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CADRE THÉORIQUE

2.3.2 «LES» COMPÉTENCES

3.4 DÉROULEMENT DES GROUPES DE DISCUSSION

Cette section expose de façon concrète le déroulement des trois groupes de discussion. Nous présentons premièrement les questions posées à nos trois groupes de discussion. Ensuite, nous expliquons comment s’est déroulée l’organisation logistique de ces groupes.

3.4.1 QUESTIONS DE L’ENTRETIEN COLLECTIF

Comme nous l’avons vu à la section 2.4.2 (La transposition didactique à partir de pratiques), la première étape consiste à définir les «situations professionnelles». Selon Perrenoud (2001), une compétence est définie comme étant la maîtrise globale d’une situation professionnelle à l’aide des ressources issues du savoir-faire, du savoir-être et du savoir. L’auteur définit la situation comme étant quelque chose que «le praticien considère subjectivement comme une situation, en fonction de sa propre façon de découper le flux des événements, de définir les enjeux et d’emboiter les poupées russes». Elles sont problématiques, spécifiques et emblématiques de la profession.

De son côté, le Ministère de l’Éducation (2004) propose une méthode qu’il appelle l’«analyse de situation de travail» (AST) pour faire la description fine des pratiques professionnelles avant l’élaboration d’un programme de formation. Elle consiste à questionner en groupe des praticiens de la profession sur le découpage de leur travail. La première étape d’une AST est de questionner les participants sur les activités inhérentes à la profession. Une activité est quelque chose de «facile à décrire par la personne qui connaît la profession ou le métier, […] qui doit inclure un

ensemble d’actions particulières». Des attitudes et des connaissances sont nécessaires pour les réaliser. De plus, ces activités doivent se rapporter à «la finalité du travail, c’est-à-dire les produits ou les services rendus qui en découlent» (Ministère de l'Éducation du Québec, 2002, pp. 32-33). Nous pouvons en conclure que la définition de situation professionnelle de Perrenoud (2001) et celle d’activité professionnelle du Ministère de l’Éducation du Québec (2002) sont apparentées. Une activité professionnelle serait le «savoir-agir» (Tardif, 2006) du professionnel sur la situation. Comme les activités se situent à un niveau général, on ne devrait pas en retrouver plus d’une douzaine (Ministère de l’Éducation du Québec 2002).

Toujours selon le Ministère de l'Éducation du Québec (2002), la prochaine étape d’une AST consiste à décrire les composantes de chacune des activités, c’est-à-dire les actions qui les constituent. Celles-ci peuvent référer à un ensemble des gestes plus précis de l’activité qui servent à illustrer le processus de réalisation de l’activité ou des étapes de subdivision de celles- ci. De plus, pour chacune des activités mentionnées, les participants sont invités à énumérer quelques conditions générales pour une réalisation satisfaisante de celle-ci, tels l’environnement adéquat, les outils utilisés, les documents de référence consultés. Les participants sont également invités à proposer quelques critères observables et mesurables qui indiquent que l’activité est adéquatement réalisée. Finalement, pour chacune des activités, les participants sont invités à se prononcer sur les attitudes et les connaissances à posséder pour une réalisation adéquate.

Voici donc la liste des questions que nous avons posées lors groupes de discussion. Afin de collecter le même type de données à partir de nos trois groupes de discussion, les mêmes questions ont été posées aux trois groupes de discussion. Le déroulement de chacun d’eux s’est fait de manière identique. La durée des groupes de discussion a été de quatre heures, incluant les périodes d’explication du chercheur et les pauses. Plus de précisions sur le déroulement sont fournies à la section 3.4.2.

• 50 minutes : Quelles sont les activités professionnelles des interprètes LSQ-français ? • 45 minutes : Pour chacune des activités identifiées par le groupe, quelles sont les actions

spécifiques qui les composent ?

• 20 minutes : Pour chacune des activités ou actions identifiées par le groupe, pouvez-vous énumérer quelques conditions de réalisation pour une exécution satisfaisante ?

