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La dette des SCA, qui a augmenté depuis la privatisation, leur permet de

Dans le document Avis 14-A-13 du 17 septembre 2014 (Page 47-52)

SECTION 2 : LA RENTABILITÉ EXCEPTIONNELLE DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES

C. La dette des SCA, qui a augmenté depuis la privatisation, leur permet de

184. Contrairement à toutes les prévisions faites avant la privatisation, la dette des SCA a, d’une manière générale, augmenté après la privatisation, conséquence notamment des modalités de financement de leur acquisition avec, en particulier le versement de dividendes exceptionnels par ASF et APRR (1). Toutefois, cette augmentation d’un endettement par ailleurs peu risqué leur permet en retour d’accroître le gain que les SCA retirent de la déductibilité des intérêts d’emprunts (2).

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1. L’AUGMENTATION DE LA DETTE DEPUIS LA PRIVATISATION

185. Les SCA doivent, annuellement, transmettre au concédant une étude prévisionnelle, comme les SEMCA devaient le faire avant la privatisation. L’Autorité a obtenu communication de ces études – confidentielles – et a pu comparer celles des années 2004 et 2005 avec les plus récentes.

186. Dans tous les cas, ces études indiquent que la dette des SCA sera éteinte à la fin des concessions. En effet, les concessions autoroutières ont une fin et doivent retourner au concédant à une date fixée d’avance. Si la dette n’est pas totalement remboursée à ce moment-là, elle resterait à la charge des SCA (et de leurs actionnaires) qui ne disposeraient plus d’aucun cash-flows pour en couvrir les coûts. Les études des années 2004 et 2005 prévoyaient donc une baisse progressive de la dette confirmée par le rapport parlementaire précité de 2005 qui soulignait que « l’endettement actuel des SCA est appelé à se stabiliser dans les prochaines années en raison de l’achèvement des programmes d’investissements qui figurent dans leur contrat de concession ».

187. Or, il apparaît que cette stabilisation puis cette baisse progressive de l’endettement ne se sont pas réalisées, en particulier pour ASF et APRR. Le montant total des dettes des SCA a continué à progresser après la privatisation, comme le montre le tableau suivant :

188. Alors que le total des dettes avait commencé à diminuer entre 2004 et 2005, conformément à ce qui était prévu, il est immédiatement reparti à la hausse en 2006. En 2006, le total des dettes s’élevait à 20,950 milliards d’euros. Huit ans plus tard, en 2013, il atteint 23,866 milliards d’euros. Neutralisé de COFIROUTE, ce total est passé de 17,950 milliards d’euros à 21,01 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 17 %.

189. Les évolutions sont toutefois différentes selon les SCA. On observe ainsi que SANEF/SAPN a aujourd’hui une dette en diminution par rapport à 2005 et qu’elle est sur une trajectoire descendante depuis la privatisation, comme d’ailleurs COFIROUTE sur la même période. En revanche, ASF/ESCOTA et APRR/AREA se distinguent par une forte augmentation de leur dette, conséquence des modalités de leur acquisition (voir supra). En effet, APRR et ASF ont, respectivement, versé des dividendes exceptionnels à hauteur de 1,7 et 3,3 milliards d’euros en 2006/2007, lesquels ont été financés par un endettement équivalent. C’est ce dividende exceptionnel qui explique, pour une large part, l’augmentation de l’endettement global des SCA.

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190. Si l’endettement des SCA a augmenté, c’est également parce qu’elles ont continué, après la privatisation, à réaliser des investissements importants sur l’infrastructure autoroutière, comme l’a montré l’évolution de leur actif net immobilisé. Or, ceux-ci peuvent être financés soit par l’endettement, soit par l’autofinancement. Or, elles ont toutes confirmé, lors de l’instruction, recourir à l’endettement pour financer, au moins en partie, leurs nouveaux investissements. Même si les emprunts sont remboursés au fur et à mesure, les SCA en ont toutes contracté de nouveaux, de sorte que le niveau global des dettes augmente.

