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Des inégalités trop fortes et des possibilités d’ascension sociale insuffisantes

et des possibilités d’ascension sociale insuffisantes

« L’ascenseur social est en panne » : cette phrase, véritable leitmotiv contemporain, est source de grand pessimisme dans notre pays. C’est devenu un enjeu politique de premier plan, car les conséquences de cette situation sont très importantes, pouvant aller jusqu’à un rejet des institu-tions qui ne seraient pas à la hauteur des valeurs fondamentales portées par notre pays, en parti-culier la référence dans notre devise à l’égalité. La montée des inégalités, observée dans les pays de l’OCDE en général, touche notre pays, même si les inégalités se sont un peu réduites ces toutes dernières années. Les inégalités s’enracinent pour une grande part dans les inégalités scolaires qui sont importantes en France, comme le montrent les enquêtes PISA. Celles-ci commencent dès l’école primaire et se répercutent tout au long de la scolarité. Elles ont une incidence forte sur le type de baccalauréat obtenu :

Obtention du baccalauréat en fonction de la classe sociale des parents

Ces inégalités sont d’autant plus préjudiciables que l’ascension sociale dépend directement de l’accès à l’enseignement supérieur, lequel est lui-même dépendant du type de baccalauréat obtenu, comme le montre l’étude de France Stratégie sur La géographie de l’ascension sociale.

La géographie de l’ascension sociale, France Stratégie (novembre 2015)

L’étude de France Stratégie sur la Géographie de l’Ascension Sociale s’intéresse aux écarts de chance de promotion sociale des enfants de classes populaires d’un dépar-tement de naissance à l’autre. L’analyse des données des Enquêtes emploi de l’Insee met en évidence des écarts importants entre territoires, stables depuis vingt-cinq ans, qui s’expliquent par l’accès à l’enseignement supérieur, plutôt que par le développement économique.

La mobilité ascendante est mesurée dans l’étude par la proportion d’individus de père ouvrier ou employé, se déclarant cadres et professions intellectuelles supérieures ou professions intermédiaires, et âgés de 30 à 45 ans au moment de l’enquête. La figure 1 présente les résultats par département de naissance pour les individus nés entre 1965 et 1979 (dernière génération adulte observable). La carte de la mobilité ascendante fait clairement apparaître des différences régionales. Les trois régions à faible mobilité sont la Picardie, le Poitou-Charentes et le Nord-Pas-de-Calais : elles sont composées exclusive-ment de départeexclusive-ments où les taux de mobilité sociale ascendante sont inférieurs à 30 %.

À l’inverse, cinq régions concentrent l’essentiel des départements à fort taux d’ascension sociale: l’Aquitaine, la Bretagne, l’Île-de-France, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes.

La mobilité ascendante varie du simple au double entre l’Indre ou la Creuse (24,7 %) et Paris (47 %). L’Île-de-France apparaît comme la région championne de l’ascension sociale des classes populaires : plus de quatre enfants d’employé ou d’ouvrier sur dix y occupent une position de cadre ou de profession intermédiaire.

Proportion de cadres et professions intermédiaires parmi les enfants d’ouvriers et d’em-ployés, par département de naissance

36 à 47%

33 à 36%

30 à 33%

24,5 à 30%

Obs. insuff.

Source : Enquêtes Emploi de l’Insee (2003-2013), calculs Clément Dherbécourt (France Stratégie)

Pour les individus d’origine populaire, la mobilité ascendante apparaît faiblement liée au dynamisme économique des territoires. Elle est en revanche fortement liée à l’éducation — en particulier aux chances d’obtention d’un diplôme du supérieur, qui varient également du simple au double entre départements de naissance. L’analyse économétrique ne met pas en évidence d’écarts géographiques de rendement de l’éducation, au-delà des différences d’accès à l’éducation. La massification de l’enseignement secondaire puis supérieur s’est donc accompagnée partout d’une augmentation des chances de mobilité sociale ascen-dante. Toutefois, on n’observe pas de convergence entre départements et les inégalités territoriales d’accès au supérieur sont restées inchangées depuis vingt-cinq ans.

Augmenter les chances de mobilité ascendante dans les territoires défavorisés suppose donc une démocratisation réelle de l’accès à l’enseignement supérieur là où celui-ci est le plus difficile. Au-delà, des politiques visant une meilleure égalité des chances face à l’édu-cation en amont de l’université sont nécessaires. Une telle politique implique de dévelop-per les outils de suivi longitudinal des élèves selon l’origine sociale au niveau national.

Les questions d’orientation et de réussite sont donc fortement liées aux questions d’inégalités sociales : les inégalités sociales au niveau des parents influent sur la scolarité, l’orientation et la réus-site scolaire, et celles-ci influent sur les inégalités sociales : c’est un cercle vicieux qu’il faut enrayer.

La réussite dans les études supérieures est fortement liée aux questions d’orientation. L’analyse des parcours des bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur montre plusieurs phénomènes.

Tout d’abord, la France dispose d’un éventail important de types de formations, avec des passe-relles entre elles. Ainsi, 20% seulement des bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur en formation initiale en sont sortis sans diplôme, contre 32% en moyenne dans l’OCDE : la France est un des pays les plus performants de ce point de vue. En revanche les parcours y sont souvent plus sinueux, ce qui est la marque à la fois de possibilités importantes de réorientation mais aussi de dif-ficultés initiales d’orientation. Les étudiants qui n’obtiennent pas une affectation conforme à leurs premiers vœux réussissent parfois à l’obtenir au bout de quelques mois ou années, ce qui constitue souvent un gâchis. Notons que 88% des bacheliers généraux obtiennent un de leurs 5 premiers vœux émis dans le cadre d’Admission Post-Bac (APB), contre 78% des bacheliers technologiques et seulement 57% des bacheliers professionnels3.

L’orientation est ainsi un chantier majeur à la fois au niveau inférieur au baccalauréat et au niveau de l’entrée dans le supérieur,

notamment pour corriger un certain nombre de déterminismes sociaux.

3 MARLAT Diane. Vœux d’orientation et propositions exprimés sur le portail Admission post-Bac (APB). In : État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France - 50 indicateurs [en ligne]. KABLA-LANGLOIS Isabelle (dir.). Paris : Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2016 (9e éd.), fiche 08 [Consulté le 10/01/2017]. ISBN 978-2-11-151570-3. Disponible à l’adresse : http://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/9/

EESR9_ES_08-voeux_d_orientation_et_propositions_exprimes_sur_le_portail_admission_post_bac_apb.php