• 20 minutes : Pour chacune des activités identifiées par le groupe, quelles attitudes ou quelles habiletés socio-affectives doit posséder un interprète ? Justifiez pourquoi.

• 45 minutes : Pour chacune des activités identifiées par le groupe, que doit savoir (connaissances) un interprète ? Justifiez pourquoi.

Une question supplémentaire a été prévue au cas où des éléments importants relevés lors de l’analyse des programmes en interprétation en langue des signes au Canada n’étaient pas mentionnés pendant le groupe de discussion. Cette question était facultative et elle a été posée à deux des trois groupes de discussion. Elle n’a pas été posée à l’un de ces groupes puisqu’aucun élément significatif ne semblait avoir été omis par le groupe.

• 15 minutes : Lors de la revue de littérature effectuée dans le cadre de la préparation pour cette recherche, certains éléments sont ressortis qui n’ont pas été mentionnés dans le cadre de ce groupe de discussion, par exemple : [le chercheur nomme l’élément en question]. Pensez-vous qu’il serait pertinent d’inclure également cet élément? Justifiez pourquoi.

3.4.2 GUIDE D’ENTRETIEN ET ORGANISATION LOGISTIQUE

L’objectif de l’adoption des groupes de discussion comme méthodologie de collecte de données était d’assurer une certaine normativité dans les réponses obtenues afin d’avoir de l’information sur les pratiques professionnelles de référence ainsi que d’assurer l’exhaustivité des données recueillies pour couvrir tout le champ de la pratique professionnelle des interprètes. C’est pourquoi nous avons décidé de préparer un guide d’entretien des participants, qui leur a été envoyé environ une semaine à l’avance, afin qu’ils puissent commencer à structurer leur réflexion. De plus, les questions d’animation comportant des concepts précis (activités, actions, attitudes, etc.), le guide leur permettait de s’y familiariser, même s’ils étaient expliqués sur place. Des exemples tirés de Perrenoud (2001) et du Ministère de l’Éducation du Québec (2002) étaient fournis pour éclairer les participants. Les trois guides étaient identiques, à l’exception de quelques détails qui font référence à «interprète», «Sourd» ou «employeur». On retrouve à l’Annexe 10 le guide qui a été envoyé aux participants du groupe des interprètes.

Les auteurs consultés (Duchesne & Haegel, 2009; Morgan, 1988; Stewart & Shamdasani, 2015) consacrent tous une section au choix de l’animateur. Dans le cas de cette recherche, c’est le

chercheur qui a assumé le rôle de l’animation puisque celui-ci maîtrise les deux langues de communication utilisées dépendamment des groupes, soit la LSQ et le français. Toutefois, la communauté qui rassemble les Sourds et les interprètes LSQ-français est petite, et comme le chercheur est professionnellement impliqué dans la communauté depuis plus de vingt ans, ce dernier connaissait toutes les personnes présentes aux trois groupes, à divers degrés. C’est pourquoi, en introduction, il a rappelé aux participants que ces groupes de discussion s’effectuaient dans un contexte de recherche scientifique et qu’ils devaient s’exprimer en faisant abstraction de leur perception des connaissances de l’animateur sur le sujet en question.

Morgan (1988) aborde la question du degré d’implication de l’animateur. Selon l’auteur, cette implication se situe sur un continuum qui va du plus directif au moins directif. Les plus directifs contrôlent les sujets discutés et la dynamique du groupe alors que de l’autre côté, les animateurs jouent un rôle minime dans la dynamique du groupe. Selon l’auteur, le degré d’implication de l’animateur doit être déterminé en fonction du type de données suscitées désirées par la mise en place du groupe de discussion. Ainsi, pour la période consacrée à la première question de l’entretien collectif (définir une liste d’activités professionnelles), l’animateur a été légèrement plus impliqué, car il devait amener le groupe à s’entendre sur une liste qui fait relativement consensus. Pour les autres questions (conditions de réalisation, actions, attitudes et connaissances), celui-ci est resté plus en retrait et à l’écoute des participants. Toutefois, pour la toute dernière question (facultative, en fonction d’éléments importants ressortis dans le cadre théorique et absent des discussions), le simple fait qu’il pose une question sur un élément précis au groupe dénote un degré d’implication plus grand.

