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La cascade Passerini – Double Smiles – SNAr est composée d’un couplage de Passerini-Smiles suivi d’un enchaînement Smiles – SNAr. Compte tenu de l’efficacité et des très bons rendements de ces deux étapes prises séparément, nous nous sommes intéressés à la mise au point d’une version monotope de la cascade.

Le couplage de Passerini-Smiles optimisé se faisant sans solvant, ces conditions se prêtaient bien au développement d’une séquence monotope. Un premier essai a été réalisé en reprenant les conditions optimisées

pour le couplage de Passerini-Smiles. Après 12 heures à 55 °C, le DMF et le tert-butanolate de potassium ont été ajoutés et le mélange a été chauffé pendant une heure à 100 °C. Après purification, la benzoxazinone attendue a été isolée avec un rendement de 88% (Schéma 160). Ce premier exemple a montré que la cyclisation se faisait très bien même en présence de DABCO (ajouté dans le cas du couplage de Passerini-Smiles avec des aldéhydes).

Schéma 160 : Première tentative de réaction monotope séquentielle

Une fois le concept validé, nous avons réalisé la synthèse de quelques benzoxazinones en faisant varier les trois partenaires de la réaction multicomposant. Les réactions monotopes diffèrent légèrement selon la nature du composé carbonylé et le type de nitrophénol mis en jeu. Ceci est lié aux variantes du couplage de Passerini-Smiles et des séquences Smiles – SNAr développées dans le cas des aldéhydes et des cétones. Quelques benzoxazinones ont été synthétisées via cette séquence monotope; de bons rendements, souvent supérieurs à ceux obtenus en deux étapes avec purification intermédiaire, ont été obtenus; les rendements obtenus en deux étapes sont indiqués entre parenthèses (Figure 59).

Figure 59 : Synthèse monotope de benzoxazinones

Le développement d’une version monotope de la cascade Passerini – Double Smiles – SNAr rend cette stratégie encore plus intéressante. Elle permet d’évoluer vers une chimie verte et plus éco-responsable (moins de traitements et pas de purification intermédiaire). Nous pouvons également remarquer que quatre liaisons (1 C=O, 1 C-O, 1 C-N et 1 C-C) ont été formées lors de cette cascade; c’est une voie de synthèse très efficace.

Conclusion

Les 1,4-benzoxazin-3-ones sont des composés d’intérêt tant dans le domaine de l’agrochimie que dans le secteur pharmaceutique. En effet, ces composés présentent de très nombreuses propriétés biologiques (herbicide, insecticide, antibactérien, antidépresseur, etc…). L’accès à ce type de motif hétérocyclique a suscité l’intérêt de nombreux chimistes de synthèse, cherchant toujours à mettre au point des synthèses plus rapides et efficaces. Dans le cadre de ces travaux de thèse, nous avons développé deux nouvelles voies d’accès aux 1,4-benzoxazin-3-ones (Schéma 161). La première étape est commune à ces deux stratégies; il s’agit d’un couplage de Passerini-Smiles. En comparant ces deux approches, nous pouvons nous rendre compte de leur complémentarité. En effet, à partir d’un même dérivé de 2-nitrophénol substitué, ces séquences permettent d’accéder aux familles régioisomères de 1,4-benzoxazin-3-ones.

Schéma 161 : Nouvelles voies d’accès aux 1,4-benzoxazin-3-ones développées

La première séquence réactionnelle mise au point se termine par un enchaînement réduction – cyclisation (Schéma 162). L’étude de cette cascade s’est déroulée en deux temps : après avoir mis au point les conditions opératoires, nous avons exploré son champ d’application et cherché ses limites.

Schéma 162 : Première stratégie : réduction – cyclisation

Cette stratégie présente un atout majeur par rapport aux synthèses du même genre déjà décrites : elle met en jeu une réaction multicomposant. En effet, le couplage de Passerini-Smiles permet d’introduire une diversité moléculaire bien plus importante que la condensation d’un α-bromoester sur un ortho-aminophénol. Cependant, lors de l’étape de cyclisation, la partie N-substituée de l’amide provenant de l’isonitrile est éliminée. Malgré tout, cette stratégie rapide et efficace permet d’obtenir une bonne diversité au niveau de la partie aromatique et en α de l’amide.

