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Le directeur de région (suite)

Supposons que l’objectif du directeur de région soit d’accroître la part des grands comptes dans son chiffre d’affaires. Avant d’envisager les plans d’actions adaptés, il se fondera sur la connaissance qu’il a de ces marchés, analysera les résultats des politiques passées. Il pourra alors envisager de nouvelles actions comme le recrutement de nouveaux commerciaux spécialisés, une formation adaptée, des campagnes de marketing direct, une action sur l’offre de produits, sur les prix, etc.

Par ailleurs, l’objectif de toute organisation est d’accroître sa performance.

Dans le cas des entreprises, il s’agit in fine de créer de la valeur pour l’actionnaire (cf.chapitre 2). La recherche de gains de performance est une démarche volontariste qui structure fortement la créativité sur les plans d’action. Elle peut se faire par une remise à plat complète des plans d’action, c’est-à-dire en créant une rupture par rapport au passé, ou dans la continuité avec le passé, dans une optique de progrès continu. Par exemple, si l’objectif à moyen terme est un gain de productivité de 40 % sur une ligne de produit, on ne pourra réfléchir qu’en rupture par rapport au passé, par

exemple en envisageant un reengeneering des processus. À l’inverse, le Kaizen Costing vise à une amélioration continue mais plus progressive de la productivité. Si les ruptures peuvent permettre des gains significatifs, elles comportent aussi des risques, par exemple de pertes de compétences.

Inversement, il est parfois difficile d’obtenir des gains réels dans la conti-nuité. Il faut donc arbitrer selon les cas entre ces deux types d’options.

Nous reviendrons sur cette question lorsque nous aurons décrit plus complètement les fonctions de la planification (cf.encadré du § c) 2).

Pour pouvoir être créatif, il faut disposer de marges de manœuvre réelles.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de planifier suffisamment en amont de l’action. En effet, la plupart des décisions ne peuvent être mises en œuvre immédiatement. Ainsi faut-il un certain temps pour recruter, former ou licencier du personnel – sauf dans le cas de personnel intéri-maire, mais cela ne concerne en général qu’une faible part des effectifs, et le problème de la formation subsiste. De même est-il nécessaire de prévoir les besoins financiers afin d’avoir le temps de trouver des parte-naires (actionparte-naires ou banquiers) prêts à investir. Dans un contexte de forte croissance, des plans d’actions ne peuvent donc être imaginés que si les délais pour recruter, former, investir et trouver les financements sont suffisants. Dès lors, plus on anticipe, plus les choix sont ouverts. En contrepartie, la fiabilité des prévisions est moindre.

Le directeur de région (suite)

Si l’objectif du directeur de région est d’accroître significativement la part des grands comptes à l’horizon d’un an, il devra privilégier les actions qui peuvent être mises en œuvre et avoir des effets à court terme, comme par exemple le marketing direct ou les actions sur les prix au détriment d’actions à plus long terme, comme la formation ou la redéfinition de l’offre de produits. Pour envisager de telles actions, il faut faire une planification à un horizon plus lointain.

2) Valider la faisabilité des plans d’actions et faire des arbitrages

Outre qu’il favorise la créativité, le fait d’anticiper au travers de la planifi-cation permet de garantir que les plans d’actions seront effectivement

réali-sables, c’est-à-dire que les délais sont suffisants et que les plans d’action sont cohérents entre eux. Ainsi seront évitées, par exemple, des situations de rupture de stock ou à l’inverse de sureffectif, qui pourraient résulter de l’absence de prévisions de vente sur lesquelles ajuster le niveau de production.

Le directeur de région (suite)

Si une campagne de marketing direct est lancée auprès des grands comptes, qui sont des clients potentiels de la direction régionale, il faut s’assurer que celle-ci sera en mesure de faire face à leur demande en cas de succès de cette campagne. Dans le cas contraire, les effets sur l’image de l’entreprise auprès de ces nouveaux clients peuvent s’avérer désastreux.

Toutefois, compte tenu de l’existence de contraintes sur les ressources (financières, compétences des employés, etc.), il n’est le plus souvent pas possible de mettre en œuvre l’ensemble des plans d’actions faisables. La planification a alors pour but d’arbitrer entre les différents plans, et d’as-surer la cohérence entre les ressources et les plans d’action.

Par exemple, les ressources financières étant données, il faudra faire des choix entre différents projets d’investissement, différentes actions com-merciales ou différents plans de recrutement. Les projections sont alors un des éléments permettant de réaliser ces arbitrages.

La validation et les arbitrages nécessitent de traduire les plans d’action en documents de synthèse permettant d’apprécier la performance prévision-nelle. Dans le cas de l’entreprise, il s’agira des tableaux de bord et des documents financiers prévisionnels. En effet, le principal critère d’évalua-tion de la performance des entreprises reste la créad’évalua-tion de valeur pour les actionnaires. Aussi, les arbitrages et la validation des orientations choisies ne peuvent-ils se faire que sur la base de ce critère de perfor-mance globale (mesuré par des indicateurs comme le ROI, par exemple – voir chapitre 2). Les prévisions seront donc établies tout d’abord dans un vocabulaire opérationnel (niveaux de ventes, parts de marché, prix de vente, heures de travail, etc.) et seront ensuite traduites en termes

finan-ciers dans des documents tels que le bilan, le compte de résultat et le tableau de financement prévisionnels.