191. Par cohérence, la trajectoire de remboursement de leur dette dans les études prévisionnelles des années postérieures à la privatisation a été modifiée dans le sens d’un report, comme le montrent les graphiques reproduits à l’annexe 9.

2. UN AVANTAGE FISCAL CONSIDÉRABLE LIÉ À LA DÉDUCTIBILITÉ ILLIMITÉE DES INTÉRÊTS DEMPRUNTS

192. Si l’augmentation des dettes des SCA est un choix des actionnaires, largement dicté par les modalités d’acquisition de celles-ci, rendu possible par l’indifférence des créanciers au taux d’endettement net considérant le niveau et l’évolution probable des cash-flows, il leur permet également de bénéficier de dispositions fiscales très favorables.

193. En application de l’article 39 du code général des impôts, les charges financières sont déductibles pour l’établissement du résultat imposable. Toutefois, parce que cette déductibilité sans limite était très coûteuse pour les finances publiques, l’article 23 de la loi de finances pour 2013 l’a limitée par un « rabot » prenant la forme d’une réintégration de 15 % (puis 25 % à compter de 2014) des charges financières nettes supportées par toute entité imposable à l’IS.

194. Toutefois, sur amendement du gouvernement, soucieux de limiter les conséquences financières de cette mesure sur les délégataires de service public parfois très endettés et fragiles, le « rabot » n’est pas applicable, aux termes du V de l’article 212 bis du CGI,

« aux charges financières supportées par le délégataire, concessionnaire et partenaire privé, afférentes aux biens acquis ou construits par lui dans le cadre d'une délégation de service public mentionnée à l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ». Par conséquent, les sociétés concessionnaires d’autoroutes bénéficient toujours, à l’instar de l’ensemble des délégataires de service public, d’une déductibilité illimitée de leurs charges financières.

195. Considérant la dette qui est la leur et les charges d’intérêts qui en résultent, cette disposition fiscale est très favorable aux SCA qui peuvent ainsi réaliser des économies d’impôts importantes, comme le montre le tableau suivant :

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en milliers d'euros

Économie d'impôt théorique que les SCA réalisent grâce aux emprunts contractés Taux d’imposition théorique utilisé = 34,43 %

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

ASF […] […] […] […] […] […] […] […]

ESCOTA […] […] […] […] […] […] […] […]

COFIROUTE […] […] […] […] […] […] […] […]

APRR […] […] […] […] […] […] […] […]

AREA […] […] […] […] […] […] […] […]

SANEF […] […] […] […] […] […] […] […]

SAPN […] […] […] […] […] […] […] […]

Total 445 291 461 812 478 613 416 175 406 403 417 068 418 118 393 642

Source : sociétés concessionnaires d’autoroutes

196. L’avantage fiscal lié à la déductibilité illimitée des charges d’intérêt emprunts s’élève donc à 430 millions d’euros par an depuis 2006. Au total, depuis cette date, les SCA ont bénéficié de cette disposition fiscale à hauteur de 3,4 milliards d’euros. Comme le relève le rapporteur général du Budget de l’Assemblée nationale, il est évident que « ce régime favorise le financement par endettement, au détriment du financement en fonds propres » 15.

197. À partir des informations communiquées par les SCA, l’Autorité a reconstitué l’impôt théorique qui aurait dû être payé en 2012 et 2013 si le « rabot » leur était applicable. Avec un taux théorique d’imposition de 34,43 %, les impôts supplémentaires théoriquement perçus auraient été respectivement de 62,7 millions d’euros et 59 millions d’euros pour l’ensemble des SCA « historiques ».

