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Le contrat de plan devrait se limiter à une compensation ex ante des

Dans le document Avis 14-A-13 du 17 septembre 2014 (Page 99-104)

SECTION 3 : LES MARCHÉS DE TRAVAUX DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES

B. La modification de la formule d’indexation du tarif des péages doit

1. Le contrat de plan devrait se limiter à une compensation ex ante des

429. La compensation des investissements prévus par les contrats de plan se fait par une évaluation ex ante de leurs coûts. Elle est calculée de façon globale en incluant le coût initial des travaux, celui de la maintenance et du renouvellement ainsi que les flux positifs induits. Il a été démontré, dans le cadre de l’analyse des contrats de plan d’APRR et d’AREA, que les coûts initiaux des investissements tels qu’estimés ex ante pouvaient être différents du coût réel de ceux-ci.

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430. Par cohérence avec ce constat, l’Autorité a analysé la possibilité que la compensation de ces investissements se fasse à leur coût réel. Toutefois, compte tenu de la nature du contrat de concession (a) comme des conséquences financières d’un tel changement (b), cette compensation au coût réel ne serait pas dans l’intérêt des consommateurs. En revanche, même si la compensation des investissements est toujours calculée ex ante, il apparaît nécessaire de limiter la loi tarifaire des contrats de plan à cette seule compensation sans aller au-delà de la hausse réglementaire (c).

a) La nature du contrat de concession

431. D’origine prétorienne, la concession de service public se définit comme un contrat par lequel une personne publique concédante confie à un concessionnaire (personne publique ou privée) l'exécution d'un service public, à ses risques et périls, en contrepartie d’une rémunération substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation dudit service.

432. Les autoroutes ont, en France, toujours été exploitées sous le régime de la concession, ainsi qu’il a été indiqué supra (voir § 7 et suivants)

433. De fait, les investissements que réalisent les sociétés concessionnaires d’autoroutes dans le cadre de leur concession ne font pas l’objet de compensation. C’est à elles et à elles seules de décider quels investissements sont nécessaires, étant précisé toutefois qu’il leur appartient, en tant que concessionnaires et sous le contrôle du concédant, de maintenir en l’état les ouvrages et les installations qui leur ont été concédés. Ces dépenses d’entretien et de grosses réparations, de même que tous les investissements relatifs à l’exploitation des autoroutes, sont donc faits à leurs risques et périls.

434. Toutefois, ce principe d’une exploitation aux risques et périls du concessionnaire se limite aux obligations prévues par le cahier des charges. La contrepartie de celles-ci consiste en une rémunération qui assure l’équilibre financier de la concession. Toute obligation supplémentaire qui serait imposée au concessionnaire par le concédant, dès lors qu’elle remettrait en cause cet équilibre, lui donne droit à une indemnité couvrant intégralement les charges nouvelles.

435. L’État ne peut donc pas imposer aux SCA de nouvelles obligations sans que celles-ci soient intégralement compensées. C’est la raison pour laquelle les contrats de plan, en contrepartie des investissements auxquels s’engagent les SCA, les fait bénéficier d’une loi tarifaire calculée de telle sorte que les coûts de ceux-ci soient nuls. La compensation de ces investissements n’est donc pas contraire au contrat de concession mais une conséquence nécessaire de celui-ci. Elle découle du droit du concessionnaire à l’équilibre financier de son contrat.

436. Or, sur le plan formel, les contrats de concessions sont modifiés par avenant une fois les contrats de plan signés et les investissements prévus par ces derniers sont intégrés dans le cahier des charges du concessionnaire. Ils ne se distinguent donc pas des autres investissements (entretien et grosses réparations) que doivent réaliser les SCA en application de leur contrat de concession. Par conséquent, les investissements prévus par les contrats de plan doivent, comme ces derniers, être réalisés aux risques et périls du concessionnaire. Même si leur coût réel est inférieur au montant de la compensation, il est dans la nature du contrat de concession que le concessionnaire conserve le gain, de la même manière qu’il devrait assumer la perte si le coût réel se révélait supérieur. Comme le souligne également la Cour des comptes dans son rapport précité, « la nature du contrat de concession, qui fait peser le risque sur le concessionnaire, ne peut permettre au concédant de récupérer la différence entre le coût prévisionnel et le coût réel des investissements ».

