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CHAPITRE IV PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES

4.10. Attentes des enseignants et des élèves

De prime abord, par rapport au programme de formation (Québec, 2005), l’élève acquiert des connaissances qu’il apprend à utiliser de la bonne façon et dans un contexte approprié (définition d’une compétence disciplinaire, p. 4). À ceci, il faut ajouter la connaissance et la maîtrise de différentes démarches méthodologiques à laquelle l’enseignant a recours lorsqu’il dispense ses cours ou qu’il donne un devoir.

Il y a des élèves qui aiment travailler. Les exercices supplémentaires… c’est pour les élèves qui veulent avoir une note entre 90 et 100 pour 100. (M. Grilly)

Je vous dirais que notre groupe d’élèves a été très sérieux dans les devoirs et leçons, dans le travail, dans les évaluations de fin d’année… ça donne même des résultats intéressants. (Mme Lajoie)

Les devoirs font partie des apprentissages parce qu’on va chercher une pratique supplémentaire. Il faut qu’ils apprennent à être responsables de leurs apprentissages en faisant les devoirs, ça contribue à l’apprentissage, c’est sûr. (Mme Lavertu)

Les conceptions des devoirs scolaires sont imprégnées des conceptions du “ bon élève ”. Le rapport de l’élève à cette activité est annonciateur, nous disent les enseignants rencontrés, de leur réussite actuelle et future. Plus les élèves sont engagés dans cette activité, plus la perception qu’ont les enseignants de ces élèves est bonne. Nous pouvons même affirmer que l’engagement des élèves dans l’activité des devoirs impacte ses résultats, comme si les enseignants intégraient cette compétence voire cette valeur d’engagement dans l’évaluation des élèves. Ainsi, l’enseignant imprègne le regard des élèves sur les valeurs de l’école en tant que facteur de réussite scolaire et sociale. En d’autres termes, les perceptions que les élèves se font des devoirs scolaires dépendent de leur façon de comprendre le sens et les valeurs de l’école.

Ce sens et ces valeurs sont impactés par les rapports des enseignants et des familles à l’école. Nous pouvons faire l’hypothèse enfin que ces “ rapports à ” affectent les conceptions de l’école et les conceptions de la réussite scolaire.

Les devoirs scolaires restent absolument indispensables. Et ils ont une raison d’être. Ils sont nécessaires pour plusieurs raisons. Une des premières, pour moi, c’est pour que le jeune puisse vérifier s’il a compris, de retravailler par lui-même, se réquisitionner et de retourner à l’enseignant pour avoir vraiment une vision complète de ce qui s’est passé dans un cours en classe (Mme Lavertu).

L’année passée, j’avais sept ou huit élèves sous scolarisés… Le travail à la maison, les devoirs et leçons, c’est très difficile. Ils ont de la difficulté à faire une journée complète en classe. (Mme Lajoie)

[Que le devoir] soit fait et bien fait. […] moi j’ai une information importante sur certains concepts ; si ce n’est pas fait, c’est un devoir non fait. C’est important, il faut que ce soit fait, que ce soit bien fait. (M. Comte)

Lorsque les enseignants sont interrogés sur le sens des devoirs scolaires, ils pointent essentiellement trois finalités : la finalité de l’apprentissage, la finalité de la réussite scolaire, la finalité de l’excellence scolaire. Les devoirs scolaires constituent donc en premier lieu une activité d’enseignement-apprentissage. Cette activité est un complément d’autres activités d’enseignement-apprentissage faites en classe. La seconde finalité est celle de la réussite scolaire. Des enseignants rencontrés rappellent combien les devoirs scolaires ajoutent à la difficulté que constitue un ensemble d’activités d’enseignement-apprentissage réalisées en classe. Ils soulignent combien les devoirs scolaires prolongent la journée de classe, ce qui semble être paradoxal pour les enseignants de notre échantillon, notamment parce qu’ils décrivent les difficultés de certains élèves et leur sous-scolarisation. Enfin, troisième finalité des devoirs scolaires, celle de l’excellence scolaire. Ces enseignants évoquent le fait que les attentes à l’égard des devoirs doivent être similaires aux attentes à l’égard d’autres activités scolaires réalisées en classe. Pour ces enseignants, les exigences doivent être identiques.

