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Conclusion de la section 3

Les tableaux de bord locaux remplissent donc plusieurs fonctions : ils permettent aux responsables locaux de gérer leur entité de façon plus riche qu’avec de seuls indicateurs financiers. Ils permettent, via le reporting de certains indicateurs, d’évaluer la contribution des managers de façon plus complète, le biais court terme étant amoindri du fait de la présence d’indicateurs de leviers d’action. En revanche, ils ne permettent pas d’avoir une perception aussi synthétique de cette contribution que dans l’approche financière, car les différents indicateurs peuvent diverger.

Enfin, le choix des indicateurs de reporting permettant d’apprécier les performances des activités peut être en conflit avec une logique d’évalu-ation des performances des managers.

B IBLIOGRAPHIE

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C a s d ’ a p p l i c a t i o n : A P P L I X

Une entreprise importante du secteur de la Bureautique a récemment décidé d’accélérer la décentralisation de son réseau commercial. L’objectif est de motiver les responsables d’agence qui sont confrontés à une concurrence de plus en plus rude. En décentralisant certaines décisions, cela doit permettre, dans l’esprit de la direction générale, de leur donner plus de flexibilité sur le terrain. Il a donc été décidé d’accentuer la pres-sion sur le marché des Petites et Moyennes Entreprises, qui constitue un marché d’avenir, mais sur lequel APPLIX SA est quasiment absente. Jusqu’à présent, APPLIX SA était seulement présente sur le marché des grandes entreprises et administrations.

La nouvelle organisation prévoit que chaque agence, qui était auparavant un centre de revenu, soit dorénavant considérée comme un centre de profit. La mission globale, à savoir distribuer les équipements de la marque APPLIX, reste inchangée. Par contre, de nouveaux leviers d’action sont accordés aux chefs d’agence.

Dans la situation antérieure, le volume d’affaires et les coûts directs de l’agence faisaient l’objet d’une prévision annuelle, révisée semestriel-lement. Un reporting mensuel de ces deux postes permettait d’assurer le suivi des agences et de consolider les résultats en central. Le respon-sable d’agence recevait une prime annuelle équivalente à 5 % du chiffre d’affaires qui était réalisé au-dessus d’un seuil minimum renégocié chaque année entre le siège et les agences.

En tant que centre de profit, l’agence aura désormais une plus grande latitude de décision. Celle-ci portera sur les éléments nouveaux suivants : – les prix pratiqués à la vente, qui peuvent faire l’objet de décisions locales de remises dans les limites d’une fourchette comprise entre 5 et 22 % du prix public catalogue. Cette fourchette est déterminée par la direc-tion commerciale centrale en foncdirec-tion d’une segmentadirec-tion clientèle qui sera constamment affinée. Les agences n’avaient pas, auparavant, de possibilités de négociation sur les prix de vente en dehors de remises sur quantités fixées par catalogue. Le coût de production (et sur certains

matériels, le coût d’achat) des équipements vendus en agence n’est pas connu de ces dernières ;

– les délais de paiement accordés à la clientèle, dans la limite d’un maximum de 90 jours. Auparavant, une règle centrale définissait ces délais en fonction d’une segmentation de la clientèle en cinq familles.

Cette règle définissait des délais compris entre 30 et 90 jours, avec un jeu admis d’échelonnement pouvant porter à 120 jours l’étalement du paiement. De plus, le fichier clients étant géré en central pour la factu-ration, certaines indications sur la qualité du client (accidents de paiement ou retards) permettaient de moduler automatiquement ces conditions de délai et de règlement.

Cette centralisation avait été à l’origine de nombreuses frictions entre le siège et les agences. Certains clients devaient en effet être rappelés par l’agence une fois l’affaire considérée comme conclue afin que puissent être modifiés certains éléments des conditions de paiement. Cela abou-tissait alors à des pertes de vente.

– la possibilité de compléter la gamme APPLIX par une offre de produits non concurrents (en particulier des logiciels) ;

– le niveau et la composition des stocks attachés à l’agence. Chaque agence dispose d’un entrepôt qu’elle peut désormais gérer comme elle l’entend. Auparavant, la direction commerciale centrale se chargeait de l’approvisionnement des agences et il se produisait fréquemment que des agences perdaient des ventes faute de produits disponibles dans des temps acceptables pour la clientèle ;

– la libre disposition d’un budget de promotion commerciale : publicité dans les médias locaux, présence et soutien aux manifestations locales, etc ; – et enfin, une quasi liberté sur les charges directes de l’agence : effec-tifs, loyer, entretien. Tout changement devant cependant être soumis à l’autorisation préalable de la direction centrale.

