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description du problème de l’action

Nous avons pour objectif l’étude des actions. Mais qu’entendons-nous par « actions » ? Nullement qu’il y aurait des « choses propres aux êtres humains » (au sens de

quelque chose d’interne à chaque être humain) dont nous voudrions percer la nature. Il nous

semble plutôt utile de nous placer ici dans le cadre de l’ontologie évènementielle et de l’ontologie descriptive de D. Davidson.87 Nous allons considérer qu’il se produit des évènements qui entrent dans la catégorie des actions quand on les décrit d’une certaine manière.

3.3.1 Une définition liminaire de l’action

Définition 1 : Nous appelons action tout événement physique concernant un système qui nous permet de tenir ce système pour vivant.

Cette définition appelle deux commentaires :

- Etre vivant n’est pas une propriété qui peut être définie de manière intrinsèque, il s’agit d’une propriété relationnelle : nous sommes vivants eu égard à la relation que nous entretenons avec notre environnement. C’est en ce sens que nous disons que l’événement physique concerne le système.

- Nous appelons donc action tout événement physique qui peut être décrit d’une manière qui permette de tenir sans ambiguïté comme vivant le système à qui nous attribuons l’action. La définition d’une action renvoie donc de manière directe à la

87

Pour des précisions sur cette ontologie, nous renvoyons le lecteur à l’annexe 2 pour des commentaires sur l’article Les évènements mentaux de D. Davidson.

définition de ce qu’est un être vivant. Nous pourrions dire que l’action n’est rien de plus qu’une manière de décrire à un instant t de manière dynamique un système caractérisé comme vivant. Il n’y a rien à rajouter à l’événement physique pour en faire une action : il s’agit seulement de voir que l’événement peut être décrit d’une certaine manière.

Définition 2 : Nous appelons action humaine tout événement physique concernant un être vivant qui nous permet de tenir cet être vivant pour humain.

A nouveau, cette définition appelle deux commentaires identiques aux précédents :

- Etre humain n’est pas une propriété qui peut être définie de manière intrinsèque, il s’agit d’une propriété relationnelle : nous sommes humains eu égard à la relation que nous entretenons avec notre environnement.

- Nous appelons donc action humaine toute action qui peut être décrite d’une manière qui permette de tenir sans ambiguïté comme humain l’être vivant à qui nous attribuons l’action. La définition d’une action humaine renvoie donc de manière directe à la définition de ce qu’est un être humain. Il n’y a rien à rajouter à l’action pour en faire une action humaine : il s’agit de voir seulement que l’action peut être décrite d’une certaine manière.

Lorsque nous sommes en présence d’un sujet qui agit inefficacement et semble être en échec lors de l’apprentissage, il est important d’éviter de succomber à la tentation de croire que le problème qui se pose à l’enseignant peut être décrit de manière unique. Cependant, sous une certaine description, c’est-à-dire en se posant certaines questions, les solutions peuvent apparaître plus facilement. Or, il semble que la forme sous laquelle le problème peut apparaître est tributaire de la façon dont on décrit l’action inefficace. En d’autres termes, pour poser de manière satisfaisante le problème d’une action peu efficace, il est nécessaire de choisir avec soin la description de cette action.

Nous allons donc centrer notre étude sur les manières de décrire l’événement et non pas sur l’événement tel qu’il pourrait être éventuellement indépendamment de toute description. Dés lors, il apparaît important de cerner ce qui génère des différences entre plusieurs manières de décrire un même évènement. Nous nous restreindrons au cas où cet événement entre dans la classe des actions, c’est à dire finalement dans le cas où un consensus s’est dégagé entre les différents observateurs qui ont décrit l’événement. Il nous faut montrer que la classe des actions intentionnelles que nous allons maintenant définir est pertinente pour élaborer une pédagogie en EPS adaptée à certains comportements.

3.3.2 La forme de description d’une action intentionnelle

Qu’est ce qui génère la distinction que nous faisons entre ces deux descriptions d’une même action d’un footballeur ?

- « Son pied a frotté le ballon de gauche à droite et de bas en haut, le ballon est alors passé au dessus du mur de joueur avant de renter dans les cages en pleine lucarne. »

- « Le joueur a brossé son ballon de manière à ce que la trajectoire du ballon évite le mur des joueurs et trompe le gardien en logeant le ballon dans la lucarne. »

Nous distinguons de façon assez évidente que la seconde description précise que cette action était intentionnelle. Mais à quoi tient cette distinction que nous sommes capable d’établir ? G.E.M. Anscombe retient cette idée88 :

« Ainsi beaucoup de descriptions d’évènements reposent directement sur le fait que nous possédons la forme de description des actions intentionnelles. »

Quelle serait donc la forme de la seconde description indiquant l’action et l’intention probable à l’origine de l’action que ne posséderait pas la première description ?