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b) Les risques pour le concédant et les usagers d’une compensation à leur coût réel des investissements des contrats de plan

437. Au-delà de cet obstacle juridique lié à la nature même du contrat de concession, il n’est pas certain qu’une compensation au coût réel des investissements prévus par les contrats de plan, par ailleurs bien plus compliquée à mettre en œuvre, soit plus avantageuse pour le concédant et les usagers qu’une compensation ex ante.

Le risque d’un dérapage du coût des travaux

438. Comme l’avait souligné le Conseil de la concurrence dans son avis précité, « si les tarifs sont régulés de manière à empêcher la constitution d’une rente, alors l’exploitant aura intérêt à réaliser les travaux au meilleur coût, soit par la procédure d’appels d’offres pour trouver, sur le marché, l’entreprise la plus efficace, soit en faisant lui-même les efforts de productivité pour atteindre le même niveau d’efficacité, s’il choisit de faire réaliser la prestation par une entreprise du groupe ». La compensation ex-ante participe de cette régulation des tarifs en plafonnant (« price cap ») le montant auquel les SCA peuvent prétendre pour les investissements prévus par les contrats de plan, les incitant ainsi à rechercher le prix le plus bas afin d’augmenter (ou de préserver) leur marge. C’est ainsi qu’en raison de ce mécanisme de compensation, les obligations de publicité et de mise en concurrence bénéficient aux SCA et non, directement, aux consommateurs.

439. À l’inverse, compenser au coût réel signifie que le risque de l’investissement serait supporté par le concédant et, au-delà, par les usagers via la hausse supplémentaire des tarifs des péages qui découlerait d’éventuels surcoûts. Or, ces risques ne sont pas négligeables, notamment parce que ce nouveau mécanisme de compensation pourrait modifier le comportement des SCA.

440. Bénéficiant d’une compensation de leurs investissements au coût réel, les SCA ne seraient évidemment plus incitées à réaliser leurs travaux au meilleur coût, ce qui n’est déjà pas forcément le cas (voir supra). Alors qu’aujourd’hui, sauf pour ESCOTA, le critère prix est surpondéré, rien ne leur interdirait d’inverser les pondérations et de privilégier désormais le critère de la valeur technique. La notation très subjective de celui-ci est susceptible de permettre aux SCA de favoriser les entreprises liées selon des modalités très difficilement décelables et sanctionnables. Non seulement le dérapage des coûts qui en résulterait leur serait intégralement compensé mais la baisse (temporaire) de leur marge résultant d’un prix payé plus élevé serait sans effet sur la rentabilité du groupe puisque celle-ci serait simplement transférée à l’entreprise liée de travaux routiers.

441. Par conséquent, ne bénéficiant pas aujourd’hui aux usagers, les obligations de publicité et de mise en concurrence ne leur bénéficieraient pas plus s’il était tenu compte des coûts réels des investissements compensés. Bien au contraire, les consommateurs seraient les premières victimes d’un dérapage de ces coûts très probable avec la disparition de l’incitation à les maîtriser que constitue le mécanisme de compensation ex-ante.

Le risque d’une inflation accrue des tarifs des péages

442. Le coût réel des investissements compensés ne peut être déterminé qu’à la fin de la concession. Sont en effet pris en compte non seulement leur coût initial mais également leurs coûts de maintenance et de renouvellement comme les recettes induites par ledit investissement, lesquels s’apprécient sur toute la durée de la concession, comme d’ailleurs les hypothèses macroéconomiques encadrant la compensation.

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443. Toutefois, il est possible d’imaginer qu’un premier bilan de la compensation soit fait à la fin des contrats de plan, mettant en évidence une sous ou une surcompensation temporaire de l’investissement. Dans ce cas, les tarifs pourraient s’ajuster tous les cinq ans.