Accompagnant la décentralisation ainsi souhaitée, le contrôle de gestion a modifié le système de reporting mensuel des agences. Celui-ci fait désor-mais remonter la « contribution » dégagée par celles-ci, et non plus seule-ment le chiffre d’affaires qui était complété par l’état de suivi budgétaire des dépenses payées par l’agence. Il a toutefois été décidé que cette

contribution serait calculée de façon très simple, « de façon à ne pas noyer les responsables d’agence sous les papiers administratifs » :

+ Chiffres d’affaires

– Charges directes à l’agence

– Charges de promotion commerciale

= Contribution

Le recouvrement client est resté centralisé au siège ainsi que l’ensemble des flux de trésorerie. Aussi, le contrôle de gestion a-t-il maintenu au siège la localisation de l’ensemble des frais financiers, qui sont directement négociés par la direction financière centrale.

La prime annuelle du chef d’agence sera désormais fonction de la contri-bution annuelle de l’agence. Après accord entre les parties concernées, cette prime a été déterminée à hauteur de 6 % de la contribution annuelle de l’agence.

Au bout de quelques mois de fonctionnement du nouveau système de gestion, le Directeur Financier du siège alarme le contrôleur de gestion : les frais financiers ont brutalement augmenté et risquent de dégrader considérablement le résultat semestriel.

Le Directeur Commercial venait par ailleurs de lui confier qu’il était très satisfait du chiffre d’affaires de ces derniers mois, qui avait augmenté de plus de 15 % par rapport aux deux semestres précédents. Il était par contre très inquiet des problèmes de recouvrement de créances qui atteignaient des montants inhabituels (croissance de 20 % des impayés par rapport aux deux semestres précédents). Il faisait également part de ses craintes que les nouvelles libertés des agences ne soient utilisées à mauvais escient : « l’arme des prix ne devrait être utilisée que sur le marché des PME, or je crains que cela ne soit pas le cas ».

Enfin, le Contrôleur de Gestion, dans sa prévision semestrielle de résul-tats, se demande comment il va devoir expliquer à la direction générale le fait que, malgré la progression significative du chiffre d’affaires, le résul-tat (avant frais financiers) sera inférieur, d’après ses premières estima-tions, à celui des semestres précédents.

Les Responsables d’Agence se montrent, par contre, satisfaits du nouveau système.

Éléments de correction

Les effets attendus du nouveau système étaient essentiellement d’accroître la flexibilité locale des commerciaux. Pour cela, les chefs d’agence se sont vu attribuer plus de leviers d’action, si bien que leur pouvoir d’influence augmente. Le principe de contrôlabilité, présenté dans ce chapitre, suppose alors que la mesure de performance soit elle aussi élargie, ce qui a été le cas puisque les agences ne sont plus évaluées uniquement sur le chiffre d’affaires, mais sur une contribution. Ce système a été par ailleurs renforcé par un changement des bases de calcul des primes, elles-mêmes désormais assises sur la contribution. Nous allons voir toutefois que cette mesure de performance mérite encore certains ajustements.

Les conséquences les plus importantes de la réorganisation sont : – une progression significative du chiffre d’affaires ;

– une augmentation des frais financiers ; – une détérioration du résultat d’exploitation.

1) La progression du chiffre d’affaires

Sur ce point, la décentralisation paraît avoir bien fonctionné. Les commer-ciaux ont vraisemblablement pris des parts de marché à la concurrence et/ou ont pénétré de nouveaux marchés. Cependant, dans le pire des cas, les commerciaux peuvent avoir profité de leur nouvelle liberté de négo-ciation sur les prix de vente pour développer le marché qu’ils connaissent le mieux, celui des grandes entreprises et des grandes administrations, alors que l’objectif est de percer sur le marché des PME. Cette crainte est d’autant plus justifiée que les commerciaux connaissent bien cette clien-tèle et qu’ils peuvent donc minimiser leurs coûts directs d’approche (frais commerciaux, temps collaborateurs, déplacements, etc.). Or, le reporting actuel ne donne rien sur la ventilation du chiffre d’affaires par segment de clientèle, ce qui empêche la direction commerciale du siège d’évaluer réel-lement la performance commerciale des agences. L’indicateur du chiffre d’affaires n’est pas suffisant en tant que tel. Il faut lui adjoindre la venti-lation de ce chiffre d’affaires par segment de clientèle, éventuellement complété par un indicateur des remises moyennes pratiquées par segment.