G.E.M. Anscombe répond ainsi à cette question89 :

« En réalité, le terme « intentionnel » renvoie à une forme de description d’évènements. Le résultat de notre enquête sur la question « Pourquoi ? » manifeste ce qui est essentiel à cette forme. Les événements sont typiquement décrits dans cette forme quand on attache à leur description « afin que », ou « parce que » (pris dans l’un des sens de cette locution) : « J’ai glissé sur la glace parce que je me sentais enjoué.» »

Nous analyserons dans le chapitre suivant l’enquête de E. Anscombe sur la question : « Pourquoi ? » de manière à cerner le lien qu’établit l’auteur entre les réponses à cette question et l’ensemble des actions intentionnelles. Nous tenons à définir une action comme une action intentionnelle, seulement sous une certaine description. Si nous pensions que l’action est intentionnelle indépendamment de toute description, nous pourrions alors oublier la mise en garde de G.E.M. Anscombe contre la tentation de croire que « certains événements que l’on peut caractérisés comme intentionnels ou non-intentionnels forment un ensemble naturel, et que « l’intentionnalité » n’est jamais qu’une propriété supplémentaire que les philosophes devraient essayer de décrire. »90 Nous pourrions alors également penser que, dans le cas d’actions intentionnelles, il se trouverait naturellement dans la tête du sujet qui agit quelque chose pouvant représenter cette intentionnalité. Et cette chose n’existerait pas chez un sujet agissant de manière non-intentionnelle. Ce que nous voulons établir, c’est que dans certains cas, adopter cette position en EPS est susceptible de provoquer l’apparition de problèmes épistémologiques et pédagogiques.

Nous portons au contraire un très grand intérêt à l’idée selon laquelle91 :

« En réalité le terme « intentionnel » revoie à une forme de description d’évènements. »

Cette idée nous permettra par la suite de mettre en relation un certain type de situations avec un certain type d’actions. Grâce à cette relation, nous définirons un concept de régularité comportementale qui nous permettra de prévoir les actions d’un sujet et de les comprendre sans donner une position privilégiée au sujet ou aux explications qu’il pourrait fournir lui-même.

88

G.E.M. Anscombe, (2002), p. 145

89

G.E.M. Anscombe, (Ibid), p. 145-146

90

G.E.M. Anscombe, (Ibid), p. 145

91

3.3.3 Deux applications au concept de forme des descriptions des

actions

3.3.3.1 Première application : étude de la dissymétrie entre la forme de

l’action d’un enfant compétent et celle de l’action d’un enfant peu compétent.

Il est commun de considérer qu’il y a une différence entre les enfants doués en EPS et ceux qui ne le sont pas. Mais cette différence, on la place souvent du côté des capacités physiques ou cognitives. Il semble cependant important de considérer que dans certaines situations, il est bon de prendre en compte, pour transformer le motricité des enfants, le fait que la forme de l’action chez un enfant doué ou non doué n’est pas la même. J’entends par forme de l’action ce qui désigne une catégorie de l’action : intentionnelle, non intentionnelle, volontaire ou non.

Dans le cas de l’enfant doué, la forme est très explicite : son action est visiblement volontaire.

Je sous-entends par « visiblement » le fait que la forme de son action, c’est à dire ce qu’on peut décrire dans l’action, et le fait qu’il atteigne son but me permet de dire que son action était volontaire et intentionnelle. L’intention de l’action est clairement repérable dans la description de ce que fait l’enfant. D’ailleurs le simple fait qu’il réussisse constamment son action lui permet de répondre facilement à la question : « Pourquoi fais-tu cela ? ». Cette facilité à répondre à la question tient au fait qu’en faisant cette action, il réussit à atteindre le but qu’il s’était fixé.

Dans le cas d’un enfant très peu compétent, la forme de l’action est différente, la description de son action ne nous permet pas de dire quelle est son intention. La description de son action donne l’impression que chacun de ses gestes a été choisi au hasard. On ne distingue pas de cohérence qui permettrait de dégager le sens de l’action. Autant un enfant doué réalise des actions qui, par les descriptions qu’on peut en faire, donnent un sens à la question : « Pourquoi as tu fait ceci ? », autant pour l’élève très peu compétent, la question « Pourquoi ? » a et n’a pas un sens. Elle semble ne pas avoir de sens parce que si on pose cette question à l’enfant peu compétent, il ne sait pas dire pourquoi il a fait ceci ainsi. Pourtant il sait bien qu’il devrait être capable de fournir des raisons, et de ce fait, la question a bien un sens tout de même pour lui. Mais il ne peut pas fournir ces raisons. Cette situation est d’autant plus étrange que lorsqu’il a maintenant les raisons d’agir autrement, (on lui a fournies ou bien il les a découvertes), à sa grande surprise, en étant parfois dans le même type de situation, il reproduira le même type de motricité inefficace.

Cette différence de catégorie d’actions nécessite une différence de traitement pédagogique sur lequel nous reviendrons dans notre quatrième partie.

3.3.3.2Seconde Application : être l’agent de son acte selon la

conception de D. Davidson.

D. Davidson entend préciser dans son article L’agir 92 quand on peut dire qu’un sujet est l’agent de son acte:

« Un homme est l’agent de son acte si ce qu’il fait peut être décrit sous un aspect qui rende cet acte intentionnel. »

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