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PARTIE 2 : ANALYSE DES ENTRETIENS

A. LE MEDECIN GENERALISTE

1. Les difficultés du médecin généraliste

a) La formation universitaire et post universitaire

 Durant l’externat, la gynécologie est enseignée sur le plan théorique, à la fois par des cours magistraux et des stages hospitaliers.

 Durant l’internat de médecine générale, la formation dans le domaine de la gynécologie se fait majoritairement lors de stages hospitaliers ou ambulatoires. À noter qu’avant 2017, la formation gynécologique n’était pas obligatoire. Le semestre en gynécologie était laissé au choix avec celui de la pédiatrie. Ainsi, un grand nombre d’internes en médecine générale terminait leur internat sans jamais, au cours des 3 ans de leur cursus, être passé dans un service de gynécologie-obstétrique.

Depuis 2017, suite au décret du 25 Novembre 2016 (78) et à l’arrêté du 12 Avril 2017 (79), l’internat de médecine générale se déroule à présent en deux phases :

- La phase socle, la première année, comprenant un stage aux urgences adultes et un stage chez le praticien.

- La phase d’approfondissement, 4 semestres obligatoires, dont un stage en médecine adulte polyvalente, un stage « Femme » ambulatoire ou hospitalier, un stage « Enfant » ambulatoire ou hospitalier, un Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisé (SASPAS)

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Le stage « Femme » est obligatoire. Il se déroule en milieu hospitalier ou en ambulatoire auprès d’un gynécologue libéral. Cependant, actuellement, compte tenu du faible nombre de gynécologues libéraux maitres de stages, la majorité des stages se font encore en milieu hospitalier. Malgré tout, cela représente une avancée cruciale en faveur d’une formation gynécologique plus adaptée pour les internes en médecine générale.

 Enfin, une fois le cursus universitaire achevé, pour le médecin généraliste débute la formation médicale continue par le biais de groupes qualités, de groupes de pairs, d’EPU, de DIU*… Au cours des entretiens de cette étude, la carence voire l’absence de formations post universitaires dans le domaine de la gynécologie et plus particulièrement de la périménopause est régulièrement déplorée.

En 2010, près de la moitié des généralistes déclaraient avoir des formations ou des diplômes supplémentaires (80). En 2016, 25% des médecins généralistes déclaraient avoir suivi une formation en gynécologie-obstétrique à la suite du cursus initial dans le cadre d’un Diplôme Universitaire (DU) ou d’une séance de Formation Médicale Continue (FMC) réalisée au cours des deux dernières années (81).

b) Recommandations et référentiels

À plusieurs reprises lors des entretiens, les médecins interrogés regrettent le manque de recommandations et de référentiels clairs établis sur le sujet. Ce manque de lisibilité et de clarté des recommandations peut impacter l’activité gynécologique d’un médecin généraliste.

(1) Recommandations nationales et internationales

 L’historique des dernières recommandations Françaises concernant la prescription de contraception est la suivante :

- En 2010, la Société Française d’Endocrinologie a émis des recommandations spécifiques concernant la contraception hormonale chez les femmes à risque vasculaire. (82).

- En 2013, puis actualisé en 2017, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rédigé des recommandations concernant la stratégie globale de choix contraceptif (49) mais aussi concernant la contraception chez la femme ayant des facteurs de risques cardio-vasculaires (68).

- En 2018, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), a publié des recommandations pour la pratique clinique de la contraception (45). À noter qu’auparavant, jamais le CNGOF n’avait émis de recommandations globales sur la contraception. Il semble primordial de préciser que les dernières recommandations de 2018 du CNGOF n’étaient pas rédigées lors de l’enregistrement des premiers entretiens de cette étude.

 Sur le plan international, les dernières recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière de contraception datent de 2015 (63) et 2017 (64).

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 Concernant spécifiquement la contraception des femmes en périménopause, la situation est plus disparate renforçant sans doute la sensation de « flou » évoqué par les médecins de notre étude.

- La dernière recommandation internationale est celle de la « Faculty of Sexual & Reproductive Healthcare » parue en octobre 2017 (54).

- La dernière recommandation française est celle du CNGOF concernant la contraception des femmes de plus de 35 ans, publiée en Novembre 2002 (18) Au total, comme le précise le CNGOF lui-même, les données de la littérature sont pauvres en matière de périménopause et le niveau de preuve des études portant sur le sujet est limité. Pourtant, les femmes en périménopause représentent une part non négligeable de la patientèle d’un médecin généraliste car c’est à présent, la génération des « baby boomer » qui arrive à cette phase de la vie (48).

