• Aucun résultat trouvé

Notre recherche doctorale sur l'émergence de la communication financière dans les sociétés françaises cotées est le fruit d'un "processus dynamique de recherche"

(Savall et Zardet, 2004, p.49)51 qui a commencé en janvier 2002. Nous avons souhaité, dans cette section, préciser notre processus de raisonnement scientifique et d'élaboration de la connaissance qui s'est déroulé sur cette longue période. Ce processus résulte du positionnement épistémologique (4.1.) et du mode de raisonnement (4.2.) adoptés.

4.4.11.. PPoossiittiioonnnneemmeenntt ééppiissttéémmoollooggiiqquuee

Avant d'entrer dans le vif du sujet en précisant les présupposés de notre recherche, nous avons souhaité rappeler les fondements des différents paradigmes qui nous ont permis d'asseoir notre une réflexion épistémologique.

4.1.1. Eléments pour une réflexion épistémologique

Les sciences de gestion proposent un portefeuille varié de positionnements épistémologiques composé plus précisément des trois principaux paradigmes épistémologiques couramment identifiés en sciences de l'organisation, que sont le paradigme positiviste, le paradigme interprétativiste et le paradigme constructiviste (Perret et Séville, 2003)52. Savall et Zardet (2004, p.53)53 proposent de s'appuyer sur

"les deux épistémologies repères que sont le positivisme et le constructivisme". En réalité, les auteurs considèrent que "les recherches interprétativistes se situent

51 Savall H. et Zardet V. (2004), Recherche en Sciences de Gestion : Approche Qualimétrique – Observer l'objet complexe, Paris, Economica, 432 p.

52 Perret V. et Séville M. (2003), "Fondements épistémologiques de la recherche", in Thiétart R.-A. et coll. (2003), Méthodes de recherche en management, Dunod, 2ème édition, pp.21-33.

53 Savall H. et Zardet V. (2004), op. cit., p.53.

aisément dans les épistémologies constructivistes". Qu'ils soient au nombre de deux ou de trois, faut-il faire un choix entre ces différents paradigmes ?

Perret et Séville (2003, p.30)54 s'interrogent ainsi sur la nécessité de "faire un choix de principe entre les paradigmes et s'en tenir rigoureusement à ce choix". Trois positions sont alors possibles comme le montre la figure suivante (Perret et Séville, 2003, p.31)55 :

Figure 4 – Positionnement face à la coexistence de plusieurs paradigmes

Si, pour notre part, notre position dans le cadre de notre recherche consiste à

"adopter un paradigme comme un véritable acte de foi" (Perret et Séville, 2003, p.32)56, il convient de rappeler que quel que soit le positionnement retenu par le chercheur, ce dernier se doit de mener une "réflexion épistémologique qui lui permette d'expliciter clairement les présupposés de sa recherche" en répondant aux diverses questions épistémologiques que soulève cette dernière. Il appartient en effet au chercheur de s'interroger "sur la nature de la réalité qu'il pense appréhender", "sur le lien qu'il entretient avec son objet de recherche" ("Quelle est la nature de la

connaissance produite ?"), sur la démarche de production de connaissance qu'il souhaite et qu'il peut emprunter ("Comment la connaissance est-elle engendrée ?") et sur les critères qui lui permettront d'évaluer la connaissance qu'il produit" ("Quels sont la valeur et le statut de cette connaissance?") (Perret et Séville, 2003, pp.32-33)57. Afin d'asseoir notre réflexion épistémologique, Perret et Séville (2003, p.14)58 nous invitent à nous poser une série de questions présentées dans la figure suivante en nous inspirant des réponses fournies par les trois principaux paradigmes évoqués précédemment :

Figure 5 – Réflexion épistémologique du chercheur (adapté de Perret et Séville, 2003, p.14)59

Reflet d'une réalité indépendante du chercheur

Interprétation de la réalité par le chercheur Construction de la réalité par le chercheur

Par un processus d'explication

Il convient tout d'abord de préciser notre vision de la nature de la réalité, le chemin de la connaissance scientifique et les critères de validité de la recherche. Le tableau suivant fournit des éléments de réponses issus des trois paradigmes épistémologiques.

Tableau 3 - Positions épistémologiques des paradigmes positiviste, interprétativiste et constructiviste" (Perret et Séville, 2003, pp.14-15)

L'essence de l'objet ne peut être atteinte (constructivisme modéré ou interprétativisme)

4.1.2. Les présupposés de notre recherche

Si toute recherche soulève ces questions épistémologiques, notre recherche ne trouve pas de réponse dans les paradigmes positiviste et constructiviste. Les réponses apportées par ces deux paradigmes nous ont en effet paru trop radicales.

