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Deux configurations expérimentales pour l’étude de la formine

4.2 Les méthodes utilisées pour visualiser des filaments individuels d’actine

4.3.2 Deux configurations expérimentales pour l’étude de la formine

la formine

Dans les résultats que nous verrons dans les chapitres qui suivent, nous nous concen- trerons essentiellement sur la processivité de la formine. Cette capacité est mesurée par son temps de résidence au bout barbé, qui se termine par un détachement de la formine. Comme nous allons le détailler, deux méthodes de mesure de ce temps découlent des deux techniques d’étude de la formine, en configuration ancrée ou libre. En configuration ancrée, on mesure le temps entre la nucléation du filament et son départ de la surface. En configuration libre, on mesure le temps entre l’association et la dissociation de la formine par l’intermédiaire du changement de vitesse d’élongation. Dans chacun des cas, on obtient alors une distribution de temps de détachement, menant après analyse à un taux de détachement, k1. C’est ce k1que l’on veut connaître dans diverses conditions, qui

nous renseigne sur la processivité , comme nous le verrons dans la partie résultats.

Mesure sans forces : les formines au bout barbé libre

Cette configuration utilise des filaments ancrés à la surface via des amorces d’actine- spectrine, ancrées non-spécifiquement à la surface de la chambre, passivée dans un second temps par de la BSA. Les formines interagissant avec des bouts barbés libres ne ressentent aucune force, et allongent le filament en se déplaçant avec le bout barbé dans le sens du flux (voir figure 4.12.C).

Cette configuration expérimentale avec le bout barbé libre est utilisée pour l’étude biochimique de la formine, telle que l’influence du sel ou de la concentration en actine par exemple (voir chapitre 5 et 6). L’alignement des filaments pendant l’expérience facilite le suivi de la dynamique de leurs bouts libres. Les images, montrant l’historique du filament à intervalle régulier, sont mises côte à côte au sein d’un kymographe. Celui-ci témoigne de sa dynamique (voir figure 4.12). Nous avons vu qu’en présence d’actine-profiline, la formine modifie la vitesse de polymérisation du bout barbé. On peut alors, simplement en étudiant le changement de vitesse de polymérisation, observer l’association de la formine avec le bout barbé, ainsi que sa dissociation.

Mesures avec forces : les formines ancrées

Dans les expériences avec formines ancrées, le mélange de PLL-g-PEG et de PLL-g- PEG-biotine est principalement utilisé comme passivation. Après incubation et rinçage, une solution de streptavidine est ajoutée (10µg.ml−1), pour saturer les biotines dispo-

FIGURE4.12 Effet de la formine sur un bout barbé libre, avec une solution d’actine mar-

quée à 12 % (1µM), de profiline (6 µM) et de KCl (100 mM), dans du tampon F. A : Les

amorces ancrées à la surface sont exposées soit à une solution d’actine-profiline (A-P, en vert), soit brièvement à une solution ne contenant que de la formine (en rouge). B : Dans un premier temps, la solution d’actine-profiline allonge le bout barbé nu. On vérifie ensuite que l’injection de formine a bien permis une association de la protéine (flèche "on") au bout barbé, en notant l’accélération (puisque les conditions amènent ici à une accélération) de la polymérisation suite à une nouvelle exposition à l’actine-profiline. Cette accélération est caractérisée par un changement de pente sur le kymographe. Le détachement de la formine (flèche "off") permet au bout barbé de reprendre sa polyméri- sation normale. C : schéma du filament vue de côté, en présence de la formine au bout barbé.

nibles. Les formines peuvent alors être ancrées par leurs étiquettes poly-histidines et via un anticorps anti-his biotinylé (injecté à environ 5µg.ml−1), ou par une étiquette SNAP, préalablement biotinylée via l’utilisation d’un marqueur "SNAP-biotin" (Biolabs) (voir figure 4.13).

