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Fiche de synthèse de l’écrit

Littérarités 30 scolaires: objets de savoirs, de formation et d’enseignement

5. Conclusions provisoires

précède : « Les critères de beauté véhiculés aujourd'hui par la mode (magazines) correspondent-ils plus à ceux du poème de Rimbaud (XIXe siècle) ou à ceux d'Hésiode (VIIe siècle av. J-C) ? ». Par leurs références répétées aux « grands auteurs du passé », par ce qui pourrait s’apparenter à un outillage idéologique dont l’effet serait de diriger les expériences et les réceptions des élèves vers une lecture préexistante (celle de l’enseignant ? celle que suppose une conception esthétisante des textes littéraires ?), ces tâches tendent pour le moins à se distancier du projet du poème – ramenant en quelque sorte ses contenus référentiels au statut d’écarts à une norme intemporelle – et d’autre part à rendre problématique l’accession des élèves au statut d’interlocuteurs.

5. Conclusions provisoires

La facture excessivement synthétique de cette analyse des séquences initiales n’est pas à la mesure des logiques de progression imaginées par les futurs enseignants, pas plus que de la diversité des activités planifiées, et encore moins des ingénieuses qualités didactiques qui peuvent y être observées. Cependant, sans forcer le trait ou risquer la caricature, nous pouvons constater que :

- chacune de ces séquences suppose, favorise ou vise principalement, à l’image du commentaire clôturant la séquence C, des postures distanciées vis-à-vis de la Vénus (voire, dans un cas, une posture relevant de la révérence à des canons esthétiques classiques) ;

- certaines activités des séquences A et B, par des phénomènes d’anamorphoses formelles ou idéologiques, tendent à inverser explicitement (certainement malgré elles) la direction ou les objectifs du poème ;

- l’approche architextuelle développée par la séquence D, par un autre phénomène d’anamorphose formelle, tend à neutraliser la problématisation esthétique et sociale de la beauté, de la morale et de la femme pourtant véhiculée par le poème. Ce sont en effet, dans ce cas, des exemples de genres poétiques formellement similaires à la Vénus Anadyomène qui prennent la place d’un possible développement de ses aspects

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Si l’on peut observer que certaines des tâches envisagées entrent en tension avec divers aspects du poème, ou parviennent avec un succès mitigé à prendre en compte les dimensions psychoaffectives des élèves à qui elle s’adressent, il n’en demeure pas moins que, dans trois séquences, des activités proposent de lire la Vénus pour écrire, sur le mode de la parodie ou de la satire, des textes personnels (et ce, en lien avec des contextes contemporains aux élèves pour A et D) ; dans la séquence C, enfin, c’est une écriture paraphrastique qui se trouve mise au service de la compréhension, puis de l’interprétation du poème. Ces observations suffisent à rendre compte de ce que les élèves sont bel et bien pris en considération par ces planifications initiales. De même, il s’agit de garder à l’esprit que ces dernières se sont vues produites dans le cadre de la formation, cette déclinaison particulière de l’espace de la skholé qui, à l’image de ce qui se passe lors des situations d’enseignement, relève du domaine de l’expérimentation et préserve ceci étant les enseignants des critères d’« efficacité » ou de

« rentabilité » directes.

Si quelques activités analysées donnent à voir des phénomènes de neutralisation de certaines des dimensions polémiques, sociales, et esthétiques du poème, il faut bien admettre que le problème posé par la transposition didactique de la Vénus Anadyomène n’y est probablement pas pour rien. En effet, dans un cadre scolaire, lire ou écrire à partir ou en vue de ce poème implique de très nombreuses difficultés. S’y donnent à lire, entre autres, des figures de dégradation variées et aussi choquantes que peuvent l’être celles de la déesse antique et de la femme dans la figure d’une prostituée (elle-même dégradée physiquement), ou encore celle du registre poétique classique vers un vocabulaire vulgaire. Ces aspects sont bien sûr des plus délicats à faire entrer à l’école, d’autant plus que si le propos du poème vise plutôt une critique ou pour le moins une problématisation de ces dégradations, la complexité de son dispositif de représentation – qui suscite des réactions psychoaffectives très fortes tout en superposant de nombreux niveaux de potentialités sémantiques et axiologiques – tend à promouvoir leurs contradictions au rang de système. Il y a ainsi de quoi rendre très difficile (ou impossible ?), pour les élèves comme pour les enseignants, toute approche capable d’englober chacune de ces dimensions. Comme si ces obstacles ne suffisaient pas, la Vénus Anadyomène prend elle-même parti à la fois contre la reproduction d’une morale préconstruite, et contre l’effacement de l’inscription sociale des productions artistiques. A

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travers ces motifs de lutte de l’esthétique rimbaldienne, ce sont donc deux perspectives classiques suivant lesquelles l’école elle-même prescrit, ou promeut l’approche de la littérature qui se trouvent remises en question : il suffit que l’on entre dans ce poème par un certain type d’informations biographiques, que l’on cherche à en faire une source édifiante d’exemples moraux, ou que l’on adopte la perspective des approches formelles de la littérature pour que la Vénus Anadyomène ressorte comme « défigurée » (nous insistons : par l’école, pas par les enseignants) de son bain didactique.

