• Aucun résultat trouvé

2.4 Les anisotropies en température du fond diffus

2.4.4 Anisotropies secondaires

Parallèlement aux mesures de plus en plus précises des anisotropies primaires, les expé- riences avec une plus grande résolution angulaire permettent d’étudier les anisotropies secondaires. Après le découplage matière-rayonnement, les photons peuvent interagir avec les puits de potentiel gravitationnel ou avec la matière ionisée rencontrée le long de leur trajectoire. Ces anisotropies représentent les fluctuations de température engendrées après la recombinaison z ≪ 1000. Si l’univers est majoritairement neutre, les photons se propagent librement et les variations du potentiel gravitationnel locales ou intégrées le long de la ligne de visée du photon, produisent des anisotropies secondaires. Si l’univers est ionisé, les photons peuvent interagir par effet Compton avec la matière générant des anisotropies secondaires. Ce type d’anisotropies apporte des informations non seulement sur la formation et la distribution de la matière aux grandes échelles, mais aussi sur l’état d’ionisation de l’univers.

– l’effet Sachs-Wolfe intégré

Lorsqu’un photon traverse un potentiel constant, les décalages spectraux vers le bleu en entrée et vers le rouge en sortie se compensent. Dans le cas d’une variation du potentiel en fonction du temps, les décalages spectraux ne se compensent plus, un photon traversant

2.4 Les anisotropies en température du fond diffus ce puits de potentiel variable a son énergie modifiée : il perd de l’énergie si le puits de potentiel se creuse, et en gagne s’il se comble. C’est l’effet Sachs-Wolfe intégré. Cet effet est différent de zéro si et seulement si l’énergie noire Λ est différente de zéro, et plus généralement, s’il n’y a pas d’accélération.

Dans un potentiel variable, le décalage spectral vers le rouge, subi par les photons qui s’échappent du puits, est déterminé en intégrant le chemin des photons le long de la géodésique. La variation d’amplitude du puits de potentiel entre l’entrée du photon dans le puits et sa sortie sera d’autant plus grande que le photon aura mis du temps à le traverser. Elle laisse une contribution aux anisotropies tel que

△T T0 (~r) = 2 c2 ˆ ˙ ϕ(~r, t)dt. (2.4.23)

Cet effet domine à grande échelle où il peut atteindre ∆T /T0 ≃ 10−7 et induit une

modification du plateau de Sachs-Wolfe. Il a été détecté à 4σ par Granett et al. [81] avec la fonction d’auto-corrélation entre la densité de galaxies et les anisotropies de température du fond diffus.

Amas

Vide Combinés

mardi 25 juin 2013

Figure 2.4.4: Empilement de régions du fond diffus correspondant à des vides ou à des amas identifiés à l’aide du catalogue SDSS [81].

– l’effet Sunyaev Zel’dovich

L’interaction des photons avec un plasma chaud d’électrons peut induire une distorsion spectrale en transférant de l’énergie des électrons aux photons, par diffusion Compton inverse. Cet effet modifie la répartition spectrale des photons, qui peut être calculée, comme le résultat d’une diffusion d’un spectre de corps noir, par une distribution max- wellienne d’électrons non relativistes, de température supérieure à la température des photons. Cet effet est l’effet Sunyaev Zel’dovich thermique, il est important dans le gaz chaud des amas à une température T ∼ 107− 108 K, qui émet dans le domaine X, par Bremsstrahlung. Si l’amas de galaxies a une vitesse propre, l’effet Doppler introduit un second effet : l’effet Sunyaev Zel’dovich cinétique.

L’effet Sunyaev Zel’dovich thermique peut être défini par le paramètre

y = ˆ k

BTe

mec2

dτe, (2.4.24)

avec dτe = neσTdl, σT la section efficace de la diffusion Compton proche de la diffusion

Thomson dans un régime non relativiste, et dl l’élément de surface traversé par les photons.

