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CHAPITRE II – CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

2.1. Devoirs, aide aux devoirs scolaires et réussite scolaire

Les devoirs définissent les tâches scolaires accomplies par l’élève, à la demande de l’enseignant et visant à enrichir, compléter voire prolonger les activités faites en classe. Les devoirs scolaires se réalisent le plus souvent en dehors des heures de classe. Mais il arrive que certains enseignants ou certains établissements scolaires choisissent d’inscrire dans l’emploi du temps des moments consacrés spécifiquement pour la réalisation des devoirs, donc de l’aide aux devoirs. Ainsi les devoirs et l’aide aux devoirs sont des activités concomitantes.

L’aide aux devoirs scolaires renvoie à un ensemble de dispositifs visant à accompagner, soutenir, aider, superviser l’élève (Paquay, Perrenoud, Altet, Étienne et Desjardins, 2014) dans la réalisation de ses devoirs dont l’objet est « d’approfondir et de consolider les apprentissages réalisés en classe ou de préparer les élèves pour des activités pédagogiques à venir » (CSE, 2009b, p. 14). Les devoirs sont « un élément important de la scolarisation [car ils] améliorent leurs apprentissages » (Québec, 2006, p. 10).

Toutefois, la décision de donner ou non des devoirs revient à l’enseignant (Québec, 2005) et dans les limites fixées par la Loi sur l’Instruction Publique (LIP) qui donne à l’enseignant le droit de « prendre les modalités pédagogiques qui correspondent aux besoins et aux objectifs pour chaque groupe ou chaque élève qui lui est confié » (LIP4, 2014, a. 19. 1). Ultimement, l’enseignant doit s’assurer que les devoirs choisis

4Québec, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2014). Loi sur l’instruction publique. Chapitre 2.

constituent un outil pédagogique efficace, un moyen de communication utile pour les parents et une expérience d’apprentissage bénéfique pour l’élève (Québec, 2006).

Les devoirs scolaires sont aujourd’hui une réalité scolaire du quotidien de l’école (Glasman et Besson, 2005). La réussite scolaire est déterminée par une « performance à des tests ou examens standardisés mesurant les connaissances ou les compétences dans une matière spécifique. [C’est une] indication de la qualité de l’éducation […] pour comparer plusieurs écoles » (UNESCO, 2007a, p. 414). Cette définition de l’UNESCO se réfère surtout à la scolarisation, c’est-à-dire, davantage au cheminement que doit parcourir l’élève à l’intérieur d’un réseau scolaire. Au Québec, environ 29 % des élèves sont considérés comme étant en échec, soit 36 % pour les garçons et 22 % pour les filles (Potvin et Pinard, 2010). Généralement, les élèves en situation d’échec scolaire, selon l’OCDE5 (Ibid.), ne parviennent pas à localiser certaines informations, à faire des

comparaisons ou des discriminations, à découvrir le sens d’un extrait de texte, à établir des liens entre un texte et leur expérience personnelle.

Différentes publications officielles, mais aussi scientifiques (CSE, 2008 ; de Blois, 2005) définissent la réussite scolaire à partir de trois perspectives qu’ils estiment interreliées : la réussite académique dans le parcours suivi par l’élève, la réussite éducative (objectifs de développement d’attitudes, de comportements et de valeurs) et la réussite sociale (correspondance entre la formation dispensée à l’école et la place que cette formation occupe dans la société). Le construit de réussite scolaire est polysémique et multidimensionnel. La réussite scolaire semble répondre d’abord à une lecture psychocognitive des résultats de l’élève (Reboul, 2010). Mais elle souligne aussi la nécessité d’apprécier les résultats de l’élève au regard de dimensions comportementales, sociales, affectives et physiques. C’est pourquoi la réussite scolaire semble concerner le

5 Durant la plus grande partie du XXe siècle, ce sont surtout les performances médiocres des filles qui préoccupaient les décideurs attentifs à la variation du rendement de l’éducation entre les sexes. Ce sont maintenant les moindres performances des garçons en compréhension de l’écrit qui sont source d’inquiétude. Les résultats des épreuves de compréhension de l’écrit du cycle PISA 2009 que les filles devancent les garçons dans tous les pays participants, de 39 points en moyenne (OCDE, 2009).

développement humain intégral (Perrenoud et coll., 2008 ; Perrenoud, 2006, 2008, 2013) en valorisant la transmission de savoirs, mais aussi l’acquisition des compétences, de savoir-faire et de savoir-être (Adell, 2011; Charlot, 2005), donc évoquant la réussite éducative.

À partir de ces trois perspectives, les écrits retiennent souvent divers indicateurs pour exprimer la réussite scolaire : les taux de fréquentation scolaire, les notes et les moyennes obtenues par l’élève, en classe ou aux examens officiels, les taux de rétention dans le système d’éducation, la diplomation (Baby et de Blois, 2005 ; Chenard et Fortin, 2005). Le concept de réussite scolaire est donc une notion multiréférentielle qui prend en compte de manière ensemblière les aspects d’accès à la qualification et à l’employabilité, le cheminement, la diplomation, l’insertion professionnelle (Chenard et Doray, 2005 ; CSE, 2008).

