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CHAPITRE IV PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES

4.6. Évaluation : une pratique transversale aux différentes situations

d’enseignement-apprentissage

L’évaluation des élèves est une pratique quasi quotidienne évoquée par les enseignants. Il est un acte majeur de la vie de l’établissement secondaire. Depuis la réforme éducative des années 2000, toutes les situations éducatives se doivent d’être des situations d’enseignement créant les conditions de l’apprentissage des élèves. À cet égard, l’évaluation des élèves est envisagée comme un outil de régulation des modalités d’enseignement et d’apprentissage (Bressoux, 2008 ; Hameline, 2005 ; Houssaye, 1999, 2015; Royer, Pronovost et Charbonneau, 2004). Mais évalue-t-on les élèves, les activités demandées, les apprentissages, les savoirs acquis, les compétences attendues ? De la réponse à ces questions dépend sans doute la manière dont l’enseignant pense sa pédagogie ? Les pratiques évaluatives semblent déterminer le choix du processus constitutif de la situation éducative imaginée par l’enseignant. La Loi sur l’instruction publique (Québec, 2014) fournit une réponse. Elle fait obligation aux enseignants d’évaluer les acquis des élèves. Cette loi invite les enseignants à évaluer les acquis (savoirs, compétences) avant d’évaluer les apprentissages.

Les conceptions des pratiques évaluatives détermineraient ainsi les conceptions de la pédagogie qui se réclamerait ici du processus enseigner, dans la mesure où le savoir est la finalité même de l’enseignement. Dès lors, les activités scolaires proposées aux élèves visent à faire acquérir des savoirs. Les activités des devoirs ont-elles le même but ?

Les enseignants participants à cette recherche estiment que l’évaluation des devoirs s’avère nécessaire étant donné que l’évaluation des situations d’enseignement- apprentissage est une constante et une obligation présente dans leur mandat et dans leurs pratiques (Québec, 2014). En d’autres termes, chaque enseignant est responsable de sa classe. Il doit directement rendre des comptes à son institution et à la société qui le mandate pour offrir un service éducatif. Les devoirs scolaires sont considérés par eux comme une activité d’enseignement-apprentissage à part entière.

Je trouve que c’est un moyen aussi pour l’enseignant de juger si la matière est passée, si le jeune a besoin d’explications supplémentaires. On ne peut pas vivre sans ça [les devoirs] malgré toute la technologie et tout ce qui est à notre portée. (Mme Lavertu)

[L’évaluation se fait par] des questions semblables, des mini-tests, des mini-quiz, rapides de 10 minutes, puis je vérifie et ça compte. (M. Grilly)

Je prépare [les devoirs] toujours en fonction des niveaux [des élèves]. Donc c’est possible que pour un enfant on lui dise : toi, tu vas travailler cette partie, ou tu t’arrêtes là ; et pour d’autres enfants, on va leur demander une tâche supplémentaire. (Mme Lajoie).

L’analyse de ces propos révèle deux aspects des pratiques enseignantes telles qu’elle s’exprime au travers de l’analyse des conceptions des devoirs scolaires. Cette activité est d’abord et avant tout une occasion de vérifier si : 1. La matière, autrement dit, les éléments disciplinaires sont acquis. 2. Le “ passage ” de cette matière de l’enseignant vers l’élève est effectif, c’est-à-dire si la transmission s’est opérée.

Dans les deux cas, l’enseignant déclare vérifier, grâce aux devoirs, si l’acquisition d’éléments de la matière est faite. S’agit-il de savoirs, de compétences, de techniques, d’outils ou de démarches ? Cela n’est pas précisé, mais nous pouvons faire l’hypothèse que l’enseignant connaît la matière qu’il enseigne et les éléments qui la constituent. Dans la mesure où les nouveaux programmes depuis les années 2000 au Québec sont élaborés selon l’approche par compétence, s’il y a entreprise de vérification d’acquis, c’est bien a priori de compétences dont on parle ici.

Non seulement les devoirs servent à vérifier, au travers de pratiques évaluatives, l’acquisition de compétences disciplinaires, mais cette acquisition doit se faire sur le principe du passage, autrement dit d’une transmission entre l’enseignant et l’élève. L’activité des devoirs scolaires est donc bien identifiée comme une activité exprimant une conception de la pédagogie résolument orientée vers le processus enseigner.

Selon le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Gouvernement du Québec, cité par Legendre (2005), l’évaluation est une « démarche permettant de porter un jugement, à partir des normes ou des critères établis, sur la valeur d’une situation, en vue de décisions pédagogiques ou administratives » (p. 630). Dans cette recherche, l’évaluation des devoirs renvoie à une pratique de jugement des habiletés des élèves, mais aussi d’une pratique de vérification d’acquis. L’enseignant peut vérifier l’acquisition de connaissances, de savoirs, de compétences ou vérifier la maîtrise d’habiletés comportementales.

