• Aucun résultat trouvé

3.1 L’interférométrie

3.1.1 Des fentes de Young au principe de l’interférométrie

C’est par sa célèbre expérience des trous de Young que l’anglais Thomas Young a observé pour la première fois des franges d’interférence en regardant à travers un écran percé de deux trous une source lumineuse ponctuelle, et a mis en évidence la nature ondulatoire de la lumière. Par la suite, en 1936, Hippolyte Fizeau a pour idée d’utiliser l’effet de diminution du contraste des franges à mesure que le diamètre de la source observée s’agrandit ou que la distance entre les deux trous augmente. Ainsi connaissant la distance entre les deux trous, il est possible de déterminer le diamètre angulaire de la source observée : c’est le début de l’interférométrie en astronomie. Hippolyte Fizeau écrivait en 1867 : « Il existe ... une relation remarquable et nécessaire entre la dimension des franges et de la source lumineuse ; en sorte que les franges ... ne peuvent prendre naissance que lorsque la source lumineuse n’a plus que des dimensions angulaires presque insensibles ; d’où, pour le dire en passant, il est peut être permis d’espérer qu’en s’ap- puyant sur ce principe et en formant, par exemple, au moyen de deux larges fentes très écartées, des franges d’interférence au foyer des grands instruments destinés à observer des étoiles, il deviendra possible d’obtenir quelques données nouvelles sur les diamètres angulaires de ces astres ». L’emploi du terme dimension signifie intensité.

Le français Edouard Stephan, directeur de l’observatoire de Marseille, applique l’idée de Fizeau, en plaçant à l’entrée de la lunette de l’observatoire de Marseille, un écran de 80 cm de diamètre percé de deux ouvertures et pointant l’instrument sur les sources les plus brillantes. Pour chaque étoile, il observe des franges d’interférence très nettes et valide la méthode.

Cette méthode est reprise par Albert Michelson et Francis Pease, qui installent sur le télescope Hooke de 2.5 m du Mont Wilson (Etats-Unis) un jeu de quatre miroirs plans de 15 cm constituant une base interférométrie de 7 m. En 1920, Pease mesure le premier diamètre apparent stellaire, celui de l’étoile supergéante rouge Bételgeuse.

3.1 L’interférométrie Cependant, ces interféromètres au sol sont confrontés au problème de la turbulence atmosphérique qui induit un élargissement de l’image focale et des « tavelures » variables sur cette image 3.1.1, entrainant une perte de la cohérence spatiale de l’onde. Antoine Labeyrie développe alors une méthode dite « d’interférométrie des tavelures » (« speckle interferometry ») en utilisant une caméra pour figer les turbulences en filmant l’image avec des poses suffisamment courtes. Les images enregistrées sont ensuite traitées par analyse de Fourier, pour reconstruire une image à haute résolution de l’étoile simple ou multiple.

Figure 3.1.1: Tavelures obtenues par Labeyrie en observant l’étoile Véga. La taille moyenne d’une tavelure est celle de la tache de diffraction du télescope.

Par ailleurs, Antoine Labeyrie ré-imagine le concept de l’interférométrie de Michelson et de Pease sous forme de plusieurs grands télescopes, avec une résolution suffisamment élevée pour observer des quasars. Il construit à l’Observatoire de Nice l’instrument in- terféromètre à 2 Télescopes (I2T) constitué de deux télescopes de 25 cm de diamètre, avec lequel il observe des franges d’interférence sur l’étoile Véga en 1974.

En 1987, l’ESO lance le projet VLTI (Very Large Telescope Interferometer) composé de 4 télescopes optiques et infra-rouges de 8.20 m et de 4 télescopes auxiliaires de 1.80 m et l’installe dans les Andes Chiliennes. En combinant par interférométrie jusqu’à 3 des télescopes du VLT, l’instrument obtenu possède une résolution équivalente à celle d’un instrument de 200 m de diamètre. Un des premiers résultats est la découverte de la présence d’un trou noir au centre de la voie lactée en 2002 par une équipe franco- allemande. Sur l’île d’Hawaï, les télescopes de 10 m Keck1 puis Keck2 observent depuis 1993 et 1996 et constituent un interféromètre formé par les deux télescopes.

En suivant l’évolution de l’interférométrie optique jusqu’à nos jours, nous pouvons imaginer que l’avenir de cette méthode est dans l’espace ce qui permettrait d’atteindre une résolution angulaire presque illimitée.

Dans le domaine radio, un essor important de l’interférométrie s’est produit dans les années 1950 bénéficiant des recherches militaires sur les radars. Pour obtenir l’interfé- rence, dans le cas d’un interféromètre optique, la lumière provenant de chaque ouverture du télescope doit parcourir le même chemin optique de la source lumineuse à la caméra. Tandis que pour un interféromètre radio, la différence de marche entre deux antennes est compensée avec une ligne à retard et le transport des signaux est réalisé par câble sans perdre la phase de l’onde. Les techniques d’analyse associées ont été développées à partir de 1970, permettant de reconstruire les images de sources. L’algorithme CLEAN,

proposé par Högbom en 1974 [94], est l’une des méthodes de reconstruction d’images les plus populaires en interférométrie radio.

A la fin des années 60, Martin Ryle et ses collègues étendent les techniques de synthèse d’ouverture aux longueurs d’onde radio. Ces méthodes permettent que lorsque l’interfé- romètre a une couverture suffisante du ciel dans l’espace de Fourier, une transformée de Fourier spatiale permet de reconstruire l’image du ciel. Jusqu’ici, la nécessité d’obtenir une bonne résolution angulaire pour l’observation d’objets nécessitait de construire des instruments permettant de faire varier les positions relatives des antennes. Mais grâce à la méthode de synthèse d’ouverture, en utilisant la rotation de la Terre comme moyen de faire varier les lignes de base entre deux antennes, il est possible de cartographier des radio sources avec une grande résolution. A. Martin Ryle et Hewish ont reçu le Prix Nobel en 1974 pour leurs contributions au développement de l’interférométrie radio.

Vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, les ordinateurs deviennent suffisamment performants pour réaliser des inversions de Fourier. Les techniques de synthèse d’ouverture peuvent alors être appliquées sur des télescopes de 5 km, puis sur un interféromètre à très longue base VLBI (Very Long Baseline Interferometer), avec des lignes de base de plusieurs milliers de kilomètre. Ce procédé consiste à enregistrer les signaux et les numériser avec une référence de temps exacte puis les corréler en temps différé avec un ordinateur au lieu d’effectuer les corrélations en temps réel.