Les lectures que nous avons faites de ces planifications initiales nous renvoient à certains résultats des recherches du GRAFE, lesquels mettent en évidence que les pratiques d’enseignement peuvent être approchées en tant que sédimentations parfois contradictoires de couches historiques des pratiques antérieures (Schneuwly & Dolz, 2009). A cet égard, la pertinence qu’il y aurait à aborder (pour la formation comme pour la recherche) l’interdépendance des tensions des littérarités scolaires, des situations de formation et de celles des situations d’enseignement par le biais des rapports dialectiques existants entre épistémologie et praxéologie nous semble rencontrer, avec les premiers mouvements de cette recherche, quelques signes encourageants. De la même manière, il nous semble qu’en se penchant de plus près sur les singularités des textes littéraires qu’elles abordent (en s’appuyant par exemple sur les perspectives critiques développées à leur sujet par des lecteurs experts), les approches didactiques de la littérature pourraient s’attendre à des gains non négligeables : cette précaution permettrait par exemple de questionner plus loin les rapports entre l’histoire des pratiques de l’enseignement et celle des savoirs de référence, et serait enfin l’occasion de jeter un pont, qui nous semble nécessaire, entre les domaines des didacticiens et ceux des littéraires.

Finalement, si les analyses des planifications initiales que nous avons proposées commencent à nous renseigner sur le jeu des objets de savoir, de formation et d’enseignement à l’œuvre au sein de notre situation de formation, il s’agira, pour la suite de la recherche, d’observer et de décrire en quoi les interventions du formateur et les phénomènes de circulation des savoirs entre les jeunes enseignants transforment certaines représentations, voire, certaines de leurs

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Bibliographie de l’article 1:

Daunay, B. (1999). La « lecture littéraire », les risques d’une mystification, Recherches, 30, 19-36.

Daunay, B. (2007a). État des recherches en didactique de la littérature : note de synthèse.

Revue française de pédagogie, 159, 139-189.

Dufays, J.-L., Gemenne, L. & Ledur, D. (2005). Pour une lecture littéraire. Bruxelles : De Boeck.

Genette, G. (1982). Palimpsestes. Paris : Ed. Seuils.

Kuentz, P. (1972). L’envers du texte, Littérature, 7, 3-26.

Legros, G. & Canvat, K. (1997). Enseigner la poésie moderne ?, Pratiques, 93, 5-29.

Maisonneuve, L. (2010). Lire et apprendre à lire à l'école primaire, la question du texte littéraire. Thèse d’habilitation.

Murphy, S. (1990). Le premier Rimbaud ou l’apprentissage de la subversion. Lyon : Editions du CNRS, PUL.

Conférence Intercantonale de l’instruction publique de la Suisse-Romande et du Tessin (2010).

Plan d’études romand, Cycle 2, version 2.0, Langues.

Plessen, J. (1967). Promenade et Poésie. La Haye, Paris : Mouton & Cie.

Reuter, Y. (1990). Définir les biens littéraires ? Pratiques, 67, 5-14.

Rimbaud, A. (1870/2009). Vénus Anadyomène, Les Cahiers de Douai (p.66). Paris : Pléiade.

Riffaterre, M. (1979). La production du texte. Paris : Le Seuil.

Schneuwly, B. & Dolz, J.(dir.) (2009). Des objets enseignés en classe de français. Rennes, PUR.

ETAPE 1

ARTICLE 2

Ce que quelques traces de réceptions d’un poème par des élèves…

Fiche de synthèse de l’écrit

Référence : Vuillet, Y, (2014). Ce que quelques traces de réceptions d’un poème par des élèves peuvent faire dire de l’enseignement de la littérature. In La lettre de l’AIRDF, dossier :

« Didactique et sociologie : quelles rencontres ? quels échanges ? », 55, Liège.

Contexte : Cet article a été écrit au début de l’année 2013. Il fait écho à une suggestion de mon directeur de thèse, Joaquim Dolz-Mestre, de proposer un texte pour un dossier thématique de la Lettre de l’AIRDF devant traiter des liens entre didactique et sociologie.

Résumé: S’appuyant sur la distinction faite par Lahire (2009) entre sociologie de la consommation et sociologie de la réception culturelle, cet article considère « le littéraire » comme relevant d’une valeur socio-historiquement construite. Il analyse quelques réceptions d’un poème produites en classe afin d’interroger le rôle qu’un contexte scolaire peut avoir dans la construction d’un rapport au littéraire : les

« lectures littéraires » y sont ainsi saisies en tant qu’elles impliquent des tâches scolaires qui orientent les rapports que les élèves construisent avec un texte.

Cet article propose encore de voir dans la qualité d’instrument psychologique partagée par les textes littéraires et les tâches scolaires une possible explication au fait que des élèves, à qui l’on demande de réagir au texte, thématisent plus largement le travail qu’ils font en classe.

Récit d’étape de recherche :

Alors que le premier article (Vuillet, 2011) abordait la question des valeurs en tant qu’elles seraient « contenues » par des textes littéraires, cette seconde publication considère la littérature elle-même comme relevant d’une valeur.

L’enseignement de la littérature est approché ici à travers de nombreuses focales : sociologies de la consommation et de la réception culturelle, « lectures littéraires », psychologie développementale (etc.). L’importance du contexte scolaire dans la construction individuelle d’un rapport à la littérature est problématisée à travers des discours produits par des élèves au sujet du sonnet de la V.A. Une distance est prise avec le concept de « lecture littéraire », estimé peu représentatif de la variété des activités scolaires déployées à l’entour du poème.

Ce que quelques traces de réceptions d’un poème par des élèves…

Ce que quelques traces de réceptions d’un poème par des élèves

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