444. S’il présente des avantages, cet ajustement au fil de l’eau comporte un grave inconvénient.

En effet, une compensation au coût réel des investissements des contrats de plan, outre la prise en compte d’un coût initial éventuellement plus élevé que le coût estimé, re-transfèrerait le risque de trafic, qui est la variable la plus importante pour le calcul de la loi tarifaire, du concessionnaire au concédant (et, in fine aux usagers). Si une crise de l’ampleur de celle de 2009 devait se produire à nouveau, conjuguée à l’inflation du coût initial des investissements, la conséquence serait une augmentation supplémentaire du tarif des péages à l’issue du contrat de plan concerné afin de rétablir provisoirement l’équilibre financier de celui-ci et ce, même si le trafic devait par la suite repartir à la hausse.

445. Au-delà de la question de savoir qui devra établir s’il y a sous-compensation des investissements et selon quelles modalités, l’éventuel refus de l’État de reconnaître une sous-compensation alléguée par les SCA aurait toutes les chances d’être contestée devant le juge administratif. De même, obligé de reconnaître une sous-compensation et, par conséquent, contraint à valider une hausse supplémentaire des tarifs des péages, il n’est pas exclu que l’État la refuse, suscitant de nouveaux contentieux avec les SCA.

446. L’exemple récent des tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz naturel montre bien les difficultés et les risques d’une compensation au coût réel. En application de l’article L. 445-3 du code de l’énergie, « les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts ».

447. Or, comme l’a souligné l’Autorité dans son avis n° 13 A-09 du 25 mars 2013 concernant un projet de décret relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, le gouvernement a toutefois été amené assez rapidement à s’écarter de cette logique de couverture des coûts dès lors qu’elle aurait du avoir pour conséquence une augmentation sensible des TRV du gaz. Saisi par GDF, le Conseil d’État a annulé plusieurs arrêtés tarifaires et a enjoint au gouvernement de prendre de nouveaux arrêtés tarifaires qui soient conformes aux formules tarifaires tout en organisant le rattrapage des gels et limitations du montant des TRV passés sur les futurs TRV.

448. En théorie, il est donc possible que, confronté à des demandes justifiées de hausse supplémentaire des tarifs des péages, d’autant plus importantes qu’elles pourraient porter sur la régularisation de plusieurs années consécutives de baisse de trafic et de nombreux investissements dont les coûts auraient flambé, l’État choisisse de privilégier le pouvoir d’achat des usagers et refuse de les satisfaire, en contradiction avec les modalités de calcul de la compensation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, comme pour les TRV du gaz naturel, il appartiendrait alors au Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement d’augmenter les tarifs des péages afin de couvrir les surcoûts enregistrés par les SCA. In fine, ce sont donc les consommateurs qui assumeront seuls, lors du bilan des contrats de plan tous les cinq ans, le risque d’une baisse temporaire du trafic comme celui du dérapage du coût des travaux, bien réel si était supprimée l’incitation à les maîtriser que constitue la compensation via une estimation ex ante de leur coût.

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Le constat d’une surcompensation des investissements à l’issue des concessions ne bénéficierait pas aux consommateurs

449. Le constat d’une sous ou d’une surcompensation des investissements prévus par les contrats de plan ne pourra se faire qu’à l’issue du contrat de concession. Dans ces conditions, deux cas sont à distinguer qui, pour des raisons différentes, sont également défavorables aux consommateurs :

- en cas de surcompensation des investissements par les péages, la logique voudrait que les SCA remboursent le trop-perçu. Toutefois, comment le pourraient-elles puisque l’État ayant repris l’exploitation des autoroutes, elles se retrouveront sans actif, sans objet et sans revenu ; logiquement, elles devraient être liquidées par leur actionnaire. À supposer toutefois qu’elles aient constitué des provisions dans cette éventualité, elles ne pourront rembourser le trop-perçu qu’au concédant et non aux usagers qui, individuellement, auront surpayé pendant vingt ans les tarifs des péages.

