En principe, cette indexation permettrait donc d'annuler les effets de 11"inflation mondiale" et de réduire la détérioration des termes de 1'échange des produits pétroliers.
L'introduction de cette échelle Mobile dans los rapports pétro¬
liers entre les pays exportateurs de cette énergie et les pays indus¬
trialisés sont d'une grande originalité. Car aucun autre organisme
■international, y compris lá CFUCED
(ï),
est arrivé à conclure un con¬trat de -ce genre, concernant les produits bruts des pays en voie de développement et qui sont consommés par les pays-dé veioppés.
Ce système d'échelle mobile-porte sur un ajustement annuel de
l'accroissement des prix de référence du pétrole brut à l'exportation.
Car, de i960 à 1970, les prix du pétrole brut,
(voir
chapitre 2, par¬tie
A)
ainsi que la fiscalité, les redevances et les royalties sontrestés stables. Alors que les prix des biens finis exportés par les
pays industrialisés du monde occidental pour équiper les industries pétrolières de ces "nouveaux pays" ont considéralement augmenté.
Mais comment peut-on appliquer une échelle mobile à un système
de relations économiques internationales ?
Il s'agit là, en effet, d'un domaine très complexe et plus nuancé que le premier - "Echelle-Mobile Nationale" -. Les problèmes
que soulèvent une "échelle mobile internationale" sont différents de
ceux de 1'"échelle mobilo nationale".
C'est ce qui amène M. Philippe SIMONOT à faire l'observation
suivante s
(1)
Aa CFQCEB s "Conférence dos Nations Unies pour le commerce et le développement".idep/et/r/2429
Page 413
"Quel indice qui pourra "tenir compte correctement de 1'"infla¬
tion mondiale" ? Les rythmes de hausse des prix varient, on le sait
d'année en année, le pays à pays, de produit à produit - si l'on ne retient, par exemple,, que le prix des produits exportés par les pays industriels, parce que- ce sont surtout ceux-là qui intéressent l'équi¬
libre des paiements clés rays sous-développés, en aboutirait à des for¬
mules ambiguës les prix des exportations des pays développés, ont, en
effet, pendant des années, augmenté beaucoup moins vite que les prix
intérieurs. Puis ils ont commencé à rattraper leur retard.à un rythme
accéléré. Ainsi les effets d'une éventuelle indexation sur ces prix
varieraient énormément selon la période de référence "adoptée".
(ï).
::x A- ce sujet, nous savons que les syndicats français, par exemple, .qontesten0 toujours les indices des prix établis par 1'I.H.S.E.E.
(2)
et qu'ils se basent surtout pendant leurs négociations, sur leurs pro¬
pres calculs et indices.
En général, les pays occidentaux ont du mal à suivre le
coût
de la vie à l'échelle nationale et à établir des indices acceptés pa„r tous les groupes sociaux et politiques. Par exemple, le nombre d'ar¬
ticles retenus par les organismes officiels sont remis constamment en
cause et notamment leur choix, leur évaluation, leur volume d'utilisa¬
tion pour les consommateurs etc....
Pour le CHAH d'IRAIT, l'échelle mobile.: des prix de référence du pétrole brut à l'exportation, peut s'indexer ''sur cinq ou six produits importants - notamment l'acier -.qui ont un rapport *direct sur le coût
de la vie, et aussi à condition que les compagnies n'augmentent pas les prix"
(pendant
une période de 5ans). (3).
(ï)
Philippe 3IM0ÎJ0T article du "Monde" du 19 janvier 197T•(2)
I.1T.S.E.E. = Institut Rational de Statistiques et des Etudes Economiques.(3)
"Le Monde" du26
janvier 197T.idep/et/r/2429
Page 419
En plus du critère de l'évolution des prix de l'acier pour in¬
dexer les prix du pétrole brut, on a pensé aussi aux équipements lourds
dont les pays en voie de développement ont grand besoin pour leur in¬
dustrialisation. _
La production de ces biens est inexistantes dans ces "pays nou¬
veaux", d'où line grande difficulté pour eux de suivre leurs
coûts
de production. Du côté des pays industrialisés, on a en général trois catégories de prix :1)
Un prix à l'exportation ;2)
Un prix intérieur qui se subdivise lui-même en prix de gros et ^en prix' de détail.Comme nous l'avons vu, l'accord de Téhéran du 14
février 1971>
prévoit une augmentation de 2,5
Í°
du "prix-affiche"à
partir du pre¬mier juin 19715 "puis- chaque -début i-'année de 1973
à
-1Ç75j-&nraison
de 1' "infla-tion-mondiale",--aL-o-rs que--le- taux-moyen de la
hausse dus
prix des produits exportés par les pays développés, Selon lesindices
établis par les Nations-Unies, a été de 3
%
par an durant les troisdernières années.
