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LES DIFFERENTS TYPES DE CORRECTION

L'Académie pourra "recevoir l'ordre de Nous" dit l'article XXII des lettres patentes de 1717" de travailler à des dessins ou des mémoires de bâtiments publics au particulier" elle pourra aussi "être consultée même par des étrangers et avec Notre permission". Elle s'attachera dans ces consultations à "donner prompte et eniètre satisfaction". 40 ans plus tard cette mission sera définie exactement dans les mêmes termes. L'article XXIX des statuts de 1776 précise seulement qu'elle peut être consultée avec notre permission concernant des projets sur lesquels on désirera avoir son jugement".

Un conseil vaut par l'autorité de qui le donne. Dans ses débuts, l'aca­ démie supplée à l'absence d'instances autorisées qui puissent donner un avis sur des problèmes techniques qui relèvement manifestement de compétences diverses.

L'académie devient pour l'administration des bâtiments cette réunion de compétences.

L'académie est supposée disposer ainsi d'une référence certaine pour juger.

A plusieurs reprises l'administration lui demande de publier ses tra­ vaux et ses rapports. La question se pose de savoir si l'académie n'a jamais pu répondre à cette demande par manque de temps ou de métho­ de ou plus simplement par le désir de conserver par devers elle les connaissances réelles ou supposées qui ont fondé son autorité.

Le jugement de l'académie est sollicité pour choisir entre deux pro­ jets, ou entre deux architectes. Il s'agit là d'une sorte de conseil qu'il faut justifier par référence au goût en architecture. Et c'est, bien sûr, le domaine où l'académie se sent le plus assurée puisqu'elle ne cesse de débattre de cette question, et q u 'explicitement elle est l'autorité chargée d'énoncer la doctrine.

De cet avis sur le choix du meilleur projet à la correction, la distan­ ce n'est pas grande. L'académie est tenue de justifier son choix et d'expliquer sa préférence.

Explicitement parfois la consultation exige d'elle de dire à quelle condition pourrait être exécuté le projet qu'on lui soumet.

Et voici l'académie placée devant cette nécessité de corriger. Il s'agit pour elle ni de refaire le projet, ni d'en détruire le principe. La pratique de la correction se distingue de la pratique du projet en cela qu'elle conserve la démarche générale proposée, elle s'inscrit dans le projet et ne remet pas en cause ses choix fondamentaux.

La correction agit par petites touches, propose des modifications qui paraissent mineures. Rectifier le goût d'un ornement, rétablir la proportion d'un élément, rapprocher le projet de la perfection où il pourrait avoir été dessiné.

"Nous proposons d ’utiliser le terme de correction académique pour définir cette pratique très spécifique du conseil qui conduit le pro­ jet--- "

L'article XXIX des statuts de 76

"Lorsque l'académie aura ordre de Nous de travailler à des dessins ou mémoires de batiments publics ou particuliers, ou qu'elle sera consultée par des étrangers et avec notre permission concernant des Pcojets sur lesquels on désirera avoir son jugement, elle s'attachera a donner une prompte et entière satisfaction".

k!article XXII des lettres de 1717

'Lorsque l'académie aura ordre de Nous de travailler à des dessins et mémoires de batiments, publics et particuliers, ou qu'elle sera consultée, même par des étrangers, avec notre permission, elle s'appli­ quera très particulièrement à donner une prompte et entière satisfac­ tion".

Première catégorie :

Le sont des projets qui sont soumis à l ’Académie par la volonté de — ur auteur. C'est un cas de figure assez rare, lorsqu'il se produit L académie en est très flattée. C'est le cas des anciens élèves de 1 académie qui, chargés de la construction d'un édifice important vont présenter leur projet et solliciter auprès de l'académie un avis, ®n fait une correction. C'est le cas aussi d'architectes candidats * l'académie. Cf. Lestrade en 1763. L'académie n'hésite pas à corriger.

y a aussi le cas où les académiciens eux-mêmes soumettent leur Ppojet à la correction. Ils jugent prudent de soumettre le projet a„ l'approbation de l'académie. Certains académiciens préfèrent eux- memes solliciter la correction plutôt que de se la voir imposer comme Ce sera le cas quelquefois. Ce sont des corrections "douces" comme en témoignent les procès verbaux.

deuxième catégorie : ce sont les projets soumis à l'académie par le surintendant des bâtiments. Le surintendant des bâtiments est chargé des bâtiments du Roi mais certaines institutions comme l'institution neligieuse soumet à la surintendance l'approbation de leurs projets. La surintendance retourne alors ces projets à l'académie. Il y a ainsi eaucoup de projets de transformation et de réparation d'églises soumis a 1'académie.

coisieroe catégorie : il s'agit de la demande par la surintendance ® fa*re la choix entre plusieurs projets lors de la construction d'un atiment du Roi. C'est le germe d'une procédure de concours. De temps en temps l'académie se voit amenée à donner son avis sur plusieurs Ppojets, en général deux projets : elle choisit le moins mauvais des deu* et le corrige.