C’est pourquoi, paradoxalement, alors même que l’État serait peut-être à l’origine de la surcompensation en n’ayant pas négocié correctement la loi tarifaire, c’est lui qui bénéficierait in fine de sa propre défaillance ;

- à l’inverse, en cas de sous-compensation, ce sera au concédant de combler la perte des SCA, c'est-à-dire aux contribuables via le budget de l’État.

450. En définitive, pour l’Autorité, le mécanisme actuel de compensation ex ante des investissements prévus dans les contrats de plan, malgré ses imperfections évidentes, présente moins de risque pour le concédant et les usagers qu’une compensation au coût réel. Toutefois, des améliorations de ce mécanisme, conformes aux règles de la concession, sont possibles et même nécessaires afin que les intérêts de ces derniers soient mieux protégés.

c) La loi tarifaire des contrats de plan devrait se limiter à compenser les investissements qu’ils prévoient

451. Quelle que soit la formule d’indexation retenue, elle n’aura pas vocation à s’appliquer si elle n’est pas par ailleurs incluse dans les contrats de plan puisque ce sont ces derniers qui définissent la loi tarifaire applicable. Il sera donc toujours possible au concédant et aux SCA, comme c’est le cas actuellement, de négocier dans le cadre d’un contrat de plan une évolution du tarif des péages supérieure à la hausse réglementaire. C’est pourquoi la mise en œuvre d’une nouvelle formule d’indexation serait vaine si les contrats de plan allaient au-delà de la hausse en résultant. Aussi doivent-ils se limiter à la stricte compensation des investissements sans rajouter à la hausse découlant de la nouvelle formule.

452. Le décret du 24 janvier 1995 pourrait donc être modifié afin de prévoir expressément que la hausse du tarif des péages résultant d’un contrat de plan ne pourra être supérieure à la hausse réglementaire complétée par la compensation des investissements.

453. Le fait que la loi tarifaire n’aille pas au-delà de la hausse réglementaire pourrait toutefois être de nature à compromettre la signature des contrats de plan. En effet, sans l’incitation que constitue une hausse du tarif des péages plus importante que la hausse réglementaire, les SCA n’auraient rien à gagner à consentir à des investissements supplémentaires dont elles porteraient seules les risques et ce, d’autant plus que la création d’une autorité indépendante pourrait rééquilibrer les négociations en faveur du concédant (voir infra).

454. Cependant, même si les SCA refusaient de signer un contrat de plan, le concédant serait néanmoins en mesure de leur imposer des travaux supplémentaires dans l’intérêt du service

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public. Comme l’explique la SANEF, « les investissements compensés sont déterminés par le concédant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, au-delà du contrat de concession. [Ils] s’analysent juridiquement comme des modifications des ouvrages prévus par le contrat de concession d’origine et il est normal, conformément aux principes généraux du droit des contrats administratifs, qu’ils fassent l’objet d’une compensation tarifaire spécifique ». Contrat de plan ou pas, l’État dispose d’un pouvoir de modification unilatérale, reconnu par le Conseil d’État depuis l’arrêt du 21 mars 1910 Compagnie générale française des tramways précité. Il pourra donc modifier dans l’intérêt du service public autoroutier le contrat de concession des SCA à condition que les modifications – consistant en des travaux supplémentaires – leur soient intégralement compensées, comme c’est le cas actuellement.

455. Sur ce point, rien ne changera donc, si ce n’est l’éventuelle opposition des SCA. Parce qu’elles seraient en droit de saisir le juge du contrat contre cette modification unilatérale du contrat de concession et se lancer dans un long contentieux, la réalisation des travaux pourrait être considérablement retardée par rapport à un contrat de plan.

Recommandation n° 2 : Limiter la loi tarifaire des contrats de plan à la stricte compensation des investissements sans aller au-delà de l’indexation réglementaire.

2. LE CONTRAT DE PLAN DEVRA ÊTRE SOUMIS POUR AVIS À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE

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