La deuxième stratégie de synthèse, basée sur une cascade Smiles – SNAr, a fait l’objet d’une étude approfondie (Schéma 163). En effet, après avoir mis au point les conditions opératoires et étudié le mécanisme, nous nous sommes intéressés à son champ d’application.

Schéma 163 : Deuxième stratégie : Smiles – SNAr

Par ailleurs, nous avons rendu cette voie de synthèse encore plus efficace en développant une version monotope (Schéma 164). En terme de diversité moléculaire et d’économie d’atomes, cette voie de synthèse est très intéressante car la totalité des groupes introduits lors de la réaction de Passerini-Smiles est conservée, seul le groupe nitro (ou l’atome de fluor) est éliminé lors de la substitution nucléophile aromatique intramoléculaire. C’est une méthode de choix pour accéder à des 1,4-benzoxazin-3-ones diversement substituées.

P

ARTIE

III

:

ÉTUDE MÉCANISTIQUE ET

DÉVELOPPEMENT MÉTHODOLOGIQUE

C

HAPITRE

5

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Étude d’une réaction d’amidification

catalysée par du palladium

n o mb re c u m u d e p u b li ca ti o n s année Contexte de l’étude

Les isonitriles sont des espèces chimiques très utilisées dans le domaine des réactions multicomposant; ils permettent notamment un accès rapide et efficace à des hétérocycliques variés. Tandis que de nombreux couplages pallado-catalysés carbonylants ont été mis au point durant le XXème siècle, il a fallu attendre le début du XXIème siècle pour que des couplages analogues faisant intervenir des isonitriles connaissent un véritable essor.176 En effet, nous pouvons remarquer que depuis 2011, le nombre de publications concernant les réactions pallado-catalysées faisant intervenir une étape d’insertion d’isonitrile a fortement augmenté (Figure 60).

Figure 60 : Évolution observée pour les réactions pallado-catalysées avec insertion d’isonitrile

La publication si tardive de ce type de couplage est assez surprenante compte tenu des avantages des isonitriles. En effet, tandis que les réactions pallado-catalysées avec insertion de monoxyde de carbone mettent en jeu une catalyse hétérogène, les réactions analogues faisant intervenir des isonitriles se déroulent en milieu homogène. De plus, étant présents à l’état solide ou liquide, les isonitriles ne nécessitent pas d’être utilisés en large excès contrairement au cas du monoxyde de carbone (gazeux). Enfin, l’utilisation d’isonitriles (possédant un substituant sur l’atome d’azote) permet d’accéder à des produits plus diversifiés.

Cependant, les isonitriles présentent un inconvénient majeur : ils ont tendance à réaliser des insertions consécutives multiples. En effet, l’insertion de deux ou trois molécules d’isonitrile est couramment décrite et dépend de plusieurs facteurs incluant la nature du ligand, le solvant et le type d’isonitrile employé.177 De plus, il est également connu qu’en présence de catalyseurs à base de palladium, les isonitriles ont tendance à polymériser. Cela a probablement contribué au développement tardif des couplages pallado-catalysés avec insertion d’isonitriles. Les travaux pionniers dans ce domaine ont été réalisés par Kosugi, Ito, et Suzuki à la fin des années 90 (Schéma 165). 178,179,180 Ces premiers couplages impliquaient l’utilisation de sels de palladium.

176 Brennführer, A.; Neumann, H.; Beller, M. Angew. Chem. Int. Ed.2009, 48, 4114-4133; Littke, A. F.; Fu, G. C. Angew. Chem. Int. Ed.2002, 41, 4176-4211.

177 Yamamoto, Y.; Yamazaki, H. Inorg. Chem.1974, 13, 438-443; Owen, G. R.; Vilar, R.; White, A. J. P.; Williams, D. J.

Organometallics2002, 21, 4799-4807.

