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2 RÉSULTATS

2.2 Efficacité des IgIV : mise à jour des revues systématiques publiées par le groupe Cochrane

2.2.1 Dermatomyosite et polymyosite

2.2.1.1Revue systématique publiée par le groupe Cochrane

Une revue systématique réalisée par le groupe Cochrane en 2012 [Gordon et al., 2012] avait pour objectif d’évaluer l’efficacité et l’innocuité des traitements immunosuppresseurs et immunomodulateurs dans les cas de dermatomyosite et de polymyosite. Parmi les 10 ECRA sélectionnés par les auteurs, un seul portait sur les IgIV pour traiter les patients atteints de la dermatomyosite [Dalakas et al., 1993] et aucun sur les IgIV pour traiter la polymyosite. Pour les besoins de la présente revue systématique, les résultats complets de cette unique étude repérée ont été extraits à partir de l’article original (tableau 5).

Il s’agit d’un ECRA croisé, en double insu, réalisé chez 15 patients atteints de dermatomyosite confirmée par biopsie, réfractaires à la prednisolone et aux autres traitements

immunosuppresseurs (méthotrexate, azathioprine, cyclophosphamide) [Dalakas et al., 1993].

L’étude s’est déroulée sur 3 mois et, après une période d’élimination de 1 mois, les patients avaient le choix de changer ou non de groupe pour 3 mois supplémentaires. La comparaison a porté sur les IgIV (2 g/kg sur 2 jours) par rapport au placébo, administrées une fois par mois pendant 3 mois. Les patients des deux groupes ont continué à recevoir de la prednisone (dose quotidienne moyenne 25 mg) pendant toute la durée de l’étude. Après 3 mois, les 8 patients du groupe IgIV ont amélioré leur force musculaire mesurée sur le score Medical Research Council (MRC) scale et leurs symptômes neuromusculaires mesurés sur le score Neuromuscular symptom score (NSS) alors qu’aucune amélioration n’a été observée chez les 7 patients du groupe placébo.

La différence entre les groupes a été testée sur la valeur de ces scores à 3 mois et non sur la variation entre 0 et 3 mois, et elle montre un écart statistiquement significatif en faveur des IgIV (p < 0,018 pour le score MRC et p < 0,035 pour le score NSS). Cette étude a été jugée de qualité méthodologique moyenne (annexe D).

2.2.1.2 Mise à jour de la revue Cochrane

La mise à jour de la recherche documentaire employée pour la revue de Gordon et ses collaborateurs [2012] a permis de repérer un seul ECRA [Miyasaka et al., 2012]. Il s’agit d’un ECRA croisé, en double insu, qui a comparé les IgIV (traitement unique de 2 g/kg sur 5 jours) au placébo chez 26 patients atteints de dermatomyosite (n = 10) ou de polymyosite (n = 16) selon les critères diagnostiques de Bohan et Peter (1975) [Bohan et Peter, 1975a; 1975b]. Seuls les patients présentant une résistance aux corticostéroïdes, confirmée à l’issue d’une période de pré-inclusion de 6 semaines, ont été inclus. L’étude s’est déroulée sur deux périodes de 8 semaines. L’analyse principale des résultats a porté sur la première période, et elle a consisté en une comparaison intragroupe de la valeur des paramètres de résultat mesurés avant traitement et après 8 semaines, chez les patients traités par IgIV. Une comparaison a été effectuée entre les groupes IgIV et placébo dans une analyse subsidiaire. Les résultats ont montré une amélioration statistiquement significative intragroupe de la force musculaire selon le score Manual muscle test (MMT) chez les patients qui avaient reçu des IgIV (tableau 5). Une amélioration

statistiquement significative intragroupe a également été observée chez les patients qui avaient reçu le placébo. La comparaison intergroupe entre les IgIV et le placébo ne montre toutefois pas de différence statistiquement significative. Les résultats portant sur les paramètres secondaires

(score d’activités de la vie quotidienne et taux sérique de créatine kinase) ont également montré des améliorations statistiquement significatives intragroupes, mais une absence de différence statistiquement significative intergroupe entre les IgIV et le placébo. Une analyse exploratoire a par ailleurs été conduite sur la dysphagie. Dans le groupe IgIV, 7 patients sur 12 présentaient des symptômes de dysphagie avant traitement par rapport à 2 sur 14 dans le groupe placébo. Après 8 semaines, 5 patients sur 7 du groupe IgIV n’avaient plus de symptômes, alors que 2 patients sur 14 du groupe placébo avaient toujours des symptômes. La différence entre les groupes IgIV et placébo n’a pas été statistiquement significative (p = 0,1667). Cette étude a été jugée de qualité méthodologique moyenne (annexe D).