Certains pays exportateurs estiment que, 2,5 7° Par an> c'est
très peu, à une époque où les monnaies se déprécient de 5
à '6 %
par"
. . .1 -s
an, où les termes de l'échange se détériorent de plus en plus et
où
les produits manufacturés ne cessent de croître avec le développement rapide des techniques et de l'élévation constant du niveau de vie.
La mise en application de 1'"échelle mobile internationale"
des prix de pétrole brut ne sera pas facile. Le Gouvernement
Algérien
a d'ores et déjà
rejeté
cette formule en nationalisant le 24 février 1971> tous les transports terrestres d'hydrocarbures, le gaznaturel
idep/et/r/2429
Page 420
et 51
%
des intérêts des sociétés pétrolières françaises opérant enAlgérie après les nationalisations de "biens des autres compagnies pé¬
trolières étrangères. Le Gouvernement Libyen semble suivre la position
des Algériens, en nationalisant en 1970 tout le réseau de distribution
des hydrocarbures sur son territoire.
Les instruments et les outils pour la mise en application de
cette échelle mobile des prix de pétrole brut ne sont pas'encore to¬
talement mis au point, pour pouvoir tirer une conclusion définitive
ou sinon objective.
Dans le dernier chapitre de cette deuxième partie nous allons
voir si cette "échelle mobile internationale" proposée à Caracas,peut
remédier à 1'"inflation mondiale" et à la détérioration des termes de l'échange en matière des prix de pétrole brut.
3)L'échelle
mobile peut-elle rémédier à 1'"inflation mondiale"et à la détérioration des termes de l'échange en matière des prix du pétrole brut ? s
L'échelle mobile en matière des prix du pétrole.brut vise prin¬
cipalement deux objectifs :
a)
Un redressement des "prix-affiches" du brut en cas de déva¬luation d'une "monnaie de pétrole" des pays occidentaux qui tend à
baisser les revenus réels des pays producteurs et exportateurs de pé¬
trole brut.
b)
Réduire les retombées de 1'"inflation-mondiale" sur les éco¬nomies encore sous-développées.
Dès sa mise en application, des réactions défavorables et des
contestations sont venues des deux camps s
idep/et/r/2429
Page 421
a)
"Algérie Actualité" par exemple suppose que "si le Cartel accepte aujourd'hui l'indexation, il le fait surtout pour limiter laréduction de ses privilèges
(...)
1'OPEP no semble plus avoir intérêtsà s'accorder à. une echelle-mobile
(...).
Pourquoi 1'OPEP s'enferme¬rait-elle sous le carcan d'une échelle mobile quand elle peut et doit
■s'en passer ?
(...).
Les pays du tiers-monde peuvent faire pour leurspropres pétroles ce que les Sociétés américaines font pour leur acier".
(ï)
b)
"Le Monde" en commentant l'accord de Téhéran du 14 février 1971 écrirait s "l'inflation mondiale" trouvera un aliment dans l'in¬dexation obtenue par les pays exportateurs" et les compagnies pétro¬
lières occidentales"
(2).
c)
"L'Expansion" de son côté, estime que l'application d'uneéchelle mobile au prix du pétrole brut est -une condamnation désolante
des effets, entrepris par les grands Etats pour freiner l'inflation.
Ceux-ci avaient leur impuissance et abandonnent le gouvernail. Il est
vrai que la faute inflationniste n'est pas imputable au pétrole brut
du Moyen-Orient. Mais qui se reconnaîtra jamais coupable ? L'indexa¬
tion pétrolière devient un argument décisif dont se saisirent peut-être d'autres producteurs de matières premières et sûrement les syn¬
dicats ouvriers des pays industriels
(3).
Une augmentation de l'échelle mobile risque d'aggraver le phé¬
nomène inflationniste à l'échelle mondiale, et, en plus, elle risque
de réduire les'avantages acquis par les pays dits en voie de dévelop¬
pement en général et les pays grands producteurs de matières premières
en particulier.
(ï)
"Algérie Actualité" hebdomadaire algérien 14-20 février 1971.(2)
"Le Monde"16
février 1971.(3) "L'Expansion"
n° 38 février 1971 pp.31.32.
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L'établissement de 1'"échelle mobile internationale" des prix
internationaux du pétrole brut ne_.rétablit pas la confiance antérieure.
