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Déroulement du travail d’enquête : étude de deux types de discours

D. Problématisation

I. Parler de la pornographie, une approche féministe

4. Posture et approche méthodologique

4.2. Déroulement du travail d’enquête : étude de deux types de discours

Pour ma recherche, dans un souci d’accessibilité et d’intelligibilité je me suis concentrée sur les personnes francophones. Mon envie première était de m’intéresser à des personnes qui produisent de la pornographie critique tout en étant nouvelles dans ce milieu. L’association pour laquelle je travaille promouvant principalement des artistes émergentexs, une recherche dans la programmation de celle-ci, puis sur via des blogs, site ou comptes instagram recensant divers producteuricexs de pornographie critique m’ont permis d’effectuer une liste de personnes à contacter.

J’ai ensuite décidé de m’intéresser particulièrement aux personnes qui produisent de la pornographie critique en collectif et pour qui la notion de « collectif » est centrale dans le processus de production. Il est impossible de recenser toutes les productions qui se réapproprient les normes pornographiques, c’est pourquoi j’ai fait le choix de concentrer mon analyse sur trois collectifs francophones qui ont comme point commun de débuter dans le milieu de la pornographie. Il se trouve que les collectifs viennent de trois pays différents : la Suisse, la France et la Belgique, ce choix n’était pas volontaire, il permettra cependant de les différencier.

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Tableau récapitulatif des collectifs :

Collectif Année de création Nombre de courts-métrages (au moment de l’entretien) Autodénomination

Suisse 2018 3 (+1 en cours) Pornographie éthique

Français 2018 1 Pornographie gay queer féministe

Belge 2018 3 Pornographie féministe queer

Pour mon enquête j’ai fait le choix de ne pas m’intéresser directement aux images pornographiques produites par les collectifs. En effet, si les films réalisés ont été visionnés, ils ne seront pas analysés dans le cadre de ce mémoire. Ce choix était d’abord d’ordre pratique : au moment où ce mémoire a été débuté, aucun des films n’était disponible en ligne ou ailleurs. Il m’a été possible de les voir uniquement de par ma position au sein de l’association pour laquelle je travaille. La question de la diffusion et de l’accessibilité de ces films sera analysée dans la suite de ce mémoire.

Je me suis intéressée aux discours de ces différents collectifs, les discours « sur » la pornographie donc, pour reprendre l’analyse qu’en fait Marie-Anne Paveau (2014a). J’ai fait passer un entretien à cinq personnes des collectifs et j’ai analysé les manifestes produits par les collectifs.

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De par mon travail dans l’association, il m’a été aisé d’accéder aux différents collectifs. En effet, le collectif belge avait été programmé lors de la toute première édition du festival, le collectif suisse a envoyé ses films suite à l’appel à projet pour la programmation de la deuxième édition et le collectif français a été programmé la deuxième année sur conseil d’une connaissance. J’ai donc fait une recherche dans la programmation du festival, sélectionné les collectifs qui m’intéressaient et je les ai contacté pour leur proposer de participer à mon enquête. Les trois collectifs ont été contactés par email. J’ai rapidement expliqué mon cursus, le sujet de mon enquête et leur ai demandé d’y participer.

Pour le collectif français, deux personnes (sur quatre) ont répondu à mes questions. Les deux personnes m’ont proposé de faire l’entretien en même temps, car ils habitaient ensemble. L’entretien a été fait via Skype, les interviewés étant au Portugal au moment de l’entretien et moi à Genève.

J’ai ensuite interviewé séparément deux personnes (sur six) du collectif suisse. Les deux entretiens ont eu lieu dans des cafés à Genève, les interviewéexs étant de passage dans la ville où j’étais également.

Pour le collectif belge, j’ai interviewé la personne à l’initiative du projet, j’étais supposée parler avec une deuxième personne, mais celle-ci n’a finalement jamais donné suite. La personne du collectif a été interviewée via Skype. J’avais déjà communiqué avec elle l’année précédente lors du festival.

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Prénom22 Âgé Formation

Karl

(collectif français)

32 ans Master en étude genre

Thèse sur la sexualité (en cours)

Charlie

(collectif français)

27 ans Licence en communication sociale Master en cinéma (en cours)

Cours de photographie de mode et documentaire

Judith

(collectif suisse)

27 ans Diplôme professionnel de photographie Diplôme supérieur de photographie (en cours)

Maj

(collectif suisse)

30 ans Licence en géographie, français et anthropologie Master en anthropologie orientation documentaire

Adèle

(collectif belge)

27 ans Licence en photographie

Master en narration spéculative

Les personnes qui composent les trois collectifs ont comme point commun d’avoir toutes fait des études supérieures. Trois des personnes interviewées ont un parcours en lien avec l’image et plus particulièrement avec la photographie. Trois autres des personnes qui composent le collectif suisse ont également fait des études supérieures en photographie alors que Maj, la sixième personne du collectif, a suivi une formation universitaire. Tout comme Karl du collectif français qui a obtenu un master en étude genre et qui poursuit son cursus en réalisant actuellement une thèse.

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Au total, mon corpus est formé de cinq entretiens qui ont duré entre 1h et 1h30, et qui ont ensuite été retranscrits et analysés. Les cinq entretiens se sont bien passés. La volonté des personnes interviewées de faire connaitre leur projet et de détabouisé la pornographie, l’intérêt que je leur ai témoigné ainsi que mes connaissances du domaine, ont fait que les discussions étaient fluides et agréables.

4.2.2. Analyse des textes produits par les collectifs

Les trois collectifs étudiés ont comme point commun d’avoir un manifeste disponible sur leur site internet. C’est de prime abord via leurs textes que je les ai connus puisqu’aucun de leur film n’était alors disponible en ligne. Cette recherche se concentrant sur les discours, il me semble primordial d’intégrer les textes produits par les collectifs à mon analyse. En outre, les productions textuelles font partie intégrante des projets relevant des pornographies qui revêtent des objectifs politiques (Paveau 2014a). J’ai mentionné au début de ce mémoire le « Post Porn Modernist Manifesto » de 1989, beaucoup de pornographies critiques qui se sont développées dans le sillage des porn wars possèdent également un manifeste qui permet de définir leur pratique et leurs buts. Le manifeste est à la base des collectifs, il est à la fois « un discours programmatique, politique et symbolique » (Andrin 2018) du positionnement de ses auteurices.

Au total, mon corpus est formé des trois manifestes des collectifs. Ces textes sont disponibles en annexe.

Le manifeste du collectif belge se divise en cinq parties, il contient 243 mots et est écrit à la première personne du pluriel. L’utilisation du « nous » exprime la dimension collective du groupe. Le manifeste décline qui sont les personnes à la base du projet, qu’elles sont leurs intentions et comment s’est formé leur collectif.

Le manifeste du collectif français est le plus long puisqu’il contient plus de 2000 mots. Le manifeste est écrit comme si le collectif parlait à la troisième personne du singulier sous le nom du collectif (le collectif est…). Il utilise également la forme inclusive de la troisième personne du

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singulier le « ille »23. Le manifeste explique le positionnement du collectif quant à la pornographie

tout en l’historicisant. Il cite également des auteurices, artistes et cinéastes qui ont influencé sa pensée et son travail et expose ses intentions.

Le manifeste du collectif suisse est le seul à être écrit en anglais, il contient 214 mots. Il est écrit à la troisième personne du singulier (le collectif est…) ainsi qu’à la première personne du pluriel (nous) renseignant également sur la dimension collective du projet. Il est divisé en cinq parties : introduction, consentement, espace sécuritaire, représentations et éthique.