent des outils d’exploration du nouveau et poussent le patient à se lancer dans la découverte du DMP.

Mais il semblerait que cette découverte se fasse avec des œillères. L’omission de certaines thématiques aboutit à la construction de discours trop axés sur certains aspects du DMP. Pour exemple, l’absence de la thématique des bénéfices dans le discours destiné aux patients, si elle peut s’expliquer par le fait que le DMP étant mis en place dans le cadre d’une loi, les patients, qu’ils en voient l’intérêt ou pas, n’auront d’autre choix que de créer leur DMP, il n’en reste pas moins qu’il semble légitime d’informer les patients des raisons de ce changement.

En procédant ainsi, les discours d’accompagnement permettent certes d’amorcer le processus de conversation, mais également de l’orienter dans le sens du changement. Ils permettent la création d’un contexte discursif en tant qu’ils laissent certaines zones d’ombre. Par exemple, concernant les modalités de désignation des professionnels de santé autorisés à accéder au DMP de leurs patients, on remarque que seul le discours destiné aux patients fait mention de la procédure par laquelle l’autorisation se fera. Et cette mention est très succincte : « de façon générale l’autorisation se donnera oralement lors d’une consultation » (voir Annexe G2 - Le Quizz Patient). Par la conversation, des solutions seront alors envisagées et contribueront ainsi à la structuration du changement. C’est conjointement et localement que ces solutions seront trouvées, jusqu’à ce que patients et professionnels s’entendent sur une pratique et une représentation commune de cette activité d’accès au DMP.

Et par les échanges entre patients, et entre professionnels de santé, chacun de leur côté, cette solution pourra passer d’un niveau local à un niveau plus étendu. Abordant ce problème auprès de ses confrères, un professionnel de santé pourra suggérer la solution choisie par son patient et lui, et cette solution locale pourra devenir un modèle d’organisation reproduit par d’autres acteurs. Ainsi, tout en se concentrant sur un problème local, médecins et patients s’entendent également sur une représentation de leur relation.

En vertu de la dualité texte/conversation proposée par l’approche discursive du changement, le texte doit dès le départ poser les bases de la négociation du changement. Le discours d’accompagnement dispensé par le GIP-DMP constitue donc ce texte, qui sert de ressource signifiante permettant, au sein des conversations entre patients et médecins, de développer un apprentissage. A partir de là, il devient possible de renégocier les significations, de les amender, et donc, de reconstruire une représentation commune de leur relation, grâce à la capacité organisante des conversations. Mais comme nous l’avons également noté, si cette reconstruction peut se faire par la conversation, les discours d’accompagnement la

conditionnent. N’abordant que certains points relatifs au DMP, ils laissent de côté ce qui semble avoir déjà été fixé, et qu’il n’est pas question de laisser débattre.

Suite à cette interprétation des modes de fonctionnement des discours d’accompagnement du changement du DMP, il semblerait que ces derniers aient été construits en toute conscience de leurs possibilités d’action. En effet, il s’agit bien là d’une situation dans le cadre de laquelle le texte formalise tandis que la conversation actualise.

Mais comme nous allons le voir maintenant, ces discours, en suscitant la conversation visent également à remplir une autre condition nécessaire au bon fonctionnement du DMP : l’instauration d’un climat de confiance entre les acteurs et autour de l’objet technique.

3.3.2. Comment les discours d’accompagnement du changement du DMP tentent-ils de

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