Pratiquement toutes les sociétés pétrolières internationales et les
pays occidentaux cherchent à diversifier leurs approvisionnements à
investir dans des régions qui sont politiquement stables et géogra-phiquement proches des pays grands consommateurs. C'est pourquoi au
cours de ces dernières années, les investissements ont gravement bais¬
sé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord - Ce déplacement géographique
des investissements constitue en lui-même un aliment de 1'"inflation mondiale"
(ï).
Du point de vue concurrentiel et dynamique dans le domaine de
la recherche et de la production, 1'"échelle mobile" des prix du
pé¬
trole brut peut constituer un frein aux investissements étrangers
dans les pays pétroliers au lieu de les encourager. Mais elle peut être considérée comme un "certificat de garantie" pour s
- Les pays développés en leur assurant, un approvisionnement pendant 5 &ns et la stabilité des prix du pétrole brut.
- Les pp.ys sous-développés percevront des revenus qui s'accroî¬
tront progressivement et ne seraient plus soumis aux graves
aléas de la
conjoncture internationale.En conclusion, nous pouvons dire que 1'"inflation mondiale"
qui, en fait, est due aux pays développés à cause de leur croissance économique relativement élevée, risque
d'être
attisée par1'"échelle
mobile internationale" et se généralise à l'ensemble des pays en voie
de développement.
(ï)
Les nouvelles zones géographiques sont principa.lement l'Alaska,la Mer du •Nord, la côté Est de l'Atlantique et les différentes
mers plus ou moins profondes.
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Si ce nouveau système cL'échelle-mobile ne constitue pas un re¬
mède sûr et définitif au phénomène inflationniste mondial, il demeure
dans son principe un élément positif .pour....réduira...ls taux de détério¬
rations des termes de l'échange, c'est-à-dire un instrument de justice
sociale et de coopération dans les rapports économiques internatio¬
nales. - c" ' '' " : _1
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Page 424
CONCLUSION GENERALE
L'économie pétrolière des pays producteurs et exportateurs de pétrole "brut aussi "bien du continent africain, de l'Amérique Latine
que du Moyen-Orient, est totalement extravertie. Elle est "une des
celles où le rôle des entreprises dominantes, des groupes dominants
et des effets de domination, sous toutes formes, publiques et privées,
a été et demeure le plus visible"
(ï).
Cette extraversion ou encore cette dépendance de l'industrie pétrolière des pays du Tiers-Monde en général apparaît à trois grands
niveaux :
1)
- Le financement étranger, principalement privé, des activi¬tés pétrolières dans la PERIPHERIE.
2)
- La satisfaction de la demande étrangère, qui trouve son origine uniquement dans les marchés capitalistes dévelop¬pés du CENTRE.
3)
- La croissance de la production intérieure brute ainsi que du revenu ne.tional sur l'impulsion de deux phénomènesénu-mérés ci-dessus.
Ces trois grandes conséquences négatives exercées par le CENTRE
sur la peripherie, entraînent et accélèrent à la fois le processus du transfert des richesses et du surplus des pays producteurs et exporta¬
teurs de pétrole brut vers les pays consommateurs de cette énergie et développe le sous-développement pour les premiers.
(ï)
François PERROUX s "L'Anglo-Iranien Company et les effets de domi¬nation". Economies et Sociétés. Tome II n° 9 sept. 1968 P. 1731.
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Page 425
Dans les pays sous-développés techniquement et exportateurs de pétrole hrut, les sociétés pétrolières internationales ne touchent qu'aux industries extraverties, auxquelles elles se confondent d'ail¬
leurs. Toutes les autres activités en aval sont situées dans les pays
développés. C'est elles aussi qui déterminent le montant des investis¬
sements, . volume de la production et jusqu'à une époque toute récente
de- la fixation des prix F.O.B.
Ainsi, tous "les schémas de 1'équilibre de concurrence sont pro¬
prement dérisoires devant de telles- réalités où apparaît clairement l'influence des groupes organisés et de l'inégalité des parties"
(1)
Ces effets de domination exercés par les sociétés monopolistes désharmonisent le développement économique et social des pays produc¬
teurs et exportateurs de pétrole brut.
En effet, comme l'écrit le Professeur Paul BAIROCH, "on peut
poser comme règle générale que nous nous trouvons placés ici devant
des sociétés où le capital étranger est dominant et dont le but essen¬
tiel est la réalisation et, surtout, le rapatriement d'une fraction
aussi importante que possible des bénéfices, l'investissement n'ayant
été réalisé dans le Tiers-Monde que dans la mesure où les rendements étaient plus élevés que dans les pays développés, ne serait-ce que pour couvrir les risques beaucoup plus grands de nationalisation et
de troubles politiques. C'est d'ailleurs partiellement pourquoi il
n'entre pas dans les plans de ces sociétés d'étendre leurs activités
en aval, car dans ces conditions ces pays n'offrent pas des avantages supplémentaires par rapport aux pays développés"
(2).