178 Kosugi, M.; Ogata, T.; Tamura, H.; Sano, H.; Migita, T. Chem. Lett.1986, 15, 1197-1200.

179 Ito,Y.; Bando, T.; Matsuura, T.; lshikawa, M. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1986, 980.

Schéma 165 : Premier exemple de réaction pallado-catalysée avec insertion d’isonitrile rapporté par Kosugi

Ces travaux sont restés peu exploités jusqu’au début des années 2000 avec la publication du couplage entre un halogénure d’aryle, un isonitrile et un nucléophile de type alcoolate, thiolate ou amine rapportée par Whitby (Schéma 166).181

Schéma 166 : Couplage mis au point par l’équipe de Whitby

De même Yamamoto a décrit le couplage à trois composants entre un acétate allylique, un isonitrile et un azoture (Schéma 167).182

Schéma 167 : Couplage à trois composants décrit par l’équipe de Yamamoto

Depuis 2011, de nombreux couplages pallado-catalysés avec insertion d’un isonitrile ont été publiés.183 La plupart de ces réactions font intervenir des halogénures bifonctionnels possédant un site nucléophile. Par exemple, l’équipe d’Orru et Maes a développé un couplage croisé avec insertion intramoléculaire d’isonitrile à partir de

N-(2-bromoaryl)amidines permettant d’accéder efficacement aux 4-aminoquinazolines correspondantes (Schéma 168).184

Schéma 168 : Système catalytique développé par l’équipe d’Orru

Parmi les couplages décrits, de nombreux exemples impliquent le couplage de deux composants entre un nucléophile bifonctionnel de type diamines, aminoalcools et un isonitrile comme cela est rapporté par le groupe de Lang pour former des aminobenzoxazoles (Schéma 169).185

181 Saluste, C. G.; Whitby, R. J.; Furber, M. Angew. Chem. Int. Ed.2000, 39, 4156-4158.

182 Kamijo, S.; Yamamoto, Y. J. Am. Chem. Soc.2002, 124, 11940-11945.

183 Chakrabarty, S.; Choudhary, S.; Doshi, A.; Liu, F.-Q.; Mohan, R.; Ravindra, M. P.; Shah, D.; Yang, X.; Fleming, F. F. Adv. Synth. Catal.2014, 356, 2135-2196; Vlaar, T.; Orru, R. V. A.; Maes, B. U. W.; Ruijter, E. J. Org. Chem.2013, 78, 10469-10475; Lang, S. Chem. Soc. Rev.2013, 42, 4867-4880; Qiu, G.; Ding, Q.; Wu, J. Chem. Soc. Rev.2013, 42, 5257-5269.

184 Van Baelen, G.; Kuijer, S.; Rýček, L.; Sergeyev, S.; Janssen, E.; de Kanter, F. J. J.; Maes, B. U. W.; Ruijter, E.; Orru, R. V. A. Chem. Eur. J.2011, 17, 15039-15044.

Schéma 169 : Synthèse d’aminobenzoxazole développée par le groupe de Lang

Initialement, les premières réactions de ce type mettaient en jeu uniquement des isonitriles fortement encombrés (tert-butyl, tert-octyl, adamantyl). Ce n’est que très récemment que ce type de couplage a été décrit avec d’autres isonitriles.

De manière surprenante, de très rares exemples mettent en jeu un couplage à trois composants impliquant des nucléophiles monofonctionnels tel que Ito, Suzuki ou Whitby les ont décrits. Ainsi, Jiang et al. ont rapporté le couplage entre un aryle bromé, un isonitrile et une molécule d’eau pour former les amides correspondants en présence d’une source de palladium (0) (Schéma 170).186

Schéma 170 : Couplage pallado-catalysé avec insertion d’isonitrile décrit par le groupe de Jiang

En 2013, un couplage trois composants entre un aryl diazonium, un carboxylate et un isonitrile a été mis au point au laboratoire (Schéma 171).187

Schéma 171 : Couplage trois composants mis au point au laboratoire

Cette réaction ne nécessite aucune catalyse et implique probablement des transferts monoélectroniques entre le carboxylate et l’aryl diazonium générant un radical aryle qui réagit ensuite avec l’isonitrile (Schéma 172).