La quatrième catégorie correspond à la demande d'un avis technique. Sous prétexte de demander à l'Académie une expertise technique, on lui demande en fait d'intervenir sur le modèle ; là aussi cela se pro­ duira souvent pour les églises.

t a b l e a u c h r o n o l o g i q u e d e s p r i n c i p a l e s c o r r e c t i o n s a c a d e m i q u e s

1676 (mars) Avis sur la sculpture de Monseigneur le cardinal Mazarin. 1677 (mars) Correction des pavillons projetés par Mansart aux deux

côtés de la Fontaine de la Renommée.

1677 (mai) L'affaire du couvent des Pères Feuillans rue St Honoré, pro­ jet de Bruand.

1679 Correction d'une place à St Brieuc et des dessins d'un hôpital. 1678 Correction de l'attique et des pavillons du Louvre dessinés par M.

Perault.

168? L'Acqueduc de Maintenon.

1686 Correction des plans de Bullet puis l'archevéché de Bourges. 1732 Saint Sulpice.

1747 ste Marie Madeleine de Besançon - Projets de Nicole et de Longin. 1T53 Eglise St Jean de Liège - Projets de Pizzoni et de Fagni.

1760 Eglise cathédrale de Strasbourg - Projet des experts maçons et de Houlie.

1760 Hôpital St Eloi de Montpellier - projets de Giral et de Carcenac. 1761 Cathédrale de Strasbourg.

1762 Eglise N.D. de Dijon - Projet de Le Jolivet. Eglise de Boulogne - Examen du projet de Haresvin. 1762 Eglise St Jean de Lyon - Projet de De Crenice. 1763 Eglise St Benigne de Dijon, par De Wailly. 1763 Peyre soumet deux projets pour l'hôtel de Condé. 1763 Projet du chateau pour de Montmorency, par Lestrade. 1764 Saint Sulpice.

1764 Grille pour le Palais Roÿal - projet de Moreau. 1766 Caserne de la rue Moufetard - Expertise de Camus. 1780 La prison du Châtelet - Projet de Moreau.

1781 Les Halles de Paris - Projet de Loret. 1784 Cathédrale de rennes - projet de M. Crucy. 1784 Cathédrale de Laon.

785 Les bains de Bagnères - Consultation de la Société Royale de Méde- cine par l'Académie.

1785 La Madeleine - projet de Couture.

785 La gare d'eau sur la Seine - Consultation de l'Académie par le prévôt des marchands.

.Pour exécuter cette mission de contrôle des projets, l ’académie doit disposer d'un critère de jugement, ou d'une référence sûre à laquelle évaluer le projet qui est soumis à son avis.

C'est pressée par la nécessite de corriger, que l'académie s'intéresse à la "vraye" doctrine.

On conçoit que cette nécessité de donner un avis définitif et qui ne puisse pas être contesté impose à l'académie circonspection et prudence. On propose d'appeler "doctrine académique" cette référence qu'utilise l'assemblée des académiciens pour juger des projets en s'efforçant de respecter la règle de l'unanimité - Il ne s'agit pas tout à fait du même type d'énoncé que celui que tient dans un combat d'idées l'avant garde architecturale.

Ici la doctrine est un critère pour juger et non pas un discours pour combattre 1 'opinion de ses adversaires, une référence qui ne saurait être contredite, solidement établie par l'usage, démontrée par les grands modèles de l'Antiquité et non pas cet ensemble d'arguments qu'u­ tilisent les jeunes architectes pour défendre les projets qui les dis­ tingueront de leurs aînés.

L'Académie dans la recherche de cette référence indiscutable, a sollici­ té à la fois le secours de la théorie (en mettant, sans y croire vrai" ment les principes du goût au niveau d'un absolu en architecture od d'un idéal fondé dans la nature universelle), et celui de l'institution (en s'efforçant d'user avec discernement et sagesse du pouvoir et de l'autorité q u 'implicitement lui donne la protection royale).

