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4.2 Les méthodes utilisées pour visualiser des filaments individuels d’actine

4.3.4 Contrôler l’ancrage

Lorsqu’une formine relâche un filament dans une configuration en formine ancrée, alors celui-ci se fait emporter avec le flux. Ce détachement est spécifiquement étudié dans les expériences décrites dans les résultats (voir chapitre 5 et 6).

Le problème est que cette disparition du segment fluorescent peut également traduire d’autres événements artefactuels : l’arrachage du complexe formine-filament de la surface, provoqué par une rupture du lien formine-surface (voir figure 4.16.B). Dans ce cas, il n’y pas plus de nucléation possible à cet endroit.

Estimer le taux de détachement k

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, par la "renucléation"

Expérience de "renucléation" On cherche maintenant à mesurer le nombre de for-

mines actives durant nos expériences, ainsi que le taux de dissociation de la formine (noté

k1) et celui des événements d’arrachement des formines de la surface (noté k2).

A la fin d’une expérience, il reste une certaine fraction R = k1

k1+k2 de formines en-

core actives, par rapport au début de l’expérience. Ce ratio traduit la compétition entre l’événement de détachement du filament et l’arrachage de la formine.

Pour sonder la proportion de formines observées encore actives (R), il faut procéder à une expérience "de renucléation", après chaque expérience de détachement, comme suit. La chambre est exposée séquentiellement à des conditions de nucléation (tampon de polymérisation, KCl à 25 mM, 2µM d’actine marquée à 20 % et 0.4 µM profiline) et à des conditions d’élongation (tampon de polymérisation, KCl à 100 mM, 1µM d’actine non marquée et 4µM profiline). Chaque séquence dure 15 secondes et les images sont prises toutes les 30 secondes, dans les conditions sans monomères marqués. Des filaments "rayées" nous indiquent la position des bouts barbés (figure 4.16). En traçant le nombre de filaments apparaissant au cours du temps, on peut en déduire le taux de nucléation de la formine, qui est une propriété intrinsèque à la protéine et qui dépend des concentrations en sel, actine et profiline. Typiquement, le temps de demi-vie associé à cette nucléation est de l’ordre de la minute.

A chaque expérience de mesure de processivité, on enregistre l’emplacement de formines assemblant un filament. Elles sont au début au nombre de N0. Puis, au cours de

l’expérience de renucléation (≈ 30 minutes), on vérifie aux différentes localisations quelles formines sont encore présentes et capables d’assembler à nouveau des filaments. Le cas échéant, cela nous indique que précédemment elles ont participé aux événements de

FIGURE4.16 Expérience de renucléation. A : Champ de vision montrant les filaments "rayés", pris en microscopie à épi-fluorescence. B : Suivi de la renucléation d’une formine. Une première nucléation de 15 secondes (tampon F, KCl (25 mM), actine (marquée à 20%

et 2µM) et profiline (0.4 µM)) permet de localiser l’emplacement d’une formine active,

capable de nucléer. Puis suit l’élongation de 15 secondes avec de l’actine non marquée (tampon F, KCl (100 mM), actine (1µM) et profiline (4 µM)), pendant laquelle l’image du filament est prise. Un tel cycle de 30 secondes rajoute un segment fluorescent puis non marqué, et ainsi de suite (ne sont représenté ici que 3 cycles). La disparition du segment correspond à deux cas possibles : le détachement du filament depuis la formine (k1) ; ou

l’arrachage du complexe formine-filament (k2).

détachement plutôt qu’aux artefacts (voir figure 4.16). Sinon, on suppose que les formines ont été arrachées de la surface. Le nombre de formines encore actives déterminé avec cette expérience correspond à N0× R. On peut donc en déduire R.

Le taux de détachement (noté kobs) des filaments pendant l’expérience est également

mesuré. Il correspond à la somme des deux autres taux recherchés : kobs= k1+ k2.

Estimation du taux k1de dissociation de la formine Une fois que l’on obtient les va-

leurs du ratio R (R = k1

k1+k2) et de kobs(kobs= k1+ k2), cela pourrait nous donner directe-

ment les valeurs de k1et de k2.