Par sa prise en compte de la contextualisation des phénomènes, le paradigme interprétativiste constitue le positionnement le plus en adéquation avec notre problématique de recherche qui rappelons-le vise à améliorer la compréhension de l'émergence de la communication financière dans les sociétés françaises cotées.

Le paradigme interprétativiste constitue un compromis épistémologique reflétant assez bien notre vision de la réalité. En effet, la réalité est à notre sens difficilement indépendante du sujet et de l'objet. La réalité, ou "objet complexe" pour reprendre les termes de Savall et Zardet (2004, p.38)60 à laquelle accède le chercheur et loin d'être purement objective. En effet, la "question de la déformation de l'objet étudié"

se pose alors immédiatement. Cette question est d'autant plus essentielle que "le chercheur accède le plus souvent non pas à la réalité elle-même, qui préexiste à la recherche, mais aux représentations des acteurs de l'entreprise construites à partir de leurs propres perceptions" (Savall et Zardet, 2004, p. 39)61. Nous nous sommes en effet largement basée sur l'expérience vécue par les acteurs.

La recherche ne constitue à ce titre qu'une représentation de représentations de la réalité par le chercheur. Les "yeux" du chercheur ont une place primordiale dans le processus de recherche. Que voit le chercheur ? Comment voit le chercheur ?

60 Savall H. et Zardet V. (2004), Recherche en Sciences de Gestion – Approche Qualimétrique : Observer l'objet complexe, Economica, 432 p.

61 Savall H. et Zardet V. (2004), op. cit.

Le chercheur ne voit qu'une image de la réalité et sa vision est altérée par la subjectivité inhérente à tout être humain. Les données auxquelles nous avons eu accès pour mener notre recherche ne sont, en effet, que des interprétations de la réalité et plus précisément des interprétations du phénomène étudié. C'est là notre plus grande frustration : celle de ne pas avoir vécu en personne le phénomène.

Puisqu'il s'agit d'étudier un phénomène passé, auquel nous n'avons pas été directement confrontée, nous avons été amenée à interpréter des données subjectives puisque ces données sont elles-mêmes issues des représentations des acteurs qui ont induit ces données.

C'est ce qu'explique Perret et Séville (2003, p.23)62 en distinguant deux niveaux de compréhension sont distingués par :

"le processus par lequel les individus, dans leur vie quotidienne, sont amenés à interpréter et à comprendre leur propre monde"

"le processus par lequel le chercheur interprète les significations subjectives qui fondent le comportement des individus qu'il étudie".

La perception que nous avons de cette réalité passée est dépendante de l'interprétation du phénomène étudié. Il paraît en effet difficile d'admettre l'objectivité des données collectées, issues pour la plupart d'archives ou du moins issues du regard et/ou de la plume d'acteurs autres que le chercheur. Par ailleurs, à la subjectivité des données, nous pouvons également envisager la subjectivité du chercheur. Nous rejetons donc l'hypothèse utopique de neutralité du chercheur à l'égard des données collectées.

62 Perret V. et Séville M. (2003), art. cit..

Dans cette perspective, les paradigmes positiviste et constructiviste ne peuvent s'appliquer à notre sujet de recherche. En effet, nous soutenons d'une part que la réalité que nous étudions est dépendante des hommes. Ce qui d'emblée élimine le positionnement positiviste. D'autre part, bien que passée, cette réalité existe et n'est pas à construire : nous rejetons ainsi un constructivisme radical. Nous revendiquons un positionnement interprétativiste, le paradigme interprétativiste accordant en effet

"un statut privilégié … à la compréhension". Ainsi, par notre interprétation des données, nous tentons de nous faire une représentation la plus proche possible de la façon dont les acteurs perçoivent eux-mêmes la réalité. Deux critères de validité sont mis en avant par les interprétativistes : à savoir le caractère idiographique de la recherche et la capacité d'empathie du chercheur. Pour s'assurer de la validité de notre recherche, nous avons donc cherché à étudier le phénomène dans son contexte (idiographie) et nous avons cherché à nous approprier le langage et les terminologies propres aux acteurs (empathie) : notre maîtrise préalable du vocabulaire et des techniques comptables et financières nous a été d'une grande aide.

4.4.22.. MMooddee ddee rraaiissoonnnneemmeenntt

Même si notre démarche est globalement inductive puisqu'elle ne cherche pas à tester une théorie mais à générer une théorie de la communication financière, nous rejetons une induction pure Toutefois, nous dépassons le débat inductif - déductif voire abductif et préférons plaider pour un raisonnement interactif. Ainsi, nos observations empiriques vont nous guider dans le choix a posteriori de référentiels théoriques pour nous aider dans la construction d'une théorie de la communication financière.