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Des espaces mouvementés : Réseaux et rassemblements

B. Bobigny, Créteil, Nanterre : Trois villes comme rassemblement

6. Des espaces mouvementés : Réseaux et rassemblements

A Créteil, distante de sept kilomètres de la capitale, le Maire de la ville P. Billotte joue de son influence pour faire accepter le principe du prolongement du métro jusqu’au centre, en intervenant directement auprès du Général De Gaulle et de G. Pompidou.

Le projet de prolongation de la ligne 8 est adopté en juin 1965, les travaux commencent en 1968. La station les Juliottes ouvre en mars 1972 et celle de l’Echat en septembre 1973. On attendra l’ouverture du Centre Commercial Régional pour la mise en service du dernier tronçon jusqu’à la préfecture en septembre 1974. Cette ouverture couronne une opération d’urbanisme (le Nouveau Créteil), qui apparaît comme un événement architectural, une cité dense, complète où habitat, emplois et commerces, transports et équipements sont simultanément mis en place. Pourtant, d'une part le parti urbanistique retenu isole de fait chaque quartier de ses voisins par des voies express, d'où l'importance de la surface occupée par les transports (voir histogrammes "densités et espace urbain"). D'autre part, la bonne qualité des transports et la qualification générale des habitants nettement plus élevée que dans les deux autres préfectures (voir indice cadres/ouvriers dans histogrammes "populations") favorise la mobilité et en a fait depuis le début une ville dortoir, les habitants travaillant pour une bonne part hors de la commune, ceci d’autant plus que celle-ci offre un nombre d'emplois sur place insuffisant (voir histogrammes "densités et espace urbain").

II . La ville comme rassemblement

A Nanterre, les coupures proviennent des implantations industrielles des Bords de Seine et des grandes infrastructures ferroviaires et routières (SNCF, RER, gares de marchandises et ateliers SNCF de La Folie, autoroute A86 et emprises de l’A14, RN 13, 86, 314). En dépit d’une apparente commodité et pluralité des moyens et des modes de transports sur la commune (3 stations RER, 1 gare SNCF, 8 lignes principales d’autobus), la qualité de la desserte est relativement inégale selon les destinations et très insatisfaisante selon les temps de trajets :

• inégale couverture géographique de la commune et liaisons principalement tournées vers Paris et la Défense,

• saturation de certaines lignes avec comme corollaire inconfort dans les trajets, délais d’attente incertains et souvent longs (notamment quant au réseau de bus) d’où une grande variabilité du temps de transport,

• liaisons difficiles vers l’intérieur du département et notamment les pôles d’emplois significatifs (Gennevilliers, Colombes…) en raison de fréquences insuffisantes, de plages horaires trop étroites et de ruptures de charge nombreuses,

• liaisons interquartiers mal assurées du fait de l’inadaptation du réseau bus à la desserte locale des quartiers de Nanterre. Paradoxalement, les lignes sont en effet toutes d’abord d’intérêt régional et ignorent l’échelle communale (à la différence d’ailleurs de la plupart des réseaux équipant certaines villes de province d’importance analogue)" (Contrat de ville - Nanterre, 1994-1998 :

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25), alors que le RER est utilisé en cabotage interne (Mouvement, Environnement, Communication, 1998 : 35).

Densités et espace urbain

(source: fiches communales IAURIF 1997)

68 40 72 146 55 77 31 14,7 81 130 34,1 110 61,7 13,5 81 61,8 129 31,2 106 73 171 31,9 23,2 71,1

Esp. urbain construit / esp. Urb. total (%)

Surf.habitat/esp. urb.(%) Surf. transports/esp. urb. (%) Dens ité à l'es pace

urbain (Hab/ha) Dens

ité à l'es

pace

habité (Hab/ha)

Es

pace habité à + de 300 Hab/ha / pop.

(%) Densité hab.+employés(AH) / esp.Urb.(AH/ha) Densité emplois /es pace urbain (emp/ha) Bobigny Nanterre Créteil

Le cimetière parisien de Pantin-Bobigny, le parc interdépartemental des sports, la gare de triage et le canal sont autant d’emprises qui forment coupure par leur orientation comme par leurs dimensions. La voie ferrée de la grande ceinture qui traverse la ville du nord au sud, et l'autoroute A86 qui fait de même d'est en ouest, entravent les relations entre les différents quartiers. Pourtant, ces différentes infrastructures ont constitué à l'origine des atouts le plus souvent