Cependant, un autre problème entre en jeu. Au cours du temps nous nous sommes rendu compte que les formines pouvaient potentiellement se détériorer, comme nous le verrons ci-après. Entre le début et la fin d’une expérience de renucléation, les formines,

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sans être arrachées peuvent tout de même ne plus être capable d’assembler des filaments. Nous faisons alors une erreur d’estimation du ratio R, puisque en réalité :

R ≤ k1

k1+ k2

≤ 1. (4.14)

Pour résumer, le mieux que l’on puisse faire est d’estimer au mieux les barres d’erreurs des deux taux estimés en configurations ancrées. Elles nous donnent en définitive, une surestimation et sous-estimation du taux recherché, k1:

kobs× R < kobs ×

k1

k1+ k2< kobs⇒ kobs× R < k1< kobs

— Sur-estimation : On considère que la disparition des filaments ne correspond qu’à l’événement spécifiquement étudié, c’est-à-dire que les filaments se détachent de leurs formines. Dans ce cas idéal, le taux k2est nul (kobs= k1), et chaque formine

est capable d’assembler à nouveau un filament après détachement, la fraction de renucléation étant alors de 100 %.

— Sous-estimation : Suite à la détérioration de formine, elle n’est plus capable d’as- sembler un filament. L’expérience de renucléation ne nous permet pas de caracté- riser cette détérioration. Cette perte d’événement de détachements réduit le taux estimé k1au produit kobs× R, alors qu’en réalité, il est probablement un peu plus

grand.

Détérioration par le sel de la formine Concernant cette détérioration temporelle, si

l’expérience de renucléation ne nous permet pas de la caractériser, j’ai tenté d’observer l’effet du sel sur les formines, encore mal compris. L’action du sel sur la formine pourrait notamment dépendre du temps d’exposition car au cours de l’expérience, la population de formines actives décroit.

J’ai démarré une expérience de renucléation (voir figure 4.16), dans toute une chambre microfluidique. Toute la chambre a donc vu les mêmes conditions. Ultérieurement à cette expérience j’ai exposé, pendant 30 min, une partie de la chambre à du tampon avec 25 mM de KCl (voir figure 4.17.A), tandis qu’une autre partie était exposée à du tampon à 200 mM KCl (voir figure 4.17. B). Suite à cette exposition, je redémarre une expérience de renucléation. Pendant les premiers instants de l’expérience, la région ayant été exposée à 25 mM de KCl possède encore une petite vingtaine de formines capables de nucléer puis d’allonger des filaments. Dans la région qui a été exposé à 200 mM de KCl, seules 3 formines peuvent assembler un filament (voir figure 4.17). Cela suggère qu’une certaine détérioration existe lors d’une exposition de formine à du tampon fortement concentré

en KCl. Il semble qu’une forte concentration en sel détériore plus rapidement la formine qu’une concentration faible.

C’est remarquable d’observer que cette détérioration arrive pour la formine seule, n’ayant pas polymérisé de filament, et donc ne ressentant pas de contrainte mécanique. Ces résultats sont préliminaires, mais nous indiquent déjà que la concentration en sel doit être réduite pour préserver au maximum l’activité des formines. À 25 mM de KCl, cependant, la processivité de la formine est très importante en configuration bout barbé libre (voir chapitre 6). Ainsi, les formines ne se détachent que très rarement et allongent des filaments trop longs qui finissent par sortir du champ d’observation. Dans les expériences présentées dans les chapitres 5 et 6, les concentrations en sel varient entre 50 et 100 mM KCl, sauf si le contraire est indiqué. Inférieures à 200 mM, ces concentrations en sel devraient moins détériorer nos formines à la surface.

FIGURE4.17 Une haute concentration de sel semble accélérer la détérioration de for-

mines ancrées. A : Deux régions sont exposées, pendant une expérience de "renucléation",

aux mêmes conditions alternativement de nucléation et d’élongation. Les filaments que l’on voit sont assemblés par des formines à la surface. Dans les deux régions, la densité de filaments est semblable. B : Après une exposition à du tampon F avec du sel KCl à une concentration de 25 mM KCl pour la région de gauche, et 200 mM KCl pour la région de droite, une expérience de renucléation est de nouveau exécutée. Sont montrées l’image de chaque région 3 minutes après le début de l’expérience.

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