On comprend que cette distinction entre la (vraye) doctrine, celle de l'académie, et la doctrine qui inspire chaque groupe ou chaque géné­ ration d'académicien soit malaisée à expliquer. Ainsi, l'académie ne s'en expliquena pas.

Par contre, elle se comportera toujours comme si la distinction était indiscutable. Jamais dans les décisions de l'académie ne transparaîtront les débats de doctrine qui pourtant l'ont divisée.

C'est la force de cette institution exemplaire que d'avoir su avec constance et application laisser entendre qu'elle détenait la "vraye” doctrine tout en entretenant pan 1'intermédiaire de l'école un débat ouvert sur la finalité du projet et la forme architecturale dont elle réintègre les résultats et ne néglige jamais la leçon.

On examinera dans ce chapitne ces deux aspects de la doctrine architec­ turale .

1 - La doctrine académique. 2 - La discussion doctrinale.

académie, pendant pratiquement toute la durée de son existence est sommes par le pouvoir politique de produire explicitement par un texte, la doctrine académique. L'académie a résisté à cette demande au moins dans trois ou quatre occasions. Elle s'est bien gardée d'expliciter sa doctrine, mais cependant elle prétend être dépositaire du corps doctrinal, de la théorie architecturale. Comme elle ne produit par *e*te définitif ou ultime de cette théorie, elle ne risque pas etre contestée ; il y a dans l'histoire de l'académie une constante adaptation de l'énoncé. Les élèves se démarquent par rapport à leur Pcofesseur (ne serait-ce qu'en présentant des- projets nouveaux) et ll y a un jour où le professeur arrive à prendre encompte leur proposi­ tion.

La référence pour corriger

^algré^ les divisions qui régnent dans l'académie la règle de l'unanimi- Prevaut. La correction académique est faite à l'unanimité, ce qui tmplique qu'il y ait une référence commune qui efface les divisions . c'rinales du corps. Cette référence est implicite. Contrairement c® qui se passe dans la procédure "concours" où le jury juge les ne°J6tS les uns par raPport aux autres, la correction académique, q, peut^ recourir à l'analyse comparative des projets et doit disposer ur>e référence commune pour juger. Il faut ici revenir à cette premiè- mi-ssion de l'académie : elle consiste à donner une définition de architecture et à distinguer ce qu'on pourrait appeler la "doctrine La ,®mic*ue"> "la théorie", des positions doctrinales des académiciens.

,doctrine académique" serait le corps d'énoncés auquel tous les qui em^C*enS Peuven'*- adhérer quelques soient les divisions doctrinales

séparent. C'est un énoncé qui a un degré de généralité P rieur aux positions particulières de chaque architecte dans son son^et ou de chaque professeur enseignant à son élève. Les académiciens

0 Persuadés de la validité de cette distinction entre le corps oc*rine qu'on peut appeler la "doctrine académique" et les posi- Q qul les séparent les uns des autres et, sur lesquels ils s'empoi- par fréquemment. Pour qu'il y ait acceptation de cette distinction

es académiciens il y a deux conditions :

é * ? * *1 faut un corpus de références, c'est à dire l'ensemble des 1C6S reconnus Par tous les académiciens comme, exemplaires, comme man..ltuant la bonne architecture. Quelque soit la divergence sur la il 1.6re de faire le projet ou de proposer une réponse à un problème, p ^ ,a adhésion du corps académique sur ce corpus. Les traités, les

lls de toutes sortes au XVIIIème siècle sont toujours des tenta- des S' de modifier le corpus sans q u ’il y paraisse de trop. Ce sont U s ed'i'fices exemplaires dans la mesure où ils illustrent la théorie,

La deuxième condition c'est précisément qu'il y ait des principes sur lesquels se forme un consensus. Les académiciens se persuadent de l'uni­ versalité de ces principes. Cette universalité de la théorie architectu­ rale avec cette double articulation : principes - corpus apparaît sur­ tout à partir de 1760 avec la doctrine de Blondel.

La pratique de la correction déplace la doctrine, et met l'académie dans l ’obligation de prendre acte d'une position nouvelle qui éventuel­ lement contredit la théorie. La pratique de la correction a une influen­ ce sur l'énoncé de la théorie.

Lemonier met en évidence un tel déplacement de la doctrine académique au milieu du XVIIIème siècle.

"Ne pourrait-on pas cependant donner à penser qu'avec la mort de Bof- frand en 1754 un cycle se ferme dans cette histoire ?

