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Fiche de synthèse de l’écrit

Littérarités 30 scolaires: objets de savoirs, de formation et d’enseignement

4. Déroulement de la formation

4. Déroulement de la formation

L’ensemble des contenus et des activités de la formation ne peuvent être détaillées ici. Nous en proposons néanmoins une brève synthèse, avant que de décrire plus finement les planifications initiales produites par les enseignants avant le début de la formation. Celle-ci s’est à ce jour étendue sur 4 séances qui ont donné lieu à 2 cours et à 2 ateliers de 90 minutes chacun, un dernier atelier devant encore se dérouler. A chaque séance correspond un module spécifique. Les deux premiers visent globalement l’introduction de la perspective devant guider les ateliers d’ingénierie didactique, et à fournir aux formés des outils de réflexion en ce sens.

Le premier module a pour objectifs de faire émerger les représentations des formés quant à la littérature, à son enseignement et à son apprentissage, ainsi que d’interroger l’inscription institutionnelle d’un enseignement qui porterait sur la Vénus Anadyomène. A cet effet, nous avons, entre autres, soumis les directives du Plan d’études romand (2010) relatives à l’enseignement de la littérature à la critique des formés, en tentant d’orienter leur lecture sur les partis-pris idéologiques, esthétiques et moraux perceptibles à travers ces instructions officielles.

Le deuxième module consiste à observer, dans un premier temps, certains parallélismes existant entre l’évolution historique de l’enseignement de la littérature (Legros & Canvat 1997 ; Dufays, Gemenne & Ledur, 2005) et les phénomènes d’instabilité sémantique et axiologique dont témoignent les réceptions et critiques successives de la Vénus Anadyomène (Plessen, 1967 ; Rifaterre, 1979 ; Murphy, 1990). Cette rétrospective croisée donne en effet à voir que l’école et la critique experte ont toutes deux tendu à approcher successivement des textes littéraires suivant les perspectives représentées dans ce tableau :

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Dans un deuxième temps, en s’appuyant sur la double logique historico-scolaire et métacritique précitée, une activité collective a permis de mettre en évidence, au sein des pratiques d’enseignement de la littérature, l’enchevêtrement et la solidarité de leurs aspects épistémologiques et praxéologiques.

Suite à ces deux modules, trois périodes sont consacrées à des ateliers d’ingénierie didactique.

Ces derniers visent la production d’une séquence didactique « finale » sur la Vénus qui prenne en considération les déterminations « internes » et « externes » du poème transposé en classe, ainsi que son inscription dans un intertexte étendu. Ces ateliers ont été pensés de manière à rendre possibles des recoupements successifs entre les diverses formes d’activités d’enseignement individuelles et collectives, ainsi qu’orales et écrites. Elles ont par-dessus tout cherché à articuler des postures dites « participatives » et de « distanciation » dans le souci de répondre in fine à une logique de « va-et-vient dialectique » (Dufays, Gemmene & Ledur, 2005) entre les deux postures précitées.

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Planifications initiales d’enseignements

Nous appropriant cette pierre de touche du travail en séquences didactiques que constitue la production initiale et la transférant à notre situation de formation, nous avons dans un premier temps demandé aux futurs enseignants de concevoir des activités d’enseignement autour de la Vénus Anadyomène qu’ils seraient susceptibles d’utiliser dans leurs classes respectives36. Ces planifications initiales représentent ainsi des formes de projections qu’il s’agit de distinguer des productions initiales - lesquelles donnent à voir, en situation d’enseignement, les diverses représentations que des élèves se font d’un genre textuel donné, leurs connaissances préexistantes à l’enseignement, de même que les obstacles qu’ils rencontrent lors de cette tâche de production textuelle spécifique. Les planifications initiales de séquences d’enseignement, quant à elles, sont doublement virtuelles. Comme toute planification d’enseignement, elles visent à anticiper et à mettre en place certaines conditions d’une situation d’enseignement (en fonction des objectifs scolaires, de l’objet à enseigner et des élèves à qui elles s’adressent) : c’est là leur première dimension virtuelle. Au sein de notre dispositif de formation, ces planifications initiales ont pour fonction de projeter un projet d’enseignement portant sur un objet littéraire tel que la Vénus Anadyomène. Par l’intermédiaire du dédoublement de leur virtualité, et suivant ce qui est fait, au cours de la formation, de ces « esquisses d’esquisses », certains maillons d’un premier segment de la chaîne transpositive qui nous intéresse, reliant des objets de savoir aux objets à enseigner, se prête ainsi à l’observation. Suivant les perspectives croisées de la recherche et de la formation, les planifications initiales représentent plus exactement les intérêts apparaissant dans le tableau suivant :

