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CHAPITRE IV PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES

4.3. Devoirs et invitation faite aux parents : le processus FORMER

Les devoirs sont souvent faits à la maison. Les travaux scientifiques identifient la contribution parentale, en contexte de devoirs scolaires, comme un ensemble de pratiques éducatives visant à aider directement leurs enfants à atteindre les buts visés (Min Lee,

Daniels et Kissinger, 2006). Il s’agit aussi d’un ensemble d’attitudes reposant sur des valeurs communiquées à l’enfant et qui créent un climat propice à mettre en place des pratiques d’aide et de soutien à l’enfant (Deslandes, 2008 ; Min Lee, Daniels et Kissinger, 2006; Spera, 2005).

Et si je vous parle en tant que mère, moi-même. Des fois mon garçon va arriver à la maison, puis je vais dire : Comment ça tu n’as pas de devoir, toi ? Je vais avoir ce réflexe-là. Je me suis dit toujours par la suite : Bien, s’il a fait tout ce qui avait à faire, pourquoi il y aurait des devoirs? (Mme Lachapelle)

Pour moi et pour avoir trois enfants qui ont des devoirs, il y en a beaucoup là-dedans que tout simplement c’est un bourrage de crâne. (M. Lachance)

Pour les parents, les devoirs, ça les rassure. Moi, quand je vois mes enfants arrivés avec des devoirs, je vois où ils sont rendus dans leurs apprentissages, et puis je vois s’ils ont de la difficulté ou non à comprendre. (Mme Croyance)

Mais c’est sûr qu’en secondaire 5, ils sont rendus plus grands, mais que le parent garde un œil sur ce que son enfant fait, qu’il ouvre le dialogue aussi. (Mme Croyance)

Les enseignants rencontrés spéculent sur les pratiques éducatives et sur les attitudes des parents en contexte de devoir scolaire. C’est ici la relation entre l’adulte et l’enfant qui semble être au cœur des conceptions des devoirs scolaires. Plusieurs attitudes des parents à l’égard des devoirs sont évoquées. Première attitude : la vérification. Selon les enseignants rencontrés, les parents devraient développer un comportement-réflexe en interrogeant systématiquement leur enfant dès le retour à la maison. Celui-ci a-t-il des devoirs à faire ou non ? Seconde attitude, celle qui vise à superviser la réalisation des devoirs. Pour les enseignants rencontrés, les parents doivent exercer leur pouvoir de supervision. Ils doivent ainsi entrer en communication avec leur enfant au travers de la

réalisation des devoirs. Cela leur permettrait ainsi de renforcer les liens entre enfant et parents, en particulier, disent les enseignants rencontrés, si leur enfant est à l’école secondaire. Doit-on percevoir ici dans les propos des enseignants interviewés, l’idée que les élèves du secondaire sont des adolescents et qu’à cet âge le dialogue enfant-parent est plus chaotique, incertain, voire improbable.

Troisième attitude des parents envisagée par les enseignants, le découragement face à des devoirs qui semblent constituer une lourde charge pour les familles. Les enseignants sont convaincus que l’activité des devoirs demande de la part des parents certaines attitudes et aptitudes, notamment leur disponibilité. Des enseignants rencontrés, pour exprimer cela, rappellent qu’ils sont aussi des parents. À cet égard, ils considèrent que l’élève ne devrait pas avoir de devoirs à faire s’il a suffisamment travaillé dans la journée. Les devoirs sont donc présentés ici comme une charge, comme une activité définie par le temps qu’on doit lui consacrer. Dans cette perspective, les devoirs impactent l’organisation familiale et la gestion collective des temps sociaux.

Il ressort de notre analyse des propos des enseignants que les devoirs scolaires constituent une activité propice à améliorer la qualité et la densité des relations parent- enfant. Le savoir est ici secondaire, comme l’est aussi paradoxalement l’enseignant. Les devoirs scolaires doivent servir une finalité : bonifier la qualité des relations parent- enfant, considérant que la qualité de cette relation est une condition du bon usage des devoirs scolaires. La pédagogie pressentie par les enseignants est bien une pédagogie convoquant le processus former.

Cela est somme toute cohérent dans la mesure où ce processus met en exergue la relation éducative entre l’élève et l’enseignant. Dans ce cas de figure, il ne s’agit pas de l’enseignant, mais d’un tiers intervenant : le parent. Dès lors, doit-on considérer que les enseignants rencontrés aspirent à ce que les devoirs scolaires contribuent à favoriser une pédagogie centrée sur le processus former, mais qui ne leur incomberait pas ? Ou pensent-ils que cette pédagogie reposant sur le processus former serait une déclinaison de

leur propre pédagogie reposant davantage sur le processus enseigner, mais orienté vers le processus former.

Dans les publications scientifiques consultées, l’évocation de rapports entre la participation des parents à l’activité des devoirs scolaires et les résultats académiques de l’élève n’est pas partagée par tous les enseignants. En effet, l’engagement des parents dans la réalisation des devoirs est jugé tantôt positif, tantôt négatif par les enseignants (Patall, Cooper et Robinson, 2008).

La participation parentale constitue une force positive lorsqu’elle favorise l’engagement pérenne de l’élève dans ses activités scolaires (Cooper et coll., 2006; Hoover-Dempsey et coll., 2001). Elle est une force négative lorsque l’engagement des parents est inapproprié et ne correspond pas au niveau de développement de l’enfant (Cooper, Patallet Lindsay, 2016).

L’engagement des parents peut prendre plusieurs formes : superviser, encourager, offrir des rétroactions, donner de l’aide directe, etc. (Belot, 2011; CCA, 2008; Cooper, Patall et Lindsay, 2016 ; Davis-Kean, 2005 ; Walker, Hoover-Dempsey, Whetsel et Green, 2004). Les enseignants rencontrés expriment la recherche d’une congruence entre la finalité des devoirs demandés à l’élève, le type de devoir et l’engagement des parents. Si les devoirs sont au service d’un objectif d’enseignement-apprentissage, le parent doit être très engagé et inscrire sa pratique éducative dans l’esprit de cet objectif. Nous pourrions considérer que la pédagogie portée par l’activité des devoirs doit être en concordance, voire en cohérence avec celle pensée et mise en oeuvre par les parents. Ainsi, nous pourrions admettre que la pédagogie pensée par l’enseignant repose prioritairement sur le processus enseigner mais qu’il délègue aux parents une pédagogie centrée sur le processus former.