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D - L’évaluation de la performance des activités

Comme nous venons de le voir, le reporting de gestion peut être utilisé par les dirigeants d’une entreprise dans une perspective de mise sous tension des managers en charge des décisions opérationnelles. Pour d’autres types de décisions, la hiérarchie a simplement besoin d’informations

« déconcentrées », c’est-à-dire qui lui permettent d’appréhender la perfor-mance de l’organisation de façon plus fine qu’une mesure globale, sans pour autant suivre la logique des obligations légales ou des responsabilités définies.

Ce type d’analyses est par exemple nécessaire pour asseoir les décisions de gestion de portefeuille (suppression de tel produit, développement de tel autre, etc.) et pour les décisions stratégiques lourdes prises au niveau de la hiérarchie (sous-traitance d’une partie de la production dans des pays à faible coût de main d’œuvre, harmonisation des processus de fabri-cation, etc.). Il s’agit pour les dirigeants d’obtenir des informations détaillées et analytiques sur la marche de leur entreprise, pour apprécier la performance des activités et non plus celle des individus qui en sont responsables.

a) Le périmètre de mesure : les segments d’activité

Dans ce type de contexte, le périmètre de la mesure doit porter sur les différents segments d’activité de l’entreprise, et peut encore différer par rapport aux situations précédentes.

Le groupe ACCOR (suite)

Dans le cas du groupe ACCOR, il est utile d’apprécier la performance de l’ensemble d’une même marque (Novotel, Etap, etc.), d’un même pays, d’un même métier (hôtellerie, services), etc. Ces mesures de performance

EXEMPLE

sont déconnectées à la fois de la structure juridique, très morcelée, et de l’organisation des responsabilités.

Cet exemple illustre l’intérêt qui existe à multiplier les axes d’analyse. Les décompositions par zones géographiques (elles-mêmes plus ou moins larges), par produits, familles de produits, projets, marchés, marques, etc., présentent des éclairages différents et complémentaires.

Ceci explique que la comptabilité de gestion traditionnelle, qui décom-pose la marge globale de l’entreprise en résultats analytique par produits, a été critiquée pour sa focalisation sur le seul critère « produits », héritée de son ancrage industriel. Plus récemment, des auteurs ont suggéré de développer d’autres axes d’analyse, en calculant par exemple des marges par client ou par processus. Dans les années 80, les recherches sur le concept de « chaîne de valeur » ont également amené à reconsidé-rer la limitation du périmètre aux données propres à l’entreprise, et pro-posé une extension de la mesure au-delà des frontières de l’organisation, en intégrant en amont des informations en provenance des fournisseurs et en aval des informations en provenance des clients.

b) Les principes de mesure

Comme pour la mesure de contribution des managers, la mesure de per-formance des segments d’activité est guidée par des principes multiples et en partie conflictuels.

1) Le principe de liaison

De façon symétrique au principe de contrôlabilité, qui prescrit un lien entre le contenu de la mesure de performance (servant à l’évaluation d’un manager) et le manager (existence d’un certain degré d’influence), la mesure d’évaluation d’un segment d’activité doit, de façon plus impersonnelle, contenir tous les éléments de performance en lien avec le segment d’activité, et rien que ceux-là. En effet, les décisions straté-giques relatives aux activités (gestion de portefeuille par exemple) s’appuient sur une analyse de la façon dont celles-ci consomment ou

créent de la performance (coûts/valeur), la « contribution » du segment d’activité à la performance d’ensemble doit être dégagée5.

Cette idée est clairement traduite en comptabilité de gestion par la notion de « coût direct », qui se définit comme les éléments de coût consommés par un objet de coût6 sans aucune ambiguïté, (that can be traced to the cost object). Le coût complet cherche à prolonger cette analyse du lien entre éléments de coût et objet de coût, par une intégration dans la mesure des charges indirectes, c’est-à-dire liées au produit, mais de façon moins immédiate. Les charges indirectes sont « allouées » aux produits qui les consomment. L’évolution des méthodes de calcul des coûts reflète l’importance grandissante de ce principe : les méthodes les plus récentes, comme l’Activity Based Costing (ABC), d’une part posent la question du lien de façon élargie en réhabilitant le coût complet dans des contextes habitués à des approches en coûts partiels, d’autre part cher-chent à entrer plus avant dans la compréhension des liens entre les coûts et les objets de coût, grâce à une analyse plus fine des coûts et à une attention plus soutenue à la façon dont ces coûts sont consommés par les objets (cost drivers).

Mais cette recherche du lien n’est pas limitée à la dimension « coût » de la performance. Dès lors que l’entreprise poursuit des objectifs de création de valeur (qualité, délais, services, etc.), nous avons vu au chapitre 2 qu’il était important d’identifier les leviers d’action qui permettent d’atteindre ces objectifs. La recherche de relations de cause à effet entre des leviers d’action et la performance et leur traduction dans les systèmes de mesure (tableaux de bord) sont des éléments essentiels au pilotage.

2) Le principe de précision

Le principe de précision du système de mesure est un corollaire du précédent. Dès lors que l’on s’intéresse au lien qui existe entre un segment d’activité et la performance (coûts/valeur) de l’entreprise, il est

5. Le terme « contribution » est effectivement utilisé à la fois pour désigner la mesure de performance des managers et la mesure de performance plus impersonnelle des segments d’activité (ex : marge de contribution), d’où les risques de confusion.

6. Un objet de coût se définit comme ce dont on cherche à calculer le coût : il peut s’agir d’un produit, d’une prestation, d’un département, etc.

important que cette analyse soit la plus fiable possible, puisque vont en découler des analyses et des décisions parfois lourdes (par exemple la suppression d’une ligne de produits). Ainsi, plus la mesure de perfor-mance reflètera avec précision la perforperfor-mance « réelle » du segment d’activité, plus l’information donnée au décideur sera adéquate.

On observe ainsi une plus grande recherche de précision dans les systèmes de mesure des coûts.

3) Limitation du coût du système

Enfin, la maîtrise du coût du système, au sens large du terme, a souvent été considérée comme un point essentiel pour la construction de la mesure. Ainsi par exemple, le développement des tableaux de bord a été en partie justifié par la volonté de construire des systèmes de mesure plus légers, plus focalisés et plus réactifs que les systèmes traditionnels.

Si chacun de ces principes apparaît pertinent, voire évident, leur réunion est plus délicate. On voit bien la difficulté à poursuivre à la fois un objectif de précision de la mesure et de maîtrise du coût des systèmes. Des méthodes de calcul des coûts comme ABC, dont un objectif affiché est d’être plus précise, ont été critiquées pour leur lourdeur. Les systèmes effectifs sont donc là encore des compromis entre ces différents prin-cipes.

4) Évaluation absolue/relative

Alors que l’évaluation des performances des managers ne peut être que relative par rapport aux objectifs fixés lors du budget, l’évaluation des acti-vités peut être à la fois absolue ou relative. Bien entendu, il est utile de rapprocher la performance d’une activité de sa performance passée, de celle des concurrents, de celles d’autres activités comparables dans le groupe (best practices) : l’évaluation relative est donc pertinente.

Mais la performance en « valeur absolue » d’une activité peut également être utile. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, apprécier la profitabilité d’une activité informe peu sur la performance de son manager, puisqu’elle dépend beaucoup du contexte particulier dans lequel il se trouve. En revanche, la profitabilité signifie, pour l’activité, que les coûts (issus d’une

logique de production, au sens large du terme) sont cohérents avec les prix de vente (qui résultent d’une logique de marché).