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Des attendus difficiles à identifier pour ses acteurs

Un dispositif dont les particularités peuvent être stigmatisantes

2.1.2. Des attendus difficiles à identifier pour ses acteurs

Le dispositif a subi de nombreuses modifications depuis sa création et malgré les trois circulaires parues dans le but d’encadrer son fonctionnement, actuellement il n’existe aucun protocole officiel définissant les missions et rôles de chacun dans le cadre du dispositif. Cela dépend des académies, des possibilités financières, humaines et logistiques et de la conception d’inclusion de chacun.

Cette absence d’encadrement implique que chaque dispositif a son propre fonctionnement ce qui crée forcément des inégalités. Si l’on observe simplement la phase d’accueil des enfants sur l’académie de Mayotte, on constate qu’il existe principalement deux cas de figure, l’un qui semble plus avantageux que l’autre. Le premier est celui où l’enseignant UPE2A gère les propositions d’inclusion directement avec le CASNAV et en coordination avec sa direction, le second est celui où le chef d’établissement soumet la liste de proposition du CASNAV à l’enseignant sans le consulter préalablement. Cela dépend véritablement de la gestion interne du dispositif par le chef d’établissement qui peut vouloir contrôler les inclusions dans la mesure où il contrôle les effectifs ou qui choisit de déléguer cela à son enseignant coordinateur. Le premier cas de figure quand il est autorisé, est un avantage considérable pour l’enseignant et même si cela lui demande plus de temps de gestion du dispositif, il peut s’organiser plus simplement pour assurer le fonctionnement de ce dernier et donc gagner du temps par la suite. Dans mon dispositif, pouvoir organiser les entrées directement avec le CASNAV m’a permis de préparer l’arrivée des nouveaux élèves, de dégager du temps pour l’accueil des familles et d’essayer de les positionner dans des classes qui accueillaient déjà des EANA. Ainsi, j’ai pu les greffer à un groupe de besoin

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déjà existant. J’optimise ainsi mon temps dans la préparation de leurs emplois du temps personnalisés et l’enseignement qui leur est dispensé est plus performant puisqu’ils viennent avec un groupe qui a les mêmes besoins qu’eux. Cela permet de suivre une progression plus régulière que lorsqu’ils ne sont jamais dans les mêmes groupes. Le second cas de figure implique une arrivée au compte-goutte des élèves tout au long de l’année, or l’accueil des familles et des élèves prend un temps considérable qui n’est pas forcément compris dans le temps de travail de l’enseignant. Cela implique également qu’il ne peut pas anticiper l’arrivée de l’élève et donc certains enseignants trouvent que cela nuit au dispositif comme j’ai pu le constater lors des entretiens : « ce qui serait bien c’est qu’on puisse communiquer nous davantage. Qu’on nous demande, combien de places vous avez ? Pour que ce soit optimisé ce dispositif. »43

Le second point sur lequel les circulaires restent floues et qui crée de nombreuses disparités concerne les préconisations pédagogiques du dispositif.

L’UPE2A est le seul dispositif non soumis à un programme spécifique : la circulaire de 2012 la présente à travers son organisation (emploi du temps et effectif) et sa caractérisation principale (enseignement du français), sans que ne soient définis des objectifs précis récents, si bien que les élèves sont « libérés » de l’UPE2A une fois qu’une année scolaire s’est écoulée et ce, quelles que soient leurs compétences. (Mendonça Dias, C., 2016 : 59)

Ainsi, les enseignants n’ont pas de directives concernant les contenus pédagogiques à proposer et les avis divergent sur ce point.

Certains enseignants, notamment dans le second degré, s’avouent relativement perdus quant aux contenus à proposer : ils regrettent le peu d’indications sur les contenus à enseigner, lacune parfois justifiée par le fait qu’il n’y a pas de programme en UPE2A puisque l’UPE2A « n’est pas une classe » et que le programme que l’élève doit suivre est celui de sa classe de rattachement. (Armagnague-Roucher, M., Cossée, C. & alli., 2018 : 170)

Cette situation est controversée, certains professeurs préfèrent ne pas avoir de programme car ils sont plus libres dans la création de leur cours. Cependant, d’autres se disent perdus et ne savent pas toujours quoi proposer aux élèves, quelles sont les compétences à privilégier et comment choisir le support adapté. La circulaire de 2012

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Cf. annexe n°6 : transcription / entretien avec une enseignante coordinatrice d’un dispositif UPE2A second degré, p. 194.

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donne une seule indication quant au programme : l’élève doit sortir du dispositif en ayant atteint le niveau A2 du CECRL. Ainsi, chaque enseignant procède selon une logique personnelle et compte tenu de la charge organisationnelle que représente le dispositif, l’absence de programme ne permet pas toujours d’optimiser les enseignements. La difficulté réside dans la grande hétérogénéité des besoins de chaque élève surtout pour les enseignants débutants. Il est particulièrement compliqué pour les enseignants de personnaliser chaque parcours, d’établir une progression pour chaque élève et de gérer cette différenciation dans la même salle au même moment comme l’explique cette enseignante :

J’ai changé mon organisation plusieurs fois mais j’ai quand même beaucoup de mal à gérer de trop grands écarts de niveau quand je suis en décroché. Quand je faisais de l’alpha avec un groupe et du français de discipline avec un autre, c’était super difficile pour moi de jongler avec des niveaux comme ça.44

Une autre enseignante explique qu’après plusieurs changements d’organisation elle s’est aidée d’une grille de compétences45

:

Je me suis basée sur une grille de compétences que j’ai chopé sur internet. J’ai les compétences par groupe, le lundi je vais faire compréhension écrite, compréhension orale, le mardi je vais faire conjugaison, le jeudi je vais faire que de la grammaire et le vendredi que du lexique. A l’intérieur, j’essaye de cocher de remplir cette grille de compétences. Après en fonction des objectifs que je veux remplir, je vais chercher des docs alors soit j’en ai parce que j’ai quand même enseigné avant et je l’adapte au public ado, je prends des manuels, je fais des photocopies.46

Cela montre combien le manque d’encadrement concernant le programme pédagogique peut être responsable de disparités et d’inégalités pour les élèves du dispositif puisque le choix des contenus pédagogiques incombe à l’enseignant et dépend donc de sa disponibilité, de son investissement et de sa formation.

44 Cf. annexe n°5 : transcription / entretien avec une enseignante – chargée de mission au CASNAV,

p. 186.

45Cf. annexe n°13 : livret des objectifs communicatifs à atteindre en UPE2A. 46

Cf. annexe n°6 : transcription / entretien avec une enseignante coordinatrice d’un dispositif UPE2A second degré, p. 196.

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2.1.3. Des obstacles à la scolarisation influant sur le parcours