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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.10. Devoirs scolaires : un révélateur des relations entre l’enseignant et le

Considérant les trois pôles et les trois processus du triangle pédagogique, la position sociale et institutionnelle de l’enseignant impacte possiblement ses conceptions de la pédagogie, et dès lors la relation éducative avec les élèves. Pour quelles raisons et pour quelles finalités l’enseignant choisit-il les activités proposées aux élèves : les préparer aux examens, contribuer à leurs apprentissages, leur transmettre des savoirs… Ces raisons et ces finalités sont à identifier si l’on veut mettre au jour le sens des devoirs scolaires.

Mais les élèves sont aussi, semble-t-il, sous la prégnance du contexte social et institutionnel. Les élèves semblent déclarer faire leurs devoirs pour surtout faire plaisir à leurs parents et répondre aux consignes voire aux injonctions de leurs enseignants. De ce fait, les devoirs semblent constituer des marqueurs de liens affectifs entre enfant et parent dans la mesure où les faire ou ne pas les faire impacte la qualité des relations familiales. Il en est de même aussi en ce qui concerne la relation éducative entre enseignant et élève. Ne pas faire des devoirs plonge l’élève dans une zone à risque, voire dans un territoire des interdits, susceptibles d’entraîner des sanctions voire une exclusion de l’école. Enfin, se soumettre ou non à la commande des devoirs peut conduire l’élève à adhérer ou non aux injonctions de l’école d’un point de vue social, voire institutionnel. Il se peut que l’élève saisisse les enjeux de cette adhésion ou de ce refus. Il est probable aussi que certaines familles aident leur enfant à identifier ces enjeux. Dès lors, nous pourrions faire l’hypothèse que l’activité des devoirs scolaires révèle la manière dont l’élève et ses parents se situent par rapport à cette activité. Le rapport à l’école de l’élève et de ses parents semble donc déterminant dans la manière de penser l’activité des devoirs scolaires. Les devoirs auraient également des effets positifs, dont l’acquisition des mécanismes d’apprentissage, la curiosité, la responsabilisation, etc., mais aussi négatifs : l’augmentation de la différence entre les plus faibles et les meilleurs élèves, la tricherie entre élèves, etc., sur l’apprentissage (Cooper, 2007) (Tableau 3).

Ainsi le contexte de réalisation des devoirs, comme le rapport des parents à l’école, aux apprentissages et aux activités scolaires semble déterminant dans le sens donné par l’élève aux devoirs. Réaliser ou non des devoirs requiert des conditions de réalisation qui ne sont pas du strict ressort de l’élève. Il appartient aux parents et à l’enseignant d’exprimer un sens qui ne soit pas que social ou institutionnel.

Tableau 3 : Effets positifs et négatifs des devoirs scolaires (Cooper,

2007

)

Effets positifs Effets négatifs Effets académiques immédiats : meilleure

compréhension, acquisition de mécanismes d’apprentissage, mémoire…

Surcharge de travail : fatigue émotionnelle

 Effets académiques à long terme : attitude positive, habitude de travail

 Négation de l’importance des loisirs, des activités

Effets non académiques : discipline, curiosité, responsabilité…

Pression parentale  Effets liés à l’investissement parental  Tricherie entre élèves

 Augmentation de la différence entre les plus faibles et les meilleurs A contrario, si l’enseignant et les parents ne parviennent pas à extraire les devoirs d’activités scolaires imprégnées d’injonctions sociales et institutionnelles, il est probable que l’enseignant valorise alors le processus enseigner dans la mise en place des devoirs. Si l’enseignant souhaite au travers des devoirs scolaires favoriser une rencontre entre l’élève et le savoir, le sens donné à cette activité scolaire spécifique visera l’apprentissage et sa pédagogie sera pensée sous le paradigme de l’apprendre. Si l’enseignant cherche à soutenir et accompagner la réalisation des devoirs, sa pédagogie sera pensée à l’aune du processus former. Le tableau de Forster illustre combien les devoirs semblent avoir beaucoup d’effets sur la vie scolaire de l’élève, mais aussi sur sa vie sociale et familiale. À cet égard, il convient de considérer les devoirs comme une activité spécifique non pas

des seules activités scolaires, mais des activités éducatives, contribuant à donner sens à l’école (Develay, 2007, 2012). Dans ce contexte, les devoirs scolaires peuvent constituer une source de premières rencontres fructueuses entre l’École et les familles. Mais ils peuvent aussi susciter, voire générer des tensions (Maubant et Leclerc, 2008, 2009) qu’il convient d’anticiper et de réguler dans une recherche d’identification d’un sens partagé et d’une cohérence nécessaire entre enseignants et parents sur la conception de l’éducation et de l’école d’une part (Larivée et coll., 2006 ; Kalubi, 2008) et sur la conception des pratiques enseignantes d’autre part (Simonato, 2007).

Comme le souligne Marcel (Marcel et coll., 2007), la collaboration ne fait pas partie historiquement des pratiques enseignantes et de nombreuses recherches témoignent à la fois de la diversité et de la complexité de ces pratiques, notamment lorsque l’enseignant cherche à développer des collaborations avec les familles. La notion de concertation en tant qu’outil permettant de travailler en équipe et de réfléchir sur ses pratiques, est mentionnée comme une des mesures « qui tentent d’instaurer la mobilisation des acteurs dans leur établissement et font de celui-ci une unité collective et organisationnelle d’application des réformes du système éducatif » (Letor, Bonami et Garant (2007, p. 144). Il convient à présent d’examiner en quoi la réalisation par l’élève des devoirs nous donne à lire des relations enseignant-élève et du processus former.

1.11. Devoirs scolaires : un révélateur des relations enseignant-