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Ainsi, il est peu probable qu’il soit possible de mettre en œuvre simultané-ment l’ensemble des actions envisageables pour accroître les ventes auprès des grands comptes, même si toutes ces actions sont supposées créer de la valeur. En effet, d’une part le département des ventes n’a pas forcément le temps suffisant pour mener à bien toutes les actions qui le concernent, d’autre part, ces actions nécessitent de disposer des ressources financières suffisantes. Dès lors, il faudra arbitrer entre différentes combinaisons de plans d’action réalisables (c’est-à-dire pour lesquelles l’entreprise dispose des ressources nécessaires). Pour cela, puisque les actions sont supposées cohérentes avec la stratégie, on considérera l’impact financier de chacune de ces combinaisons et on choisira celle qui crée le plus de valeur.

Les documents financiers prévisionnels sont souvent considérés comme le produit fini de la procédure de planification. Mais c’est une erreur, car cela consiste à réduire le rôle de la planification à l’aide à la décision.

Nous verrons par la suite que la planification remplit d’autres rôles qui nécessitent de s’intéresser autant aux plans d’actions ou aux hypothèses qu’à leur traduction financière.

c) Préparer l’analyse des réalisations

1) Principes généraux

La planification constitue donc un support permettant aux managers de se projeter dans l’avenir, de bâtir des plans d’action pour améliorer la perfor-mance et d’en valider la pertinence. Un second rôle important est de poser des jalons qui serviront de référence pour apprécier les performances réelles.

Il est en effet difficile d’apprécier la performance en elle-même. Un résul-tat négatif peut, par exemple, correspondre à une bonne ou une mauvaise performance selon qu’il s’agit d’une amélioration ou d’une dégradation. Il

3. Mais ce ne sont pas les seuls clignotantspossibles,cf.chapitre 3.

est donc nécessaire de disposer d’un référentiel. Pour une entreprise, l’élaboration d’un budget permettra de disposer d’une jauge permanente pour apprécier sa performance.

Il ne s’agit pas alors de rester passif et de suivresa performance, mais de la comparer sans cesse aux prévisions afin de réagir rapidement en cas d’écart. Par exemple, si l’on constate des marges moins importantes que prévues, il faudra prendre des décisions soit en termes d’actions commerciales, soit sur les coûts pour tenter d’atteindre l’objectif fixé.

La planification sert donc à préparer le suivi. Or, de ce point de vue, les éléments de résultat, notamment financiers, peuvent servir à alerter sur les situations qui nécessitent de réagir3, mais ils ne sont pas suffisants pour déclencher les actions correctives. En effet, les corrections porteront sur les plans d’actions. Dans une entreprise, la référence que l’on mobili-sera lors de l’analyse des performances est donc celle de l’ensemble des plans d’action qui ont servi à établir les prévisions (plan ou budget) et pas uniquement leur traduction financière qui n’en est que la synthèse. De ce fait, il doit rester de l’exercice de planification non seulement la mémoire du résultat financier et des objectifs sur les différents indicateurs qui en découlent, mais également celle des options qui ont été étudiées et des raisons qui ont conduit aux plans d’action retenus.

Ainsi, il est important de savoir que la croissance prévue des ventes d’un produit donné est fondée sur des hypothèses prévoyant le retrait d’un concurrent, une campagne de promotion sur la marque et des actions marketing spécifiques pour pouvoir réagir de façon adaptée lorsque l’on constate un niveau de vente inférieur aux prévisions.

Mais les décisions correctives doivent le plus souvent être prises à chaud, avec des délais de réaction qui ne permettent pas d’enclencher une réflexion ou des simulations très poussées. Le plan ou le budget consti-tuent alors un cadre qui permet aux actions correctives de rester cohé-rentes sans tomber dans la lourdeur, puisque le champ des réactions possibles est mieux cerné. En effet, la planification ayant conduit au choix d’une option, les ajustements doivent, dans un premier temps se faire

dans le cadre de cette option, ce qui permet de simplifier la recherche de solutions et donc de réagir plus rapidement.

Si une entreprise a opté pour une stratégie particulière, par exemple la différenciation par la qualité de ses produits, un chiffre d’affaires médiocre l’amènera en premier lieu à revoir ses plans d’amélioration de la qualité, sans qu’il soit forcément nécessaire d’envisager à nouveau toutes les stratégies possibles.

Par ailleurs, la planification permet de faciliter l’anticipation des consé-quences des actions correctives envisagées. Dans cette optique, il est important que l’ensemble des plans d’action et des hypothèses qui ont conduit à les choisir constitue une forme de modèle de la performance, c’est-à-dire que l’on ait une représentation des relations de cause à effet entre les actions prévues et la performance. Une telle représentation permettra de prendre rapidement des décisions correctives cohérentes sans avoir à faire des simulations lourdes.

Si l’on a choisi une stratégie de différenciation par la qualité, on sait que la qualité sera un argument mis en avant par les commerciaux auprès de leurs clients pour justifier un prix plus élevé. Si l’on constate des problèmes de qualité sur un produit donné, on saura que les seules actions à court terme possibles sont des actions commerciales pour limiter au maximum l’impact de ces problèmes de qualité chez les clients d’une part et des actions sur la qualité d’autre part. Il ne sera pas utile d’envisager une baisse de prix qui remettrait en cause l’ensemble de la stratégie et donc les autres plans d’action en cours.

De nombreux opérationnels dénoncent la démarche prévisionnelle, au prétexte que les prévisions ne servent à rien puisqu’elles ne sont jamais res-pectées. Comme nous l’approfondirons au chapitre 6, cette critique n’est pas pertinente, car elle omet les autres enjeux auxquels la démarche prévi-sionnelle vise à répondre, notamment les avantages d’une gestion par écarts que nous venons d’exposer. Toutefois, si le modèle construit lors de la planification n’a aucun rapport avec la réalité observée, il ne pourra pas