2.2.1.3 Synthèse

La preuve d’efficacité des IgIV pour le traitement des patients atteints de dermatomyosite et de polymyosite repose sur 2 ECRA de qualité méthodologique moyenne, réalisés sur de faibles effectifs de patients réfractaires aux corticostéroïdes. Le premier [Dalakas et al., 1993] porte uniquement sur des patients atteints de dermatomyosite, et il a montré une différence

statistiquement significative de la force musculaire et des symptômes neurologiques en faveur des IgIV (2 g/kg/mois + prednisone) par rapport au placébo (+ prednisone) après 3 mois de traitement. Le second [Miyasaka et al., 2012] a inclus une population mixte de patients atteints soit de polymyosite, soit de dermatomyosite. Ses résultats ont montré une amélioration statistiquement significative intragroupe de la force musculaire, des activités de la vie

quotidienne et des taux sériques de créatine kinase chez les patients traités par IgIV (traitement unique de 2 g/kg) entre le moment avant traitement et 8 semaines après. Cependant, aucune différence statistiquement significative n’a été observée lors des comparaisons intergroupes entre les IgIV et le placébo. Les auteurs de l’étude évoquent comme explications possibles de ce résultat la faible puissance de l’étude, un effet résiduel potentiel des corticostéroïdes et

l’existence d’une possible myopathie stéroïdienne chez certains patients. Par ailleurs, ils ont conclu, à partir d’une analyse exploratoire, que les IgIV semblaient améliorer la dysphagie, malgré l’absence de différence statistiquement significative entre les groupes à propos de ce critère.

Les auteurs de la revue systématique Cochrane [Gordon et al., 2012] sur les effets des immunosuppresseurs et des immunomodulateurs dans le traitement des patients atteints de dermatomyosite et de polymyosite font remarquer que les critères diagnostiques pour les myopathies inflammatoires sont basés sur les travaux de Bohan and Peter [1975a; 1975b], lesquels datent de plus de trente ans. Ces critères ne permettraient pas de tenir compte d’un groupe de pathologies hétérogènes reconnues au cours des dernières années, et qui remettent en question le diagnostic de polymyosite.

Tableau 5. Synthèse des résultats des études sur l’efficacité des IgIV pour le traitement de la dermatomyosite et de la polymyosite

Type d’étude Caractéristiques des participants

Paramètres de résultat (échelle et temps de

mesure)

Résultats Qualité

évaluée avec CASP-ECRA

IgIV Comparateur Effet

(IC 95 %) valeur-p IgIV (+ prednisone) par rapport à comparateur = placébo (+ prednisone)

Dalakas et

Patients atteints de dermatomyosite confirmée par biopsie, réfractaires à la prednisolone ou à d’autres pendant 3 mois

- Moyenne du score MRC§ ± ET (à 3 mois)

84,6 ± 4,6 (niveau prétraitement : 76 ± 5,7)

78,6 ± 8,2 (niveau prétraitement : 78 ± 6,3)

n.d.

p < 0,018

Moyenne

-Moyenne du score NSS£ ± ET (à 3 mois)

51,4 ± 6,0 (niveau prétraitement : 44,1 ± 8,2)

45,7 ± 11,3 (niveau prétraitement : 45,9 ± 9,0)

n.d.

p < 0,035

IgIV par rapport à comparateur = placébo Miyasaka

Patients atteints de dermatomyosite et de polymyosite selon les critères de Bohan et Peter (1975), réfractaires aux corticostéroïdes et 6 polymyosite;

placébo = 14 dont - variation moyenne du score MMT ± ET -Variation moyenne du score ADL # ± ET

- Variation moyenne du taux sérique de créatine kinase ± ET -évolution de la proportion de patients avec dysphagie (8 semaines)

Diminution de

7/12 à 2/12 Stable à 2/14 s.o.

p = 0,1667

ADL : Activities of Daily Living; CASP : Critical Appraisal Skills Programme; ECRA : essai clinique à répartition non aléatoire; ET : écart-type; DM : différence moyenne; IC : intervalle de confiance; IgIV : immunoglobulines intraveineuses; MMT : Manual Muscle Test; MRC : Medical Research Council; n.d. : non disponible; n.p. : non précisé; NS : non significatif; NSS : Neuromuscular-symptom scale

§ Dans l’étude de Dalakas [1993], la force musculaire manuelle de 18 groupes musculaires proximaux a été évaluée avec le score MRC. Pour chaque groupe musculaire, le score a varié de 0 (paralysie totale) à 5 (absence d’incapacité). Le score global maximal a été de 90 (18 x 5) (force normale).

£Dans l’étude de Dalakas [1993], les symptômes neuromusculaires ont été évalués avec le score Neuromuscular-symptom scale (NSS), basé sur 20 activités testant la fonction de groupes musculaires particuliers. Pour chaque activité, le score a varié de 0 (déficience sévère) à 3 (absence de déficience). Le score global maximal a été de 60 (20 x 3) (fonction normale).

Ω Dans l’étude de Miyasaka [2012], la force de 18 muscles a été évaluée avec le score Manual muscle test (MMT). Pour chaque muscle, le score a varié de 0 (paralysie totale) à 5 (absence d’incapacité). Le score global maximal a été de 90 (18 x 5) (force normale).

ᴥ Dans l’étude de Miyasaka [2012], la limite supérieure normale du taux sérique de créatine kinase considérée a été de 270 IU/L pour les hommes et de 150 IU/L pour les femmes.

# Dans l’étude de Miyasaka [2012], le score Activities of Daily Living (ADL) a évalué 15 actions sur une échelle de 0 à 3. Le score global maximal a été de 45 (15 x 3) (fonctionnement normal).

*La valeur de p n’est pas mentionnée par les auteurs [Miyasaka et al., 2012].