Schéma 172 : Mécanisme proposé pour le couplage trois composant à partir d’aryl diazonium

186 Jiang, H.; Liu, B.; Li, Y.; Wang, A.; Huang, H. Org. Lett.2011, 13, 1028-1031.

187 Basavanag, U. M. V.; Dos Santos, A.; El Kaim, L.; Gámez-Montaño, R.; Grimaud, L. Angew. Chem. Int. Ed.2013, 52, 7194-7197.

L’imidoyl radical ainsi formé transfert probablement un électron à une autre molécule d’aryl diazonium (générant ainsi une chaîne) et le nitrilium résultant est enfin piégé par le carboxylate. L’acylimidoyle obtenu subit ensuite un réarrangement de Mumm pour former l’aryl diimide avec des rendements allant de 31 à 76%.

Compte tenu de ces résultats, nous avons souhaité étendre cette réaction aux aryles iodés en utilisant une catalyse au palladium. En effet, Curran a lui-même transposé la synthèse de la Camptothécine obtenue par addition radicalaire d’un dérivé halogéné sur un isonitrile à une synthèse analogue impliquant une séquence addition-cyclisation pallado-catalysée (Schéma 173). 188,189

Schéma 173 : Séquence addition-cyclisation pallado-catalysée développée par Curran et al.

Malgré la similitude de la réaction à trois composants que nous souhaitions développer avec celle décrite par le groupe de Jiang, nous n’avons jamais réussi à isoler l’aryl diimide attendu et ce, quelles que soient les conditions réactionnelles testées (Schéma 174).

Schéma 174 : Tentative de transposition à une réaction pallado-catalysée

Nous nous sommes donc intéressés au mécanisme de la réaction développée par le groupe de Jiang afin d’essayer de comprendre le mécanisme mis en jeu ainsi que les étapes potentiellement limitantes empêchant la formation du produit en présence d’acétate. Pour cela, nous avons réalisé une étude électrochimique combinant à la fois voltamétrie cyclique et chronoampérométrie afin de caractériser différentes espèces du cycle catalytique. Cette étude a été complétée par des analyses RMN de différents noyaux (1H, 13C, 31P). Parallèlement, des études de modélisation par calculs DFT ont été réalisées par Raymond Grüber sous la direction de Paul Fleurat-Lessard à l’ENS de Lyon.

Étude expérimentale du mécanisme de la réaction

Comme nous l’avons vu précédemment, la réaction développée par le groupe de Jiang est un couplage à trois composants entre un aryle bromé, un isonitrile, et une molécule d’eau pour former un aryl amide en présence de chlorure de palladium, de triphénylphosphine et de fluorure de césium dans un mélange DMSO/H2O. Le mécanisme proposé par les auteurs fait intervenir l’addition oxydante d’une espèce de palladium (0) non définie sur l’aryle bromé pour former le complexe de palladium (II) 419. Il s’ensuit une étape d’insertion de l’isonitrile pour former le complexe 420. L’échange halogène-hydroxyde permet de former le complexe 421 qui subit enfin

188 Josien, H.; Ko, S.-B.; Bom, D.; Curran, D. P. Chem. Eur. J.1998, 4, 67-83.

une élimination réductrice, libérant ainsi l’amide 422 sous sa forme tautomère et régénérant une espèce de palladium (0) (Figure 61).

Figure 61 : Cycle catalytique proposé Jiang et al.

Comme attendu, les rendements obtenus avec les dérivés chlorés sont bien inférieurs à ceux observés avec les dérivés bromés et iodés. De plus, les exemples font intervenir principalement des isonitriles encombrés (tert-butyl, 2,6-diméthylaryl et tert-octyl isonitriles); seuls trois exemples ont été rapportés avec des alkyl isonitriles non encombrés (cyclohexyl, cyclopentyl et isopropyl isonitriles).