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Le décrochage scolaire

progression de l’apprenant

Chapitre 2 Les effets ambigus du dispositif

3.2.2. Le décrochage scolaire

Mayotte est particulièrement touchée par le décrochage scolaire, les conditions de vies difficiles sont en cause mais aussi les difficultés d’apprentissage que rencontrent les élèves. C’est pourquoi le dispositif qui s'adresse à des élèves qui rencontrent des difficultés linguistiques est également confronté à cet obstacle. Lorsque les enfants arrivent sur le territoire ils se rendent au CASNAV pour être positionnés mais comme le dit l’un des acteurs du CASNAV, entre le positionnement et la scolarisation il peut se passer jusqu’à un an. Ainsi, le risque est qu’au moment de l’inscription en établissement on n’arrive plus à contacter la famille. La famille a peut-être migré à l’intérieur de l’île car elle ne pouvait pas rester dans son village d’arrivée donc même si la famille est

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Cf. annexe n°5 : transcription / entretien avec une enseignante – chargée de mission au CASNAV, p. 188.

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intéressée par la place en collège malgré le transport, le collège préférera inscrire un élève du village. En effet, le système de transport étant peu développé à Mayotte et l’école commençant à 7h10 le matin un élève qui habite par exemple à M’tsamboro devra se lever au moins à 4h du matin pour pouvoir arriver à l’heure et malgré la motivation de l’élève cela devient compliqué au bout d’un certain temps et peut être à l’origine d’un décrochage scolaire. C’est pourquoi il est primordial pour le CASNAV de scolariser les élèves dans un établissement proche de chez eux. Le deuxième cas de figure est l’expulsion comme on l’a vu en 2.1.3.

À la problématique des conditions de vie s’ajoute celle de l’accompagnement pédagogique dispensé par le dispositif et par l’école dans son ensemble. Le niveau des élèves à Mayotte est très aléatoire et ce en partie du fait d’un contexte d’enseignement FLS où l’on enseigne le FLM. Le phénomène problématique pour le dispositif est la présence d’élèves non ou peu scolarisés qui arrivent avec un niveau inférieur au CP et que les enseignants ont beaucoup de mal à faire progresser. Cela est dû à un manque de formation, mais aussi au temps réduit qui leur est accordé pour faire progresser l’élève. Si l’enfant réussit à entrer dans la lecture et l’écriture au terme de son année en UPE2A, il ne bénéficiera pas d’une seconde année sauf cas exceptionnel puisqu’il n’existe pas d’UPE2A-NSA à Mayotte. Il va donc poursuivre sa scolarité en classe ordinaire et peut se laisser noyer dans la masse. Ne bénéficiant pas de suivi particulier, il ne pourra pas entretenir et améliorer sa maîtrise de l’écriture et de la lecture et risque de perdre ce qu’il avait acquis en UPE2A. Ainsi, pour empêcher cela certains enseignants ont tendance à les garder dans le dispositif pour pérenniser leurs efforts :

Mais quand tu as la chance de bénéficier du dispositif autant en bénéficier jusqu’au bout. Pour certains, pour moi, ils avaient encore quelques lacunes à l’écrit et si je dois optimiser leur inclusion totale, il faut qu’ils montent d’un cran dans ces compétences pour être les plus autonomes possibles et surtout pour que ça ne dérive pas vers un échec.85

En effet, l’enfant ne peut être tenu pour entier responsable de son échec, il faut également prendre en compte l’accompagnement pédagogique dont il bénéficie et lorsque cet accompagnement n’est pas performant il mène au décrochage :

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Cf. annexe n°4 : transcription / entretien avec un enseignant coordinateur d’UPE2A, second degré, p. 171.

108 Parce que même pour eux ça sert à rien de les mettre face à l’échec avec un brevet, si tu peux leur faire passer un CFG ou un DELF qui va compenser pour ceux qui n’ont absolument pas le niveau. La faute ce n’est pas sur le gamin qu’elle incombe c’est sur les personnes qui sont autour et qui s’en occupe très mal.86

Les avis divergent sur ce point au niveau des enseignants et des équipes du CASNAV, les équipes de coordination tiennent à ce que soit respectée la durée d’une année au sein du dispositif mais beaucoup d’enseignants avouent ne pas le faire car ils trouvent que cela n’a pas de sens de faire entrer un enfant dans la lecture sans pérenniser son apprentissage. Cela voudrait dire certes, que l’on scolarise plus d’enfants, cependant à quoi bon si finalement aucun n’est vraiment capable de progresser en classe ordinaire ?

Ceux qui sont encore en collège, je les vois encore, je suis peu stricte sur une année en UPE2A une plus une deuxième année s’il était non scolarisé antérieurement. Moi, clairement j’ai beaucoup de mal à les lâcher à la fin de seulement une année de prise en charge UPE2A du coup ça j’avoue que je fais pas mal d’entorse à la circulaire et je les reprends.87

Le roulement constant des équipes pédagogiques caractéristique de l’académie de Mayotte rend le suivi des élèves UPE2A encore plus difficile. En effet, cette dernière fonctionne avec une majorité de contractuels, le problème étant qu’ils restent peu de temps sur le territoire et lorsqu’ils partent c’est tout un dispositif qu’il faut reconstruire. Parallèlement, les anciens élèves du dispositif ne sont pas répertoriés dans les bases de données, il n’est écrit nulle part dans leur dossier de scolarité qu’ils ont été dans le dispositif, ce qui ne permet pas au professeur qui arrive de proposer un suivi de ces élèves. Lors de mon arrivée dans l’établissement, je n’ai trouvé aucune trace des anciens élèves UPE2A, ce n’est que parce qu’ils sont venus dans la salle demander leurs diplôme du DELF que j’ai pu les identifier. Le suivi des élèves une fois sortis du dispositif est donc difficile et ne permet pas d’assurer la pérennité des compétences acquises durant leur passage en UPE2A.

Pour ces raisons-là, la réussite du dispositif est variable et remise en cause par certains enseignants. La nécessité de sa présence est avérée mais il reste encore des

86 Cf. annexe n°4 : transcription / entretien avec un enseignant coordinateur d’UPE2A, second degré,

p. 170.

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Cf. annexe n°5 : transcription / entretien avec une enseignante – chargée de mission au CASNAV, p. 190.

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améliorations à apporter pour optimiser son efficacité comme l’explique cette enseignante.

Sur une échelle de 0 à 10 sur la réussite de l’inclusion je dirais 6,5. Non mais c’est quand même pas super, je trouve ça beaucoup trop difficile. L’inclusion ça marche sur pas mal d’aspects, le fait qu’ils appartiennent à une classe, qu’ils aient les mêmes profs, qu’ils aient un bulletin voilà qu’ils puissent faire des sorties scolaires avec la classe c’est très bien. Par contre la marche est tellement haute entre la prise en charge en décroché et la classe ordinaire et je trouve qu’elle est tellement haute que ça reste beaucoup trop difficile, c’est pas très performant là- dessus. On se voile un peu la face en croyant qu’une année de prise en charge même deux pour un NSA sont efficaces.88