4.7. Devoirs sous les projecteurs d’une évaluation formative ou

sommative, à mi-chemin entre

ENSEIGNER

,

FORMER

et

APPRENDRE

L’évaluation est au cœur des pratiques enseignantes. Elle peut être diagnostique, sommative ou formative. Différents auteurs définissent ces trois qualificatifs de la manière suivante :

L’évaluation diagnostique est (Legendre, 2005):

Un mode d’évaluation qui a pour but d’apprécier les caractéristiques individuelles d’un sujet (style cognitif, style d’apprentissage, intérêt, motivation, maîtrise des préalables, etc.) et de l’environnement pédagogique, lesquelles devraient avoir des influences positives ou négatives sur son cheminement d’apprentissage (p. 640).

L’évaluation formative est, pour Scallon (1999) cité par le même auteur :

Un processus d’évaluation continue ayant pour objet d’assurer la progression de chaque individu dans une démarche d’apprentissage, avec l’intention de modifier la situation d’apprentissage ou le rythme de cette progression, pour apporter (s’il y a lieu) des améliorations ou des correctifs appropriés (p. 643).

En effet, elle consiste à évaluer la compréhension des élèves (Marcoux et Crahay, 2008 ; Martini, 2011) par rapport à la matière enseignée. Elle permet aussi à l’enseignant d’ajuster son enseignement en vue de faciliter l’assimilation ou la compréhension de la matière.

L’évaluation sommative est, selon Legendre (2005) une :

Évaluation, effectuée à la fin d’un cycle ou d’un programme d’études ou, encore, à la suite d’apprentissages extrascolaires, ayant pour but de connaître le degré d’acquisition de connaissances ou d’habiletés d’un élève afin de permettre la prise de décisions relatives, entre autres, au passage à la classe supérieure, à la sanction des études, à la reconnaissance des acquis expérientiels (p. 648).

Habituellement, l’évaluation sommative se fait à la fin d’un module, d’un chapitre ou d’une période bien déterminée. Nous avons vu combien, selon les enseignants rencontrés, l’évaluation des devoirs avait pour but de vérifier l’acquisition des éléments de la discipline ou de la matière enseignée. Mais le type d’évaluation que l’on retient

pour évaluer les devoirs peut exprimer aussi comment on pense cette activité dans une planification d’enseignement-apprentissage. Autrement dit, les devoirs seront-ils évalués selon une perspective diagnostique, formative ou sommative ? Si des devoirs scolaires sont demandés aux élèves dès le début de l’année scolaire, dans une perspective diagnostique, nous pouvons faire l’hypothèse que l’enseignant les prescrit à des fins de se doter rapidement d’éléments sur l’élève et plus généralement sur la classe.

Si des devoirs sont proposés avec l’intention de les évaluer selon une perspective formative, nous pourrions considérer qu’ils servent un projet d’enseignement- apprentissage. Enfin, si l’évaluation des devoirs s’inscrit dans une évaluation sommative, alors cette activité des devoirs constitue un exercice évalué au même titre que d’autres exercices réalisés en classe. Selon les enseignants, cette troisième situation renvoie aux devoirs “ à la maison ” qui, généralement, ne sont pas évalués selon les mêmes critères et selon le même barème que les exercices faits en classe. L’enseignant sera enclin à prendre en compte les aides éventuelles des parents ou de tiers intervenants. L’élève disposera davantage de temps et la possibilité de recourir à des supports comme Internet, des encyclopédies… Or, l’évaluation sommative des devoirs ne semble pas retenue par la grande majorité des enseignants que nous avons rencontrés. Ils considèrent que les devoirs doivent s’inscrire comme une activité réclamant du temps pour être certain que les objectifs d’enseignement-apprentissage sont atteints.

Le but c’est d’évaluer la façon dont les élèves sont capables ultimement de bien s’exprimer, d’utiliser les bonnes ressources, donc à travers le nombre de reprises que l’élève a pu faire pour arriver à un travail, oui, ça peut être évalué. Le devoir va plus servir à l’amener à pouvoir maîtriser des choses, mais le jeune va avoir eu du temps en classe aussi pour le faire. (Mme Lachapelle).

L’activité des devoirs scolaires est présentée ici comme une activité d’enseignement-apprentissage. À cet égard, c’est une activité qui doit s’installer dans une temporalité suffisamment longue pour créer des conditions favorables aux apprentissages

des élèves. Les devoirs scolaires permettraient ainsi aux élèves de prendre le temps d’apprendre (au sens où l’apprentissage est la maîtrise de savoirs, de compétences, de techniques…), de revenir sur des étapes nécessaires à cet apprentissage, étapes sont aussi envisagées comme des prolongements d’autres étapes faites en classe.

4.8. Activité des devoirs dans la planification didactique et