Quant à la notion de réussite éducative, Chenard et Fortier (2005) ainsi que Cloutier, Bellemare, Coté et Paré (2005) définissent celle-ci en fonction du critère d’insertion professionnelle des diplômés. « La réussite scolaire permet à l’élève qui répond aux exigences d’un programme d’études d’acquérir, puis de développer des compétences, l’autorisant ainsi à poursuivre ses études supérieures ou à s’intégrer au marché du travail » (Lapostolle, 2006, p.7). Pour certains chercheurs, « il n’y a pas de réussite scolaire sans réussite éducative » (Bouchard, Bourbeau, Berthelot et St-Amant, 1993, p. 2, voir Figure 3). Nous avons identifié plusieurs mots-clés lors de la recension des écrits portant sur la réussite scolaire. Dans les publications recensées, les mots clés employés pour définir la réussite scolaire sont : academic achievement, academic success, academic performance, school performance, student performance, student achievement, school effectiveness. Ces termes émergent lorsque nous interrogeons les banques de données sur le construit de réussite scolaire.

Figure 3 : Réussite scolaire signifie réussites académique, éducative et

sociale (Bouchard, Bourbeau, Berthelot et St-Amant, 1993)

Nous observons que le construit de réussite scolaire ne peut être envisagé selon une perspective uniquement inclusive sans aller au-delà des frontières scolaires (CSE, 2008 ; Houssaye, 2015). Une personne sans diplôme constitue une problématique sociale et sociétale (Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). . La question de la réussite scolaire et éducative se trouve en lien avec la problématique de la qualification versus absence de qualification. Elle interroge aussi la problématique de l’employabilité et de l’insertion professionnelle (OCDE, 2007). Conséquemment, la définition de la réussite scolaire dans les écrits scientifiques a opéré une conversion passant d’une définition centrée sur le « capital scolaire » à une définition qui réfère au « capital socioprofessionnel » (CSE, 2008, p. 15). En effet, « au-delà du diplôme, il y a aussi l’accès au marché du travail et l’accès “ réussi ” du futur travailleur au marché du travail » (Chenard et Fortier, 2005, p. 3). Pour Lapostolle (2006), « la réussite éducative embrasse une vision large de la réussite, qui transgresse les frontières scolaires et englobe autant la réussite personnelle que professionnelle » (p.7). Ces différentes définitions, plus ouvertes, de la réussite scolaire sont en cohérence avec la proposition de Baby pour qui instruire, socialiser et qualifier,

soit les trois missions de l’École québécoise, définiraient ce qu’est la réussite scolaire. Pour cet auteur, la réussite scolaire ne concernerait pas exclusivement que le volet “ instruire ” (Baby, 2010). Ces différentes manières de circonscrire la notion de réussite ne sont pas exhaustives. De plus, la réussite scolaire, dans l’esprit des élèves du secondaire, ne semble pas perçue comme une fin en soi, comme une réussite éducative, mais bien comme un moyen pour atteindre une réussite personnelle et une réussite professionnelle, traduisant en cela une certaine conception utilitariste de l’éducation selon Royer, Pronovost et Charbonneau (2004).

Interroger la réussite scolaire, c’est dès lors réfléchir aux conditions les plus favorables pour réussir l’école et réussir le projet d’éducation de l’élève. Afin de soutenir celui-ci dans ses activités dans et hors la classe, les enseignants et plus largement les éducateurs sont interrogés dans leurs capacités à proposer de nouvelles démarches pédagogiques, à concevoir des dispositifs de soutien et d’accompagnement aux activités de l’élève. Cela conduit aussi à penser la réussite scolaire en dehors de la classe et de l’établissement scolaire. C’est ici que l’activité des devoirs scolaires, activité à la marge de l’école et du hors l’école, interroge les dispositifs de soutien, d’accompagnement et d’aide. Par exemple, des dispositifs invitant les enseignants à accompagner sur le temps scolaire leurs élèves dans la réalisation de leurs devoirs.

Les devoirs constituent une donnée qui s’inscrit dans des politiques visant la réussite scolaire. Ces politiques parient sur l’hypothèse que cette réussite est conditionnée à l’efficacité des pratiques enseignantes (Holmes, 1993; Altet, Blanchard- Laville, Bru, 2012 ; Perrenoud, 2011). Ces politiques introduisent aussi formellement un agent de réussite et une condition : les parents et la relation École-famille-communauté. L’établissement scolaire est en effet aujourd’hui considéré comme un espace de vie scolaire, de vie éducative où différents acteurs (personnel de direction, professionnels de l’intervention éducative, élèves et parents) se retrouvent dans une nécessité objective et obligée de tout entreprendre et d’œuvrer ensemble pour faire réussir les élèves (Maubant et Roger, 2010). Des activités comme les devoirs scolaires, même si elles sont antérieures

à ces nouvelles politiques de réussite scolaire, semblent cristalliser ces enjeux d’interactions entre réussite académique, réussite éducative et réussite sociale.

2.2. Devoirs scolaires : une occasion de bousculer les temporalités