Les groupes de discussion se sont tenus dans un local de classe de l’Université de Montréal, munis d’un ordinateur, d’une toile et d’un projecteur. Une preneuse de notes était présente et retranscrivait les propositions d’activités professionnelles par les participants et les éventuelles modifications apportées par le groupe. Ces notes étaient prises par ordinateur, à l’aide du logiciel de traitement de texte Word et projetées de manière à être visibles pour l’ensemble du groupe. À la fin de la période de discussion portant sur les activités professionnelles, il n’y avait plus de notes retranscrites à l’écran pour les questions suivantes afin de favoriser la fluidité des échanges. La liste des activités professionnelles demeurait toutefois affichée et servait de repère au groupe ainsi qu’à l’animateur pour relancer les discussions au besoin.

Tous les groupes de discussion ont été filmés à l’aide de trois caméras pour les groupes des interprètes et des employeurs et de quatre caméras pour le groupe des Sourds, afin d’assurer une meilleure visibilité des participants puisqu’ils s’exprimaient en LSQ, sans aucune voix. Un responsable logistique s’assurait à la fois du bon fonctionnement des caméras et assumait le rôle de la gestion des tours de parole. Lorsque la question était posée et expliquée par l’animateur, le responsable logistique pigeait au hasard le nom d’un participant qui disposait d’une minute pour répondre. Au besoin, c’était le responsable logistique qui intervenait pour demander au participant de conclure. Lorsque tous les membres du groupe avaient été pigés, le reste du temps consacré à la question était une période d’échanges libres. Le responsable logistique notait les noms pour les tours de parole et demandait, après un maximum de deux minutes, au participant de conclure s’il y avait lieu. C’était également lui qui mettait fin à la discussion sur une question lorsque la période était terminée. Cette façon de procéder permettait à l’animateur de se concentrer sur son rôle et conserver une posture réflexive concernant son rôle et ses attitudes en cours d’échange, en plus d’assurer que sa relation avec les participants n’était pas entachée par une intervention où il leur aurait demandé de conclure.

Tous les échanges qui ont eu lieu au cours des groupes de discussion ont été retranscrits en document texte. Les échanges du groupe des interprètes et du groupe des employeurs ont été effectués en français et ont été retranscrits tels quels. Toutefois, comme il y avait des Sourds et des entendants au groupe des employeurs, tous bilingues LSQ/français, les participants s’exprimaient oralement et utilisaient des signes pour faciliter la lecture labiale par les Sourds présents. Pour le groupe des Sourds, comme les échanges se déroulaient en LSQ, la retranscription de leurs propos a fait l’objet d’une traduction en français écrit par le chercheur. Afin de s’assurer de la fidélité du travail de traduction et contrôler les possibles biais du chercheur qui pourraient entacher la fiabilité des données, 30% du corpus de données traduit sélectionné au hasard a fait l’objet d’une validation externe par un interprète LSQ-français agréé par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ). Celui-ci en a conclu que le travail de traduction effectué avait été fait de manière rigoureuse; aucun contresens ou omission significative n’a été remarqué lors de cette validation.

Nous avons décrit dans cette section comment nous avons constitué notre corpus de données, à travers les entretiens collectifs qui ont eu lieu lors de nos groupes de discussion. Nous concluons

ainsi la première grande étape de notre méthodologie, qui consiste à faire la description fine des pratiques professionnelles de référence en interprétation LSQ-français. La deuxième grande étape consiste à partir de ces données et constituer le profil de sortie d’une formation professionnelle initiale en interprétation LSQ-français. La prochaine section présente comment nous y sommes parvenus.