Coïncidence singulière tout au moins, ce représentant achevé non seule­ ment de l'art mais de l'esprit au XVIIIème siècle disparait au moment où commence la réaction contre le style de son temps et où se préparent bien des nouveautés.

Dans l'intérieur même de l'académie, voici que Soufflot succède presque immédiatement 1755 à Boffrand. Les sécheresses austères du Panthéon aux grâces mondaines de l'hôtel de Soubise ; que Perronet (1758) et un peu plus tard Regemorte (1762) y introduisent la science de l'ingé­ nieur que Julien David Leroy 1758 y intronise la Grèce Antique.

En face d'eux il reste, il est vrai, Jacques Anges Gabriel qui a cette date même renouvelle sur le place Louis XV les somptuosités de la colonnade et Jacques françois Blondel dont le classicisme s'arrêté à Louis XIV.

Mais dans la compagnie leurs contemporains qui partagent encore leurs idées manquent certainement de prestige, si beaucoup ne manquent pas de talent.

Ainsi Gabriel reste le directeur de la Compagnie, non plus le directeur suprême de l'architecture. Entre lui et Soufflot, soutenu par Marigny il n'y a peut être pas lutte proprement dite (ce sera à voir), il y a certainement partage d'autorité et d'attributions jusqu'à leur mort presque simultanée (1780-1782).

En eux, se résument ainsi les divergences d'idées où les aspirations obscures qui produirent d'abord le style tempéré de Louis XVI pour aboutir à la rigidité du style architectural révolutionnaire".

Lemonier in. Tome 6 1744-1758 p. XXXIV On peut comprendre cette transformation de la doctrine académique comme le reflet d'un débat d'idée où l'expression de l'évolution des styles. L'académie, en fait, se trouve placée dans la nécessité de disposer toujours d'une doctrine indiscutable au moment où l'apparition du corps des ingénieurs des ponts modifie complètement l'équilibre professionnel qu'elle gérait. On comprend qu'elle ait eu le souci de s'approprier la science de l'ingénieur et qu'elle recherche à introduire dans le corpus de l'architecture des formes qui l'exprime.

Dans les statut de 1717 - L'article XVII précise la manière dont les académiciens doivent se comporter dans leurs discussions :

"L'académie veillera exactement à ce que dans les occasions où les académiciens seront d'opinions différentes, ils n'emploient aucuns termes de mépris ni d'aigreur l'un contre l'autre, soit dans leur dis­ cours ou dans leurs écrits, et lors même qu'ils combattront les senti­ ments de quelques architectes et de quelques savants qui ce puisse etre, l'académie les exhortera à n'en parler qu'avec ménagements". L'article XXI des statuts de 1717 définit explicitement la notion de doctrine académique. Il s'agit d'une position que l'assemblée des aca­ démiciens approuve formellement.

L'académie examinera les ouvrages que les académiciens se proposeront de fa ire imprimer touchant l'architecture. Elle n'y donnera son approba­ tion qu'après une lecture entière faite dans les assemblées ou du moins du après examen et un rapport fait par ceux que la Cie aura commis a cet examen, et nul des académiciens ne pourra mettre aux ouvrages du il fera imprimer le titre d'académicien s'ils n'ont été ainsi approu- vés Par l'académie".

Le professeur est soumis à la même obligation. Il doit faire approuver Par l'assemblée académique le contenu de son cours avant de le pronon- cer- Et, afin que la doctrine contenue dans ce cours soit plus sûrement conforme aux vrais principes de l'art et du goût, il sera lu et approuvé Par l'académie en sorte qu'on puisse la regarder comme le résultat des lumières réunies de l'académie même.

Article XLIV du règlement de 1776

d delà de ces dispositions réglementaires qui précisent cette volonté une doctrine "conforme aux vrais principes de l'art et du goût, se déroulé à l'académie, on l'imagine aisément, une véritable discussion e doctrine au cours de laquelle se confrontent des analyses, des condi- 10ns de réalisation du projet, et des stratégies pour y faire face.

Un autre indice révélerait peut être l'âpreté du débat interne. A chaque nomination d'académicien l'académie propose trois noms pour que le Roi en choisisse un. A chaque nomination l'équilibre des forces peut évoluer, et l'autorité d'un groupe remise en question. L'administration statutairement reste l'arbitre de ces enjeux, on imagine mal qu'informée du talent de celui qu'elle choisit, elle ne s'enquiert pas de sa tendan­ ce.