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avec la création de la halte de chemin de fer de la grande ceinture62. Trop rare et surchargé, il ne parvient plus à satisfaire une demande croissante liée à l'apport accru de populations ouvrières fuyant l'entassement des quartiers populaires de l'est parisien. Il disparaît en 1939, la ligne qui traverse toujours la commune ne recevant plus que les marchandises. En 1902, le tramway arrive avec la ligne Le Raincy-Opera. Même dégradé, il stimule et répond au début aux migrations pendulaires des nouveaux pavillonnaires. A partir de 1935, les tramways sont remplacés par des bus. En 1979, aucune gare SNCF ou station de métro n'est plus située sur le territoire de Bobigny, ni même à proximité des quartiers limitrophes. Aucun îlot d'habitation ou zone d'activité n'est situé à moins de 800m d'une gare ou d'une station du réseau ferré. Les rabattements en bus sont très dispersés. Au total, le temps moyen d'accès de la commune de Bobigny au réseau ferré est de 22minutes, ce qui constitue de loin la plus mauvaise situation parmi les communes de la banlieue nord-est étudiées par l'IAURIF (1979 : 112). Avant d’avoir le tramway, Bobigny devra attendre 1985 pour obtenir le métro, bien que la ville ne soit qu’à trois kilomètres de Paris.

Cette mauvaise desserte persistante, ainsi que l'éclatement de son tissu bâti comportant un grand ensemble à chacune de ses extrémités, conduisent à l'émergence de centre/rassemblements secondaires ayant acquis une relative autonomie vis-à-vis du centre institutionnel. Ne possédant toujours pas de centre commercial cohérent avec son double statut de chef-lieu et de centre restructurateur de la banlieue, le centre inachevé de Bobigny a induit la montée en puissance de centres périphériques. Le carrefour des quatre routes est situé à l’extrême ouest de Bobigny, à l’intersection de 5 communes : Aubervilliers, la Courneuve, Drancy, Pantin et Bobigny. Les relations difficiles des sous-quartiers avec leurs centres administratifs respectifs situés en général à plus de 1km (plus de 2,5km pour le centre de Bobigny) figurent comme la première notion structurante. C’est en effet l’isolement de ces divers agrégats communaux qui les constitue en centralité autonome. Cette dernière existe parce que justement les communications des diverses zones périphériques avec leurs centres administratifs sont altérées par le manque de transports, les coupures dues aux voies ferrées, aux stades…. (Etelbert, non daté).

Ce manque de communication des centres administratifs des communes vers les “Quatre Routes”, se vérifie aussi en sens inverse. Accueillant le terminus d’une ligne de métro, le carrefour assure la distribution informationnelle en provenance de Paris, mais

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c’est sa force de rétention vis-à-vis de cette information qui favorise l'émancipation de ces périphéries qui l'entourent face à leurs centres institutionnels respectifs.

Finalement, la création de ce puzzle ceinturant le carrefour des quatre routes situé au bout de la commune de Bobigny, a forgé pour ces quartiers une autonomie mesurée (administrative, commerciale, transports…) bâtie autour de cette centralité à laquelle toutes les parties se rattachent pour vivre une relative activité sociale et commerciale. C'est cette distanciation partagée aussi par les autres centres communaux, qui a permis l'émergence d'un rassemblement effectif aux "quatre routes", en favorisant une appropriation différenciée, hybride d'un espace pluricommunal.

La région parisienne en 1994

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• le rôle des préfectures comme pôles départementaux majeurs a été atténué par la fusion économique régionale marquée à la fois par le rôle de la Capitale et par les rapports transdépartementaux, laissant des 'points aveugles' au sein des territoires (Bobigny) ou en inadéquation avec les pratiques locales (Nanterre). • les réseaux de transport stimulent et répondent aux mouvements dialectiques

entre centres et périphéries (migrations pendulaires, villes dortoirs…)63; • les réseaux politiques, lacunaires, redoublent les dialectiques centre/périphérie

déjà à l'œuvre sur les territoires (géographiques, culturels, économiques…); • les réseaux techniques, les infrastructures, relèvent à la fois d'atouts et de

handicaps dans l'émergence des rassemblements, dans la mesure où ils représentent à la fois des vecteurs de diminution de la distance et créent des coupures urbaines facteurs d'éloignement, de mise à distance.

Le dernier exemple du carrefour des quatre routes situé à une extrémité de Bobigny, mais à cheval sur cinq communes, montre concrètement comment ces différentes dimensions de l'espace urbain du Grand Paris sont pratiquées au quotidien.

On peut penser que cet éloignement provoqué par les insuffisances des centres institutionnels, conduit ceux qui pratiquent les centres périphériques à prendre en charge, à s'approprier les rassemblements qui s'y produisent pour ne pas perdre une centralité, certes partielle, mais vitale pour ces périphéries urbaines. Il s'agit alors d'une appropriation du rassemblement comme bien commun opposable aux tiers et non comme territoire d'appartenance.

63 Bien que "les investissements pour faire circuler un usager soient cinq à dix fois moins élevés s’il utilise un transport collectif" (Lojkine, 1972), on a continué à privilégier la route. A l’heure actuelle, la saturation des axes routiers de transport devrait conduire à la fois au renforcement de la multimodalité (air-fer-route) ainsi qu’au privilège accordé au transport logistique sur le transport domestique, notamment par une

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