Effectivement,les effets induits locaux sont très faibles j impact quasi nul dans
les zones arides et désertiques, du fait de l'installation dans ces endroits là des entreprises ; l'emploi dans les activités pétrolières
est très faible ; les gros profits sont exportés etc.,.
(1)
FrançoisPERROÙX.
Déjà cité p. 1729.(2)
Paul BAIROCH ; Le TjLe.rs-Monde dans l'impasse éd. Gallimard _ col. idées-. Paris 1971 p. 204.idep/et/r/2429
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L'écrémage de cette richesse naturelle qui est considérée comme un hien non renouvelable peut à très court terme handicaper le démar¬
rage économique de ces pays.
"Ainsi, comme le fait remarquer encore le Professeur Paul
BaIROCH, au moment où le pays aurait besoin de disposer de matière pre¬
mières à prix réduit pour faciliter le démarrage des industries
de trans¬
formation, celles-ci risquent de ne plus se.trouver sur place..
Cest-à-dire, à notre avis, un facteur insuffisamment pris en considération par les pouvoirs locaux.Dans la mesura où l'extraction ne crée-pas de condi¬tions favorables au développement général, il est dangereux de donner trop tôt une extension rapide à ce secteur sans tenir compte des ré¬
serves probables et, surtout, de la valeur économique de
celles-ci.
Ainsi l'on peut considérer qu'en général loin de constituer un élément favorable, l'expansion de l'industrie extractive dans les pays sous-développés comporte, de la manière dont elle est entreprise
actuelle¬
ment, beaucoup plus d'aspects négatifs que
positifs" (ï).
Comme nous le constatons, tous les auteurs qui:se sont
penchés
sur ce problème sont unanimes pour souligner les aspects négatifs de
1'extraversion de ce secteur.
Que penser des nationalisations ?
Tout d'abord, elles ne sont pas toujours
faciles à réussir.
Jusqu'à présent, seuls le Mexique
(en 1936)
etl'Algérie (en 1971 ) ont
réussi leurs nationalisations. Car, généralement, cette
dernière est
très aléatoire.
L'intégration totale et la monopolisation des circuits
de
trans¬ports, de-raffinage, de commercialisation et
de;distribution entre
un petit groupe de grandes sociétés internationales rendant automatique¬ment la nouvelle société nationalisée inopérante : Exemple de l'Algérie
(1)
Paul BAIROCH. Déjà cité p, 334.idep/et/r/2429
Page 427
en Février 1971 ef de l'Iran en 1951• Ces deux pays ont été soumis à
un blocus économique, par les sociétés pétrolières regroupées au sein
du CARTEL. En plus cette nouvelle société se voit retirer le:. .personnel étranger, perdre sa clientèle, ses circuits de commercialisation, en
un mot tous les anciens débouchés qui étaient jusqu'alors contrôlés
par le groupe étranger. Ses liens économiques, techniques et financiers :
seront totalement rompus. Mais néanmoins, si ces nationalisations ris¬
quent de compromettre le développement économique du pays tout .au moins
d'une façon momentanée, ces mesures rendront ce dernier souverain ,de
è0s richesses nationales et libre d'en disposer et d'orienter sa pro¬
duction en fonction de ses propres intérêts et de ses propres besoins.
Car "dans la plupart des cas, comme l'écrit P. BAIROCÏÏ, il est proba¬
ble qu'il serait plus prudent de retarder le développement de l'indus¬
trie minière
(en général),
jusqu'à ce que l'économie nationale puisse participer à la valorisation des matières premières(ï).
Les plans de développement économique et social, et la Planifi¬
cation des pays producteurs et exportateurs de pétrole brut aussi bien d'Afrique que d'ailleurs ne sauraient avoir de sens et mériter ces
noms "que dans la mesure où ils englobent le secteur pétrolier et orien¬
tent ce dernier dans le sens des objectifs fixés par la
planirica-tion
(2).
Car jusqu'à présent, cette activité qui s'apparente encore à "l'économie de cueillette" est totalement indépendante du reste del'économie nationale.
Les sociétés pétrolières internationales sont peu soucieuses
du développement des autres activités en aval de ce secteur dans les
pays hôtes.