198. En conclusion, si le poids de leur dette est régulièrement mis en avant par les SCA, il n’apparaît pas de nature à justifier la rentabilité exceptionnelle qui est la leur. En effet, très lourde en valeur absolue, la dette est cependant tout à fait soutenable compte tenu des cash-flows générés par l’activité, lesquels sont importants et, sauf crise majeure, croissants jusqu’à la fin de la concession. Ce fait est connu des créanciers des SCA et explique que celles-ci, bien que sous capitalisées et affichant un taux d’endettement supérieur à toutes les normes communément admises, puissent distribuer à leurs actionnaires, via les holdings dédiées, une part considérable de leur bénéfice et même au-delà. L’absence de risque de l’activité a pour conséquence l’absence de risque de la dette. Dès lors, n’étant pas contraintes de diminuer leur dette avant la fin de leur concession, les SCA ont pu continuer à s’endetter depuis la privatisation, notamment pour financer des dividendes exceptionnels et, ainsi, bénéficier des dispositions fiscales favorables liées à la déductibilité sans limite des charges financières. Si la dette des SCA est, pour une large part, héritée du passé, son augmentation de 14 % depuis 2006 (+17 % hors COFIROUTE) depuis la privatisation relève du choix de leurs actionnaires.

199. Comme il a été dit en introduction, c'est le risque qui justifie la rentabilité d’un investissement. Plus un investissement est risqué et plus il doit être rentable. L’Autorité s’est donc attachée, dans cette section, à analyser les risques pesant sur l’activité d’exploitation d’une concession autoroutière afin de mesurer si la rentabilité nette exceptionnelle de celle-ci, constatée dans la section 1, était bien justifiée.

200. Le premier des risques d’une concession autoroutière est celui d’une baisse du trafic. En entraînant une baisse du chiffre d’affaires, elle diminuerait la rentabilité opérationnelle

15 Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2013, Tome II, octobre 2012.

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jusqu’à compromettre le remboursement de la dette, alors même que le modèle financier repose sur un fort endettement. Or, à l’analyse, il apparaît que le trafic, globalement, a toujours progressé depuis des décennies, même si c’est plus faiblement aujourd’hui que par le passé. De plus, compte tenu des modalités de tarification, même lorsque le trafic baisse, le chiffre d’affaires des SCA continue de progresser, même au plus fort de la crise financière des années 2008-2009. Enfin, la concession autoroutière est un monopole, protégé par l’État autant que par la substituabilité très partielle avec les autres modes de transports et une faible élasticité prix de la demande. Le risque de l’activité apparaît donc très limité.

201. Deuxième risque, celui d’une forte augmentation des charges. Ce risque n’en est pas un puisque les charges des SCA, assises sur des réseaux parvenus à maturité, sont, pour l’essentiel, des charges fixes qui apparaissent par ailleurs parfaitement maîtrisées, soutenables et prévisibles sur le long terme. Depuis dix ans, elles ont progressé moins vite que le chiffre d’affaires, voire ont baissé pour certaines d’entre elles.

202. Enfin, le dernier risque et le plus fréquemment mis en avant est celui de la dette. S’il est vrai que la dette nette des SCA est très élevée – plus de 23 milliards d’euros aujourd’hui, ce niveau ne présente pas de risque en lui-même. Les cash-flows générés par l’activité sont tels qu’ils permettent, jusqu’à la fin de la concession, sauf crise majeure entraînant un effondrement du trafic autoroutier, le remboursement de cette dette, si bien que la quasi-totalité des bénéfices des SCA peuvent être distribués aux actionnaires afin de leur permettre de rembourser leur dette d’acquisition et de rémunérer les capitaux qu’ils ont apportés. En d’autres termes, si toute dette présente un risque, celle des SCA apparaît très peu risquée compte tenu du risque très limité de l’activité elle-même.

203. Au final, si l’exploitation d’une concession autoroutière présente un risque, comme toute activité économique, celui-ci n’apparaît pas de nature à justifier une rentabilité nette atteignant jusqu’à 24 % comme c’est le cas actuellement pour l’ensemble des SCA

« historiques ».. Par conséquent, en les privatisant en 2006, l’État a vendu une rente qui, compte tenu du modèle financier des concessions autoroutières et sauf crise majeure entraînant un effondrement du trafic, sera croissante jusqu’à la fin des concessions.

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SECTION 3 : LES MARCHÉS DE TRAVAUX DES SOCIÉTÉS

Dans le document Avis 14-A-13 du 17 septembre 2014 (Page 47-52)