Cette remarque tend à affirmer que les devoirs scolaires ne peuvent être considérés comme une activité secondaire, mais, bien au contraire, être pris au sérieux, tant par les élèves que par leurs parents.

Les conceptions des devoirs scolaires visant à faire de cette activité une activité d’enseignement-apprentissage soulignent combien celle-ci devrait permettre à l’élève de développer des stratégies que nous pourrions appeler métacognitives. En effet, la réalisation des devoirs permet à l’élève de revenir, par une démarche d’analyse réflexive, sur la construction de sa pensée à l’oeuvre dans la conduite d’une activité.

Ce travail réflexif est du ressort de l’élève. Si certains enseignants considèrent qu’ils peuvent favoriser cette réflexivité, ils estiment aussi que seul l’élève est en mesure de le faire. Les parents ne sont pas identifiés comme des acteurs éducatifs susceptibles de contribuer au développement de stratégies métacognitives.

Alors on peut schématiser ce que l’on connaît sur une matière et y mettre aussi des points d’interrogation sur ce qu’on ne connaît pas. Et ça permet aussi au jeune d’organiser sa pensée, d’organiser ses idées, lui montrer d’utiliser des schémas, des picots (M. Lachance).

Je ne peux me fier sur l’aide des parents pour faire une recherche ou quoi que ce soit. Ce sont les enfants tout seuls qui font les devoirs (Mme Lajoie).

[Les élèves] doivent à la maison prendre un peu de temps, faire un peu de recul, puis revoir ce qu’on a fait en classe, réviser tout ça et puis mettre en pratique et voir ce qu’ils ont retenu d’une autre façon. (Mme Beauchemin)

Les devoirs scolaires constituent donc une activité qui engage l’élève, qui repose aussi sur sa capacité à conduire de manière autonome les productions demandées. Cette réalité confirme ce que nous exprimions précédemment à savoir que les devoirs scolaires favoriseraient les élèves qui sont déjà en mesure de travailler, seuls, de manière autonome, sans aide, sans soutien particulier.

L’activité des devoirs scolaires comme facteur d’amplification des conditions de la réussite scolaire, voici un constat confirmant que l’école produit en son sein les inégalités scolaires dans la mesure où elle ne tient pas compte des préacquis des élèves. Enfin, l’activité des devoirs scolaires constitue aussi une occasion pour l’enseignant de repérer certaines valeurs attendues chez les élèves : la recherche de l’excellence académique, l’adoption des signes distinctifs de l’excellence scolaire, l’engagement et la persévérance…

[Les devoirs], c’est la suite de ce qu’on a fait en classe…, une suite de ce qu’on a étudié en classe, tout simplement une pratique de ce qu’on a déjà enseigné… Mais éventuellement, pour certains élèves qui sont plus persévérants, essayer de les inciter à découvrir de nouvelles notions. (M. Grilly)

Certains enseignants insistent pour dire combien l’activité des devoirs scolaires constitue une occasion de repérer l’élève idéal. Cet élève idéal doit être studieux, rigoureux, autonome, engagé, persévérant. Les conceptions des devoirs scolaires mettent en évidence les conceptions de l’élève idéal, autrement dit du bon élève.

Nous avons pu voir dans l’analyse de ces différents propos combien les conceptions des devoirs scolaires nous informent sur les conceptions de la pédagogie : une pédagogie au service principalement d’une visée d’enseignement-apprentissage prenant appui sur le processus enseigner, mais du côté former, dans la mesure où ce qui compte ici, c’est bien l’élève dans sa capacité à se soumettre à la forme attendue par l’enseignant.

4.11. Conceptions de la pédagogie à partir d’une lecture