Enfin, quid de l’origine de la progression de ce chiffre d’affaires ? Quelle part les nouveaux produits (complémentaires aux produits APPLIX) y ont-ils ?

2) L’augmentation des frais financiers

Les frais financiers n’ont pas été imputés aux divisions sous prétexte qu’ils sont gérés par le siège. Toutefois, ils trouvent leur origine dans les décisions prises par les agences sur les différents éléments du besoin en fonds de roulement. Il y a donc une incohérence entre le champ de contrôle des agences et le critère de mesure de leur performance.

Plusieurs explications peuvent ainsi être apportées à l’augmentation des frais financiers :

– augmentation probable du stockage dans les agences. Cela permet à ces dernières d’être plus efficaces commercialement. Elles sont d’au-tant plus encouragées à le faire que les frais financiers induits par ce stockage sont payés par le siège ;

– augmentation probable des délais de paiement moyens accordés à la clientèle. Les agences sont encouragées à accorder le maximum auto-risé par le siège, dans la mesure où là non plus, elles n’en supportent pas les conséquences financières ;

– de plus, la contribution ne prenant en compte que le chiffre d’affaires et non les encaissements, cela peut avoir pour conséquence d’accroître les risques de non-recouvrement, les agences se montrant moins sélec-tives dans le ciblage de la clientèle ;

– enfin, la croissance du chiffre d’affaires, due essentiellement à une croissance en volume, génère mécaniquement une augmentation des besoins en fonds de roulement.

Les premiers points montrent les effets pervers induits par le caractère incomplet du système de mesure.

3) La détérioration du résultat d’exploitation

Le résultat ne suit pas la progression du chiffre d’affaires. On peut obser-ver que le nouveau système de reporting incite les responsables d’agences à jouer au maximum sur le volume de ventes, en vendant aux prix les plus bas des fourchettes admissibles par le siège, c’est-à-dire en proposant les remises maximales. En outre, puisqu’il ne semble pas y avoir de contrôle sur l’application des remises en fonction de la segmentation clientèle du siège, les agences peuvent être amenées progressivement à dériver vers une application systématique des coefficients de remise

les plus élevés. Cela leur permet de gagner des affaires à la concurrence, par conséquent de maximiser leur chiffre d’affaires, et donc leur contri-bution (telle qu’elle est calculée). C’est le siège qui subit les effets de réduction des marges qui s’ensuivent, ce qui explique la dégradation des résultats d’exploitation.

Le système actuel de reporting des agences n’est donc pas assez complet, car il ne tient pas compte de tous les éléments contrôlables.

Propositions de correction

Les déficiences qui viennent d’être dégagées pourraient suggérer une recen-tralisation de certaines décisions, afin d’éviter les abus par les agences.

Une autre solution est possible. Elle consiste à maintenir un degré de délé-gation important aux agences, afin de bénéficier des avantages de la décentralisation, mais à enrichir le système de mesure des performances pour le rendre cohérent avec ce pouvoir plus large. La responsabilisation incite alors les agences à prendre en compte plus de dimensions de la performance dans leurs choix quotidiens.

La mesure de la contribution pourrait par exemple être construite de la façon suivante :

+ Marge brute encaissée14 – Charges directes à l’agence

– Charges de promotion commerciale – t ×(stock moyen + créances)

= Contribution

La marge brute encaissée tient compte non seulement du chiffre d’affaires facturé, mais également des remises effectuées et des éventuels impayés.

Le coût financier engendré par les stocks et les créances est affecté aux agences en appliquant un taux financier conventionnel déterminé au siège à l’actif circulant de chaque agence.

14. celle-ci ne pourra cependant être déterminée qu’au siège, ce dernier ayant actuel-lement la responsabilité du recouvrement. On peut très bien envisager de déléguer cette responsabilité aux agences.

À ce reporting financier peuvent être joints des indicateurs de gestion permettant au siège un suivi plus précis de l’activité des agences. On peut donner les exemples suivants :

– Ventilation du CA/classe de clientèle.

– Ventilation du CA suivant l’origine (produits groupes /produits hors groupe) des produits vendus. Cet indicateur permet de suivre en central l’activité négoce sur les produits achetés hors du groupe.

– Niveau des créances de fin de mois/ chiffre d’affaires.

– Niveau des stocks de fin de mois/ chiffre d’affaires.