De ce constat a germé l’idée de notre étude. L’objectif secondaire de ce travail est de faciliter la prise en charge contraceptive, par les médecins généralistes, des patientes en périménopause. Un tableau récapitulatif (Annexe 1) a été réalisé en ce sens. Il a été conçu afin d’adapter au mieux la contraception des femmes en périménopause aux pathologies fréquemment retrouvées durant cette période. Ce tableau a été travaillé à partir de l’ensemble des recommandations des sociétés savantes. Il a ensuite été relu avec l’aide précieuse du Dr Vardon, gynécologue au CHU de Caen et du Dr Cavanne, gynécologue au CH d’Avranches-Granville. Ce tableau fait aussi écho aux demandes formulées par les médecins généralistes d’une aide concrète à la prescription utilisable dans leur cabinet.

(2) Intérêt de recommandations spécifiques à la périménopause

Les données de la littérature mettent en avant la place à part que tient la situation contraceptive en périménopause en matière de contraception d’urgence, de contexte gynécologique et cardio- vasculaire ou encore d’observance. Autant d’arguments en faveur de l’élaboration de recommandations propres à la période de la périménopause en matière de contraception.

 Tout d’abord, le taux de recours à la contraception d’urgence reste élevé pour les femmes de 35 à 54 ans. Les raisons de ce recours sont principalement : (83)

- L’absence de contraception (à 29,8%) - Un problème de préservatif (27,7%) - Une erreur dans les dates (14,9%) - Un oubli de pilule (12,8%)

 Ensuite, selon la «Faculty of Sexual and Reproductive Healthcare », les femmes à partir de 40 ans sont plus à risques sur le plan cardio-vasculaire, risque d’obésité, de cancer du sein, de pathologies gynécologique (54). Cela influence le choix des praticiens en terme de contraception et nécessite des recommandations particulières.

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 Enfin, l’absence de contraception ou la mauvaise observance de la contraception est habituelle chez les femmes en périménopause. Ainsi, Outre-Atlantique, une étude américaine, publiée dans la « Women midlife’s health » en 2017, montrait qu’aux Etats Unis, près de ¾ des femmes entre 45-50 ans étaient à risque d’une grossesse non désirée du fait d’une mauvaise observance ou de l’absence de contraception (84). Ce défaut d’observance est à prendre en compte dans le cadre de recommandations spécifiques.

Preuve s’il en est, qu’il est encore et toujours nécessaire de faire de la prévention et de l’information chez ces patientes tout en tenant compte des contextes vasculaires, métaboliques et gynécologiques liés à cette période.

c) Le suivi gynécologique médecin-dépendant

Au fil des entretiens, certains généralistes semblent très impliqués dans le suivi gynécologique de leurs patientes alors que d’autres délèguent très facilement cette part de leur activité. À l’image de ces données, la réalité des chiffres trouvés sur ce sujet est très hétérogène.

Ainsi, une étude menée en 2016 à la demande de l’Observatoire Régional de la Santé - Pays de la Loire, montre que sur le plan national :

- 57% des médecins généralistes « disent voir au moins une fois par semaine des patientes pour un motif gynécologique ». Et parmi ces consultations, dans 52% des cas le motif est « l’instauration ou le suivi d’une méthode contraceptive, hors urgence ».

- 56% des médecins généralistes partagent l’idée que réaliser des suivis gynécologiques fait partie de leur mission (81).

En janvier 2018, selon un sondage réalisé par l'Union Régionale des Médecins Libéraux (URML) de Normandie, près de 90% des médecins généralistes assurent « tout ou partie du suivi gynécologique » de leurs patientes et sont « très attachés » à ce volet de leur activité (85).

Une juste mesure semble nécessaire à trouver. Le manque de données homogènes sur ce sujet reflète avant tout une pratique très médecin-dépendant peu propice à la généralisation sur le sujet. A contrario, un manque d’intérêt pour la discipline peut également expliquer l’absence de pratique de la gynécologie dans un cabinet de médecine générale. Deux médecins de l’échantillon déclarent avoir un manque d’intérêt pour la discipline. Comme l’évoque la littérature, ce manque d’intérêt pour la discipline entraine nécessairement un manque d’appétence pour la formation gynécologique (86).

Cette prise en charge hétérogène de la gynécologie par les généralistes s’avère être une source de confusion auprès des patientes. Peu sont informées de la possibilité d’effectuer leur suivi gynécologique « classique » avec un généraliste.

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