L’écart en température en fonction de la fréquence, avec x = kTγ , est donné par ∆T T0 = y(xe x+ 1 ex− 1− 4). (2.4.25)

Dans la partie de Rayleigh Jeans du spectre (λ > 1.4 mm), nous observons un déficit d’intensité, donc une diminution de température. Dans la partie de Wien (< 1.4 mm), cet effet entraine une augmentation de température induite par le transfert d’énergie lors des interactions. Les anisotropies produites peuvent atteindre ∆T /T0 ≃ 10−4 pour

des échelles entre le degré et la minute d’arc. L’effet Sunyaev Zel’dovich thermique est indépendant du décalage spectral. Il permet de sonder les grandes structures, de contraindre la constante de Hubble et de détecter les amas de galaxies à grand décalage spectral.

– la réionisation

Les premières sources (étoiles et quasars) vont émettre un rayonnement dans le domaine ultra-violet, ce qui induit l’ionisation de l’univers une seconde fois après la recombinaison. Les électrons libres peuvent interagir avec les photons du rayonnement de fond par diffusion Compton. Cette diffusion n’aurait aucun effet si la distribution du fond diffus était parfaitement isotrope : la probabilité pour un photon d’être diffusé en dehors de la ligne de visée serait égale à celle qu’un photon venant d’une autre direction soit diffusé vers la ligne de visée. Les anisotropies du fond diffus cosmologique diffusant sur les électrons de la surface de réionisation ont deux effets :

- sur le spectre de polarisation dont nous expliquerons le mécanisme par la suite. - amortissement de la puissance aux petites échelles du spectre des anisotropies de température, qui dépend de l’épaisseur optique de la réionisation τ .

Considérons une ligne de visée dans un modèle sans réionisation, après diffusion sur la surface de dernière diffusion, la température du rayonnement de fond cosmologique observée est T0 + ∆T . Dans le cas d’un modèle avec la réionisation, la température

observée est donnée par

T0+ ∆T → T0+ ∆T − (T0+ ∆T )(1 − e−τ) + T0(1 − e−τ), (2.4.26)

avec τ la profondeur optique de la réionisation.

Le second terme du membre de droite représente la fraction de photons diffusés dans une autre direction et le troisième terme la fraction de photons diffusés provenant d’autres directions. Nous obtenons dans un modèle avec réionisation la température T0+ ∆T e−τ. Les pics acoustiques ont leur amplitude diminuée d’un facteur e−τ.

La réionisation n’est certainement pas instantanée, elle est sans doute inhomogène. L’effet observé sur le spectre de puissance ne sera donc pas constant sur toutes les échelles angulaires. Le satellite Planck avec les données en polarisation de WMAP a fourni comme valeur de l’épaisseur optique τ = 0.089+0.0120−0.014 , et un décalage spectral vers le rouge où l’univers était partiellement ionisé de zre = 11.1 ± 1.1 à 68% d’intervalle

de confiance. L’effet Gunn-Peterson nous indique que le milieu intergalactique est ionisé vers environ z = 5.

– l’effet Rees-Sciama

Cet effet correspond à un creusement du puits de potentiel gravitationnel avec le temps. Quand les fluctuations quittent le régime linéaire, leur évolution entraîne une variation du potentiel gravitationnel. Dans le modèle ΛCDM, les fluctuations les plus petites

2.4 Les anisotropies en température du fond diffus deviennent non-linéaires en premier. Les photons qui traversent ces puits, gagnent de l’énergie. Cependant comme le puits s’est creusé pendant leur traversée, le bilan total d’énergie est négatif. Cet effet est faible sur le rayonnement de fond cosmologique, il correspond à une variation relative ∆T /T ≃ 10−7 pour une échelle angulaire de l’ordre du degré. L’effet est plus important aux petites échelles angulaires où il peut atteindre ∆T /T ≃ 10−6.

– le cisaillement gravitationnel

Cet effet déforme le champ des anisotropies de température par l’interaction avec des sur-densités comme les grandes structures, à toutes les échelles. L’effet sur le spectre en température est assez faible mais il peut être important pour la polarisation. Le lentillage gravitationnel peut induire un mélange des modes E et B de polarisation, que nous allons introduire dans la section 2.5 de ce chapitre.