36 Les seules consignes supplémentaires consistaient à faire en sorte que ces activités soient réalisables sur une période comprise entre 4 à 6 x 45 minutes. Il a également été demandé aux enseignants ne

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S’agissant (enfin) des activités projetées au travers des quatre planifications initiales produites par les jeunes enseignants, ces dernières apparaissent représentatives des diverses perspectives épistémologique et praxéologique (voire, idéologique) suivant lesquelles un objet littéraire tel que la Vénus anadyomène est susceptible de se voir transposé en classe.

En substance, les quatre séquences (A, B, C et D) font la part la part belle aux approches technico-formelles et historiques du texte poétique. Chacune d’entre elles s’appuie, pour problématiser le poème, sur des intertextes ou paratextes choisis soit en fonction du thème de la Vénus (les séquences A, B et C se réfèrent à la Naissance de Vénus de Boticelli, tandis que la B propose également des activités en lien avec un extrait la Théogonie d’Hésiode, et que la D intègre l’écoute de la Vénus callipyge de Brassens), soit en fonction de leur appartenance aux genres poétiques des éloges, blasons, contre-éloges et contre-blasons (la séquence D suppose encore les lectures de poèmes de Marot, Ronsard et Scarron). La séquence A cherche en outre à inscrire ses activités dans une approche globale – bien que strictement formelle – de la variété des genres poétiques en convoquant sonnets, dizains, vers libres et calligrammes pour l’observation, ou en proposant encore le texte d’un rap comme support d’exercice et comme moyen d’évaluation.

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Trois séquences (A, B et C) fournissent des informations biographiques sur Rimbaud pour déclencher des discussions et des interprétations. Toutes trois organisent diverses activités de compréhension (parfois remarquablement conçues) par une approche du vocabulaire du poème, et accordent aux champs lexicaux une place de choix dans leurs dispositifs.

Peut-être parce qu’elles tiennent la connaissance des règles de versification pour un prérequis au travail sur la Vénus, les activités de deux séquences (C et D) sont particulièrement respectueuses du contexte culturel de production du poème, ainsi que des réceptions ou de la créativité potentielle des élèves. Elles parviennent de ce fait à proposer des pistes de travail variées. La séquence C consacre 6 activités (sur un total de 9) à la compréhension (discussions, travaux individuels, par groupes, collectifs, paraphrases et réécriture du sonnet en prose entreprise dans le but de mieux le lire) avant que de déclencher des activités d’interprétation du poème en se penchant sur ses inscriptions historiques et biographiques. Elle vise finalement la rédaction d’un commentaire guidé par le plan suivant :

1. Introduction (nommer le titre, l’auteur, etc.).

2. La forme (rimes, vers, etc.).

3. L’opposition entre la Vénus anadyomène classique et celle proposée par Rimbaud

4. La visée du poème (poème écrit contre le Parnasse) 5. Conclusion générale

La séquence D entend pour sa part « mettre en pratique les instruments d’analyse acquis » avant que d’inscrire le poème dans « une pratique historique de référence » - soit comparer le poème avec des exemples de blasons, de contre-blasons, d’éloges et de contre-éloges, en observant les « procédés langagiers » constitutifs de ces genres poétiques (lexique laudatif vs dépréciatif, figures valorisantes vs dévalorisantes, métaphores, comparaisons, hyperboles).