Les multiples avantages de l’ancrage des formines Lorsque les formines sont ancrées

(voir figure 4.13), la friction du fluide sur les filaments qu’elles allongent exerce une tension sur la protéine. C’est comme cela que l’on peut étudier l’effet de la force sur l’activité de la formine [102], que nous développerons dans le chapitre 6. On peut également étudier leurs comportements avec de l’actine non marquée. En effet, en nucléant avec de l’actine marquée à 20% puis allongeant avec de l’actine non marquée ensuite, on peut créer un filament "hybride". La phase de nucléation nous permet de localiser le bout barbé précisément, soit l’emplacement de la formine. Puis ensuite, ce segment peut être suivi

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FIGURE4.13 La passivation au PLL-g-PEG/PLL-g-PEG-biotine, permet, via la streptavi-

dine, un ancrage spécifique des formines, par leur domaine FH2 ou FH1. A : L’ancrage

par le FH2 se fait via l’utilisation d’anticorps biotinylés anti-histidine (en violet), ancrés par une streptavidine, et qui interagissent avec l’étiquette spécifique poly-histidine. B : L’ancrage par le FH1 se fait via l’étiquette SNAP. Une fois biotinylée, elle peut s’ancrer spécifiquement à la streptavidine à la surface.

simplement, comme "poussé" de plus en plus loin par la polymérisation de l’actine non marquée (voir figure 4.14.B).

Nous considérons que le temps de résidence au bout barbé de la formine ancré correspond au temps entre le début de l’élongation avec l’actine non marquée, suivant la nucléation, et la disparition du filament.

Regarder l’activité de la formine avec de l’actine non marquée évite des artefacts dus à l’utilisation de monomères marqués, déjà mentionnés précédemment. Nous pouvons utiliser un microscope à épi-fluorescence pour pouvoir suivre les segments fluorescents puisqu’il n’y pas de monomères fluorescents en solution. Cette configuration ancrée est également plus physiologique : en plus de la présence d’actine non marquée dans la cellule, la formine est activée lorsqu’elle se lie et s’ancre en interagissant, via sa terminaison N, avec des protéines membranaires (voir figure 3.8).

De plus, Il existe certaines gammes de concentrations d’actine-profiline pour les- quelles les vitesses de polymérisation du bout barbé libre ou en présence de formine sont trop proches pour être distinguées. Ces conditions rendent difficile la détection de la formine dans une configuration en bout barbé libre, basée justement sur ces change-

ments de vitesse, comme expliqué précédemment. Un ancrage à la surface et un suivi du segment fluorescent (voir figure 4.14.B), permet l’étude de la formine au bout barbé dans de telles conditions biochimiques.

Les limites de l’ancrage des formines En revanche, le filament subit la friction vis-

queuse dans tous les cas. Ainsi même à très faible flux, la formine sera soumise à une force, même si très faible, ce qui n’est pas le cas de la situation en bout barbé libre. Aussi, l’ancrage en soi, par le domaine FH1 ou FH2, peut potentiellement modifier l’activité de la formine en comparaison avec le cas où la formine dans son entier est libre au bout barbé. Il faut donc s’assurer qu’aucun artefact ne soit créé par cette situation. Par exemple, l’effet de la force sur la vitesse d’élongation d’une construction de la formine mDia1 similaire à celle que j’ai utilisée dans les expériences [102], est indépendant du choix de l’ancrage (par ses domaines FH1 ou FH2).

Les deux méthodes (bout barbé libre ou ancré) seront donc utiles pour nos études biochimiques et mécaniques de l’activité de la formine.

FIGURE4.14 Élongation d’un filament "hybride" à partir de formine ancrée. A : La for-

mine est ancrée par le domaine FH1 et son étiquette SNAP biotinylée. On suppose que cet ancrage se fait par une seule biotine. On expose la formine à de l’actine marquée fluorescente. Cela crée le segment fluorescent. Puis on expose le filament à de l’actine non marquée. Haut : Images d’expériences. Bas : Schémas correspondants. B : Kymographe montrant l’élongation du filament. Après nucléation du filament avec l’actine marquée, le segment fluorescent s’écarte de la formine au fur et à mesure de l’élongation avec l’actine non marquée.

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