Cette séquence vise finalement la rédaction, par les élèves, d’un « sonnet de blâme d’une célébrité masculine » dont le titre serait « Clarus Apollo ».

De deux cas particuliers

Nous aimerions proposer une analyse plus approfondie de certaines activités comprises par les séquences A et B. Elles nous semblent en effet représentatives de divers effets que

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les situations d’enseignement que sur les rapports à la Vénus Anadyomène qu’elles induisent, ne serait-ce qu’involontairement. Nous pourrons ensuite formuler quelques hypothèses au sujet des tensions que les quatre planifications donnent à voir quant à la définition des littérarités scolaires.

La première séquence (A) consacre un dossier (cinq pages d’exercices) à la versification et aux figures de style, lequel ne mentionne pas la Vénus. Au haut de sa première page, à la droite d’un portrait de Victor Hugo, apparait la remarque suivante : « Pour étudier un poème il faut d’abord savoir compter les syllabes dans un vers français ». Suite à ce dossier, la séquence propose un questionnaire visant principalement à retrouver, dans le poème de Rimbaud cette fois, les savoirs techniques exercés auparavant. La séquence présente plus tard une activité plus « ouverte » avec l’écriture d’une « description opposée à celle du poème » devant s’inspirer d’une reproduction de la Vénus de Boticelli. Cette activité peut être, à nos yeux, considérée comme un exemple d’une transposition didactique des théories formelles de la littérature. En considérant la forme parodique du poème source, l’enseignant s’est attelé à imaginer une activité permettant aux élèves de la reproduire. Que ce jeu formel conduise à l’annulation des dimensions provocatrices de la Vénus n’est ainsi rien de plus qu’un effet collatéral des règles sur lesquelles il repose.

La séquence (B), enfin, conditionne l’accès au poème à une approche que l’on pourrait qualifier de comparatiste restreinte. Cette dernière suppose l’exécution de tâches expertes, empreintes d’une tradition classique et mythologique. Il y est ainsi, entre autres, demandé aux élèves d’ « expliquer le poème de Rimbaud à partir de celui d’Hésiode », d’établir si la Naissance de Vénus de Boticelli « correspond plus aux critères esthétiques d’Hésiode ou de Rimbaud » ou encore de « rédiger un sonnet qui parodie la force légendaire d'Hercule en s'inspirant de la satire de la beauté qu'Arthur Rimbaud a faite en écrivant sa Vénus Anadyomène ». Cette dernière tâche – que l’enseignant projette d’employer pour évaluer les apprentissages de ses élèves – s’appuie par ailleurs sur la liste, fournie, des 12 travaux d’Hercule. Nous pouvons encore remarquer que cette séquence B est la seule à demander aux élèves si la Vénus Anadyomène leur plaît. Il fait cependant peu de doutes qu’une réponse négative soit attendue ; elle sera même probablement déclenchée par la question fermée qui

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précède : « Les critères de beauté véhiculés aujourd'hui par la mode (magazines) correspondent-ils plus à ceux du poème de Rimbaud (XIXe siècle) ou à ceux d'Hésiode (VIIe siècle av. J-C) ? ». Par leurs références répétées aux « grands auteurs du passé », par ce qui pourrait s’apparenter à un outillage idéologique dont l’effet serait de diriger les expériences et les réceptions des élèves vers une lecture préexistante (celle de l’enseignant ? celle que suppose une conception esthétisante des textes littéraires ?), ces tâches tendent pour le moins à se distancier du projet du poème – ramenant en quelque sorte ses contenus référentiels au statut d’écarts à une norme intemporelle – et d’autre part à rendre problématique l’accession des élèves au statut d’interlocuteurs.

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